L'Aisne avec DSK

23 août 2008

Weber, néo social-démocrate.

Bonjour à toutes et à tous.

Laurent Fabius a deux proches lieutenants: Bartolone pour la politique, Weber pour l'idéologie. Ce dernier a donné au Monde du 20 août une réflexion sur la social-démocratie, qui a retenu mon attention puisque l'attitude à l'égard de ce courant est un marqueur décisif, un sésame qui vous fait entrer dans l'aile gauche du PS (voir notamment mon billet récent "L'aile gauche light"), en manifestant votre hostilité plus ou moins grande envers la social-démocratie. Le point de vue d'Henri Weber est clair: sa critique de la social-démocratie ne le conduit pas à rompre avec cette inspiration mais à la rénover (chez Hamon, il y a ambiguïté, chez Mélenchon, le rejet est net).

Habituellement, le discrédit porté sur la social-démocratie par la gauche du PS oscille entre deux accusations: le procès d' "accompagnement" du libéralisme, les sociaux-démocrates se laissant entraîner dans un mouvement irrésistible, ou bien la trahison de ses dirigeants, cédant carrément, volontairement au capitalisme. Le premier reproche est politique, le second plutôt moral, tous les deux reprennent plus ou moins, remis au goût du jour, ce que l'extrême gauche a toujours opposé à la social-démocratie. L'analyse de Weber est totalement étrangère à cette anti social-démocratie.

Dans son étude de ce qu'il appelle "le compromis social-démocrate de crise" dans l'Europe des années 90, il repère trois caractéristiques:

1- Une "libéralisation modérée de l'économie". Le compromis était le suivant: baisser le coût du travail, revoir certains acquis sociaux afin de favoriser la spécialisation, l'innovation et l'investissement dans l'économie.

2- La "mutualisation des coûts de la modernisation": l'Etat-providence est allégé mais préservé, recentré mais renforcé, tous les partenaires sociaux sont mobilisés.

3- Le "progressisme sociétal": la libéralisation des moeurs, amorcée dans les années 60, est accélérée dans toutes les sociales-démocraties d'Europe, parité, mariage homosexuel, , euthanasie, écologie. C'est une véritable révolution tranquille, pour cette raison passée trop souvent inaperçue, la synthèse définitive entre la social-démocratie et le courant soixante-huitard.

A travers cette description, il n'y a rien de polémique, la social-démocratie n'est nullement associée au néo-libéralisme comme le fait généralement l'aile gauche, sa pratique du compromis est au contraire remise au coeur de sa démarche. Mais elle débouche sur la critique suivante, que je partage sans difficulté:

"Le compromis social-défensif n'a pu empêcher l'explosion des inégalités, l'essor du travail précaire, la réduction du niveau de protection sociale, l'augmentation des travailleurs pauvres."

Les limites, certains diraient l'échec de la social-démocratie européenne sont là, pas besoin d'aller chercher plus loin. Et pourquoi cet échec? Non pas parce que la social-démocratie aurait eu le tort d'être elle-même, de pratiquer abusivement le compromis comme le lui reproche l'aile gauche, mais parce qu'elle n'a pas été assez européenne. Agissant dans le cadre national au moment où le capital, lui, s'internationalisait plus que jamais, elle n'a pas su faire face à la mondialisation.

La solution? Non pas rompre avec la social-démocratie mais la rénover:

"Si elle veut revenir au pouvoir, la social-démocratie européenne doit proposer une nouvelle offre politique. Celle-ci doit se concevoir à l'échelle de l'Union européenne et incarner, au-delà de ses objectifs économiques, un projet de civilisation."

Conclusion de Weber:

"La crise de la social-démocratie provient, en dernière analyse, de son incapacité à mettre en oeuvre une réponse européenne aux défis de la mondialisation. Son renouveau passe par la relance et la réorientation de l'Europe. Tant il est vrai que la croissance forte et durable, la protection des salariés contre tous les risques sociaux, , la lutte contre le réchauffement climatique, la maîtrise de l'immigration, la régulation du capitalisme mondialisé, exige une Union plus volontaire, plus ambitieuse, plus sociale."

Bref, Henri Weber est devenu un néo social-démocrate. Et Laurent Fabius?


Bonne matinée.

2 Comments:

  • Je suis en train de remonter aux sources du socialisme, avec Jaurès et Léon Blum. Comme un cheval qui se bloque devant l'obstacle, le capitalisme, il s'agit de le surmonter et non de l'abattre. L'errance et la faiblesse intellectuelle de l'extrême gauche et de l'anarchisme ont nié ce qui est la fondement de la réalité économique: sans marché, sans entreprises, sans capital pour créer des entreprises, on erre dans les bois à manger des glands sous les chênes.

    Ensuite on constate l'existence des pauvres et des riches, les prolétaires et les capitalistes. Le marxisme les oppose dans une lutte sans fin, supposant qu'au final, les pauvres en se révoltant s'empareront des richesses produites, étripant les capitalistes au passage, et permettront de vivre dans un monde apaisé et stable, la fin de l'histoire.

    Or nous avons constaté que l'application du modèle communiste basé sur la pensée marxiste a toujours fini en eau de boudin, et que la chute du mur de Berlin est venue comme preuve ultime dire que l'on ne pouvait pas imposer un système stupide et irréel de force, sans provoquer une révolte populaire.

    En fait la seule solution qui vaille, c'est la transformation progressive des pauvres en riches. Seule compte l'éradication de la misère et de la pauvreté. Contre la misère ultime, un salaire citoyen doit permettre à tous de vivre modestement. Ensuite le collectif doit collecter les fonds nécessaires pour la création par le biais du capital-risque, de nouvelles entreprises basées sur l'innovation, et ce dans un cadre européen. C'est alors permettre aux pauvres de s'enrichir, et d'employer avec de bons salaires venant en sus du salaire citoyen, les travailleurs afin qu'ils aient une vie réellement décente.

    Léon Blum pour sa part définissait la révolution non pas comme le grand soir, mais comme une accélération de l'état normal de la société, la révolution portant sur les process et non sur une rupture induite en faisant tomber les têtes.

    By Blogger jpbb, at 6:46 PM  

  • Cambadélis a bien signé la contribution de Moscovici et pourtant ça ne l'empeche pas de trouver qu'Aubry est un atout pour la gauche.

    By Blogger grandourscharmant, at 11:20 PM  

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