L'Aisne avec DSK

21 août 2008

L'aile gauche light.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai lu attentivement la contribution socialiste de Benoît Hamon, pour deux raisons: il sera peut-être le prochain leader de l'aile gauche du PS, il peut faire un bon score dans l'Aisne au vu du nombre (inattendu) de ses signataires dans ma fédération. J'ai retenu quelques points significatifs dans son texte:

1- "L'avenir du PS ne peut pas être le passé de la social-démocratie" (p.113). Je peux m'accorder avec ça, mais en précisant: cet avenir sera quand même celui de la social-démocratie. Car son passé, le vieux système distributif national, je suis bien conscient qu'on ne peut pas le reproduire en l'état. Sauf que Hamon n'apporte pas cette précision, ne se situe visiblement pas dans la lignée, même transformée, de la social-démocratie européenne.

2- "Débattons d'abord, nous choisirons ensuite celui qui est le mieux à même de porter nos convictions" (p.114). Accord total: respecter l'ordre le plus logique, qui va du projet au leader, et non l'inverse. Pas de "sauveur suprême" au PS! Accord de même sur la nécessité d'un "Parti de la Gauche" (p.125).

3- "Il ne peut pas y avoir de consensus sur la "réforme" du modèle social" (p.116). L'affirmation est un peu brutale. L'opposition gauche-droite n'est pas un "impératif catégorique", pour reprendre l'expression du philosophe Kant, c'est une contradiction naturelle qui n'a pas besoin d'être forcée. Entre gauche et droite, la conception de la réforme sociale n'est pas la même, il n'y aura jamais consensus global, mais s'il peut y avoir des points précis de consensus, qui ne sont pas à rejeter a priori.

4- La contribution stigmatise à de nombreuses reprises le "libre échange", qui semble remplacer, dans la dialectique de Hamon, le "libéralisme" et le "capitalisme", avec la même ambiguïté: le libre échange est-il synonyme de marché? On peut penser que oui quand il dénonce le "jusqu'au-boutisme libéral de l'Union européenne" et son "culte idolâtre du libre échange" (p.117). Je crains qu'on ne retombe ici dans le débat sur la "concurrence libre et non faussée" qui fit scandale dans la Constitution européenne alors qu'elle est un mécanisme banal de l'économie de marché.

5- Sur la réforme des retraites, qui est un marqueur très fort pour la gauche de la gauche, Hamon est plutôt modéré, ne demandant pas nécessairement le retour à ce qui a existé pendant plusieurs décennies: "A l'instar de la Cour des comptes, nous suggérons de taxer les stock-options", même si je ne suis pas sûr que ce soit suffisant.

6- La contribution propose une extension des services publics en imaginant "de nouvelles socialisations" concernant l'énergie, l'eau, la petite enfance et le logement (p.120-121). Pourquoi pas, c'est à examiner, au cas par cas, je pense notamment à la petite enfance où il me semble qu'il y a urgence. Mais là encore, je redoute le vocabulaire de substitution, "socialisation" renvoyant à "nationalisation", alors que le problème n'est plus entre privatiser ou nationaliser mais dans le choix de l'un ou de l'autre quand la finalité et l'efficacité le réclament.

7- "Les socialistes n'ont pas d'ennemis à gauche" (p.125): dit comme ça, rapidement, je veux bien. Mais quand j'y réfléchis, la phrase veut dire quoi? Qu'avec Besancenot, on pourrait éventuellement s'entendre, alors que je suis persuadé que c'est politiquement impossible. Et puis, des ennemis à gauche, nous en avons, et ce n'est pas nous qui les choisissons, ce sont eux qui nous désignent à leur vindicte. Lisez les brochures d'extrême gauche, vous comprendrez.

8- "Nous affirmons notre refus de tout renversement stratégique des alliances" (p.125). C'est clair, pas d'alliance avec le MoDem (qui d'ailleurs n'exige pas un "renversement stratégique des alliances" mais leur extension). Je ne peux pas approuver cette orientation-là.

Pour résumer, la contribution de Benoît Hamon et Henri Emmanuelli s'ancre incontestablement dans la sensibilité de gauche du Parti et me parait en ce sens difficilement compatible avec la démarche social-démocrate des Reconstructeurs ou la démarche centriste de Ségolène Royal. Mais de tous les textes de l'aile gauche, c'est le plus ouvert, le moins abrupt, certains diraient le plus ambigu. C'est notre aile gauche light.


Bonne matinée.