L'Aisne avec DSK

14 mai 2010

La fête barbare.


Bonjour à toutes et à tous.


En rédigeant mon billet d'hier matin sur les apéros géants, je ne savais pas le drame de Nantes. J' y reviens donc aujourd'hui, d'autant que le débat sur l'interdiction de ces manifestations est lancé, avec ce défaut bien français d'aborder un problème quand le pire a été atteint, dans l'urgence et l'émotion de l'événement. Je le déplore mais c'est ainsi. En tout cas, la pseudo-convivialité de ces rassemblements ne tient plus : un mort, des blessés, des hospitalisations et des CRS pour que ça ne dégénère pas, non ce n'est plus du tout une ambiance d'apéro !

Que se passe-t-il donc lors de ces "fêtes", qui puisse attirer autant de monde et pas seulement des jeunes ? C'est la foule aveugle qui se reconstitue dans l'anonymat, autour de rien, de personne, sans autre objectif que se bourrer la gueule. Parce qu'un apéro géant à base de jus d'ananas ou de carotte, j'attends pour voir !

Nous assistons en réalité à un recul de civilisation : c'est au repas, à la façon de l'organiser, de manger, qu'on juge une culture, une société. L'apéro joue dans ce rituel qu'est toute nourriture partagée un rôle spécifique : l'ouverture, la prise de contact entre les convives. C'est un moment léger, très doux, où rien n'a beaucoup d'importance, avant de passer à table, où les choses sérieuses commenceront. L'apéro aiguise l'appétit, prépare à ce qui va suivre. On s'y sent très libre, sans encore de voisins, on peut s'asseoir ou se lever, repérer ceux avec lesquels on va sympathiser, celles qu'on va peut-être draguer. Quand les plats seront servis, il sera trop tard. L'apéro nous donne les premières vapeurs d'alcool qui vont nous mettre en joie, obligeant aussi à mesurer et calculer notre consommation pour qu'elle ne se transforme pas en peine. Bref, l'apéro est un moment de haute civilisation, de grande humanité. A Nantes, à Montpellier et ailleurs, ils en ont fait une fête barbare.

Le ressort de ces apéros facebookés est à chercher du côté de la transgression : des milliers de personnes échappent pendant quelques heures à toute forme de lois. Il n'y a ni organisateur, ni organisation. C'est un courte période de sauvagerie. L'individu n'existe plus, se dissout dans la masse presque animale. Toute responsabilité est abolie. Quand on sait les démarches administratives, le luxe de précaution, les engagements de toute sorte qu'exige la mise en place de la moindre activité publique, on comprend qu'un apéro géant est aussi une forme de protestation, un rejet d'une société hyper-réglementée, tatillonne, sécurisée.

C'est pourquoi il faut se garder de juger trop rapidement et tenter tout de même de comprendre. La sauvagerie est en nous, l'élan barbare est une composante de l'humanité. Au début des années 60, les concerts de rock autour de Johnny Halliday faisaient peur à la bonne société, on y cassait des chaises, on hurlait, les braves citoyens avaient de quoi être inquiets. La musique était sensée adoucir les moeurs, pas les exciter ! Relativisons donc ce qui se passe aujourd'hui avant de brandir la menace de l'interdiction. Pas question bien sûr de transiger quand il est question de vie et de mort, mais allons plutôt vers une régulation et une responsabilisation de ces apéros géants, comme il s'est passé pour la rave party.

Et puis, n'oublions pas que l'humanité a connu d'autres fêtes barbares, il n'y a pas si longtemps, mais très organisées cette fois, bottées et casquées, hurlant des slogans de haine, prises dans des formes d'ivresse et de débordements autrement plus dangereux, sanglants et cruels. A tout prendre, je préfère, de loin, la barbarie anarchique à la barbarie totalitaire. Et si personne ne trouve de solution et n'arrive à se mettre d'accord, je propose d'organiser des cafés philo géants : la convivialité sera assurée par la discussion, le plaisir de boire sera équilibré par celui de réfléchir, vous aurez en même temps l'ivresse et la sagesse. Ce n'est pas une bonne idée ?


Bonne journée.

7 Comments:

  • J'ai une annonce importante à vous faire !

    J'arrête la politique puisque ce soir je suis millionnaire.

    By Blogger Arthur Nouaillat, at 6:52 PM  

  • Je suppose qu'il y a une blague quelque part, puisque l'annonce est incohérente : être millionnaire est une bonne raison de continuer la politique, puisque celle-ci exige pas mal d'argent.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 7:13 PM  

  • Aucune blague, ce soir je vais gagner 97 millions d'euros, je ne pourrai pas continuer la politique, j'aurai beaucoup trop d'occupations et je ne pourrai pas rester à Saint-Quentin et me faire harceler tous les jours...

    By Blogger Arthur Nouaillat, at 7:15 PM  

  • l'idée d'un café philo géant est intéressante, mais où ? à Saint-Quentin ?

    By Anonymous Anonyme, at 9:36 PM  

  • Pourquoi pas.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 9:41 PM  

  • c'est un projet que tu veux réaliser ? ou une simple idée ?

    By Anonymous Anonyme, at 10:02 PM  

  • Pour le moment une simple idée.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 10:44 PM  

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