L'Aisne avec DSK

11 juin 2008

La mal opposition.

"Mal" est un adjectif qui subit depuis quelques années un usage inédit, quand il est placé avant un substantif. Ainsi, on parle un peu bizarrement de "mal bouffe". Mon camarade Claude Venet dénonce la "mal démocratie". Je me soumets à mon tour au langage à la mode en employant le terme de "mal opposition", qui vise le groupe minoritaire au conseil municipal de Saint-Quentin. C'est à propos d'une émission d'Aisne TV hier, le journal télévisé départemental, qu'on peut regarder sur le net et que chacun pourra facilement retrouver.

Un reportage était consacré au mur du stade Debrésie, qui a défrayé la chronique locale il y a 15 jours, et qui manifestement refait surface. La chaîne de télévision est allée sur place, nous a montré l'objet du contentieux et s'est enquérie de l'avis de Carole Berlemont, conseillère municipale d'opposition, à l'origine de la protestation contre le projet du maire Pierre André. Si je parle à son propos de "mal opposition", c'est que je ne partage pas du tout ses explications. Sur trois points:

1- Ce dossier ne doit pas revenir à l'opposition mais doit rester de la responsabilité de la majorité. Ce n'est pas aux conseillers municipaux de gauche d'aller enquêter sur place pour faire le travail qui relève de la droite, en vertu du résultat des élections. Sinon, c'est trop facile: Dès que Pierre André va rencontrer une difficulté, il va refiler le bébé à l'opposition! Qu'il le fasse, c'est habile, c'est de bonne guerre. Que l'opposition accepte et se prête au jeu, c'est con. Voilà d'abord ce que j'appelle la "mal opposition".

2- L'analyse du dossier que fait Carole Berlemont est, sous couvert de bonnes intentions, complètement erronée. Présenter des jets de pierre par des gamins comme un geste de protestation sociale, une dénonciation de leur exclusion, non, ce n'est pas sérieux. J'ai rappelé, il y a environ une semaine, combien les gens du voyage étaient victimes de discrimination. J'ai condamné, à ce propos, les paroles inadmissibles du maire de Fayet. Mais cette position de principe ne m'empêche pas de penser et de dire que ce qui se passe à Debrésie relève de la pure et simple délinquance.

Décidemment, à Saint-Quentin, nous sommes à rebours de l'évolution socialiste au niveau national, nous sommes revenus à une ligne anté-Jospin. Celui-ci avait rompu avec un certain angélisme de gauche qui consistait à trouver des raisons, sinon des excuses, à des actes répréhensibles, au motif que la situation sociale les expliquait et en quelque sorte les disculpait. Ce point de vue choquait les milieux populaires que les difficultés rencontrées n'ont cependant jamais entraînés dans l'illégalité. Au moment des émeutes urbaines de 2005, seule une partie de la gauche radicale s'était risquée à donner une justification sociale de l'évènement. Je ne conteste pas qu'une situation d'injustice conduise à des comportements inciviques, c'est évident. Mais je conteste que tout comportement incivique résulte d'une situation d'injustice. Les dealers qui introduisent le désordre dans un quartier ne sont pas des révoltés contre l'ordre social!

A Debrésie, pour ce que j'en sais, pour ce qu'en disent eux-mêmes les gens du voyage, nous avons affaire avec des gamins que les parents ne contrôlent plus et qui font des bêtises pour eux amusantes mais très perturbantes pour les joueurs et les spectateurs. En faire une analyse sociale ou politique me parait déplacé, tout comme qualifier le projet de Pierre André de "mur de la honte". Je le dis d'autant plus librement que ce mur ne me semble pas être une solution, en termes de coût et d'efficacité.

3- Carole Berlemont persiste dans la proposition qui avait fait s'esclaffer la majorité en conseil municipal: Offrir des places gratuites aux enfants, bref inclure les exclus. Sauf que la proposition a déjà été retenue, appliquée... et sans effet, comme l'explique Frédérique Macarez, directrice de cabinet du maire.

Que serait une bonne opposition de gauche? Celle qui intégrerait les évolutions du Parti socialiste depuis une vingtaine d'années et qui ont conduit celui-ci à acquérir, après bien des difficultés, des efforts et des renoncements, une culture de gouvernement. C'est ce qui nous manque à Saint-Quentin, une gauche de gouvernement. L'actuelle opposition est dans une culture de la protestation, ses réflexes sont ceux de la gauche des années 70. Elle ne pourra pas évoluer, parce qu'elle est arrimée à l'extrême gauche. La seule perspective pour les réformistes saint-quentinois, dans les années qui viennent, sera de changer de gauche, à défaut de changer la gauche.


A plus tard.