Ma dernière heure.
Bonsoir à toutes et à toutes.
Ma dernière heure est venue. C'était hier. Non, pas l'heure fatale d'où l'on ne revient plus. Je veux parler de ma dernière heure de cours de l'année scolaire, hier, entre 15h et 17h. Que mes lecteurs anti-enseignants ne se réjouissent pas trop vite, qu'ils ne se précipitent pas, dans leur courageux anonymat, à me faire un commentaire vengeur sur "le prof qui est déjà en vacances et qui reprendra le travail en septembre". Celle-là, on me l'a déjà faite, et elle ne marche pas: La fin des cours n'est pas la fin de l'année. M'attendent les surveillances du bac, la correction des copies (120 environ), la préparation de l'oral et l'audition des candidats.
Pour ma dernière heure, j'avais 5 élèves sur 32. Je ne sais pas si c'est normal, mais c'est compréhensible. C'est la fin, les élèves sèchent, souvent d'ailleurs pour réviser les matières les plus importantes ou dans lesquelles ils rencontrent des difficultés. Le problème, c'est que certains en profitent pour glander: Roland Garros, l'Euro de foot, le soleil, ça n'invite pas au travail. Et puis les parents ne savent plus très bien si leurs enfants sont au lycée ou dans la rue. Bref, le problème est sérieux, le Courrier Picard lui a consacré une page, dans son édition du 22 mai, sous la plume d'Emilie Bar.
Ce que j'en retiens, et ce que mon expérience de 15 ans d'enseignement confirme, c'est que l'absentéisme (c'est ainsi que l'institution nomme le problème) a changé de nature. L'école buissonnière d'autrefois était réservée aux cancres. L'expression a disparu, le phénomène s'est banalisé et normalisé dans ce qu'on a coutume d'appeler un absentéisme de confort, qui est le fait d'élèves de bonne foi, parfois avec d'excellents résultats scolaires. Quand j'étais lycéen, personne n'aurait eu l'idée de prendre un rendez-vous chez le dentiste ou de passer le permis pendant le temps scolaire. Aujourd'hui, c'est hélas admis, tacitement, et validé par les parents qui font un mot d'excuses. Ainsi est devenue notre société: Le savoir passe après la santé et la conduite. Les horaires de cours ont cessé d'être sacrés. Il y a d'autres priorités.
Sachant cela, l'ayant subi, je tente chaque année d'affronter le problème, d'aménager ces derniers jours afin que mes élèves restent le plus longtemps possible en classe, car c'est encore le meilleur endroit où ils pourront préparer leur bac. D'autant que cette année était particulièrement périlleuse: Dans l'académie d'Amiens, la réorganisation expérimentale du bac a repoussé d'une semaine la fin des cours. L'absentéisme promettait donc d'être particulièrement important. J'ai limité les dégâts. Comment? Par deux solutions:
Fin mai, j'ai instauré 15 jours de révisions. Plus question pour mes élèves de me raconter qu'ils ne sont pas là parce qu'ils révisent chez eux. Les révisions se font en classe, encadrées par moi, à travers des exercices de dissertations et de commentaires de texte. Mais je sais pertinemment que ça ne suffit pas pour retenir complètement les élèves. Comme ils ont 17-18 ans, je peux discuter avec eux, on peut s'arranger. Le deal: Vous venez en cours, et vous révisez ce que vous voulez, pas nécessairement la philo. Ce que je veux, en définitive, c'est les voir travailler.
Le bilan? Il y a quelques années, en début de carrière, avant que je ne traite spécifiquement le problème, je n'avais plus aucun élève une semaine avant la fin officielle des cours. Dorénavant, avec mon petit système, les élèves restent. Certes, le nombre diminue. Zéro défaut, comme on dit dans le monde de l'industrie, je ne connais pas, car j'ai des êtres humains sous ma responsabilité, pas des machines. Mais je suis satisfait d'aller jusqu'à ma dernière heure en compagnie d'élèves, et pas de finir une semaine avant la date..
Bonne soirée,
et à mes élèves, bon courage pour le bac.
Ma dernière heure est venue. C'était hier. Non, pas l'heure fatale d'où l'on ne revient plus. Je veux parler de ma dernière heure de cours de l'année scolaire, hier, entre 15h et 17h. Que mes lecteurs anti-enseignants ne se réjouissent pas trop vite, qu'ils ne se précipitent pas, dans leur courageux anonymat, à me faire un commentaire vengeur sur "le prof qui est déjà en vacances et qui reprendra le travail en septembre". Celle-là, on me l'a déjà faite, et elle ne marche pas: La fin des cours n'est pas la fin de l'année. M'attendent les surveillances du bac, la correction des copies (120 environ), la préparation de l'oral et l'audition des candidats.
Pour ma dernière heure, j'avais 5 élèves sur 32. Je ne sais pas si c'est normal, mais c'est compréhensible. C'est la fin, les élèves sèchent, souvent d'ailleurs pour réviser les matières les plus importantes ou dans lesquelles ils rencontrent des difficultés. Le problème, c'est que certains en profitent pour glander: Roland Garros, l'Euro de foot, le soleil, ça n'invite pas au travail. Et puis les parents ne savent plus très bien si leurs enfants sont au lycée ou dans la rue. Bref, le problème est sérieux, le Courrier Picard lui a consacré une page, dans son édition du 22 mai, sous la plume d'Emilie Bar.
Ce que j'en retiens, et ce que mon expérience de 15 ans d'enseignement confirme, c'est que l'absentéisme (c'est ainsi que l'institution nomme le problème) a changé de nature. L'école buissonnière d'autrefois était réservée aux cancres. L'expression a disparu, le phénomène s'est banalisé et normalisé dans ce qu'on a coutume d'appeler un absentéisme de confort, qui est le fait d'élèves de bonne foi, parfois avec d'excellents résultats scolaires. Quand j'étais lycéen, personne n'aurait eu l'idée de prendre un rendez-vous chez le dentiste ou de passer le permis pendant le temps scolaire. Aujourd'hui, c'est hélas admis, tacitement, et validé par les parents qui font un mot d'excuses. Ainsi est devenue notre société: Le savoir passe après la santé et la conduite. Les horaires de cours ont cessé d'être sacrés. Il y a d'autres priorités.
Sachant cela, l'ayant subi, je tente chaque année d'affronter le problème, d'aménager ces derniers jours afin que mes élèves restent le plus longtemps possible en classe, car c'est encore le meilleur endroit où ils pourront préparer leur bac. D'autant que cette année était particulièrement périlleuse: Dans l'académie d'Amiens, la réorganisation expérimentale du bac a repoussé d'une semaine la fin des cours. L'absentéisme promettait donc d'être particulièrement important. J'ai limité les dégâts. Comment? Par deux solutions:
Fin mai, j'ai instauré 15 jours de révisions. Plus question pour mes élèves de me raconter qu'ils ne sont pas là parce qu'ils révisent chez eux. Les révisions se font en classe, encadrées par moi, à travers des exercices de dissertations et de commentaires de texte. Mais je sais pertinemment que ça ne suffit pas pour retenir complètement les élèves. Comme ils ont 17-18 ans, je peux discuter avec eux, on peut s'arranger. Le deal: Vous venez en cours, et vous révisez ce que vous voulez, pas nécessairement la philo. Ce que je veux, en définitive, c'est les voir travailler.
Le bilan? Il y a quelques années, en début de carrière, avant que je ne traite spécifiquement le problème, je n'avais plus aucun élève une semaine avant la fin officielle des cours. Dorénavant, avec mon petit système, les élèves restent. Certes, le nombre diminue. Zéro défaut, comme on dit dans le monde de l'industrie, je ne connais pas, car j'ai des êtres humains sous ma responsabilité, pas des machines. Mais je suis satisfait d'aller jusqu'à ma dernière heure en compagnie d'élèves, et pas de finir une semaine avant la date..
Bonne soirée,
et à mes élèves, bon courage pour le bac.
11 Comments:
je connais quelques croque-morts pour la mise en biere, si c'est nécessaire.
By grandourscharmant, at 11:36 PM
Mourir et ressusciter, c'est ma spécialité politique depuis 10 ans.
By Emmanuel Mousset, at 12:33 AM
donc il n'y a pas à etre surpris que vous ne fassiez que ce que vous savez faire.
En cyclisme, on appelle ça faire l'élastique
et l'élastique finit toujours par lacher...
Et là, les conditions ont changé
OG qui plaçait la section sous tutelle parisienne n'est plus là.
Je pressens une reprise en main de la section par les locaux.
By grandourscharmant, at 8:00 AM
Je n'ai jamais prétendu faire autre chose que ce que je savais faire. Je suis un peu stoïcien, je crois au destin. Tout ce qu'on fait, nous devions le faire. C'était écrit, pas dans un livre saint, mais dans la nature des choses. La sagesse consiste à l'admettre, la déraison à le refuser comme injuste.
Mais votre histoire de vélo et d'élastique, je ne vois pas...
OG plaçait la section sous sa tutelle, qui n'était pas parisienne, pas plus que mes activités sont sous influence berrichonne parce que je viens du Berry.
La section, hélas, ne peut être reprise en main par personne. J'accepterai la main, quelle qu'elle soit, mais c'est impossible, nous sommes trop divisés.
By Emmanuel Mousset, at 10:58 AM
et il n'y a aucun lien entre le fait que la section ps soit divisée et le fait qu'OG l'ait placé sous sa tutelle ?
on m'aurait parlé d'une alliance extreme-gauche ps, de poperénistes soutenant Fabius,
j'aurais expliqué que c'était impossible.
Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.
By grandourscharmant, at 1:51 PM
Je vous conseille d'aller sur le site de france 5 pour voir l'intervention de la psychothérapeute Martine Teillac à propos de la culpabilité.
Le magazine de la santé est disponible au visionnage pendant une semaine sur le site de france 5
Vous avez semble t il quelques dettes à régler, et quelques sentiments de culpabilité à dépasser
c'est pour cela qu'il faut s'en tenir au fait et rien qu'au fait.
http://www.france5.fr/magazinesante/
By grandourscharmant, at 2:15 PM
N'allez pas chercher si loin et si compliqué: La division chez nous résulte de la logique des courants, exacerbée par le fait que le pouvoir local nous étant quasiment inaccessible, l'affrontement entre camarades l'emporte sur l'affrontement contre l'adversaire de droite.
By Emmanuel Mousset, at 2:16 PM
l'absentéisme de fin d'année est incontournable . Grande expérience En la matiére ( je l'ai pratiqué en mon temps et mes fils sont les pros en la matiére) . Pas de solutions mais quelques pistes de réflexions :
- ras le bol de voir la tronche des profs
-provoc' : l'absentéisme énerve l'administration et les profs : réponse du berger à la bergère
- inintérêt et pesanteur de ces heures d'enseignement sous respiration artificielle .
Ce phénoméne s'exerce de la 4éme à la terminale, pour ceux ki n'ont pas d'exam : c'est tout bénéf' = sécher sans excuse . POUR LES AUTRES
les bons élèves : l'exam est acquis , seule compte la mention, seul compte l'orientation de la prochaine année .
FEUILLE de route établie, planning de révision, ambiance confort, proximité moyen évolués de renseignement à portée de main . Alors pourquoi perdre du temps en transport, cantine, ou alimentation sur place, passer du temps avec ceux qui tentent de raccrocher les wagons, non pour eux time is money et ils ont une parfaite connaissance de ces valeurs.
Pour les branleurs, ben , ils restent fidéles à eux même : entre 2 teufs;, 2 match de foot , ils vont relire tranquillou le programme . Finalement le bac c'est pas si dur ( catégorie de mes enfants)
et pour ceux qui sont cuits, redoublement au meilleur des cas , et bien c'est cuit , à quoi bon en rajouter une couche? Ils font la teuf avec les potes qu'ils ne reverront plus .
Je n'ai pas la réponse , mais par pitié Mesdames , Messieurs les prof arrétez vos jeux de remplissage d'heure intello casse couille , style colo de vacance en mieux .
VAL
By Anonyme, at 3:30 PM
Je crois avoir déjà répondu au message, dans les commentaires de "La Guerre des Mondes".
By Emmanuel Mousset, at 5:38 PM
Si j'ai bien compris vous êtes un adepte du biopouvoir.
By Anonyme, at 5:54 PM
Le biopouvoir, c'est quoi? Non, le terme me semble plutôt inquiétant.
By Emmanuel Mousset, at 3:36 PM
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