Jackson dans l'éternité.
Bonjour à toutes et à tous.
Quand je me suis hier soir couché, la radio annonçait l'hospitalisation de Michael Jackson, et ce matin en me levant, j'apprends sa mort. Je ne sais rien de cet homme, je suis incapable de vous citer un seul titre de ses chansons. La pop (je crois que c'était son genre musical ?), je n'y comprends rien, ça ne m'attire pas. Et pourtant, Michael Jackson n'est pas pour moi un inconnu. Et si je me sens un peu obligé de lui consacrer ce billet ce matin, c'est qu'il était, d'après le commentaire d'une radio, "une icône mondiale".
Parmi les deux ou trois choses à connaître pour comprendre la société contemporaine, il y a sans doute l'engouement planétaire qu'aura suscité cet homme. Qu'est-ce que Jackson nous apprend sur le monde moderne ? C'est la question que j'ai envie de poser, d'autant plus librement que je n'adhère pas au phénomène. De celui-ci, je retiens trois dimensions qui me semblent intéressantes :
1- Un adulte qui veut devenir un enfant. C'est le côté le plus fascinant du personnage, qui lisse son visage, qui efface les rides, qui fuit le temps. Jackson va au bout de la logique de notre époque, il tente d'échapper à la durée, il recherche une sorte d'innocence, de pureté, d'éternité. Depuis deux siècles environ, nous avons réhabilité l'enfance jusqu'à l'idolâtrer. Jackson, lui, aspira carrément à devenir un enfant !
On peut s'en émerveiller, on peut aussi (c'est mon cas) s'en inquiéter. C'est quoi cette incroyable régression qui fascine tant ? Moi elle me fait un peu peur. Quand Michael Jackson a eu un enfant, il l'a montré à la foule, du haut d'un balcon, en un geste troublant, presque sacrificiel. Peut-être avait-il compris et refusé qu'on ne puisse plus faire l'enfant quand on avait un enfant ?
2- Un noir qui veut devenir blanc. C'est le côté le plus fou du personnage. Il se trouve, pur hasard, que je mets la dernière main ce matin à une conférence sur Darwin que je dois donner demain. La théorie de l'évolution du vivant, si on la prolonge dans le futur, peut déboucher sur un post-humanisme, dans lequel l'homme se dépasserait lui-même pour laisser place à une nouvelle créature, une espèce améliorée. Certains savants et philosophes y ont songé, Jackson en quelque sorte l'a réalisée (du moins à l'état d'ébauche, et largement sur le mode du fantasme). Après la régression vers l'enfance, il a accéléré une sorte d'évolution dans le futur (ou plutôt un certain futur).
C'est quelqu'un qui a constamment cherché à se (re)construire, le plus spectaculaire étant dans sa tentative de changer de peau (au propre comme au figuré). Jackson, c'est l'anti-Obama : il n'est pas fier d'être noir, mais veut-il vraiment devenir blanc ? Que cherche-t-il vraiment ? A se créer sûrement une identité sur mesure ...
3- Un corps qui se libère mécaniquement. Chez Michael Jackson comme chez tous nos contemporains, il y a une obsession paradoxale du corps. D'un côté on veut le libérer, l'aimer, le choyer, de l'autre on l'asservit à des régimes draconiens, on le mincit à l'extrême, on a la hantise des graisses. Drôle d'époque ! Ce corps, on veut en tirer du plaisir et on le fait souffrir. Ce que je retiens de Jackson, moi à qui ses chansons sont inaudibles parce que je n'ai pas l'oreille musicale, ce sont les mouvements bizarres de son corps sur scène, sa danse à la fois frénétique et très mécanique, cet espèce de robot aux gestes et réactions très subtiles, d'une grande virtuosité, en quoi il s'est transformé. J'ai l'impression que Michael Jackson déchaîne son corps en l'enchaînant méthodiquement, rigoureusement. Un robot qui serait devenu danseur, voilà le paradoxe et l'étrangeté.
Ce que j'en conclus, c'est que le monde moderne, peuples ou individus, a de plus en plus de difficulté avec la notion d'identité. Sans doute parce que ce monde moderne, en portant très haut la liberté, ne peut que remettre en question cette notion.
Avant de vous quitter, un mot tout de même sur l'autre disparition dans cette immense Los Angeles : Farah Fawcett Major, mon premier amour d'adolescent, la blonde lionne de "Drôle de Dames". Je n'aimais pas la série mais j'aimais Farah. C'était un fantasme, mais à la différence de Jackson, je le savais.
Bonne matinée quand même.
Quand je me suis hier soir couché, la radio annonçait l'hospitalisation de Michael Jackson, et ce matin en me levant, j'apprends sa mort. Je ne sais rien de cet homme, je suis incapable de vous citer un seul titre de ses chansons. La pop (je crois que c'était son genre musical ?), je n'y comprends rien, ça ne m'attire pas. Et pourtant, Michael Jackson n'est pas pour moi un inconnu. Et si je me sens un peu obligé de lui consacrer ce billet ce matin, c'est qu'il était, d'après le commentaire d'une radio, "une icône mondiale".
Parmi les deux ou trois choses à connaître pour comprendre la société contemporaine, il y a sans doute l'engouement planétaire qu'aura suscité cet homme. Qu'est-ce que Jackson nous apprend sur le monde moderne ? C'est la question que j'ai envie de poser, d'autant plus librement que je n'adhère pas au phénomène. De celui-ci, je retiens trois dimensions qui me semblent intéressantes :
1- Un adulte qui veut devenir un enfant. C'est le côté le plus fascinant du personnage, qui lisse son visage, qui efface les rides, qui fuit le temps. Jackson va au bout de la logique de notre époque, il tente d'échapper à la durée, il recherche une sorte d'innocence, de pureté, d'éternité. Depuis deux siècles environ, nous avons réhabilité l'enfance jusqu'à l'idolâtrer. Jackson, lui, aspira carrément à devenir un enfant !
On peut s'en émerveiller, on peut aussi (c'est mon cas) s'en inquiéter. C'est quoi cette incroyable régression qui fascine tant ? Moi elle me fait un peu peur. Quand Michael Jackson a eu un enfant, il l'a montré à la foule, du haut d'un balcon, en un geste troublant, presque sacrificiel. Peut-être avait-il compris et refusé qu'on ne puisse plus faire l'enfant quand on avait un enfant ?
2- Un noir qui veut devenir blanc. C'est le côté le plus fou du personnage. Il se trouve, pur hasard, que je mets la dernière main ce matin à une conférence sur Darwin que je dois donner demain. La théorie de l'évolution du vivant, si on la prolonge dans le futur, peut déboucher sur un post-humanisme, dans lequel l'homme se dépasserait lui-même pour laisser place à une nouvelle créature, une espèce améliorée. Certains savants et philosophes y ont songé, Jackson en quelque sorte l'a réalisée (du moins à l'état d'ébauche, et largement sur le mode du fantasme). Après la régression vers l'enfance, il a accéléré une sorte d'évolution dans le futur (ou plutôt un certain futur).
C'est quelqu'un qui a constamment cherché à se (re)construire, le plus spectaculaire étant dans sa tentative de changer de peau (au propre comme au figuré). Jackson, c'est l'anti-Obama : il n'est pas fier d'être noir, mais veut-il vraiment devenir blanc ? Que cherche-t-il vraiment ? A se créer sûrement une identité sur mesure ...
3- Un corps qui se libère mécaniquement. Chez Michael Jackson comme chez tous nos contemporains, il y a une obsession paradoxale du corps. D'un côté on veut le libérer, l'aimer, le choyer, de l'autre on l'asservit à des régimes draconiens, on le mincit à l'extrême, on a la hantise des graisses. Drôle d'époque ! Ce corps, on veut en tirer du plaisir et on le fait souffrir. Ce que je retiens de Jackson, moi à qui ses chansons sont inaudibles parce que je n'ai pas l'oreille musicale, ce sont les mouvements bizarres de son corps sur scène, sa danse à la fois frénétique et très mécanique, cet espèce de robot aux gestes et réactions très subtiles, d'une grande virtuosité, en quoi il s'est transformé. J'ai l'impression que Michael Jackson déchaîne son corps en l'enchaînant méthodiquement, rigoureusement. Un robot qui serait devenu danseur, voilà le paradoxe et l'étrangeté.
Ce que j'en conclus, c'est que le monde moderne, peuples ou individus, a de plus en plus de difficulté avec la notion d'identité. Sans doute parce que ce monde moderne, en portant très haut la liberté, ne peut que remettre en question cette notion.
Avant de vous quitter, un mot tout de même sur l'autre disparition dans cette immense Los Angeles : Farah Fawcett Major, mon premier amour d'adolescent, la blonde lionne de "Drôle de Dames". Je n'aimais pas la série mais j'aimais Farah. C'était un fantasme, mais à la différence de Jackson, je le savais.
Bonne matinée quand même.
14 Comments:
Dommage que vous n'y compreniez rien.
Il n'a fait que nous renvoyer l'image de ce que nous sommes.
By grandourscharmant, at 2:57 PM
Dommage que vous n'avez pas compris que mon billet soutient que Jackson n'a fait que renvoyer l'image de ce que nous sommes. C'est psychologiquement assez intéressant : vous niez ce qu'en réalité je défends. Médicalement, ce travers de l'esprit doit porter un nom. Un lecteur peut-il m'aider ?
By Emmanuel Mousset, at 4:29 PM
La première phrase de mon commentaire
déplorait la façon dont vous alliez le commenter,
à moins qu'il n'ait été question de votre méconnaissance de la pop.
Comment qualifieriez-vous médicalement l'interprétation que vous avez fait de mon commentaire ?
By grandourscharmant, at 5:38 PM
franchement on s'en fout..c'est un épiphénomène rien de plus..et y consacrer un billet hein? il n'y a rien de plus "pointu" dans l'actualité? mais EM aime bien tout ce qui brille
By Anonyme, at 6:14 PM
Épiphénomène pas tout à fait,
il s'agit quand meme du symbole d'une époque,
celle de l'argent-roi et de l'entertainement .
By grandourscharmant, at 6:38 PM
A l'anonyme :
Un "épiphénomène", la mort d'une star mondiale ? Allez voir dans le dictionnaire ce que le mot "épiphénomène" signifie et je suis certain que vous réviserez votre jugement.
By Emmanuel Mousset, at 11:27 PM
Si épiphénomène il y a, c'est l'ampleur des réactions, la saturation des journaux télé et radio, la grandiloquence des commentaires officiels. Le procès en béatification se profile?
By Bragic, at 8:13 AM
L'amplification médiatique ne relève pas de l'opération du Saint Esprit. Elle résulte d'un phénomène sociologique, auquel on peut se sentir étranger (c'est mon cas) mais qu'on ne peut pas ignorer ou mépriser si on veut comprendre notre société (et il le faut quand on prétend faire de la politique). Ceux qui ignorent ou méprisent ne sont guidés que par leur vanité : tout ce qui ne plaît pas à leur petite gueule devient alors, à leurs yeux, "épiphénomène". C'est vaniteux mais ce n'est pas sérieux.
By Emmanuel Mousset, at 9:12 AM
Je constate un fait de société: j'émets librement une opinion. je ne prétends pas détenir la vérité et il se peut que j'aie tort. J'admets fort bien qu'on pense autrement. Pour contester mon point de vue, il n'est pas nécessaire d'employer des expressions agressives, voire méprisantes.
By Bragic, at 11:15 AM
Pauvre chou ! Vous êtes né dans du coton, peut-être ? Quand vous aurez grandi, vous comprendrez que la vie est un peu plus rugueuse.
By Emmanuel Mousset, at 12:17 PM
Mettons fin à cette mini controverse, si vous le voulez bien. Chacun réagit selon son tempérament et, comme nous l'a si bien montré Feu M.Jackson, rien n'est tout blanc, rien n'est tout noir!
By Bragic, at 1:15 PM
D'accord avec vous, à chacun son tempérament et sa façon de parler. Pour ma part, je conteste les idées de mes interlocuteurs quand je ne suis pas d'accord avec eux, mais je ne fais jamais de remarques sur leur ton, leur style, leur vocabulaire.
By Emmanuel Mousset, at 8:51 AM
EM évolue un p'tit peu: j'ai trouvé dans ce billet " je suis d'accord avec vous" c'est assez rare pour qu'on le remarque car souvent il est d'abord d'accord avec lui-même et ses idées il les partage ( toujours avce lui-même bien sûr; il va sûrement me rétorquer que ça s'appelle de la cohérence, je n'en disconviens pas.
By Anonyme, at 9:28 AM
Pas grand-chose à vous répondre, puisque vous répondez vous-même à la remarque que vous me faites. A une nuance près : il n'est pas si rare que ça que j'affiche sur ce blog mon accord avec une personne.
By Emmanuel Mousset, at 9:37 AM
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