Un 8 mai le 9 mai?

Bonjour à toutes et à tous.

Je n'ai écouté ce matin Rocard sur RTL que quelques minutes, avant d'aller à Henri Martin. J'ai cru comprendre qu'il proposait de faire du 9 mai, journée de l'Europe, un jour férié, et de supprimer le 8 mai. Avec aussi cette idée, je crois, qu'il vaut mieux célébrer l'union de l'Europe que la victoire sur l'Allemagne. Pourquoi pas. L'Europe doit être fêtée, c'est certain, et lui attribuer un jour férié est une bonne idée. Mais je pense que la victoire sur le nazisme ne doit pas être oubliée. C'est tout de même le mal absolu du siècle passé, une tragédie mondiale sur laquelle nous ne devons pas cesser de méditer. A condition de ne pas en faire la défaite d'une nation mais d'une idéologie qui est partie de l'Allemagne pour gangréner bien d'autres pays, notamment la France, avec le régime de Vichy. D'accord pour le 9 mai, vu ainsi: le rappel et la condamnation d'une idéologie meurtrière conjointement à la célébration de son antidote, l'Europe unie.

Concrètement, les cérémonies patriotiques pourraient subsister, car les anciens combattants y tiennent, et c'est normal d'entretenir le souvenir des sacrifices, des souffrances et des morts. Mais l'exaltation de l'Europe démocratique serait leur finalité. Les leçons du passé afin de construire l'avenir, en quelque sorte. Je propose que le drapeau tricolore alterne, lors de ces cérémonies, avec le drapeau bleu de l'Europe. Le symbole serait très fort.

Cette suggestion va t-elle encourager les élus locaux d'extrême gauche à participer à cette cérémonie, puisque je déplorais hier leur absence à Saint-Quentin? Non seulement je ne le crois pas, mais je pense qu'ils s'en trouveront renforcés dans leur volonté d'être absents, alors que la tradition socialiste a toujours poussé ses élus à être présents. Car l'Europe telle que nous la célébrons, nous socialistes, n'est pas la leur. Ils réclament une "autre Europe", chimérique, en vérité une anti-Europe. Et les minoritaires socialistes se retrouvent à leur côté!

Même la célébration de la lutte contre le nazisme ne fait pas l'unanimité dans les rangs de l'extrême gauche, alors qu'on pourrait penser que cela va de soi. Les communistes ont toujours été de fervents partisans de cette commémoration, leur histoire étant très marquée par leur rôle dans la Résistance. Les lambertistes ont une autre façon de voir: l'antifascisme n'est pas pour eux un combat ouvrier prioritaire. Il ne s'inscrit pas vraiment dans une logique de lutte de classes. Et puis, les lambertistes, à la pointe de l'antistalinisme, ont compris que l'antifascisme classique était aussi une arme entre les mains des stals. OCI, PCI, MPPT, aujourd'hui PT, vous ne les verrez pas collectivement dans des manifs contre l'extrême droite, contre le FN.

De ce point de vue, que je comprends mais que je ne partage pas, je me sens plus proche des pablistes de la LCR, qui ont toujours pratiqué l'antifascisme, parfois jusqu'à l'excès, les cassages de gueule avec Occident, Ordre Nouveau, le GUD et le GAJ. Mais à tout prendre, je préfère ça à la position lambertiste, qui inciterait plutôt à frapper sur un cédétiste ou un réformiste dans mon genre. Pas grave, on n'en meurt pas. Mais quand même... AJS SS, c'est aussi ce qu'on a entendu dans l'après-68, certes aussi excessif que le CRS SS. Weber le pabliste, devenu depuis réformiste, a écrit là-dessus un opuscule intéressant.

Il y a cependant une partie disparue de l'extrême gauche qui a célébré l'antinazisme et la Résistance française, ce sont les maos de la Gauche prolétarienne. Sous la conduite de Maurice Clavel, écrivain gaullo-gauchiste, Geismar, Le Bris, Le Dantec et quelques autres sont allés se recueillir au Mont Valérien, haut lieu du gaullisme historique, et je crois que c'était un 8 mai (à vérifier). Ces maos étaient très imprégnés par la culture de la Résistance, puisqu'ils avaient leur propre hymne, non pas l'Internationale mais le chant des "nouveaux partisans". Un groupe mao s'est fait appeler "Nouvelle Résistance", et la GP est à l'origine du quotidien Libération. Clavel a toujours prétendu que ce lien entre maoïsme et Résistance française avait sauvé cette fraction de l'extrême gauche du terrorisme.

Les maos de la GP auraient défilé, c'est sûr, le 8 mai dans les rues de Saint-Quentin. Avec leurs drapeaux rouges, bien sûr. Mais à chacun son drapeau. Le mien aurait été européen. Peut-être pour l'an prochain, mais le 9 mai?


Bon après-midi.