L'image de XB.
En discussion téléphonique ce week-end avec un journaliste parisien, celui-ci m'apprend que "Le chouchou", premier ouvrage consacré à Xavier Bertrand, ne s'est vendu qu'à 2000 exemplaires. Il ajoute que le "Vivement dimanche" dont le chef de l'UMP était l'invité a réalisé un faible score d'audience. Et il conclut ainsi notre conversation: "Les gens ne s'intéressent pas à Bertrand".
A vrai dire, je ne sais pas trop qu'en penser. Xavier Bertrand, c'est un fait, vise haut, très haut. Trop haut? Il lui faut, dans l'objectif suprême, la présidentielle, maîtriser bien des matières, dont les médias, la communication. Est-ce son fort? Pas certain. Son passage au Grand Jury RTL-Le Monde n'avait pas été très réussi, et il l'avait admis. Mais maintenant, la suite?
Dans l'ambition qui est la sienne, le profil psychologique compte aussi. Très expansif sur le marché de Saint-Quentin, Bertrand a aussi été un étudiant discret, selon le témoignage de son ancien professeur, René Dosière. Quant à son prof de philo au lycée La Ramée, mon collègue Bernard Berthelot, celui-ci ne se souvient pas de lui. Dans ses débuts au ministère de la Santé, Bertrand faisait peu parler de lui.
Bon élève, il l'est incontestablement au gouvernement, peut-être pour compenser ses Grandes Ecoles par où il n'est pas passé, et qui ouvrent souvent toutes grandes les portes du Pouvoir. Mais le premier de la classe n'existe que par le jugement de son professeur, comme localement Xavier Bertrand n'existe que par rapport à Pierre André, et au niveau national par rapport à Nicolas Sarkozy. Un brillant second garde-t-il sa brillance quand il est mis en pleine lumière? Ne devient-il pas alors un terne premier?
Je ne sais pas s'il est ainsi condamné à l'insipidité. Il faut laisser le temps l'user, pour voir s'il restera une belle patine. Ce que je sais, c'est que Bertrand s'est fait un nom, ce qui n'est pas, en politique, donné à tout le monde. Il commence à se faire une image, mais il ne peut pas, au regard de ses ambitions, en demeurer là. Une image, c'est plat, c'est sage, c'est enfantin. Ce qui manque à Bertrand (mais il lui reste une moitié de vie pour l'acquérir), c'est le relief, c'est l'épaisseur, ce sont les contrastes. Il est trop lisse, tout glisse sur lui. C'est bien, mais à une certaine hauteur, c'est un handicap. Il lui faudrait des aspérités, de la rugosité.
Bref, il doit devenir une statue, avec des pleins et des creux, des ombres et des lumières, comme de Gaulle, comme Mitterrand. Rien n'est perdu pour lui: il a le sens de l'effort, des capacités d'indifférence et de méchanceté, c'est bien aussi. Mais il lui faut aller beaucoup plus loin, plus haut surtout: il n'est qu'une personne, il doit se dessiner un personnage. Et là, y'a encore du boulot!
Ce qui manque cruellement à Bertrand, c'est une part de mystère. Son amabilité apparente, sa gentillesse affectée plaisent beaucoup, et c'est déjà ça. Mais on ne séduit pas, on ne fascine avec des sourires et des caresses. Pour qu'on vous admire, il vous qu'on lève les yeux vers vous, que vous dépassiez les autres d'au moins une tête: pour qu'il y ait hauteur, il faut paradoxalement qu'il y ait profondeur. Un bon gars sympa, image actuelle de Bertrand, va être hissé sur le pavois par ses proches, par les jeunes Pop', pas par les autres. Or ce sont les autres qui vous font gagner en politique, pas vos proches.
Manque aussi à Bertrand cette dimension tragique qui est la marque, le sceau des grands politiques. Tout jusqu'à maintenant lui a réussi. C'est un laborieux utile qui s'est fait remarquer. On ne se forge pas un destin avec ce genre d'histoire. Il lui faudra vite trouver autre chose, et que sa vanité rencontre son orgueil. S'il veut se construire une légende, comme l'on fait avant lui les Grands, il faudra qu'il invite à sa table la souffrance et le mal. Personne n'a remarqué le sous-titre de l'ouvrage de Jakubyszyn et Pleynet: "Le fabuleux destin de Xavier Bertrand", et la charge ironique qu'il contenait, puisqu'il reprend le film de Jeunet, "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain", qui n'est qu'une carte postale naïve de la vie. Ce qu'est pour le moment Bertrand?
Xavier Bertrand, sur ce coup-là, ne pourra pas se tailler un costume dans le tissu de son mentor, Nicolas Sarkozy. Il a le poignet plus épais que moi, mais les Rolex, ça ne lui va pas non plus (voir mon billet d'hier, "Clèves et Rolex"). Savez-vous que dans certaines antichambres, on l'appelait au début "Floc-Floc", d'après les auteurs bien informés du "Chouchou"? "Le côté provincial de Xavier Bertrand est moqué, non sans mépris, par les plus parisiens des conseillers du Premier ministre. "On se marrait; On l'appelait "Floc-Floc" à cause du bruit de ses pompes, des Mephisto, des pompes de vieux avec une semelle en crêpe" (p. 65). La droite est cruelle, une certaine gauche aussi, pas toujours protégée du mépris social. Personnellement, je préfère le floc-floc au bling-bling.
Que doit faire Bertrand pour sculpter sa statue? A lui de voir... Il fait des efforts en ce domaine, mais ça donne pour l'instant plutôt un bonhomme en pâte à modeler. Car se faire appeler XB comme certains se font appeler DSK ou JFK, mettre en avant qu'on dort très peu et qu'on se lève à 06h01, énumérer les séries télévisées qu'on apprécie, tenir une brocante dans sa bonne ville de Saint-Quentin, c'est sympa, mais ce sont des petites originalités qui ne font pas un grand homme. Il lui faudra trouver autre chose. Ça viendra peut-être...
Bon après-midi.
A vrai dire, je ne sais pas trop qu'en penser. Xavier Bertrand, c'est un fait, vise haut, très haut. Trop haut? Il lui faut, dans l'objectif suprême, la présidentielle, maîtriser bien des matières, dont les médias, la communication. Est-ce son fort? Pas certain. Son passage au Grand Jury RTL-Le Monde n'avait pas été très réussi, et il l'avait admis. Mais maintenant, la suite?
Dans l'ambition qui est la sienne, le profil psychologique compte aussi. Très expansif sur le marché de Saint-Quentin, Bertrand a aussi été un étudiant discret, selon le témoignage de son ancien professeur, René Dosière. Quant à son prof de philo au lycée La Ramée, mon collègue Bernard Berthelot, celui-ci ne se souvient pas de lui. Dans ses débuts au ministère de la Santé, Bertrand faisait peu parler de lui.
Bon élève, il l'est incontestablement au gouvernement, peut-être pour compenser ses Grandes Ecoles par où il n'est pas passé, et qui ouvrent souvent toutes grandes les portes du Pouvoir. Mais le premier de la classe n'existe que par le jugement de son professeur, comme localement Xavier Bertrand n'existe que par rapport à Pierre André, et au niveau national par rapport à Nicolas Sarkozy. Un brillant second garde-t-il sa brillance quand il est mis en pleine lumière? Ne devient-il pas alors un terne premier?
Je ne sais pas s'il est ainsi condamné à l'insipidité. Il faut laisser le temps l'user, pour voir s'il restera une belle patine. Ce que je sais, c'est que Bertrand s'est fait un nom, ce qui n'est pas, en politique, donné à tout le monde. Il commence à se faire une image, mais il ne peut pas, au regard de ses ambitions, en demeurer là. Une image, c'est plat, c'est sage, c'est enfantin. Ce qui manque à Bertrand (mais il lui reste une moitié de vie pour l'acquérir), c'est le relief, c'est l'épaisseur, ce sont les contrastes. Il est trop lisse, tout glisse sur lui. C'est bien, mais à une certaine hauteur, c'est un handicap. Il lui faudrait des aspérités, de la rugosité.
Bref, il doit devenir une statue, avec des pleins et des creux, des ombres et des lumières, comme de Gaulle, comme Mitterrand. Rien n'est perdu pour lui: il a le sens de l'effort, des capacités d'indifférence et de méchanceté, c'est bien aussi. Mais il lui faut aller beaucoup plus loin, plus haut surtout: il n'est qu'une personne, il doit se dessiner un personnage. Et là, y'a encore du boulot!
Ce qui manque cruellement à Bertrand, c'est une part de mystère. Son amabilité apparente, sa gentillesse affectée plaisent beaucoup, et c'est déjà ça. Mais on ne séduit pas, on ne fascine avec des sourires et des caresses. Pour qu'on vous admire, il vous qu'on lève les yeux vers vous, que vous dépassiez les autres d'au moins une tête: pour qu'il y ait hauteur, il faut paradoxalement qu'il y ait profondeur. Un bon gars sympa, image actuelle de Bertrand, va être hissé sur le pavois par ses proches, par les jeunes Pop', pas par les autres. Or ce sont les autres qui vous font gagner en politique, pas vos proches.
Manque aussi à Bertrand cette dimension tragique qui est la marque, le sceau des grands politiques. Tout jusqu'à maintenant lui a réussi. C'est un laborieux utile qui s'est fait remarquer. On ne se forge pas un destin avec ce genre d'histoire. Il lui faudra vite trouver autre chose, et que sa vanité rencontre son orgueil. S'il veut se construire une légende, comme l'on fait avant lui les Grands, il faudra qu'il invite à sa table la souffrance et le mal. Personne n'a remarqué le sous-titre de l'ouvrage de Jakubyszyn et Pleynet: "Le fabuleux destin de Xavier Bertrand", et la charge ironique qu'il contenait, puisqu'il reprend le film de Jeunet, "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain", qui n'est qu'une carte postale naïve de la vie. Ce qu'est pour le moment Bertrand?
Xavier Bertrand, sur ce coup-là, ne pourra pas se tailler un costume dans le tissu de son mentor, Nicolas Sarkozy. Il a le poignet plus épais que moi, mais les Rolex, ça ne lui va pas non plus (voir mon billet d'hier, "Clèves et Rolex"). Savez-vous que dans certaines antichambres, on l'appelait au début "Floc-Floc", d'après les auteurs bien informés du "Chouchou"? "Le côté provincial de Xavier Bertrand est moqué, non sans mépris, par les plus parisiens des conseillers du Premier ministre. "On se marrait; On l'appelait "Floc-Floc" à cause du bruit de ses pompes, des Mephisto, des pompes de vieux avec une semelle en crêpe" (p. 65). La droite est cruelle, une certaine gauche aussi, pas toujours protégée du mépris social. Personnellement, je préfère le floc-floc au bling-bling.
Que doit faire Bertrand pour sculpter sa statue? A lui de voir... Il fait des efforts en ce domaine, mais ça donne pour l'instant plutôt un bonhomme en pâte à modeler. Car se faire appeler XB comme certains se font appeler DSK ou JFK, mettre en avant qu'on dort très peu et qu'on se lève à 06h01, énumérer les séries télévisées qu'on apprécie, tenir une brocante dans sa bonne ville de Saint-Quentin, c'est sympa, mais ce sont des petites originalités qui ne font pas un grand homme. Il lui faudra trouver autre chose. Ça viendra peut-être...
Bon après-midi.
7 Comments:
C'est le moment où je dois expliquer qu'argumenté ainsi,
votre idée sur XB un maillon faible peut se révéler pertinente.
Rassurez vous, je ne ferai pas que vous donner raison.
Evidement je déplorerais le fait qu'il vous ait fallu converser avec un journaliste parisien pour en arriver à ces conclusions pertinentes.
Et c'est ce qui fait la différence entre ce journaliste et moi,
moi, vous expliquant la meme chose,
vous ne m'auriez pas écouté car j'aurais fait appel à votre libre-arbitre et à votre intelligence,
lui n'a fait appel qu'à vos talents de commères.
Ce n'est pas une critique contre votre personne,
pour que les messages soient transmis, il faut évidement des messagers.
Et comme le message est plutot juste,
je ne vois pas pourquoi j'assassinerai celui qui dit la vérité.
Ma réflexion est plus globale sur notre société de communication et la façon dont on forge les opinions.
Sinon, il faudra peut etre que je demande à mes anciens professeurs ce qu'ils pensaient de moi.
Meme si je serais un petit plus réservé que vous.
Un eleve réservé peut devenir un grand homme, mais c'est vrai que le plus souvent, il s'agit d'exception.
L'excellence ne s'atteint pas en restant dans la norme.
Et une dernière réflexion pour finir,
je me demande d'où vient cette mode d'appeler Xavier,
XB.
By grandourscharmant, at 4:15 PM
Floc-floc lui va comme un gant. Un homme qui porte aux pieds des chaussures diaboliques ne peut pas être tout à fait mauvais.
By jpbb, at 7:31 PM
La bourgeoisie juge un homme à deux choses: sa façon de manger, sa façon de se chausser. L'assiette et les pieds, ce sont les derniers refuges de la lutte des classes. On moquait déjà Bérégovoy pour ses chaussettes boudinées. Le pauvre en est peut-être mort, de ça et du reste. Pitoyable et impitoyable bourgeoisie!
By Emmanuel Mousset, at 9:10 PM
ça les mephisto,
ce ne sont pas des berlutti.
Le plus amusant c'est que les memes apprécient Besancenot et ses clark's.
By grandourscharmant, at 11:51 PM
Mephisto, Berlutti, Clark's, tout ça, pour moi, c'est du chinois, même quand ça vient d'Italie. J'ai des pantoufles, des chaussures et des baskets, point.
By Emmanuel Mousset, at 10:03 AM
et le tout forcément made in china, made in india, made in vietnam
comme peuvent l'etre les clark's par exemple.
By grandourscharmant, at 12:55 PM
Et made in connerie, c'est pas du côté de chez vous, par hasard?
By Emmanuel Mousset, at 10:28 AM
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