Comme en politique.

Bonjour à toutes et à tous.

Hier, Karine Perocheau, de l'Aisne Nouvelle, m'appelle pour me demander ce que je pense de l'Euro 2008 qui commence aujourd'hui. Embêtant. Je lui dis la vérité? Bin oui, comme toujours, comme sur ce blog, je crois qu'il est plus simple de dire ce qu'on pense. Et ce que je pense du foot, c'est que je m'en fous. Pas politiquement correct, c'est vrai. Et je suis sûr que plein de gens qui ont le même avis ne l'avoueraient pas publiquement. Qu'ils se forceraient au contraire de paraitre fous de foot, parce que beaucoup de gens le sont. Il y a un conformisme ambiant, un populisme de bon ton qui pousse à penser comme tout le monde. Quand on est de gauche, on se doit d'échapper à cette tare.

Donc j'explique à Karine que je n'aime pas le football et que je connais très mal ses règles. Sauf que je ne rate pas les demi-finales et finale de l'Euro ou du Mondial! Allons bon, serait-ce une contradiction? Bien sûr que non. En vérité, je n'aime pas le foot mais je me passionne pour les derniers matchs, les rencontres fatidiques, les affrontements décisifs. Ce sont des spectacles grandioses, un suspense souvent insoutenable, une dramaturgie de grande qualité. Si je poussais un peu le bouchon, je dirais qu'il y a de la tragédie grecque là-dedans. C'est une grande leçon de vie, de philosophie et de politique, où se croisent l'homme et le groupe, la liberté et la contrainte, le hasard et la fatalité, la victoire et la défaite, l'honneur et la honte, la souffrance et la joie.

Le footballeur sait qu'il ne gagnera pas tout seul, que l'esprit collectif prévaut, que l'harmonie de l'équipe, la répartition judicieuse des rôles sont prédominantes. Cohésion, unité et un bon capitaine, voilà les clés de la victoire, comme en politique. Et pourtant, un bon jeu personnel est nécessaire. L'initiative individuelle n'est pas abolie dès que nos champions entrent sur le terrain. Le succès vient de là: concilier la liberté personnelle et l'esprit d'équipe. Plus et mieux que ça: que la liberté de chacun renforce l'unité de tous, que l'unité de tous autorise la liberté de chacun. Comme en politique.

Le foot, c'est aussi l'occasion, sur la pelouse, d'exercer de nombreuses vertus morales, de les porter à leur plus haute intensité: le courage, l'audace, la ruse, la persévérance, la ténacité, l'espoir, la foi, la fidélité, la loyauté, le sérieux, le travail, l'humilité, la volonté, l'imagination, l'intelligence, l'anticipation, l'habileté, l'adaptabilité, j'arrête là, je pourrai continuer... En politique aussi, il faut utiliser une gamme variée de capacités pour parvenir à ses fins. Isolez une de ces qualités, aussi puissante soit-elle, elle ne vous permettra pas, seule, de l'emporter. On ne réussit pas en politique parce qu'on est intelligent ou bien parce qu'on est habile. Il faut les deux et les autres. C'est ce qui rend difficile cette pratique qu'est la politique.

Le foot est un monde cruel, comme la politique, parce que comme elle, ce n'est pas une activité entièrement rationnelle. Les plus grands, qui mériteraient la victoire, basculent parfois dans la défaite. Et pourquoi? Pour rien, presque rien, un coup trop fort ou trop faible, un geste malheureux, quelques centimètres trop loin ou trop courts, quelques secondes qui manquent ou qui n'en finissent pas. Le football comme la politique, c'est l'impitoyable loi du temps qui passe et du destin qui frappe. Rien ne semble possible et tout peut arriver. Avec cette sentence finale: Malheur aux vaincus!

Rendez-vous à la fin du mois pour les ultimes tournois de l'Euro. Pour la politique, il faudra attendre un peu, mais l'entraînement bien sûr ne se relâche pas.


Bonne fin de matinée.