Milou à St Quentin.

Bonsoir à toutes et à tous.

J'ai revu lundi soir, avec un plaisir toujours identique, le film de Louis Malle, "Milou en Mai", que j'ai dû regarder 6 ou 7 fois déjà. La première m'a marqué, puisque c'était à New-York, avec une copine américaine et francophile. Louis Malle, là-bas, est connu et apprécié. Mai 68 dans le Gers via Manhattan, c'est quelque chose! L'idée géniale de l'auteur, c'est de nous faire savourer l'esprit soixante-huitard très loin de Paris et des barricades, au fin fond d'une campagne et dans une famille bourgeoise que rien ne prédisposait à être touchée par la grâce de Mai. Et ça marche! Mai comme si on y était, dans les disputes et les rapprochements autour d'un héritage à partager (pas celui de Mai, mais de la vieille mère qui vient de décéder).

C'est un film jubilatoire. Tout 68 est là: le plaisir, la liberté, la communauté, l'utopie, la sexualité, ... Avec cette phrase de Piccoli, reprise à Voltaire, qui m'a toujours enchanté, que j'ai souvent répétée à ma copine américaine: "J'ai décidé d'être heureux parce que c'est bon pour la santé". Formule que je dédie aujourd'hui aux commentateurs grognons, grincheux, pisse-froid et rabat-joie qui me font l'amitié de m'interpeller sur ce blog: soyez heureux, bon sang, vous en serez de surcroît plus intelligents! La méchanceté, croyez-moi, abêtit.

Le débat qui a suivi portait sur Mai 68 à Saint-Quentin: comment chacun a-t-il vécu ou perçu l'évènement? C'était passionnant. Saint-Quentin, Quartier Latin, même combat? Eh oui. Des lycéens de Condorcet ont tenté de dépaver la rue de Baudreuil et d'ériger une mini-barricade. Incroyable, non? Bien sûr, la ville, comme aujourd'hui, n'était pas universitaire, et le PCF, à la différence d'aujourd'hui, dominait avec Mimile Tournay la gauche. Deux données qui rendaient difficile la propagation du gauchisme. Mais la grève ouvrière a fait entendre sa voix. Le 13 mai, 3500 manifestants se sont retrouvés place de l'Hôtel de Ville, à l'appel des syndicats et des partis politiques. Fin mai, un nouveau rassemblement a mobilisé autant de monde.

Sans oublier la riposte gaulliste, avec la création d'un Comité de Défense de la République, présidé par le maire Jacques Braconnier, flanqué d'un vice-président, jeune étudiant en histoire-géographie à Amiens, ... Vincent Savelli. Mon collègue aurait pu rejoindre l'aile progressiste de l'UJP, Union des Jeunes pour le Progrès, des gaullistes bizarrement soixante-huitards. Non, c'est l'orthodoxie gaullienne qui a prévalu chez lui. Toujours est-il que le CDR a organisé lui aussi une manif place de l'Hôtel de Ville, qui a réuni plusieurs milliers de personnes. Et Savelli nous raconte que la violence s'est aussi déchaînée dans notre bonne ville, entre l'UJP et les communistes. Et pendant ce temps-là, qu'allaient voir les braves gens au cinéma Le Carillon? "Le gendarme de St Tropez", un peu comme aujourd'hui on se précipite sur les "Ch'tis". Finalement, rien n'a changé. 68 for ever.


Bonne soirée.