L'Aisne avec DSK

29 juillet 2010

Délit de belle bagnole.

Bonsoir à toutes et à tous.


Il y avait le délit de sale gueule. En écoutant ce matin sur RTL le ministre de l'Intérieur, j'ai appris l'existence d'un nouveau délit : celui de belle bagnole. La possession d'une "grosse cylindrée" (sic) provoquerait un soupçon de délinquance. Mais pas sur tous leurs propriétaires, sinon Neuilly, le XVIème arrondissement de Paris et quelques beaux quartiers deviendraient des repaires de délinquants. Non, le délit ne concernerait qu'une catégorie de la population, roms ou gens du voyage.

Que les choses soient bien claires entre nous : je suis pour l'application rigoureuse de la loi, applicable à tout citoyen en situation délictueuse ou criminelle. Mais le fait d'avoir un beau et imposant véhicule ne vous fait pas entrer, que je sache, dans cette catégorie-là, même quand votre mode de vie n'est pas sédentaire. J'ai envie d'ajouter : surtout quand votre mode de vie n'est pas sédentaire puisqu'il est logique, à défaut d'avoir une belle maison, de posséder une belle voiture et caravane !

Le ministre de l'Intérieur, en légitimant un vieux préjugé, lui donne du crédit. Ce cliché péjoratif, combien de fois ne l'entendons-nous pas autour de nous ? Il est du même tabac que la légende du SDF richissime. Un homme politique doit être aussi un pédagogue de l'opinion, en l'occurrence expliquer qu'il n'y a pas de lien entre le luxe (d'ailleurs tout relatif) et la délinquance. Pourquoi alors ce préjugé a-t-il la vie dure ? Parce que l'image qu'on se fait du gitan, manouche, romanichel, c'est la roulotte tractée par des chevaux. Tout ce qui ne correspond pas à ce schéma engendre la méfiance.

Et puis, il y a la simple jalousie sociale. En France, la bagnole garde une forte dimension symbolique, elle est une marque visible de réussite et même de virilité. L'ouvrier qui a une bagnole aussi belle que celle de son patron (c'est possible avec le crédit, la volonté et de gros sacrifices) fait causer, et en mal. On l'accuse de s'y croire, de frimer. Ce n'est peut-être pas une vertu, ce n'est pas non plus un mal ou un crime. Les gens du voyage, avec leurs belles bagnoles, ne respectent pas la hiérarchie sociale, ils bousculent un ordre implicite. Je ne parle même pas de la banale xénophobie qui les frappe.

Mais, me direz-vous, des gens qui ne travaillent pas et qui peuvent s'acheter de tels véhicules, n'est-il pas légitime de les soupçonner ? Non, absolument pas, du moins tant que nous sommes en République, dans un Etat de droit. D'abord, qui peut savoir qui travaille ou pas, qui perçoit ou pas des revenus lorsqu'il passe à côté d'un camp de nomades ? Alors un peu moins d'arrogance s'il vous plaît, car c'est en portant des jugements à tort et à travers qu'on finit par commettre des injustices et dire des conneries.

Surtout, ce travail d'observation et les questions qui en résultent relèvent de la police et de la justice, pas du citoyen devenu délateur ou du politique transformé en démagogue. De ce point de vue, il y a toute une tradition française qui n'est pas à notre honneur. Oui les policiers doivent discrètement et efficacement enquêter lorsque des modes de vie ne semblent pas correspondre aux moyens financiers de leurs protagonistes. Mais cette activité professionnelle n'a pas à être utilisée et manipulée en direction de l'opinion, dans l'objectif détestable d'exciter et satisfaire ce que celle-ci a de plus bas et de plus stupide.


Bonne soirée.

4 Comments:

  • L'état n'a plus les moyens de faire progresser des enquêtes et n' a jamais eu une tradition d'audit ...

    Seuls les juges d'instructions et les Inspecteurs des impots savent décortiquer un dossier et bien souvent avec l' aide d'expert ...

    Alors où est la solution ??

    By Anonymous Anonyme, at 8:17 PM  

  • Il faut redonner à l'Etat des moyens, et donc ne plus suivre la politique actuelle.

    By Blogger Emmanuel Mousset, at 8:36 PM  

  • Al Capone a chuté pour des questions financières; n'est on pas capable en 2010 de passer au crible les "revenus" des caids de banlieue ou alors laisse t on faire ,ou par manque de courage politique ou par manque de moyens? et puis, au fond, si les banlieues était tranquilles que deviendrait le fond-de-commerce sarkozyste de l'insécurité?

    By Anonymous Anonyme, at 6:54 AM  

  • Les Roms, les "gens du voyage" et les politiques: le grand n'importe quoi

    Nicolas Sarkozy, gens du voyage, roms, Brice Hortefeux, Benoît Hamon, parti socialiste

    la droite a fait de la surenchère.

    Notamment sur les voitures. On ne savait pas nos élus UMP si soucieux de la cylindrée de nos véhicules, mais on a eu droit à un tir groupé pour dénoncer "les grosses voitures" qui tractent les caravanes. Avant de fantasmer, un petit tour sur un site spécialisé dans les occasions, leur aurait évité de dire des énormités. Une classe S à 7.000€, c'est courant...
    Cependant à gauche aussi, on n'a pas été non plus très inspiré.

    Benoît Hamon a ce mot:

    "Il y a des délinquants parmi les Roms, parmi les gens du voyage. Il y a des délinquants à Neuilly-sur-Seine", comme si les fautes des uns excusaient, voire justifiaient celles des autres. Un grand classique des cours de récré. Les Verts ne sont pas en reste. Ils dénoncent: "la réunion 'scandaleuse' entre 'ministres spécialistes des délires paranoïaques anti-étrangers'. Tout dans la mesure...
    Les associations ont aussi des mots malheureux. Ainsi, Stéphane Lévêque, directeur de la Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes et les gens du voyage indique "On a d'un côté les Roms, qui sont des citoyens étrangers de l'Union européenne et de l'autre les gens du voyage, qui sont des Français à part entière, et depuis plus longtemps que les Bretons et les Savoyards". Et voilà comment, en une phrase, on arrive à fractionner un peu plus la société.

    By Anonymous Anonyme, at 9:20 AM  

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