L'Aisne avec DSK

13 juillet 2009

Malaise dans les luttes.

Bonjour à toutes et à tous.

Le délégué CGT de New Fabris, entreprise de sous-traitance dans l'automobile basée à Châtellerault, a annoncé que des bouteilles de gaz avaient été dissimulées dans l'usine, avec ultimatum au 31 juillet de tout faire sauter si une prime de 30 000 euros n'était pas versée à chacun des 336 employés licenciés. C'est Renault et PSA qui sont sommés de payer la note. Voilà les faits, pour le moins spectaculaires. Que faut-il en penser ? Comment faut-il les qualifier : fait divers, acte criminel, geste révolutionnaire, revendication syndicale, coup médiatique ? Difficile ...

C'est d'abord du jamais vu. Même en 1936, même en 1968, dans des périodes hautement plus révolutionnaires, un tel événement ne s'était produit. Il faut remonter au début du siècle dernier, au temps du syndicalisme révolutionnaire pour constater des faits d'une telle violence. En général, depuis, ce ne sont que des groupuscules d'ultra-gauche qui ont été tentés par de telles initiatives, pas les salariés eux-mêmes, par les délégués syndicaux, et surtout pas ceux de la CGT.

Comment ne pas rattacher ce fait à ce que nous avons connu il y a quelques mois, les séquestrations de patrons ? Vous remarquerez qu'elles ont cessé, qu'on en entend plus parler, comme s'il s'était agi d'une vogue passagère, d'une mode largement médiatisée mais aujourd'hui terminée. Le problème a-t-il pour autant été réglé ? Non, même si les salariés qui ont bloqué le personnel de direction ont obtenu semble-t-il satisfaction, ce ne sont que des gouttes d'eau dans l'océan de la souffrance et de l'injustice sociales. Quelques cas particuliers ont été par ce geste solutionnés, la situation générale n'est reste pas moins la même. Autant ces opérations de séquestrations sont médiatisées, autant elles font illusion.

Il en ressort un incontestable malaise, qui prend plusieurs formes. Cette crise économique dont on nous parle depuis plusieurs mois, qu'on présente comme la plus terrible depuis cinquante ans, demeure largement invisible, latente, souterraine. Comme chaque année, des millions de Français sont partis en vacances, le pays va sombrer pour plusieurs semaines dans une molle insouciance. Où est donc cette crise qui pourtant est là mais qu'on ne voit pas vraiment, sauf sous forme de statistiques de mises en chômage technique ici ou là, inquiétantes mais pas nécessairement parlantes pour tous ?

Malaise aussi de constater qu'un superbe et puissant "mouvement social", en janvier et mars, n'a quasiment débouché sur rien ? Là aussi, c'est inquiétant. Les Français se mobilisent en force ... et rien ne bouge, tout reste immobile. Malaise de voir que le scrutin européen, loin de traduire la colère sociale, a légitimé par les urnes les partis conservateurs et libéraux, infligeant une défaite à ceux qui, quoi qu'on en pense, offrent le seul contrepoids, même modeste, au capitalisme en crise, les sociaux-démocrates européens. C'est à n'y plus rien comprendre.

En France, Sarkozy maîtrise tout, occupe la scène. C'est depuis deux ans comme ça, c'est pire que jamais. Résultat : on évoque la retraite à 67 ans et on généralise le travail le dimanche. Pendant ce temps-là, à New Fabris comme ailleurs, les salariés prennent modèle sur les patrons : vous partez avec de grosses indemnités, pourquoi pas nous ! Mais est-ce une bonne idée ? Combien de bouteilles de gaz faudra-t-il pour affronter l'injustice sociale ? Folie, folie, folie. Voilà ce qu'engendre parfois un malaise. Il faut que la gauche se réveille vite fait, et le Parti socialiste en particulier, si nous ne voulons pas voir ce malaise dégénérer de plus en plus en coups de folie.


Bonne matinée.

25 Comments:

  • By Blogger jpbb, at 11:56 AM  

  • Transformer les pauvres en riches, vaste programme, aurait dit de Gaulle !

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:36 PM  

  • Qu'est-ce qui est plus violent:

    - des travailleurs désespérés d'être licenciés et ainsi condamnés à terme à la misère sociale, qui menacent de faire sauter leur entreprise (entre parenthèses, leur outil de travail)

    - ou des patrons et actionnaires avides et malades du profit qui jettent sur le carreau des travailleurs qui ont contribué à leur enrichissement pour délocaliser et s'enrichir encore plus ailleurs ?

    Il est vraiment plus qu'urgent d'imposer l'interdiction des licenciements et de créer le délit de délocalisation!

    By Anonymous Anonyme, at 12:38 PM  

  • Les ouvriers de New Fabris veulent des sous, c'est tout. Soit le PS leur indique le plan capable de les enrichir, soit le PS est mort.

    By Blogger jpbb, at 1:17 PM  

  • Au dernier anonyme :

    Est-ce qu'on va relancer l'emploi à coups d'"interdiction" et de "délit" ? Je ne crois pas.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 2:15 PM  

  • il n'y a aucun malaise dans les luttes, il y a luttes tout simplement . et à force de diplomatie, inaction, d'embrouillaminis de bla-bla, la vraie lutte nous l'avions perdue de vue . elle arrive lentement , trés lentement mais telle cassandre je vois la destruction de troye. aucun parti, aucune idéologie ne pourra endiguer le flot . les économistes les plus chevronnés, froids comme des médecins légistes ne cessent de dire que nous sommes au début des effets de la crise . leur rapport fait quelques lignes dans certains journaux ; il est , cependant édifiant . Mais tout le monde s'en fout . donc rien d'étonnant si ça péte.

    By Anonymous Anonyme, at 3:52 PM  

  • Vivement que ça pète,
    les sociétés militaires privées n'attendent que ça.

    Elles pourront ainsi faire de plus gros bénéfices.

    Et bizarrement, si je devais mettre parier,
    c'est plutôt sur elles que je miserai.
    Autant en Irak ou en Afghanistan,
    des pays en guerre depuis plus de 30a,
    la population sait se battre mais aussi ce que misère et sacrifice veulent dire.
    Autant en France,
    je demande à voir.
    Jouer à se faire peur est une chose,
    arrêter de jouer en est une autre.

    By Blogger grandourscharmant, at 8:10 PM  

  • Au dernier anonyme :

    Ca me fait penser à un ami qui ne cessait de me dire, avec beaucoup de certitude, "ça va péter". Depuis qu'il le dit, je n'ai jamais rien vu "péter". Mais je ne dis pas qu'à l'échelle des siècles ça ne finira pas un jour par "péter".

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 8:48 PM  

  • Vous lui aviez donné à manger du cassoulet ou du chili à votre ami pour que ça va péter.

    By Blogger grandourscharmant, at 10:49 PM  

  • "Est-ce qu'on va relancer l'emploi à coups d'"interdiction" et de "délit" ? Je ne crois pas."

    Je croyais que votre parti était pour réguler le capitalisme.

    Interdire les licenciements et les délocalisations, me sembleraient la moindre des choses si l'on veut réellement réguler le capitalisme.

    Sinon c'est la porte ouverte au n'importe quoi et à tous les abus et incohérences que l'on connaît actuellement. Et l'on ne régulera rien du tout.

    By Anonymous Anonyme, at 12:03 PM  

  • Interdire, ce n'est pas réguler, c'est administrer l'économie. On a vu ce que ça a donné dans d'autres pays, non merci. Réguler, c'est soumettre à des règles. Le drame des licenciements et des délocalisations, c'est que rien n'est fait en matière de formation et de reconversion des salariés. Voilà où la régulation doit s'appliquer, pas dans des interdits.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 12:23 PM  

  • Doit-on aussi interdire la mauvaise gestion et l'incompétence ?

    Car en général, ce sont le plus souvent les causes des licenciements.
    Et de cela, ce sont rarement les licenciés, les responsables.
    Mais les responsables, eux,
    c'est rare qu'on les vire.
    En plus, faudra-t-il aussi interdire les faillites ?

    Sans aller jusqu'à assouplir le systeme comme aux EU,
    il faut au contraire assouplir les licenciements.
    Mais cela impliquerait un systeme plus favorable à l'intelligence et à la compétence.

    By Blogger grandourscharmant, at 10:07 AM  

  • Favorable à l'intelligence et à la compétence, j'aime bien.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 4:18 PM  

  • Malaise dans les luttes...j'ai beau chercher, je n'ai toujours pas trouvé la contrepétrie

    By Blogger Lightbulb, at 7:24 PM  

  • Je déteste les contrepéteries, je n'en fais jamais.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:05 PM  

  • "Le drame des licenciements et des délocalisations, c'est que rien n'est fait en matière de formation et de reconversion des salariés."

    Ce n'est pas parce qu'on formerait mieux les ouvriers (salariés) qu'on empêcherait les délocalisations. Ce que vous semblez ignorer, imbu du capitalisme que vous ètes, c'est que l'on délocalise non pas à cause de compétences que l'on ne trouverait pas ici, mais bien plutôt justement par l'excès de compétences, qu'il faut payer à sa juste mesure.

    Or les patrons cherchent à tout prix (pour s'engraisser eux-mêmes et leurs actionnaires) une main d'oeuvre au plus bas coût possible, même s'ils doivent ainsi rogner sur les compétences. Etant donné que les dirigeants n'investissent plus sur l'avenir-même de l'entreprise, mais préfèrent plutôt faire des gros coups d'éclat à la bourse-casino, interdire les délocalisations me semblerait justement le meilleur remède.

    L'économie doit être au service de l'homme et non le contraire.

    By Anonymous Anonyme, at 7:52 PM  

  • "Doit-on aussi interdire la mauvaise gestion et l'incompétence ?

    Car en général, ce sont le plus souvent les causes des licenciements."

    Les délocalisations ne sont pas dues ni aux mauvaises gestion, ni à l'incompétence, bien au contraire.
    Les patrons, les actionnaires sont extrêmement compétents quand il s'agit de faire des profits pour eux-mêmes, peu importe si pour cela ils jettent des salariés, des régions entières dans la misère et la précarité.

    By Anonymous Anonyme, at 7:55 PM  

  • "Je déteste les contrepéteries, je n'en fais jamais."

    Ce qui prouve que vous manquez singulièrement d'humour.

    By Anonymous Anonyme, at 7:56 PM  

  • Pour l'anonyme de 7:55pm

    Toutes les délocalisations ont été des réussites et ont permis un enrichissement.

    Vous devez sans aucun doute mieux lire les bilans financiers que moi.
    Visiblement, vous n'avez aucune idée de la façon dont fonctionne une entreprise.

    By Blogger grandourscharmant, at 9:21 PM  

  • A l'anonyme de 7:52 :

    Vous devriez interdire aussi, dans votre lancée, le profit, la concurrence, le marché, le capitalisme, ...

    Sauf que ça a déjà été fait et que ça s'est appelé le communisme, dont les peuples se sont débarrassés. C'est con pour vous, non ?

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 11:59 AM  

  • "Toutes les délocalisations ont été des réussites et ont permis un enrichissement."

    Pour qui, sinon pour la minorité de vautours qu'on appelle les capitalistes ?

    Pour les ouvriers des pays en voie de développement, où les entreprises délocalisées se sont établies ? Certainement pas !

    Pour mémoire, certains salariés du secteur textile en Chine, tout en travaillant dans des conditions de travail inhumaines et indignes, sont rémunérées 1/2 centime d'euros de l'heure. Seriez-vous prêt, vous, à gagner la même chose ?

    By Anonymous Anonyme, at 3:13 PM  

  • EM
    Je ne pense pas que l'anonyme de 7:52 ait souhaité le retour du communisme.
    Mais la crise actuelle montre au contraire que tout le monde se tourne vers l'Etat qui dispose effectivement des moyens et des leviers, notamment fiscaux, pour impulser une orientation économique.
    La régulation n'a rien à voir avec l'économie administrée.

    By Anonymous Anonyme, at 3:21 PM  

  • "Vous devriez interdire aussi, dans votre lancée, le profit, la concurrence, le marché, le capitalisme, ..."

    Que quelqu'un qui se dit marxiste et de gauche comme vous, se complaise à défendre de tels concepts, est pour le moins étrange.

    Le marché, la concurrence, le capitalisme, le profit ne profitent qu'aux patrons et aux actionnaires. Demandez aux chômeurs, aux précaires, aux travailleurs-esclaves en Afrique ou en Amérique du Sud, ce qu'ils en pensent. Mais eux, ils ne peuvent pas se payer le luxe d'être autistes (ou schizophrènes)ou de clamer de jolies phrases sur un blog, ils sont bien trop rattrapés par le principe de réalité et doivent suer sang et eau pour pouvoir à peine survivre.

    By Anonymous Anonyme, at 3:22 PM  

  • Pour l'anonyme de 3:13,
    j'imagine donc au vu de vos convictions que vous n'avez jamais rien acheté de made in china
    forgé dans le sang et la sueur de ces salariés là,
    sinon vous ne seriez qu'un capitaliste comme les autres qui aura exploité leur misère pour pouvoir posséder plus à moindre cout.

    By Blogger grandourscharmant, at 6:34 PM  

  • A 3:21, je suis d'accord. A 3:22 non : je ne défends pas ces concepts, je démontre par l'absurde où conduit leur négation absolue.

    Laissez tomber les métaphores psychiatriques, ça fait facho ou stal, vous ne méritez pas ça.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 6:37 PM  

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