Un post-socialiste.
Je vous ai commenté hier soir la partie de la contribution de Gaëtan Gorce consacrée à la vie de notre Parti. Il faut qu'aujourd'hui je vous présente son projet politique, qui globalement me convient, même si j'ai quelques désaccords. Ce projet, je le qualifierai volontiers de post-socialiste en ce sens qu'il représente une évolution du socialisme qui le conduit vers "une voie nouvelle qu'il nous faut aujourd'hui inventer", selon les propres termes de l'auteur (page 53).
Ce post-socialisme se signale déjà dans son principe directeur. Ce n'est plus l'existence des classes, leurs conflits d'intérêts ou la "lutte des classes", caractéristiques du socialisme traditionnel, mais c'est au contraire "le bien commun", "l'intérêt général". Et celui-ci ne se confond pas avec sa définition exclusivement étatique:
"Libérée de la foi dans le rôle messianique de la classe ouvrière, la gauche est ainsi seule à même de retrouver la logique de l'intérêt général (...) L'intérêt général n'a plus grand-chose à voir avec la vieille formule légitimant l'intervention de la puissance publique inventée au début de la République." (page 52)
Finalement et paradoxalement, il n'y a plus que la droite qui croit en la lutte des classes en pratiquant une politique de classe, celle du "paquet fiscal".
Ce post-socialisme s'inscrit, je l'ai dit au début, dans une perspective historique qui en fait non une négation mais un accomplissement inédit, une étape supplémentaire du socialisme:
"La gauche en arrive aujourd'hui à une nouvelle étape de son histoire. D'abord républicaine tout au long du XIXème siècle, puis radicale et enfin socialiste, elle entre désormais dans une nouvelle ère qui suppose, comme à chaque étape, le dépassement de son identité précédente." (p. 53)
Gaëtan Gorce, comme Manuel Valls, ne se range pas derrière la social-démocratie mais, dans un schéma très hégélien, se positionne au-delà du socialisme existant (Valls va jusqu'à proposer l'abandon du mot "socialisme"). La seule référence historique qu'il s'accorde, c'est "l'approche mendésiste". Son projet s'articule plus précisément autour de trois thématiques:
1- La mondialisation: "Internationalistes hier, nous devons être mondialistes aujourd'hui". Pourquoi? Parce que la France n'est plus qu'au 12ème rang du revenu par tête dans l'Union européenne, parce que la part de nos exportations dans le commerce mondial ne cesse de régresser, parce que nos universités ne sont plus parmi les premières. Bref, voulons-nous devenir une puissance mondiale ou décliner en une puissance locale?
2- L'Europe: "On ne pourra relancer l'Europe en s'obstinant sur la seule réforme des institutions (...) Il faut relancer l'Europe par des projets politiques, sur l'immigration, la politique agricole, l'énergie, la défense." C'est mon principal point de désaccord avec Gorce. Je crois, au contraire, que les institutions, c'est-à-dire le cadre politique, sont essentielles pour aborder la nouvelle étape de la construction européenne. Les "projets politiques" dont il parle existent déjà, certes insuffisants, mais ce n'est pas par eux que l'Europe trouvera grâce aux yeux des peuples.
Je ne suis pas d'accord non plus quand il propose des "solutions de coopération, limitées si nécessaire aux seuls Etats volontaires, non dans une logique de noyau dur, mais de groupes pionniers permettant une intégration politique plus forte des Etats qui le souhaitent." Je pense au contraire que l'Europe se fera si tous ses pays-membres marchent d'un même pas, sans avant-garde ni queue de peloton. La distinction entre "noyau dur" et "groupes pionniers" me paraît être un sophisme.
3- L'individualisme: il faut "cesser de voir dans la montée de l'individualisme, l'adversaire de la solidarité". Celle-ci ne peut plus se contenter de la seule augmentation de l'impôt et de la dépense publique, ni de la seule défense de notre système social, que nous devons au contraire réformer. Là-aussi, j'applaudis: être socialiste, c'est en appeler à la solidarité de toute la société, et non pas se reposer exclusivement sur les interventions de l'Etat; être socialiste, ce n'est pas se borner à défendre des acquis sociaux, c'est envisager les réformes nécessaires.
Bref, à l'exception de la question européenne, le social-démocrate que je suis s'accorde parfaitement avec le post-socialiste que me semble être Gaëtan Gorce. Après vous avoir fait une révélation dans le billet précédent, je vous donne un petit scoop dans celui-ci: j'aimerai bien qu'avec mes amis rénovateurs de l'Aisne nous invitions en septembre Gaëtan pour une réunion publique. Mes petites entrées à l'Assemblée Nationale me font dire que c'est possible.
Bonne fin d'après-midi.
Ce post-socialisme se signale déjà dans son principe directeur. Ce n'est plus l'existence des classes, leurs conflits d'intérêts ou la "lutte des classes", caractéristiques du socialisme traditionnel, mais c'est au contraire "le bien commun", "l'intérêt général". Et celui-ci ne se confond pas avec sa définition exclusivement étatique:
"Libérée de la foi dans le rôle messianique de la classe ouvrière, la gauche est ainsi seule à même de retrouver la logique de l'intérêt général (...) L'intérêt général n'a plus grand-chose à voir avec la vieille formule légitimant l'intervention de la puissance publique inventée au début de la République." (page 52)
Finalement et paradoxalement, il n'y a plus que la droite qui croit en la lutte des classes en pratiquant une politique de classe, celle du "paquet fiscal".
Ce post-socialisme s'inscrit, je l'ai dit au début, dans une perspective historique qui en fait non une négation mais un accomplissement inédit, une étape supplémentaire du socialisme:
"La gauche en arrive aujourd'hui à une nouvelle étape de son histoire. D'abord républicaine tout au long du XIXème siècle, puis radicale et enfin socialiste, elle entre désormais dans une nouvelle ère qui suppose, comme à chaque étape, le dépassement de son identité précédente." (p. 53)
Gaëtan Gorce, comme Manuel Valls, ne se range pas derrière la social-démocratie mais, dans un schéma très hégélien, se positionne au-delà du socialisme existant (Valls va jusqu'à proposer l'abandon du mot "socialisme"). La seule référence historique qu'il s'accorde, c'est "l'approche mendésiste". Son projet s'articule plus précisément autour de trois thématiques:
1- La mondialisation: "Internationalistes hier, nous devons être mondialistes aujourd'hui". Pourquoi? Parce que la France n'est plus qu'au 12ème rang du revenu par tête dans l'Union européenne, parce que la part de nos exportations dans le commerce mondial ne cesse de régresser, parce que nos universités ne sont plus parmi les premières. Bref, voulons-nous devenir une puissance mondiale ou décliner en une puissance locale?
2- L'Europe: "On ne pourra relancer l'Europe en s'obstinant sur la seule réforme des institutions (...) Il faut relancer l'Europe par des projets politiques, sur l'immigration, la politique agricole, l'énergie, la défense." C'est mon principal point de désaccord avec Gorce. Je crois, au contraire, que les institutions, c'est-à-dire le cadre politique, sont essentielles pour aborder la nouvelle étape de la construction européenne. Les "projets politiques" dont il parle existent déjà, certes insuffisants, mais ce n'est pas par eux que l'Europe trouvera grâce aux yeux des peuples.
Je ne suis pas d'accord non plus quand il propose des "solutions de coopération, limitées si nécessaire aux seuls Etats volontaires, non dans une logique de noyau dur, mais de groupes pionniers permettant une intégration politique plus forte des Etats qui le souhaitent." Je pense au contraire que l'Europe se fera si tous ses pays-membres marchent d'un même pas, sans avant-garde ni queue de peloton. La distinction entre "noyau dur" et "groupes pionniers" me paraît être un sophisme.
3- L'individualisme: il faut "cesser de voir dans la montée de l'individualisme, l'adversaire de la solidarité". Celle-ci ne peut plus se contenter de la seule augmentation de l'impôt et de la dépense publique, ni de la seule défense de notre système social, que nous devons au contraire réformer. Là-aussi, j'applaudis: être socialiste, c'est en appeler à la solidarité de toute la société, et non pas se reposer exclusivement sur les interventions de l'Etat; être socialiste, ce n'est pas se borner à défendre des acquis sociaux, c'est envisager les réformes nécessaires.
Bref, à l'exception de la question européenne, le social-démocrate que je suis s'accorde parfaitement avec le post-socialiste que me semble être Gaëtan Gorce. Après vous avoir fait une révélation dans le billet précédent, je vous donne un petit scoop dans celui-ci: j'aimerai bien qu'avec mes amis rénovateurs de l'Aisne nous invitions en septembre Gaëtan pour une réunion publique. Mes petites entrées à l'Assemblée Nationale me font dire que c'est possible.
Bonne fin d'après-midi.
3 Comments:
La droite n'a jamais cru à la lutte des classes, faut quand même pas exagérer. Elle s'est contentée de gérer sa situation acquise en laissant la pyramide sociale dans l'état où elle l'avait trouvée, tout en faisant évoluer le pays plus ou moins bien.
La gauche est partie sur de bons sentiments, en disant qu'il fallait faire mieux et plus, puis s'est embourbée dans le marxisme qui l'a plongée dans les ténèbres. Maintenant que "la foi dans le rôle messianique de la classe ouvrière" est réservé aux illuminés d'extrême gauche, la gauche peut enfin par la pratique du réformisme prendre le pouvoir et gérer le bien commun, sachant qu'il est constitué d'un double mouvement, un ascenseur social pour aller de bas en haut de la structure sociale, et une remontée de l'ensemble vers le haut, le tout dans le respect du cadre écologique.
By jpbb, at 11:07 PM
C'est cela invitez Gorce , il vous expliquera pourquoi vous avez eu tort de voter contre la réforme constitutionnelle.
By Anonyme, at 9:39 PM
Mais Gorce a voté contre cette réforme lui aussi! Il va donc expliquer à lui-même pourquoi il a eu tort de faire ce qu'il a fait. Gaëtan va réprouver Gorce, en quelque sorte!
Bon, je plaisante tout en étant sérieux, mais s'il vous plaît, qui que vous soyez, pouvez-vous tout de même faire un petit effort d'intelligence? Est-ce trop vous demander, même en juillet?
By Emmanuel Mousset, at 11:15 PM
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