Ribeiro superstar.

Antonio Ribeiro aura connu sa fin de semaine de gloire. Jamais autant on aura vu et entendu parler de cet inconnu. Avant qu'il ne retombe dans l'anonymat? C'est fort possible. Pensez à tous ces conseillers municipaux dont on ne retient même pas le nom, parce qu'ils n'ont jamais rien fait, sauf voter quand il le fallait, pour qui il fallait. C'est triste parfois, la politique...

Donc, la presse locale de ce week-end évoque le héros ou le traître du jour (selon votre point de vue). Bertrand Duchet, qui a levé le lièvre jeudi dans L'Aisne Nouvelle, y revient aujourd'hui, en spécialiste du MRC qu'il était déjà quand cette formation était dirigée par Freddy. Le journaliste a la dent dure: "Vol au-dessus d'un nid de cocus", voilà le titre qu'il donne à l'épisode d'un feuilleton qui risque d'être très long, six années.

Avec une question: que va faire Ribeiro? La moindre des choses serait la démission. Quand on n'est plus d'accord, on s'en va. Mais je ne crois pas que ce soit dans sa psychologie: il est venu sur la liste pour une place, il l'a, il va la garder. Et puis, il a accepté, lui l'électeur de droite, d'être présent sur une liste à forte coloration d'extrême gauche: la contradiction ne l'a pas gêné, pourquoi ne pas continuer, rejoindre la droite alors qu'on a été élu avec des voix de gauche!

Pierre André, pour maintenir cet infiltré dans le camp adversaire, pour priver l'opposition d'un nouveau vrai siège, saura lui donner un petit quelque chose qui fera sûrement plaisir à l'intéressé. Au pire, Ribeiro restera et ne viendra pas. On a déjà connu ça. Dans six ans, combien de conseillers municipaux d'opposition seront encore à leur poste? Six ans, il faut tenir, ce n'est pas rien, quand on est dans la minorité, qu'on n'a pas grand-chose à espérer, qu'on doit encaisser les coups pas tendres de Pierre André. Sur les huit, j'en vois au moins trois qui peuvent lâcher, trois qui résisteront et deux autres sur lesquels je m'interroge.

Imaginons que Ribeiro la joue réglo, qu'il démissionne, qu'est-ce qui se passe? C'est le suivant sur la liste qui monte au conseil municipal, en l'occurrence Néné Mendy, qui n'est pas socialiste, ni communiste, ni trotskiste mais "société civile", donc pas militante politique. Ce qui pourrait aussi faire l'affaire de la droite, au cas où Ribeiro, en ayant vraiment marre de côtoyer ses anciens camarades furax, prendrait ses cliques et ses claques... Et si Mendy, pas aguerrie pour la bagarre, laisse à son tour sa place, on tombe sur qui? Sur Jean-Luc Tournay. Et lui, il prendra ce don du ciel! Ce qui radicalisera encore plus une opposition déjà très radicale, ce qui ne sera pas non plus pour déplaire à la droite: casser les reins à la social-démocratie, récupérer ses meilleurs éléments, marginaliser le PS sur son extrême gauche. Sale tour de cochon!

Pierre André a fait très fort: il a pratiqué une ouverture d'un genre inédit, post-électorale. L'Union, dans sa page départementale (l'événement vaut au moins ça!), remarque pour commencer que "l'ouverture prônée par Pierre André sera beaucoup plus grande que ce que le sénateur maire aurait pu espérer." Et pour finir, que "la rentrée politique s'annonce mouvementée d'ici le prochain conseil municipal fixé au 29 septembre." Y'aura du monde au balcon, c'est sûr.

Le Courrier Picard est le plus sobre dans le traitement de l'information, en citant le communiqué de Michel Vignal, patron du MRC de l'Aisne, qui dénonce l'opportunisme de Ribeiro. J'applaudis, bien sûr, mais il faut aller plus loin dans l'analyse, comme je l'ai fait dans un précédent billet: c'est toute la liste qui s'est constituée sur une base opportuniste. Pas un opportunisme personnel: ce n'est pas une sinécure que d'être conseiller municipal d'opposition à Saint-Quentin, on n'y gagne rien! A part peut-être, pour l'un d'entre eux, la revanche qu'il croit prendre sur Pierre André en revenant dans les rangs du conseil municipal. Mais c'est une satisfaction très chère payée, et politiquement dérisoire.

Non, ce que je dénonce, c'est l'opportunisme politique, qui consiste à se saisir d'une occasion pour placer les siens, par exemple du côté de l'extrême gauche, trop contente d'avoir ainsi des sièges grâce aux socialistes alors qu'elle passe son temps à les critiquer, quand ce n'est pas, chez certains, à les insulter. Ribeiro, pas fou, s'est glissé dans cet opportunisme-là: à droite toujours, mais à gauche un jour seulement, celui de se faire élire. Et après basta, on s'en va! Vraiment pas joli, tout ça.

J'ai gardé le plus drôle pour la fin (tout ça est tellement triste qu'il faut bien quand même en rigoler un peu). Jean-Pierre Lançon, dans L'Aisne Nouvelle se défend des intentions que lui prêterait Ribeiro: "Quand Ribeiro dit que je ne pense qu'à être secrétaire de section, c'est n'importe quoi! Mon mandat de conseiller municipal a toujours été ma principale priorité." Je veux bien croire sur parole mon camarade, mais ce qui me fait tiquer, ce n'est pas ça, c'est le lapsus qu'il commet: jamais Ribeiro ne l'a soupçonné précisément d'une telle chose (qui au demeurant n'a rien de condamnable), il a simplement déclaré à L'Aisne Nouvelle de jeudi: "J'ai beaucoup de respect pour Jean-Pierre (sic). Mais il semble beaucoup plus préoccupé par sa volonté de reprendre en main la section socialiste de Saint-Quentin que par la conduite de l'opposition."

Je ne sais pas si c'est entièrement vrai, mais il est certain que depuis un an, les socialistes saint-quentinois ne raisonnent hélas qu'en termes d'enjeux internes, d'intérêts de courants, et les dernières adhésions le prouvent. Et ce n'est pas La Rochelle, croyez-moi, qui va arranger les choses. La base généralement amplifie les dissensions du sommet, en pire. Ca promet! Mine de rien, nous avons appris quelque chose, que personne n'a remarqué, parce que c'est écrit entre les lignes: Jean-Pierre Lançon ne sera pas le candidat du courant poperéniste au poste de secrétaire de section. Sauf si son lapsus est révélateur d'une intention cachée. Sinon qui? Et contre qui? Duchet va avoir du boulot, le feuilleton est loin d'être terminé.

Et moi, dans tout ça, je patauge toujours dans mon acédie: dégoûté de tout, ne croyant plus en rien. Jusqu'à quand?


Bonne fin d'après-midi,
si vous le pouvez.