L'Aisne avec DSK

30 septembre 2009

Explications de vote.




Bonjour à toutes et à tous.

C'est demain soir la "consultation militante" du PS, l'acte I de notre rénovation. Ce à quoi j'aspire tant depuis quelques années, et nous sommes nombreux à partager cet espoir, va commencer demain : la transformation du Parti socialiste. Si les 11 propositions qui sont faites par Martine Aubry sont adoptées par les militants, c'est une vraie révolution qui sera lancée et que rien ne pourra plus arrêter.

Une camarade, croisée hier dans Saint-Quentin, m'a demandé pour quoi voter. Je me suis bien abstenu de l'aider en quelque façon que ce soit. Car la rénovation, culturellement parlant, c'est précisément cela : penser désormais par soi-même, ne plus laisser les chefs de courants décider à notre place, ne plus attendre de consignes téléphonées, ne plus se laisser guider la main quand on va en interne voter (vieille habitude socialiste et pas que socialiste).

La presse s'est focalisée à tort il y a quelques temps sur la triche dans notre Parti, après la parution d'un méchant livre. Mais le vrai problème, c'est celui des mentalités qui se sont trop longtemps laissées formater. Avec la "consultation militante" et ses projets, c'est le début de la fin de l'assistanat politique : l'adhérent va devenir ce qu'il aurait dû toujours être, un citoyen libre de ses choix. Je me suis donc tu quand cette camarade m'a demandé conseil.

Cependant, je suis un militant, je n'ai nullement à cacher mes préférences, d'autant que je les expose régulièrement sur ce blog. Je vous livre donc, en vignettes, mon bulletin de vote et vous donne quelques explications :

Sur les 11 questions, j'ai répondu oui à 7, je n'ai refusé aucune, j'ai exprimé mon abstention sur 4 d'entre elles. Concernant les primaires (2 questions), c'est oui sans hésitation. Quelles que soient les difficultés techniques réelles du dispositif, j'ai toujours été pour quand beaucoup étaient contre (qui maintenant sont pour !). Je suis même favorable à son extension aux élections locales, notamment municipales, pour la désignation de la tête de liste (les petits malins à Saint-Quentin comprendront vite pourquoi sans que j'ai besoin d'expliquer ...).

Sur le non cumul des mandats (2 questions), j'ai répondu oui au mandat parlementaire unique mais je me suis abstenu sur la limitation à trois mandats successifs. Pourquoi ? Parce que je suis sur ce point hésitant. Un bon maire ne mériterait-il pas d'être réélu une quatrième fois ? Ce serait dommage de l'en empêcher. Et puis, laissons les citoyens en juger, ce sont les mieux placés.

Sur la parité, les diversités et le renouvellement des générations, je n'ai guère été généreux puisque je me suis abstenu sur les trois propositions. Les lecteurs de ce blog, qui connaissent mes analyses, ne s'en étonneront pas. Que la parité soit inscrite dans la loi et oblige tous les candidats aux législatives à se soumettre à elle, pourquoi pas. Mais réserver ça dans notre règlement aux seuls socialistes, non. C'est pour tous ou pour personne. Je n'ai pas le même raisonnement pour le non cumul des mandats parce que là le problème pour trouver des candidats sera moins flagrant.

Quant à la parité dans TOUTES les instances du Parti, non ça me semble excessif et difficilement applicable, je préfère m'abstenir. Car si on suit cette logique, c'est partout qu'il faudra mettre la parité, y compris dans le moindre comité Théodule. Pourquoi pas d'ailleurs, ça se discute (c'est pourquoi je me contente de ne pas me prononcer). Mais je le vois mal pour dès maintenant.

La "diversité", je ne sais pas ce que ça veut dire. J'attends désespérément que le Parti accepte dans ses critères les Berrichons, les profs de philo et tous ceux qui mesurent 1 mètre 68 : je pourrais peut-être enfin figurer sur une liste ou être candidat quelque part ! Plus sérieusement, je crains que la question 3-3 ne favorise le communautarisme. Quant au renouvellement des générations, je ne pense pas que l'âge soit un critère de sagesse ou d'intelligence.

Pour tout le reste (vignette du bas), je dis oui les yeux fermés, si j'ose dire. La démocratie interne et l'application de règles éthiques, qui pourrait être contre !

Cher(e)s camarades, allez demain massivement voter, ce que vous voudrez (pas nécessairement comme moi !) mais allez voter. Toute consultation où la participation est faible amoindrit, vous le savez bien, la valeur du résultat. Si vous habitez à Saint-Quentin, rendez-vous entre 17h00 et 22h00 au café des Champs Elysées (à jour de cotisations évidemment).

Dans le même scrutin, nous choisirons notre tête de liste aux régionales : là c'est plus simple, il n'y a qu'un seul candidat, Claude Gewerc. Mais j'ai tort de dire que c'est plus simple : aux municipales à Saint-Quentin, il n'y avait qu'un seul candidat, et c'est là où tout est devenu extrêmement compliqué ! Pour Claude, le contexte politique est heureusement très différent et je ne pense pas qu'il y aura de problème ...


Bonne soirée.


PS : débat ce soir au même endroit, proposé par Génération Ecologie (en présence de son responsable national) sur la taxe carbone. J'y serai.

29 septembre 2009

Retour sur l'affaire.

Bonsoir à toutes et à tous.

J'atteindrai demain trois ans tout rond de rédaction de ce blog. Ce sera mon 2 039ème billet ! J'en ai vu et lu de toutes les couleurs, même des plus sombres parmi les commentaires que suscitent mes réflexions. On ne peut pas dire que celles-ci laissent indifférent ! J'ai parfois l'impression d'être un punching ball sur lequel on se défoule. Ca ne me déplaît pas.

J'ai en mémoire cette formule de Mitterrand : "Je suis le punching ball sur lequel on frappe ; mais le punching ball, lui, ne se fatigue jamais". Oh que oui ! Trois ans après, je suis frais comme un gardon. Beaucoup sont passés, m'ont attaqué avec leurs petits poings et sont repartis lassés. De nouveaux arrivent, notamment en ce moment. C'est la bleusaille que je me dois d'initier, avant qu'à leur tour ils jettent l'éponge.

Ces mordillements de bassets sont fréquents sur Internet, je ne suis pas le seul à en être honoré. Sous couvert d'anonymat, la méchanceté se défoule. Un projecteur en pleine gueule, elle déguerpirait. Appréciez le niveau : il y a quelques jours, j'avoue mon penchant pour la boxe, on m'accuse alors de me délecter d'un spectacle barbare (les 3 000 spectateurs du Palais des Sports apprécieront). Mais c'est encore peu de choses par rapport à la coulée de boue qui a suivi mon soutien à Polanski, qui faisait de moi un personnage dangereux, quasiment un sympathisant des violeurs.

La plupart des lecteurs de ce blog et les nombreux intervenants sérieux me conseilleraient sans doute de ne pas commenter ces commentaires ... qui se passent de tout commentaire. Peut-être, mais les réactions (et pas seulement sur ce blog) qu'a provoquées l'arrestation de Polanski méritent qu'on y revienne et qu'on y réfléchisse. Le commencement est tout simple : le ministre de la Culture, qui n'a fait que son devoir, et des artistes de renom ont exprimé leur amical soutien à l'un des cinéastes les plus importants de notre époque, de réputation internationale, après la détention de celui-ci pour une affaire vieille de 30 ans. J'ai fait de même sur ce blog, en souvenir d'un homme dont l'oeuvre a beaucoup compté pour moi. C'est tout, et pour certains c'est trop. Pourquoi ?

La Justice fait son travail, personne ne le lui reproche ni ne l'entrave, pas moi en tout cas. La loi de tout façon s'appliquera. Mais n'a-t-on pas le droit d'exprimer sa solidarité à l'égard d'un créateur qu'on porte en grande estime ? Vous me direz sans doute qu'il s'agit d'un violeur, d'un pédophile, d'un salaud. Je suis la carrière de Polanski depuis trente ans, jamais je n'ai entendu de telles accusations contre lui. Pourquoi maintenant ? (aucune information nouvelle, que je sache, n'éclaire cette affaire)

Ce que je sais, c'est que cet homme a été mêlé à une sombre histoire d'abus sexuel sur laquelle la lumière n'a jamais été faite, Polanski ayant nié le viol, la victime ayant abandonné depuis ses poursuites. Le présumé coupable a fait de la prison puis s'est enfui en Europe. Voilà la vérité. Ce n'est peut-être pas toute la vérité, mais ce genre d'histoire est suffisamment embrouillé pour en rester à ce qu'on connaît avec exactitude sans extrapoler.

Ce n'est pas l'affaire en elle-même qui me fait réfléchir. La Justice là-dessus fera ce qu'elle a à faire et nul ne peut s'ériger en tribunal. De mon côté, je réaffirme mon soutien à Polanski et souhaite sa libération. Tant que nous vivrons en République, personne ne pourra me priver de ce droit d'expression. Ma réflexion porte plutôt sur les protestations violentes qui se sont levées contre le cinéaste et ses soutiens :

A quoi assiste-t-on ? A la prétendue indignation morale d'un soit-disant bon peuple très sain, très pur contre le petit juif polonais, le grand bourgeois cosmopolite, l'intellectuel dépravé, l'artiste corrompu, le copain de l'establishment, le représentant des "élites" maudites (puisque c'est ainsi qu'on le dépeint). C'est la fable éternellement haineuse des braves petits contre les salauds de riches qu'on est en train de nous raconter.

Ami(e)s de gauche, je ne vous demande pas d'aimer ni de soutenir Polanski mais seulement, si vous êtes vraiment de gauche, de ne pas vous compromettre dans cette basse et glauque polémique. Elle chante comme la lutte des classes, elle est en vérité un pur produit de la culture d'extrême droite. Méfiez-vous de ces anges de lumière, de ces chevaliers blancs, de ces redresseurs de tort. Ce qui les inspire, c'est le Talion ou Lynch, la vengeance plus que la justice, ce ne sont que des remueurs de merde. Satan lui aussi, cette figure sur laquelle Polanski a tant travaillé, était avant sa révolte le plus beau des anges.

C'est le retour du refoulé : une société qui pendant des siècles a caché dans ses familles les pires crimes a besoin de se faire pardonner, d'en rajouter, de hurler avec les loups et plus fort que les loups. Polanski au bûcher, c'est la sinistre histoire du bouc émissaire. Ami(e)s de gauche, ne rejoignez pas la trompeuse et hideuse marée qui monte.


Bonne soirée.

28 septembre 2009

S'opposer autrement.

Bonsoir à toutes et à tous.

Un conseil municipal, c'est une épreuve. Ce qui guette, l'ennemi redoutable, c'est l'ennui. Les décisions administratives se suivent et se ressemblent, on attend, on cherche, on espère l'intervention politique. J'avoue avoir cédé ce soir, au conseil municipal de rentrée, à l'ennui. Peut-être parce qu'il était plus long que d'habitude. Sûrement aussi parce que j'étais plus fatigué que d'habitude.

Pourtant, tout avait commencé assez fort. A propos du service de fourrière, Michel Aurigny, du Parti Ouvrier Indépendant, dénonce la délégation de service public, pour lui synonyme de privatisation. Je veux bien, mais comment expliquer que ce système est fréquemment utilisé par des municipalités socialistes ? Pour le maire, une structure municipale reviendrait cinq fois plus cher. Aurigny, qui ne lâche pas, demande pourquoi. Le maire, qui a déjà lancé le vote, ignore la question.

Cette attitude porte un nom : ça s'appelle le rapport de forces. Du côté de Pierre André, tout est déjà bouclé. Pourquoi s'embêter à se justifier ? C'est le problème d'une opposition municipale : elle n'a pas le pouvoir, ne peut rien décider, rien bloquer. Ne reste plus qu'à tenter de persuader la majorité. Mais l'extrême gauche parvenant à convaincre la droite et à la faire changer d'avis, ce serait cocasse, ça ne s'est jamais vu.

Sur les subventions accordées aux clubs sportifs, un début de débat a failli s'instaurer. C'est un vrai sujet politique, l'argent qu'on verse pour le sport. Mais ce débat a tourné court. Pierre André s'en est pris à la Région qui selon lui a diminué par deux les subventions aux clubs et au Département qui a diminué par trois. De même, le débat sur la subvention pour la solidarité urbaine s'est terminé en eau de boudin, le maire reprochant à l'opposition de ne pas avoir de contre-projet et de ne pas assister aux réunions de la commission, la dite opposition expliquant qu'il n'y a pas eu de réunion. Bref c'est le serpent qui se mord la queue.

Sur le rapport consacré au tri des déchets, un début de confrontation politique s'est amorcé, l'opposition rappelant la hausse de 25% de la taxe et soulignant que les Saint-Quentinois trient leurs déchets mais n'en reçoivent aucune "reconnaissance politique". Le sénateur-maire a alors repris son antienne préférée : Lançon premier vice-président de district quand a été décidée la création de l'usine d'incinération des ordures ménagères.

L'explication historique s'est terminée par la remise en cause du Conseil général de l'Aisne et les atermoiements de son président Daudigny (selon Pierre André). La séquence a été conclue par le vrai scoop politique de la soirée : Le syndicat mixte Valor'Aisne va être traîné devant les tribunaux, celui n'ayant réalisé ni les investissements, ni les mises aux normes nécessaires (toujours selon le sénateur-maire).

Sur le prix de l'eau, Aurigny a tenté un nouvel assaut, en soutenant qu'il était le plus élevé du département. Pierre André n'a pas été plus tendre que pour la question de la fourrière. Il a coupé net en disant que "c'est toujours trop cher". L'intervention politiquement la plus cohérente, la plus structurée de la soirée a été celle d'Olivier Tournay, pour rappeler son opposition à la vidéo-surveillance, à l'occasion de la création de six postes pour faire fonctionner le système.

Mais je ne crois pas que la gauche prenne ici une bonne direction : l'insécurité est un problème ressenti comme tel par une bonne partie de la population et qu'il ne faut pas laisser à la droite. Je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas à Saint-Quentin ce qui se fait ailleurs dans certaines municipalités socialistes. Quitte après à discuter du nombre, du coût et des emplacements des caméras, sans cependant en refuser le principe.

Une question diverse a conclu ce conseil, posée par Nora Ahmed Ali des Verts, en réaction à un refus du maire d'installer des éoliennes sur la commune. Celui-ci a répondu par une défense du nucléaire et un doute sur l'apport réel de l'éolien. Nora a bien sûr eu raison de poser cette question si elle lui tenait à coeur. Mais la réponse de Pierre André était attendue, évidente et inébranlable. C'est toute la limite de l'opposition : vouloir débattre avec quelqu'un qui ne veut pas débattre, poser des questions dont les réponses sont programmables d'avance.

Que faudrait-il faire ? Je n'en sais rien, je ne suis pas plus malin qu'un autre. Peut-être n'y a-t-il rien d'autre à faire que ce que fait l'opposition. Pour ma part, vous le savez, je ne m'y prendrais pas comme ça (mais il est toujours facile de parler quand on n'a pas la responsabilité d'agir). Interpeller le maire ne sert pas à grand-chose, il aura toujours réponse à tout et le dernier mot.

Ce qu'il faudrait, c'est proposer, présenter nos propres analyses sans rien attendre d'autre de la majorité. Bref s'opposer en vue de faire passer des messages à l'opinion, pas dans l'objectif de déstabiliser ou de persuader le maire. J'observe les séances du conseil municipal depuis un peu plus de dix ans. Des opposants à Pierre André, j'en ai vu et entendu, de toutes les couleurs si j'ose dire. A chaque fois, ils se sont cassés les dents et la droite a continué à faire de jolis scores aux élections locales. Je n'ai pas à donner de leçons, mais je crois qu'il faudrait s'opposer autrement. On ne peut pas continuer comme ça, qui ne mène à rien.


Bonne soirée.

27 septembre 2009

Soutien à Polanski.

Bonsoir à toutes et à tous.

Ce qui s'est passé à Zurich aujourd'hui est particulièrement choquant. Roman Polanski, un des plus grands cinéastes de notre époque, a été arrêté pour des faits qui remontent à il y a plus de trente ans (des relations sexuelles avec une mineure) et pour lesquels la justice américaine ne cesse de le poursuivre. Je sais que la loi est la loi et que la justice doit passer. Mais il y a des limites à ne pas dépasser. La plaignante a abandonné ses poursuites, Polanski mène une vie très libre mais ce n'est pas un criminel. Il doit être libéré !

Une démocratie n'enferme pas ses artistes. Je ne demande pas pour cette personnalité un traitement de faveur mais la simple compréhension, le discernement élémentaire des autorités en charge de cette affaire. Je n'oublie pas non plus que Polanski est un citoyen français, que la France doit se mobiliser pour le sortir de là. Polanski en prison, c'est le triomphe de Javert sur Jean Valjean, le droit impitoyable et vengeur contre la faute pardonnée et oubliée.

Mon soutien à Polanski a aussi une dimension plus personnelle. J'aime tout particulièrement les thèmes que ce cinéaste a admirablement traités dans son oeuvre, principalement celui du mal, ce mal qui le poursuit aujourd'hui encore à travers son arrestation, ce mal dont il a été la victime autrefois dans la tragédie qui a frappé son épouse Sharon Tate. Mon film préféré, même si ce n'est sans doute pas le meilleur mais celui qui exprime bien les préoccupations de son auteur : Rosemary's Baby. A chaque fois que je le revois, je frémis comme à la première séance.

Liberté pour Polanski !


Bonne soirée.

Une génération.

Bonjour à toutes et à tous.

Vendredi soir, avant la boxe, j'ai assisté, dans l'Hôtel de Ville de Saint-Quentin, à la remise des insignes de Chevalier dans l'Ordre National du Mérite à Claude Gransard. Beaucoup de monde, et du beau monde : de nombreux élus, le député, la députée européenne, des conseillers généraux, une conseillère régionale, et j'en oublie sûrement, que je n'ai pas pu voir.

Le colonel Dutel a rappelé le sens de la cérémonie, qui ne se réduit pas à une formalité protocolaire. Dans le genre, il est inimitable et c'est avec un plaisir à chaque fois renouvelé que j'écoute ses explications. Quel homme ! Un vrai personnage ! Quand on est face à lui, on se sent presque obligé de se mettre au garde-à-vous. 90 piges cette semaine, droit dans son corps et encore toute sa tête, une voix de stentor qui fait trembler la Salle des Mariages, une gueule, une présence et un discours à l'élocution parfaite, sans notes, d'une remarquable précision, structuré comme je les aime.

Vous en connaissez beaucoup capable de faire ça ? Quand j'en vois, et c'est fréquent, qui ont un demi-siècle de moins, leur papier entre les mains, tremblant de partout, buttant sur les mots, ânonnant leur texte, endormant l'assistance, ça fait vraiment pitié. Avec Dutel, ça décoiffe ! Il faut l'entendre distinguer un insigne et une médaille, et morigéner au passage les pauvres journalistes qui ont osé parler de "décoration" à propos des insignes de Chevalier dans l'Ordre National du Mérite. C'est un grand moment dans l'art oratoire !

Le sénateur-maire et le sous-préfet ont résumé la vie de Claude Gransard, et c'est de cela dont je veux ce matin vous entretenir. Car Claude appartient à une génération dont le parcours mérite d'être honoré et médité. Ce sont ces instituteurs, le plus souvent issus de familles modestes, formés à l'Ecole Normale (qui était alors plus qu'une école, une véritable culture, un état d'esprit), ne se contentant pas de leur travail en classe mais s'engageant dans la vie associative, les "oeuvres périscolaires" comme on les appelait, devenant bien souvent secrétaire de mairie, apprenant en quelque sorte sur le terrain le métier d'élu, devenant à leur tour maire d'une commune rurale. C'est le beau parcours de Claude Gransard, maire de Mesnil-Saint-Laurent, retracé par Pierre André et commenté par Jacques Destouches.

Cette génération adhérait fréquemment au Parti socialiste, poussant plus loin sa promotion jusqu'à devenir conseiller général ou bien, au plan professionnel, PEGC, c'est à dire professeur en collège, ce qui conduisait aussi à passer les concours de direction, à accéder au poste de principal. Cette filière a permis pour certains de devenir parlementaire ou président de conseil général, leur bâton de maréchal. Ainsi s'est constituée une génération de notables de gauche (au sens positif du terme), influents auprès de la population et permettant au PS de préparer ses victoires nationales.

Le drame du PS aujourd'hui, c'est que cette génération approche de son terme politique (même si elle a encore une longue vie devant elle !) et que ce mode de recrutement de nos élus, cette filière sociologique et professionnelle qui nous était si précieuse a disparu. La droite a su préserver son système de sélection des élites locales, pour des raisons qui sont liées à son histoire et à son idéologie (qu'il serait trop long d'expliquer ici). La gauche, elle, doit reconstruire ses réseaux.

A Saint-Quentin, c'est flagrant. Nous avons atteint l'os. A part le recrutement individuel pour convenance de courant ou besoin de reconnaissance personnelle, il n'existe plus de procédure collective, d'école de formation sur le tas de nos élus et futurs responsables. N'importe qui, du jour au lendemain, peut s'imposer dans la section et devenir candidat. C'est la loi hasardeuse des circonstances qui l'emporte et qui donne la prime aux téméraires et aux aventuriers. Les conséquences en sont désastreuses et cela ne se devrait pas.

Il nous faudrait, comme la génération précédente, des expériences de terrain, des parcours d'initiation, des résultats tangibles, des responsabilités éprouvées, une progression par étapes afin de repérer, de préparer et de propulser nos futurs élus et cadres. Aujourd'hui, c'est le règne de la combine, du copinage et des opportunités. Il y a là un vaste et difficile chantier de rénovation à mener. Le non cumul des mandats va dans ce sens mais ne suffira pas. Reconstituer des circuits de promotion à l'intérieur de notre Parti sera un travail long et patient mais d'une urgence absolue.

Aujourd'hui, à Saint-Quentin, dans le cadre d'une élection municipale, la droite est capable de fournir une liste de personnes influentes et socialement reconnues, qui crédibilisent sa démarche. La gauche n'y parvient pas véritablement, faute de bénéficier des réseaux qui pourraient alimenter une telle liste (à quoi s'ajoutent bien sûr hélas les divisions dans notre propre camp, qui n'arrangent rien). S'il y avait une action prioritaire à mener localement, ce serait celle-là : en souvenir de la génération qui passe, imaginer les nouvelles sources de recrutement de la génération politique à venir, qui aient pour principe et mesure le travail collectif et non pas l'allégeance individuelle.


Bonne journée.

26 septembre 2009

Quelle soirée !

Bonjour à toutes et à tous.

Je n'aime pas le sport, à l'exception de la boxe et du cyclisme. J'ai fait beaucoup de vélo mais je n'ai jamais enfilé les gants. Hier soir, je me suis régalé, j'ai passé plus de quatre heures au Palais des Sports de Saint-Quentin où sept combats étaient programmés, parmi lesquels le championnat de France FFB catégorie plumes (le clou de la soirée) et le championnat international WBC plumes (un peu décevant).

La boxe, c'est pour moi le plus grand des sports, je le mets au-dessus de tous les autres. Si je vous en parle sur ce blog consacré à la politique, c'est que ce sport est aussi une magnifique métaphore de la politique. En revanche, je déteste le football, qui n'a qu'un seul point commun avec ma chère boxe : la popularité.

C'est quoi la boxe ? C'est plus et mieux qu'un sport, ce n'est pas du tout un match, c'est un combat. Et quel combat ! Deux hommes face à face (au sens précis : visage contre visage), de force généralement égale, qui tous les deux peuvent prétendre gagner et le méritent, dont l'un pourtant sortira seul vainqueur. Voilà la grandeur, j'ai presque envie de dire la tragédie de la boxe.

A la différence des ridicules sports de balle où l'on court derrière un sac de peau, la boxe met en situation deux hommes qui s'affrontent directement, torse nu, les mains seulement protégées par des gants. C'est sans doute l'activité la plus proche de celles qui se pratiquaient dans l'antiquité gréco-romain.

Ce qui me plaît dans la boxe, c'est la concentration de l'espace de combat, le ring aux dimensions modestes sous la lumière blanche et crue des projecteurs (voyez le contraste avec la pelouse des immenses stades). Là, on n'échappe pas à son destin. C'est le sport qui met le plus en valeur la beauté et la puissance des corps.

Boxer, c'est quoi ? Constamment se protéger, feinter, frapper et surtout résister. On retrouve dans ce sport une simplicité qui fait sa grande popularité, comme dans le foot. La différence, c'est que la boxe c'est une démonstration de force qui n'est pas permise à n'importe qui, alors que le football est un jeu que des fillettes peuvent pratiquer.

Esthétiquement, moralement, la boxe me comble, je m'y reconnais, j'aime l'ambiance de ses "galas" (drôle de nom, car la boxe n'a de "gala" que le noeud papillon de ses arbitres), les gueulantes dans la salle, l'odeur de pâté et d'amandes grillées à l'entracte, les allers et venus de l'assistance, les hymnes nationaux qui soulèvent la salle, l'entrée théâtrale des boxeurs, le baratin du présentateur, ...

C'est aussi le sport le moins violent, le moins brutal que je connaisse. Certes les coups sont rudes et font mal, mais aucune haine n'en ressort. Au contraire, l'affrontement est puissant, maîtrisé, calme (quand le combat est bien fait et de qualité). Il y a même de l'amour dans ce corps à corps. Quand les boxeurs exténués finissent l'un contre l'autre, l'un dans l'autre, ne parvenant plus à se séparer, tout en sueur, comment ne pas songer à des amants enlacés ?

La politique, c'est la même chose : les forces sont à peu près équivalentes, il faut veiller à se protéger, chercher la faille chez l'adversaire, frapper très vite et très fort, résister à ses coups et toujours se relever quand on est au tapis.

Mon premier combat de boxe, je l'ai suivi à la radio, sur Europe 1, en 1971 (j'avais dix ans !). Vous avez bien sûr deviné : l'inoubliable match Joe Frazier-Cassius Clay (alias Mohamed Ali), des tonnes de muscles sur quelques mètres de planches, le choc des géants, un moment grandiose, épique qui avait tout de même plus de gueule qu'une compétition de ping pong. Hier soir, dans le Palais des Sports de Saint-Quentin, un autre grand, mais de chez nous, était présent : Jean-Claude Bouttier.


Bonne journée,
y compris à nos amis
footballeurs et pongistes.

25 septembre 2009

Cote d'alerte.

Bonjour à toutes et à tous.

Ce qui se passe dans la 6ème circonscription des Yvelines prouve que le PS a atteint la cote d'alerte. Après, c'est l'inondation et la noyade. Au premier tour de la législative, le candidat socialiste a fait 12,44%, contre 20,15 pour les Verts, qui sont donc qualifiés pour le second tour contre l'UMP (43,93) ce dimanche. C'est plus qu'inquiétant pour le PS. Comme disait l'autre, la maison brûle (mais le feu peut encore être éteint).

Qu'est-ce qui s'est passé ? D'abord la gauche est partie divisée : d'un côté le PS, de l'autre un candidat divers gauche soutenu par le MoDem et qui a remporté 9,56%, ce qui n'est pas négligeable. Ainsi se dessine, et ce n'est pas la première fois, ce que je redoute, qui se multiplie et qui pourrait bien advenir chez moi à Saint-Quentin si on n'y prend pas garde : une division de la gauche qui conduit à des candidatures séparées, un PS traditionnel et une gauche plus moderne, plus modérée. Le problème, c'est que cette configuration ne profite qu'à la droite.

Ensuite, les Verts se sont donnés une "bonne" candidate, connue, présente depuis longtemps sur le terrain. C'est devenu la marque de fabrique d'Europe-Ecologie : aller dénicher les bons candidats, qui ont un impact, sans être nécessairement estampillés "écolo d'origine". C'est une leçon que doivent retenir les socialistes. Il est vrai que chez nous il faut caser les représentants des courants et que cette logique amène à être peu regardant sur la qualité des postulants. Nous devrions, c'est du moins ce que je souhaite, moins nous préoccuper de nos clivages internes et plus nous soucier de l'image, de l'action, de la présence de nos candidats dans la société.

Dimanche, la gauche aura beaucoup de mal à l'emporter dans les Yvelines. Ce n'est pas une raison pour baisser les bras, bien au contraire. Je souhaite bon courage à mes camarades de là-bas. Et puisse notre parti en tirer les leçons au plan national pour les prochaines élections.


Bon après-midi.

24 septembre 2009

Réprimer ou éduquer.

Bonsoir à toutes et à tous.

Besson manie d'un côté la matraque pour rassurer l'électorat de droite et brandit de l'autre une loi interdisant la burka pour séduire l'électorat de la gauche laïque. C'est un classique : Chirac avait fait de même avec les signes religieux à l'école. Les nationalistes xénophobes sont contents puisqu'on s'en prend aux immigrés, les laïques intégristes sont contents également puisqu'on s'en prend à une religion.

Je ne suis évidemment d'accord ni avec les uns, ni même avec les autres. Une loi prohibant la burka, je dis qu'il faut y réfléchir, je n'y suis pas spontanément favorable, je suis même assez réticent. J'ai regardé avant-hier soir Tarek Ramadan s'exprimer sur ce sujet à l'émission Ce soir ou jamais (enfin de retour !), j'étais à peu près en phase avec ce qu'il disait. Voilà mes arguments :

1- La République n'a pas à statuer sur les façons de s'habiller. A l'école, passe encore qu'une certaine retenue soit exigée. Mais dans la rue, liberté vestimentaire, burka ou pas.

2- La République n'a pas à sanctionner un comportement religieux. Si quelqu'un veut se balader avec une lessiveuse sur la tête pour célébrer le dieu de la lessive, c'est son droit. La loi n'a pas à juger de l'intelligence ou de l'absurdité des systèmes théologiques. Liberté de culte !

3- Le port de la burka ne concerne manifestement que quelques centaines de personnes en France. C'est un phénomène marginal. Pourquoi en faire tout un foin, pourquoi le médiatiser à l'excès ? N'y a-t-il pas d'autres problèmes plus urgents à régler en matière de laïcité ?

4- Le sens de la burka est très aléatoire, nullement prescrit par l'Islam. C'est plutôt une tradition archaïque qu'un signe de foi. D'ailleurs, on se demande si les femmes qui enfilent cet immonde uniforme ne le font pas par pure provocation. Dans une société où l'on montre volontiers ses fesses (et le reste), certaines trouvent peut-être malin de tout cacher.

5- En légiférant sur la burka, on vise expressément une religion, la musulmane, dont la communauté est déjà victime en France de racisme. La stigmatiser ainsi ne pourrait qu'accentuer cet état de fait, et contrevenir à la règle égalitaire de la République. La loi interdisant les signes ostentatoires à l'école concernait toutes les confessions, pas une seule.

6- Je déteste la burka. Ce n'est pas tant la dissimulation de tout le corps qui me choque (personne d'entre nous, à part les adeptes du naturisme, ne se promène à poil dans les rues) que l'emprisonnement du visage. Car la face, c'est l'humain, qu'on nie terriblement en le grillageant. Et puis, c'est une discrimination envers la femme, puisque l'homme se dispense de cet accoutrement.

7- Ramadan est souvent présenté par les intégristes laïques comme un abominable intégriste musulman. A tort il me semble. La burka, il est contre, mais pas par une loi : en passant par l'éducation. Car interdire ne résout rien. Les préjugés sont encore là, plus enracinés qu'avant. Quand on est laïque, il me semble qu'on devrait croire dans les vertus de l'éducation.


Bonne soirée.

23 septembre 2009

Le tentateur et le séducteur.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je viens de regarder Sarkozy à la télé. Putain qu'il est bon ! Clair, convaincant, crédible. Et c'est moi qui le dis, qui n'ai jamais voté et ne voterai jamais pour lui ! Car un homme de droite, même clair, convaincant et crédible, reste un homme de droite, qu'un militant de gauche ne pourra jamais soutenir (sauf si les principes républicains étaient tristement en cause, comme j'ai voté Chirac en 2002 sans le regretter).

Mais je suis militant, je résiste sans peine à Sarkozy. Je pense en revanche à tous ces électeurs de gauche devant leur petit écran ce soir. Je crains qu'un certain nombre ne se laisse tenter, ne se laisse séduire par cet habile homme (sans parler de ceux qui ont déjà cédé à la tentation en 2007, un joli paquet tout de même). Parti comme c'est parti, on ne gagnera pas en 2012. Trois ans c'est rien, c'est demain.

En regardant le président (que je trouve bien meilleur qu'à ses débuts de président), une pensée m'est venue, presque une révélation, en tout cas un flash, une évidence : on ne s'oppose pas en s'opposant. Oui je sais, c'est paradoxal, apparemment contradictoire, mais je suis ce soir persuadé qu'on ne s'oppose pas en s'opposant. Au contraire, tapez sur Sarkozy et vous le renforcerez. Il aura toujours beau jeu, comme il l'a encore fait ce soir, de se présenter comme celui qui agit pendant que les autres se contentent de parler et de critiquer.

Non, on ne s'oppose vraiment qu'en proposant. C'est le projet alternatif de la gauche qui sera et fera la véritable opposition à la droite. C'est quand ce projet sera porté par un candidat faisant le poids, un séducteur qui contrebalance l'influence du tentateur. A gauche, les postulants sérieux ne sont pas légion. Royal contre Sarkozy, on a essayé, ça n'a pas marché. Vous voyez une autre solution que DSK ? Moi pas, et je ne suis pas le seul.


Bonne soirée.

Calais après Sangatte.

Bonjour à toutes et à tous.

A propos de l'immigration, je ne partage pas nécessairement les vues de la gauche humanitaire, bien souvent inspirée par l'extrême gauche. Je crois que cette question doit être abordée politiquement et non pas moralement, encore moins sentimentalement. Je pense aussi que la gauche doit s'en saisir, au même titre que la sécurité, avec les valeurs qui sont les nôtres, mais sans laisser le sujet à la droite.

Ceci dit, qui est le voeu d'une gauche réaliste, je condamne l'opération montée par Eric Besson, pour plusieurs raisons :

1- Sa médiatisation est très mal venue. Elle ne peut qu'attiser le refus des étrangers, alors que ceux qui sont ici visés sont une infime minorité, sans rapport avec l'immigration ordinaire.

2- Besson roule des mécaniques, affirme faire appliquer la loi. Ce qu'il oublie de dire, c'est que la situation actuelle signe l'échec de Sarkozy ministre de l'Intérieur. Ce dernier avait fait fermer le centre de Sangatte, parfois sous les applaudissements de la gauche humanitaire. Résultat : la "jungle" de Calais, c'est à dire un Sangatte sauvage.

3- Une intervention de CRS permet de rétablir la légalité, elle ne règle pas un problème politique, dont le fond est celui-ci : l'immigration est une donnée naturelle, un mouvement légitime qu'il faut accepter, contrôler, organiser. L'Europe est un continent, ce n'est pas une île. Et le serait-elle qu'elle ne pourrait pas s'entourer de barbelés. Les pays riches ne doivent pas s'étonner, avec la mondialisation qu'ils ont provoquée et dont ils tirent bénéfice, de voir les pauvres venir et s'installer chez eux.

4- La situation à Calais est paradoxale, on ne le souligne pas assez : ce n'est pas la France qui est menacée, c'est la Grande Bretagne. Ce qui signifie que les immigrés ne s'intéressent pas à nous, ne veulent pas vivre chez nous. Tout patriote français qui croit en la grandeur et générosité de son pays devrait quelque peu s'en attrister, du moins réfléchir à ce paradoxe.


Bon après-midi.

22 septembre 2009

Giscard superstar.

Bonjour à toutes et à tous.

Faut-il parler sur ce blog du très prochain livre de Giscard, "La Princesse et le Président" ? Oui puisque tout le monde en parle. La politique, c'est l'espace public, là où les choses se disent, même si elles paraissent dérisoires ou anecdotiques. Ne risque-t-on pas de tomber dans Gala ou Voici ? Pas du tout. Giscard n'est pas n'importe qui. C'est un ancien président de la République, politiquement toujours en activité. Son propos, quel qu'il soit, doit donc être entendu.

Ce roman mérite-t-il cependant d'être pris au sérieux ? Mais oui. On veut faire passer Giscard pour un vieillard gâteux et grivois. C'est un homme qui a gardé toute sa tête, intellectuellement bien conservé pour son âge. Il a commis l'acte le plus sérieux au monde : prendre sa plume pour écrire. Si les paroles s'envolent et favorisent donc l'irresponsabilité, les lignes restent, sont délibérées, traduisent une franchise. La forme romanesque, même à l'eau-de-rose, ne diminue aucunement l'analyse que nous pouvons en faire. Car tout propos politique se laisse interpréter.

Qu'en penser ? D'abord que Giscard est toujours là 28 ans après n'être plus tout à fait là. Il sait faire parler de lui alors même qu'il n'a plus grand-chose à dire. N'est-ce pas le b-a ba de la politique ? Ça ne suffit certes pas, mais tout commence par là. Ensuite l'ouvrage nous apprend quelque chose sur la politique et le pouvoir : on ne renonce jamais, la part de fantasme est primordiale. Giscard a toujours cru qu'il aurait dû être réélu en 1981, et son roman reprend cette fiction. C'est à l'évidence absurde et déraisonnable. Mais preuve est faite que Giscard avait, a encore cette vérité en lui, même si elle n'est que la sienne. Combien de gens n'ont aucune vérité en eux ?

Enfin, et c'est ce que les médias ont retenu alors que ce n'est pas vraiment l'essentiel, Giscard nous brosse une idylle avec la princesse Diana. Là encore, peu importe la réalité, ce qui compte c'est le sens qu'on donne à cette histoire, c'est la vérité qu'elle porte. Le pouvoir a toujours quelque chose d'absolu (et pas seulement celui qu'on appelle "pouvoir absolu"). C'est pourquoi tout pouvoir est dangereux. Il soumet les hommes et il séduit les femmes. Dans les deux cas il est trompeur. Lisez Giscard, il vous apprendra malgré lui à vous méfier du pouvoir. Nous en avons tous besoin.


Bon après-midi.

21 septembre 2009

Les dingos et les salauds.

Bonjour à toutes et à tous.

La politique est une belle et noble activité, dont les bords sont parfois pourris. C'est ce que nous montre la présente actualité, avec l'arrestation du tueur épistolaire et le début du procès Clearstream. Il y a deux profils psychologiques qu'attirent les partis : les dingos et les salauds. Le pouvoir rend fou, c'est bien connu. Mais il rend encore plus fous ceux qui sont déjà malades. Marginaux, solitaires, dépressifs, ils croient trouver dans la fraternité militante (mon oeil !) ce qui leur manque dans la vie sociale : un peu de reconnaissance. Comme ce sont des faibles, ils font des proies de choix pour toutes les manipulations.

Le gars arrêté à Montpellier, qui envoyait des lettres vengeresses accompagnées d'une balle, était un chômeur, handicapé Cotorep, manifestement pas bien dans sa tête. Pourtant, pendant des mois, la presse et la classe politique se sont excitées sur cette affaire, soupçonnant un complot d'ultra-gauche menaçant les sommets de l'Etat. Tout ça pour un pauvre type avec des timbres, une carabine et sa rancoeur.

Le pouvoir, après les dingos, attire les salauds. La politique étant un exercice long et difficile, surtout en démocratie, certains trouvent plus simple de passer par des coups tordus pour accélérer l'Histoire. C'est l'affaire Clearstream, tellement tordue qu'on ne sait plus distinguer les coupables des victimes. C'est vieux comme la politique : discréditer l'adversaire par des histoires de fric ou de cul. C'est vrai à tous les niveaux, même local. A Saint-Quentin, les attaques qui volaient bas étaient invariablement de trois sortes : alcoolisme, corruption et lesbianisme. Personnellement, je n'ai jamais été trop visé. Mais je touche du bois ... Étrangement, la droite locale est plutôt épargnée par la rumeur assassine.

En tout cas, l'affaire Clearstream nous rappelle quelque chose d'un peu oublié : si Sarkozy est aujourd'hui le leader incontesté de la droite, c'est assez récent. Villepin aussi convoitait la place (a-t-il définitivement renoncé ?). Entre les deux hommes, la lutte pour le pouvoir a été terrible, et la vengeance se poursuit aujourd'hui. A côté, Aubry et Royal, leurs chamailleries, la triche au PS, ce sont des disputes d'enfants de choeur, un conte de fées pour les enfants.


Bon après-midi.

20 septembre 2009

Raffarin avec nous !

Bonsoir à toutes et à tous.

Graziella Basile m'apprend ce matin dans L'Union que "la machine UMP est en ordre de bataille pour le prochain grand rendez-vous électoral, celui des régionales de 2010". Le titre est martial : "L'infanterie en marche" . C'était hier, à Fervaques. Une belle photo nous montre pas mal de monde. Un mot d'ordre : "Communiquer par tous les moyens". La droite saint-quentinoise, sur ce point, a du savoir faire à revendre.

Et puis, il y a le discours de Xavier Bertrand : "Il privilégie la vision d'une France qui travaille, incarnée par Philippe de Villiers, à l'idée d'une France basée sur l'assistanat défendue par la gauche. Sourires, hochements de tête et rires dans la salle. Salves d'applaudissements quand le patron de l'UMP, dans sa ville, développe les fondamentaux sur lesquels repose le projet de l'UMP. Sécurité, travail, famille".

Eh bé, au moins on est sûr d'une chose : avec Bertrand, la droite est bien à droite, aucun doute là-dessus. Villiers incarnant la France qui travaille, elle est pas mal celle-là ! Sécurité, travail, famille, bref la totale. Et l'emploi ? Et la précarité ? Et les inégalités ? Non, ça c'est pour la gauche, qui j'espère va très vite riposter. La campagne des régionales, c'est pour très bientôt.

A ce propos, je conseille à tout socialiste la lecture du Monde d'aujourd'hui, l'entretien avec Raffarin, qui peut nous inspirer quelques idées. Mais oui, ne soyons pas sectaires, il y a du bon à prendre chez l'adversaire, surtout quand on peut retourner le couteau contre lui. Raffarin explique que nous vivons "une mutation institutionnelle", il l'appelle "la république du leadership", où désormais "une personne incarne une politique". Traduction : c'est Sarkozy le patron, on suit et on se tait.

Jusque là, rien de bien nouveau. Mais Raffarin a pris conscience du changement, c'est déjà ça. Il l'assortit de conditions, et c'est là où ça devient pour nous intéressant : les contre-pouvoirs doivent être renforcés, de "nouveaux équilibres" sont à rechercher. Lesquels ? Un Parlement plus fort, des collectivités territoriales respectées. Sur ce dernier point, on sent en filigrane une critique de la réforme Sarkozy.

En effet, Raffarin estime que réduire le nombre des élus n'est pas une priorité (c'est pourtant l'objectif du président), qu' "opposer élus et électeurs est démocratiquement dangereux". Oui, vous avez bien lu : "politiquement dangereux", voilà ce qu'est la réforme territoriale voulue par Sarkozy. Quel danger ? Celui de la "recentralisation" (c'est encore Raffarin qui le dit !).

Camarades, pour les régionales, ne refaisons pas l'erreur des européennes, où nous avons un peu trop ignoré l'Europe. Cette fois, parlons du sujet de l'élection, la région. Nous qui sommes historiquement des décentralisateurs, battons-nous contre la recentralisation. Nous avons aujourd'hui un premier soutien : Raffarin. Avec nous !


Bonne soirée.

Ségolitude.

Bonjour à toutes et à tous.

La Fête de la Fraternité, organisée hier à Montpellier par Ségolène Royal, suscite des commentaires parfois ironiques. Pas chez moi. On lui reproche d'avoir moins mobilisé que l'an dernier. Reproche idiot. En politique plus qu'ailleurs, les situations sont incomparables, il ne faut donc pas les comparer. Aujourd'hui n'est pas hier et demain sera lui aussi différent. Ségolène a réussi à attirer environ 3 000 personnes. Ce n'est pas si mal que ça, les choses étant ce qu'elles sont. Quel socialiste, sur son nom, sans l'aide d'un courant structuré et de l'appareil, y parviendrait ? Très peu. Ségolène le réussit.

Et puis, j'ai un principe : quand un socialiste, quel qu'il soit, fait et réussit quelque chose, tout socialiste doit s'en réjouir. Car l'électeur, lui, ne distingue pas : un socialiste à ses yeux vaut un autre socialiste, c'est kif kif bourricot. La réussite d'un socialiste rejaillit nécessairement sur l'ensemble des socialistes (et inversement ses échecs). C'est l'idée que j'aimerais tellement faire partager à mes camarades de Saint-Quentin ! C'est pourquoi, bien que n'étant pas ségoléniste, je me réjouis de son succès d'hier et je ne le rabaisse pas.

On reproche aussi à Ségolène sa "solitude". C'est la tarte à la crème de ces derniers temps. "Seule" parce que ses principaux lieutenants l'auraient quittée ? Quand on sait que la politique est l'école de la trahison, que les rats quittent le navire au moindre tangage, on ne s'en étonne plus et ne s'en offusque pas. Les plus grands, les meilleurs ont vécu cette petite épreuve. Les mêmes qui vous lâchent viennent manger dans votre main quand les temps redeviennent plus cléments.

Sa "solitude", Ségolène devrait même en être fière, la revendiquer, en faire un point d'honneur, une "ségolitude". Car la solitude est en politique la marque de l'indépendance, l'antichambre de la grandeur. Les grands politiques ont été de grands solitaires. De Gaulle et Mitterrand l'avaient si bien compris qu'ils mettaient en scène leur solitude, pour mieux imposer leur autorité, leur souveraineté. On est très loin ici d'une conception clanique, où l'on se déplace en nichée pour mieux se tenir chaud, parce que l'environnement vous est froidement hostile.

Non, ce n'est pas ça la politique (du moins celle qui vise la réussite) : c'est le grand large, l'air frais, l'immense espace, les horizons lointains, la solitude qui vous éloigne des vôtres pour vous ouvrir à tous les autres. Excusez mon lyrisme, mais c'est pour vous dire comment on gagne et pourquoi certains ont l'impression que Ségolène est seule, alors qu'elle demeure, qu'on l'aime ou pas, une icône populaire. Etre indépendant, c'est savoir aussi se faire détester. De ce point de vue, Ségolène a eu son compte ...

Dans la novlangue socialiste de certains camarades, le reproche de solitude est au contraire une gratification. C'est que vous n'êtes pas soutenus par les quelques notables du coin et les représentants de l'appareil. On vous taxe de solitude quand vous êtes généralement très influent. Sinon on ne vous ferait pas la remarque. DSK à sa façon est seul à Washington, loin du Parti, et pourtant, avec Ségolène, il est pour nous l'un des recours possibles pour 2012. Ce sera lui ou elle. En ce qui me concerne, je préférerais bien sûr que ce soit lui.


Bonne matinée.

19 septembre 2009

La transgression et la mort.

J'ignore tout du problème des producteurs de lait. On ne peut pas tout savoir. L'essentiel est de ne pas faire semblant. Je ne doute pas que la profession traverse une crise, que sa situation est même dramatique. Je suis rarement choqué par quoi que ce soit. Mais l'image spectaculaire de millions de tonnes de lait déversés sur des champs de terre avait quelque chose de bouleversant, d'insoutenable. Je ne le dis pas par sentimentalisme ou sensiblerie, je constate que cette action était symboliquement stupéfiante.

Les ruraux sont coutumiers du fait : détruire une partie de leur production en guise de protestation. Quand ce sont des milliers de pommes, ça ne me fait rien. Mais le lait n'est pas n'importe quel produit. Il est porteur d'une symbolique très forte. Dans la Bible, le Paradis est l'endroit où coulent le lait et le miel, dit-on. C'est un produit précieux, noble, nourricier, comme le blé. C'est presque une substance sacrée. Le lait représente la fraîcheur, la pureté, l'enfance, l'innocence.

Voir ces camions-citernes noyer la terre sous le lait donnaient une impression de transgression, quasiment de blasphème, un acte contre-nature, le comportement d'une société devenue folle, absurde, insensée. C'aurait pu être une scène de film fantastique, apocalyptique. Sauf que c'était réel. Dans un monde qui continue à connaître la faim, cette image que les télévisions ont répandu sur la planète ont dû en heurter plus d'un.

On m'explique que c'est pour "se faire entendre". Il faut que notre société soit bien malade pour qu'une corporation en soit réduite à ce moyen-là. Se faire entendre ? Croyez-vous qu'ils seront mieux entendus après cette vaste provocation. Je n'en suis pas certain. Moi je dirais plutôt qu'ils ont voulu "se faire voir", et qu'on retiendra sûrement cette impressionnante image. Voilà ce qu'a fait de nous le monde médiatique : des metteurs en scène sans scrupules !

Pour faire parler de soi, les moyens sont nombreux, et très différents de celui-là : une distribution gratuite de lait, par exemple, n'aurait-elle pas rendu beaucoup plus populaire le mouvement ? J'ai appris, consterné, que chez les producteurs de lait aussi, comme à France-Télécom, il y avait eu plusieurs suicides ces derniers mois. Une société qui ne choisit plus pour s'exprimer que ces deux voies, la transgression et la mort, est vraiment malade.


Bon après-midi.

Etoile filante.

Je connaissais très mal Cécile Duflot, la représentante des Verts. On la présente comme la petite star médiatique du moment. Arrêt sur images en a fait son sujet de la semaine. En 65 minutes, on a le temps de découvrir le personnage. J'ai été très déçu. Elle traduit fort bien les engouements de notre époque : tout nouveau tout beau, mais passager. En fait de star, je crains plutôt de voir une étoile filante.

Cécile ne sera pas la première. Qui se souvient d'Isabelle Thomas, de Clémentine Autain, de Julie Coudry et de bien d'autres ? Elles ont eu leur heure de gloire, ont été encensées par les médias puis jetées par le système, comme on le ferait dans une émission de télé-réalité. Telle est la logique kleenex de la société du spectacle. De nombreuses jeunes femmes en ont été victimes. Cécile demain aussi ?

On la présente sous ce sigle ridicule : BBB. Non, ce n'est pas black, blanc, beur, mais brune banale de banlieue (sic !). Etrange : notre société fabrique des stars avec de la banalité. En vérité, c'est n'importe quoi. Cécile plaît parce qu'elle ressemble au grand nombre, c'est la bonne copine, on se reconnaît en elle. Mais elle ne séduit pas, comme un grand homme (ou femme) peut séduire. C'est le drame (relatif) de notre époque : on se tourne vers le commun, on se détourne de l'exceptionnel. De Gaulle ou Mitterrand n'auraient aucune chance de percer aujourd'hui politiquement. Ils n'ont pas un look de bons copains !

De Duflot, on loue la spontanéité, on s'extasie sur son côté "nature", une société de vieux perdreaux bave sur une jeunette. C'est triste d'en arriver là. En plus, c'est faux. Duflot me fait penser à certains faux jeunes du MJS, mine de rien déjà vieux routiers de la politique, plus madrés que leurs ancêtres. Schneiderman a pigé le truc et levé un lièvre : Cécile n'est pas si vierge qu'il y paraît, elle a participé à une formation de "leadership" avec des personnalités de droite. Ça fait un peu tache quand on prétend n'avoir aucun souci de carrière.

Sa vie privée, elle ne veut pas qu'on y touche, mais elle invite une caméra à prospecter sa cuisine et son frigo. Je sais bien que c'est moins intime que le salon ou la chambre à coucher, mais tout de même ... Et puis, il y a sa façon de parler : une vraie mitrailleuse ! On retient qu'elle a parlé mais pas vraiment ce qu'elle a dit. La parole en politique, c'est important, on vous juge aussi là-dessus. J'aimais la diction lente, la langue classique, le français irréprochable de Mitterrand, que je retrouve en partie chez DSK (ou Fabius).

Mais tous ces jeunots qui s'excitent en débitant des discours d'une même tonalité, d'un débit rapide mais sans tempo, sans relief, je décroche très vite, je ne comprends pas que ça puisse plaire quand moi ça me fait chier. Car cette précipitation dans l'élocution, l'inévitable confusion qu'elle entraîne dans le contenu trahissent un manque de maîtrise de soi qui est déplorable en politique. Mais j'ai peut-être une réaction de vieux.

Courage Cécile, tu peux encore changer, si le grand méchant loup médiatique ne t'a pas mangée !


Bonne fin de matinée.

La révolte tranquille.

Bonjour à toutes et à tous.

Nous vivons dans une société d'un grand conformisme, comme Tocqueville l'avait annoncé en étudiant la démocratie moderne. Les fausses révoltes sont nombreuses, les vraies extrêmement rares. C'est pourquoi j'ai trouvé réjouissant, jubilatoire même, la révolte de la championne de natation Laure Manaudou. Se révolter, n'est-ce pas tout envoyer promener ? Elle le fait sans colère. C'est probablement ce qui distingue la révolte de la révolution. Elle pose un acte individuel, elle exprime un sentiment personnel, tranquillement, avec la force de l'évidence. C'est ça qui est impressionnant.

Son geste a quelque chose de politique : elle dit gentiment merde à cette société qui bouffe du sport chaque journée, qui fabrique des champions survitaminés, qui célèbre le culte du corps et qui engraisse en même temps sa population. Je biche, moi qui ai comme mon chat horreur de l'eau, qui déteste les ambiances de piscine avec maître-nageur aux pectoraux frimeurs, moi qui ne sais pas nager, qui me souviens des femmes-monstres, les nageuses de RDA. La natation est un sport barbare qui engendre des barbares.

Laure Manaudou, en plaquant tout, fait la nique à tous ses admirateurs, qui ne savent apprécier l'effort sportif que le cul assis devant leur télé. Bien fait pour eux ! Elle nous rappelle quelques valeurs essentielles : la liberté, l'amour et la vie (elle veut un enfant) sont plus importants que la soumission, la gloire et l'argent. N'est-ce pas ce qu'il faudrait enseigner dans nos écoles, n'est-ce pas ce que la classe politique devrait promouvoir ? Bravo Laure ! Que son exemple soit médité et suivi.


Bonne matinée.

18 septembre 2009

Fâcherie (suite).

Bonsoir à toutes et à tous.

Comme promis, après avoir tout à l'heure exposé mes arguments en faveur d'une limitation du cumul des mandats, je veux maintenant répondre aux trois arguments développés dans L'Union d'hier par Yves Daudigny, favorable au cumul :

1- Entre sénateur et président du Conseil général, "la complémentarité des missions est indiscutable". Le cumul serait donc un gage d'efficacité et de réussite.

J'entends bien cet argument, je suis prêt à croire en sa pertinence, Yves a l'expérience pour lui. Mais si on suit cette logique, on va autoriser la plupart des cumuls de mandats, on va même les encourager. Qu'est-ce qui empêcherait alors un député d'être aussi président de région, vice-président d'un conseil général, maire d'une grande ville, puisque les mandats se complètent, alimentent l'expérience et accroissent l'efficacité ? Un député n'aura aucun problème à prouver que pour légiférer il lui faut connaître ces trois échelons, régional, départemental, local.

Quand on pousse l'argument, on comprend qu'il n'est pas valable, qu'un parlementaire, député ou sénateur, n'a pas besoin d'autres mandats pour faire la loi. Ou alors on transforme le parlementaire en défenseur prioritaire de sa circonscription ou de son département, ce qui est la conception traditionnelle qu'on trouve à droite, alors que la gauche s'efforce de faire des "élus de la Nation" des représentants de l'intérêt général (et pas territorial).

2- "Lorsque j'étais toujours sur Laon, je m'occupais de tout. En étant une partie de la semaine à Paris, cela entraîne plus d'implication, plus de travail des vice-présidents qui doivent assumer véritablement leur délégation. N'est-ce pas plus de démocratie ?"

Là, franchement, Yves charrie. Le cumul comme condition de la démocratie, c'est poussé le bouchon un peu de loin ! Rester à Laon n'empêche nullement de faire vivre la démocratie et de laisser les vice-présidents faire leur boulot. Si l'argument a été soufflé à Yves, c'est une bien mauvaise suggestion, d'autant qu'on peut très facilement la retourner contre elle-même : si l'éloignement de son président permet au Conseil général un meilleur fonctionnement démocratique, pourquoi ne pas aller jusqu'au bout du raisonnement et séparer complètement les mandats de président et de parlementaire ? CQFD.

3- "Stratégiquement, je ne comprends pas que l'on puisse partir dans une campagne électorale sans les mêmes armes que nos adversaires. C'est se tirer une balle dans le pied".

C'est l'argument le plus solide, le plus recevable d'Yves. Il est pour le moins problématique d'interdire le cumul pour les seuls socialistes alors que la loi l'autorise pour tous les autres ! Pourtant, je ne crois pas non plus que cet argument soit décisif. En tout cas, il n'entraîne pas ma conviction. Pourquoi ? Parce que je pense que la gauche doit aller de l'avant, donner l'exemple, appliquer d'abord chez elle ce qu'elle prétend ensuite imposer aux autres. Sinon nous ne sommes pas crédibles. Je peux comprendre qu'on soit pour le cumul des mandats. En revanche, je ne comprends pas qu'on y soit favorable en théorie et hostile dans sa pratique. La gauche, si elle est la gauche, n'a pas à utiliser les mêmes armes que la droite. Et je redoute qu'en s'accrochant au cumul des mandats, c'est une balle dans chaque pied qu'on se tire.

Je voudrais terminer cette réflexion par deux remarques :

a- Aucune démocratie moderne comparable à la France n'autorise le cumul des mandats tel que nous le connaissons chez nous. Ce constat ne mérite-t-il pas au moins qu'on s'interroge ?

b- Dans la République française, il y a deux instances dont le recrutement est littéralement conservateur : le Conseil général, très éloigné des clivages politiques nationaux et surtout quasiment fermé à la représentation féminine ; le Sénat, qui demeure à droite quels que soient les changements d'opinion (c'est un scandale absolu). La gauche réformiste doit réformer : qu'elle le fasse en réformant les modes d'élection des conseillers généraux et des sénateurs. Si nous ne le faisons pas, c'est la droite qui le fera, à son avantage. Est-ce ce qu'on veut ?


Bonne soirée.

Fâché avec Yves.

Bonjour à toutes et à tous.


L'Union propose une rubrique que j'aime beaucoup, vive, rapide, percutante : "La question qui fâche". Mais qui fâche qui ? L'interrogé ou le lecteur ? Hier, c'est surtout moi qui ai été fâché par la réponse d'Yves Daudigny, président socialiste du Conseil général de l'Aisne, à propos du non cumul des mandats proposé par Marine Aubry.


Quand je dis fâché, il faut que je précise : s'il y a un camarade avec lequel il est impossible de se fâcher, c'est bien Yves. Dans ce monde de brutes qu'est la politique, c'est dans l'Aisne l'homme le plus charmant, le plus attentif, le plus tolérant que je connaisse. Surtout, c'est un formidable président de Conseil général, quelqu'un, avec toute la majorité de gauche, qui a contribué à développer considérablement un département depuis longtemps déshérité.


Ma fâcherie est sur un point politique précis, et national : faut-il interdire à un parlementaire de cumuler un autre mandat dans un exécutif ? Je pense depuis longtemps que oui. Yves soutient que non. Il donne son point de vue dans L'Union "comme militant". C'est donc un autre militant qui lui répond aujourd'hui. J'exposerai d'abord, dans ce billet, mes arguments, et dans un prochain j'examinerai ceux d'Yves.


Soyons précis : je ne suis pas contre le cumul des mandats. Je crois même que ce slogan abrupt a quelque chose de démagogique. C'est parfois le refrain de ceux qui voudraient se faire élire et qui aimeraient qu'on leur laisse une petite place en quittant le siège. Et puis, vox populi vox dei ! Les citoyens sont les seuls juges, et donc assez grands pour savoir s'ils veulent ou non donner un mandat supplémentaire à un élu. J'irai même plus loin : c'est une belle vertu républicaine que de voir un parlementaire être aussi, par exemple, simple conseiller municipal, à égalité avec ses pairs. La grandeur du législateur est ainsi ramenée à un exercice plus modeste mais salubre.


Ma position, qui est celle de Martine Aubry, est la suivante : un parlementaire ne devrait pas être à la tête ou dans l'équipe d'un exécutif d'une collectivité territoriale. Pourquoi ?


1- D'abord parce que c'est déjà un peu le cas. Jean-Pierre Balligand a renoncé à être président du Conseil général. Yves Daudigny a renoncé à être le premier magistrat de Marle. Quand je dis "renoncé", ce n'est pas tout à fait exact : ils ont dû faire un choix entre leurs différents mandats. A qui doit-on cette obligation ? A la gauche qui, la première, en 2 000, a voté une loi contre le cumul excessif des mandats. Ce combat, c'est le nôtre, celui des socialistes, pas celui de la droite. A nous de le mener à son terme. C'est précisément ce que propose Martine Aubry.

2- Ensuite parce que je fais de ce non cumul une question de principe. Je sais bien que la philosophie politique n'est pas la préoccupation première de l'action politique, mais il n'est pas interdit d'y réfléchir. La démocratie repose sur une stricte séparation des pouvoirs, principalement entre le législatif et l'exécutif. Je trouve choquant qu'un élu soit à la fois celui qui fait les lois et celui qui est chargé, à la tête d'une collectivité, de les faire appliquer. Le législateur est une figure éminente de la République, l'expression du suffrage universel, le garant de l'intérêt général. Il ne devrait être que ça, entièrement indépendant de toute autre fonction particulière.

3- Enfin parce qu'à l'heure où la droite s'apprête à bouleverser l'organisation territoriale, nous ne devons pas apparaître comme un syndicat d'élus qui défend ses places et leur cumul. Ce serait politiquement et électoralement catastrophique. Au contraire, nous devons reprendre l'initiative, montrer que les réformateurs c'est nous et pas Sarkozy, en défendant haut et fort la proposition de non cumul avancée par Martine Aubry. La droite n'ose pas cette mesure pourtant très populaire, attendue de l'opinion et de nos adhérents. Alors faisons-là.

D'autant que cette mesure ne nous coûte rien : si Yves n'est plus président, c'est par exemple Jean-Jacques ou un autre camarade, tout aussi capable, qui le remplacera. Où est fondamentalement le problème ? Je ne le vois pas. A Saint-Quentin, dans un contexte certes complètement différent, nous avons un contre-exemple : Anne Ferreira n'a pas profité politiquement de son cumul députée européenne - vice présidente du Conseil régional. Car sur le terrain, c'est la dimension parlementaire que les citoyens retiennent, ils oublient le mandat apparemment moins important. Un mandat en cache un autre et le rend en quelque sorte inopérant. Pour l'intérêt de la gauche locale, il aurait mieux valu qu'un autre camarade assume le mandat régional, nous aurions eu ainsi deux fers au feu, une plus large représentation socialiste dans la ville. Mais si la gauche saint-quentinoise savait défendre ses intérêts, cela se saurait et se verrait ...

4- Il y a un dernier argument contre le cumul, souvent mis en avant mais qui n'a pourtant pas ma préférence : un élu ne pourrait pas tout faire, être au four et au moulin, à Paris et chez lui. C'est bien sûr une remarque de bon sens, et évidente. Mais l'élu peut déléguer (ce qui pose alors un autre problème, celui de la responsabilité). Napoléon dirigeait presque seul plusieurs pays rassemblés en un empire, pouvait dicter plusieurs lettres à la fois et sûrement même faire de concert l'amour à Joséphine. Mais Daudigny n'est pas, fort heureusement, Napoléon et l'exemple, quoique possible, n'est pas nécessairement à suivre.

Je ne suis pas naïf, je connais un autre aspect de la vérité : le cumul des mandats est à usage purement interne, pour alimenter le jeu entre les courants. Comme le chasseur au safari peut bomber le torse en exhibant ses trophées, l'élu d'un courant doit aligner les mandats s'il veut exister politiquement et faire vivre son courant. Les primaires, si elles sont adoptées et surtout si elles sont généralisées aux élections locales, mettront un terme à cette culture d'appareil. Mais il faudra beaucoup de temps. Hollande a été dix ans à la tête du Parti. Pourquoi pas une décennie pour Aubry. Afin que ça change cette fois vraiment !

Voilà les quelques arguments que je livre au débat, en attendant dans un prochain billet de répondre à ceux qu'expose mon camarade Yves.


Bonne journée,
pas fâché.

17 septembre 2009

La vérité est dans l'Aisne.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai longtemps cru que pour réussir en politique il fallait être quelqu'un hors du commun. Adolescent, je voyais Mitterrand ainsi, et je l'admirais. Mes camarades de droite avaient la même réaction avec De Gaulle. J'ai longtemps pensé qu'on devenait un leader, qu'on se faisait élire parce qu'on disposait d'une intelligence peu commune, d'un charisme mobilisateur, d'une forte capacité à convaincre et à entraîner, d'une rhétorique à toute épreuve. Bref je me suis longtemps imaginé l'homme politique en séducteur.

C'est parce que j'étais alors un puceau de la politique. Socialiste à Paris, je n'étais pas encore déniaisé. C'est en arrivant dans l'Aisne que j'ai perdu ma virginité politique, que j'ai compris de quoi il en retournait, pourquoi Untel l'emportait, comment il accédait au pouvoir. La grande révélation , c'est qu'un homme politique est tout sauf un séducteur, contrairement à ce que je croyais. Ses qualités personnels comptent peu dans son ascension, elles peuvent même, si elles sont trop élevées, le rabaisser. La vérité, que me cachaient les figures exceptionnelles de De Gaulle et Mitterrand, c'est qu'un homme politique n'est pas le résultat d'une volonté personnelle mais d'une situation, dont il n'est jamais le maître mais le produit.

Pourquoi vous dire ça ce matin, dont je vous ai déjà parlé dans de nombreux billets ? Parce que l'actualité m'y ramène. Barroso a été réélu magistralement à la tête de la Commission européenne. Qui est-il ? Un terne, un habile, le plus petit dénominateur commun à la droite, celui qui ne fait pas de vagues parce qu'il ne fait rien, n'a pas de bilan et s'entend avec à peu près tout le monde. Voilà le genre de type qui réussit en politique, et pas à n'importe quel niveau : à la tête de l'Europe, là où l'on rêverait d'un Alexandre, d'un César, d'un Charlemagne, d'un Napoléon, d'un Churchill, on a ... Barroso.

Comprenez-moi bien : à part Churchill, je n'ai aucune sympathie particulière pour ces grands hommes. Mais c'étaient des grands hommes. Barroso ne sera jamais un grand homme. Il n'est certes pas plus bête qu'un autre. Mais c'est ce que je lui reproche : n'être pas plus intelligent qu'un autre, être finalement interchangeable avec n'importe quel autre leader de la droite européenne, aussi peu séducteur. En Europe, en France ou dans l'Aisne, la question est la même : à quoi bon faire de la politique si ce n'est pas pour faire de grandes choses ?

Quand on est de droite, je peux comprendre, on est souvent un simple conservateur ou un gestionnaire tout juste avisé. Mais quand on est socialiste, on a moins d'excuses, on est porteur d'ambitions très élevées : changer la société, introduire plus de justice, émanciper l'homme. Ce sont des objectifs qui devraient naturellement nous élever, nous grandir. Pourquoi alors restons-nous trop souvent si petit ? J'ai beau avoir perdu ma virginité depuis un certain temps, je garde une nostalgie de pureté et de grandeur.


Bonne et grande journée.

16 septembre 2009

Ping-pong.

Bonjour à toutes et à tous.


J'étais hier à 17h00 devant mon ordi, sur le site Désir d'Avenir, attendant la "déclaration solennelle" de Ségolène (quand quelque chose est "solennel", je me précipite). Rien. 17h30 : rien non plus. 18h00 : toujours pas. Que se passait-il ? Un retournement politique de dernière minute ? Un embarras ? Non, simplement la technique qui a fait défaut, si j'ai bien compris. Heureusement, il y avait le 20 Heures de TF1, dont Ségolène était l'invitée, un cadre en soi "solennel". J'étais à l'heure devant mon écran, j'ai écouté, voilà ce que j'en ai pensé :


1- La "déclaration solennelle" était, hormis le cadre, assez peu solennelle. Dans la solennité, il y a quelque chose de grandiose, de fracassant. Là, j'ai l'impression qu'on n'a pas énormément bougé, que rien n'est fondamentalement réglé, qu'il faut attendre la suite. Il y avait pour Ségolène deux façons d'être "solennelle" :


a- se sentant lésée, blessée même, elle pouvait porter l'affaire devant les tribunaux, si elle estime que les faits dévoilés dans l'ouvrage sont vrais et prouvés. C'est d'ailleurs ce qu'on avait cru comprendre qu'elle ferait (c'est ce que je redoutais).

b- tourner la page, exiger que ces incidents ne se reproduisent plus, soutenir l'idée de Martine Aubry d'une "autorité" de contrôle et de sanction, faire confiance à l'avenir, repartir collectivement d'un nouveau pied (c'est ce que je souhaitais).


En ne faisant ni l'un ni l'autre, on se retrouve au milieu du gué et pas plus avancé qu'avant.


2- Ségolène botte en touche, renvoie la balle dans le camp de la direction. C'est une tactique classique en politique, mais pas convaincante du tout. Elle suggère au Parti de porter plainte. Mais pourquoi ne le fait-elle pas elle-même ? La victime supposée, la plaignante, c'est elle, que je sache ! Je crois au principe de responsabilité qui veut que l'on fait soi-même ce qu'on croit juste, sans le demander à d'autres.


3- D'autant que la réponse de la direction, on la connaît et je la fais mienne : il n'y a pas eu de triche généralisée mais éventuellement des manquements, des faiblesses, des dérives très localisés et pour le moment non prouvés dans l'ouvrage incriminé. A partir de là, le Parti n'a pas à faire appel à la Justice, sinon au risque de d'autodestruction.


4- Ségolène ne remet pas en cause le résultat, ne demande pas un nouveau vote, ne souhaite même pas être candidate. Pourquoi fait-elle alors tout ce foin ! Ca ne mène à rien !

5- Ségolène avance l'argument, pas faux, que le Parti, offensé par les "révélations" du livre, pourraient attaquer en justice les auteurs. Pas faux mais pas pertinent. Il y a une règle en politique, à laquelle nous avait habitué Mitterrand : liberté à la presse de dire ce qu'elle veut. La politique est une activité publique, un lieu de confrontation des opinions. On ne résout pas les différends devant les tribunaux. Sinon, on n'en finirait pas d'attaquer ceux qui nous attaquent. Combien d'ouvrages, régulièrement, vomissent sur le Parti socialiste !

6- Ségolène a trouvé habile de renvoyer la balle. Pourquoi pas, c'est son choix, mais cinq camarades, dont mes amis Cambadélis et Borgel, ont vite fait de la ramasser en proposant une "action" du Parti, puisque c'est ce que Ségolène demandait : une rencontre publique, télévisée avec les auteurs du livre qui fait tant parler de lui (et de nous en mal !), afin de répondre à leurs accusations et nous laver collectivement de tout soupçon.

Fin de partie. A moins que le ping-pong ne continue. Mais là, je crains que ce soit zéro partout, la balle au centre. Ce n'est plus de l'escrime, ce sont des coups d'épée dans l'eau. Et pendant ce temps-là, les Français nous regardent, consternés. Redoutons qu'ils ne s'en lassent et qu'ils ne finissent par se détourner complètement de nous.


Bonne journée.

15 septembre 2009

Questions sur des suicides.

Bonsoir à toutes et à tous.

Est-il permis, dans l'actuelle société, d'avouer qu'on ne comprend pas un évènement ? C'est très difficile, tellement nous sommes pressés de toute part de tout expliquer. Et s'il y avait des phénomènes inexplicables ? L'évènement que j'ai à l'esprit est tragique, ce sont les 23 tentatives de suicide à France-Télécom ces derniers mois. Dans un récent billet ("Se faire entendre"), j'avais parlé, comme un peu tout le monde, de "détresse sociale". Hier, un nouveau cas s'est présenté, j'ai trouvé cette macabre série stupéfiante, j'y ai à nouveau réfléchi, au fond de moi je ne comprends pas ce qui se passe à France-Télécom.

On nous dit que le management serait responsable, augmentant le stress des salariés. Je ne suis pas convaincu. Le management est une technique d'entreprise qui existe depuis longtemps. Elle s'est généralisée en France dans les années 80. On en pense ce qu'on veut, on n'a pas remarqué qu'elle favorisait, ailleurs qu'à France-Télécom, des suicides aussi importants. Prenez la Poste : ses méthodes de travail ont beaucoup plus changé qu'à France-Télécom, on n'a pas vu de suicides de facteurs ou de guichetiers.

De plus, France-Télécom n'est pas réputée pour être un enfer social. C'est une entreprise moderne, qui a plutôt une bonne image. Nombre de ses salariés sont encore des fonctionnaires et l'Etat demeure largement actionnaire, les syndicats présents. Rien à voir avec certaines boîtes privées où l'exploitation est féroce, les cadences infernales, le flicage systématique, les organisations syndicales inexistantes (sans d'ailleurs que les ouvriers, employés ou cadres mettent fin à leur jour).

France-Télécom, par comparaison avec beaucoup d'autres entreprises, demeure un univers de travail relativement protégé. Hier sur RTL, le journaliste américain Ted Stranger a fait remarquer, avec la distance qui donne de la pertinence, que bien des salariés français rêveraient de travailler à France-Télécom. Et pourtant on y meurt ...

Je ne crois pas à la thèse répandue de la "désespérance sociale". Pour qui connaît un peu l'histoire de ce qu'on appelle traditionnellement le "mouvement ouvrier" (plus généralement le monde du salariat), on constate que celui-ci, avant d'adopter la grève, la manifestation et le vote, a fait usage du sabotage, de l'attentat, de la violence et même du crime (dans certains groupes anarchistes). Mais jamais le suicide n'a été un geste de protestation sociale, du moins en France.

Faut-il pour autant se replier sur l'explication purement psychologique (des situations personnellement difficiles nourrissant une malheureuse et hasardeuse loi des séries) ? Non, ce n'est pas rationnel. Certes, il y a 100 000 salariés à France-Télécom et seulement 23 victimes. Mais la statistique, aussi faible soit-elle, est révélatrice de quelque chose de dramatiquement anormal.

Ce que je retiens et qui surprend, c'est autant la volonté de se suicider que la façon de le faire, souvent spectaculaire (alors que le suicide peut être hélas banal, à domicile) : là, il y a défenestration ou coup de poignard dans le coeur pendant une réunion. Tout suicide est violent, mais ici il y a mise en scène particulièrement impressionnante et terrible de la violence. Pourquoi ?

Veulent-ils, par désespoir, "se faire entendre", comme je l'ai pensé au début ? Mais n'y a-t-il pas bien d'autres moyens de se faire entendre, tout aussi spectaculaires ? Et puis, un mort est rarement quelqu'un qu'on puisse entendre. L'explication ne colle pas. Se suicider n'est pas un acte banal, c'est une transgression, une forme de nihilisme, un geste irrémédiable, irréparable, ce n'est pas une façon de revendiquer.

Serait-ce alors un signe qu'on envoie ? Mais où est le signe quand il y a mort réelle ou qui pouvait l'être si la tentative avait réussi ? Le suicide comme appel est le fait d'adolescents, de dépressifs ou de victimes de l'amour-passion, quand on a quelque chose à signaler à quelqu'un de bien précis. Pas quand on est salarié et qu'on vise une abstraite hiérarchie pour des problèmes de travail, aussi douloureux soient-ils.

Cette absence d'explications crédibles (sauf si vous m'en proposez une) est particulièrement inquiétante, comme si notre société cachait une dimension irrationnelle, des tendances pathogènes, des formes de folie. Longtemps, la gauche savait contre quoi elle luttait : un système d'exploitation clairement visible, un patronat avide de profit. Mais aujourd'hui ? J'avoue donc mon trouble et mon impuissance.

Je termine en m'indignant des propos particulièrement dégueulasses de Laurence Parisot, la patronne du Medef, qui en a profité pour accuser les 35 heures et dire qu'aux Etats-Unis l'organisation du travail était bien meilleure pour les salariés. Dégueulasse, je ne vois pas d'autre mot à employer.


Bonne soirée.

D'accord avec Henri.

Je suis rarement d'accord avec mon camarade Emmanuelli mais je l'aime bien. Comme Mélenchon, c'est un grognard du socialisme. Il dit ce qu'il pense et n'attend pas de voir ce que les autres vont en penser pour s'exprimer. Cette liberté-là n'est pas si fréquente au Parti socialiste. Dans un parti de pouvoir, on s'aligne sur ce que disent les chefs si on veut avoir soi-même un jour un bout de pouvoir. Emmanuelli n'est pas comme ça. Il ne cherche pas à plaire, c'est pourquoi il me plaît.

Vendredi dernier, dans Libération, il a dit des choses très justes. D'abord sur Bayrou, qui fait en ce moment un peu trop tourner les têtes au PS alors que la vérité est toute simple : Bayrou veut nous plonger sous l'eau et piquer notre place. Le patron du MoDem le fait avec beaucoup d'élégance mais sa finalité est celle-là (je ne le lui reproche pas, à sa place je ferais la même chose). C'est ce que dit Henri : "son objectif premier n'est pas de figurer avec nous dans une alliance politique mais d'être à notre place au second tour de la présidentielle".

D'accord aussi avec Henri sur ceci : "sur le terrain, personne ne parle de la primaire, ni du MoDem. Ce qui est dans les esprits, c'est le forfait hospitalier, le prix du lait et la taxe carbone". Ne parlons plus de Bayrou et ne parlons des primaires qu'en interne. Et pour le reste, parlons aux Français !

Autre convergence, à propos des conséquences des primaires : "ce sera un pas de plus vers un mouvement épisodique de supporteurs, comme le Parti démocrate américain, qui n'existe d'ailleurs qu'au moment des primaires". J'approuve le constat mais je ne porte pas le même jugement : en quoi un parti de militants est-il supérieur à un parti de supporteurs ? Mais le vrai problème n'est pas encore là : le PS est déjà un parti de supporteurs. On y adhère ou on vous y fait adhérer pour soutenir un élu. Quant au militantisme, de nombreuses sections ne le pratiquent vraiment qu'au moment des élections.

Sur le non cumul, là je ne suis carrément pas d'accord : "si on dissocie élus de terrain et élus nationaux, ce sera à terme l'explosion". Non, je n'y crois pas. La seule explosion se fera dans les têtes de nos chers élus qui veulent accumuler leurs mandats.

Henri cite Kundera, une fort belle formule : "Etre dans l'air du temps, c'est l'ambition des feuilles mortes". Quelqu'un qui est capable de citer Kundera, qui est capable de citer cette phrase-là ne peut être que quelqu'un de bien. Un socialiste ne devrait pas être une feuille morte mais un lierre qui monte à l'assaut des murs.


Bon après-midi.

A bas le bonheur !

Bonjour à toutes et à tous.

Stiglitz et Sarkozy veulent nous rendre heureux. Ils ont décidé d'ouvrir le calcul du PIB à notre bien-être. Ils ont entré le bonheur dans leurs statistiques et leurs ordinateurs. Nous voilà programmés pour la joie, le rire, le plaisir, la gaieté. L'intention est apparemment louable, je vous en ai parlé dans mon dernier billet. Elle laisse entendre que le règne de la marchandise n'est plus sans partage, qu'on va faire une place dans l'économie à l'humain. C'est bien.

Mais l'intention suppose aussi que le bonheur, outre qu'il soit mesurable (je n'y crois pas, c'était l'objet de ma réflexion d'hier), soit également positif, producteur de civilisation. Or je n'en crois rien non plus. L'humanité ne s'est pas développée, n'a pas fait de grandes choses à partir de son bonheur mais de son malheur. C'est la tragédie qui fait avancer l'Histoire, pas le bien-être. Si l'homme préhistorique avait été satisfait de son sort, cool Raoul et à l'aise dans ses baskets, nous serions encore des hommes des cavernes.

Mon chat est pour moi un objet de contemplation philosophique infinie : c'est la créature la plus heureuse au monde, j'en suis sûr, pas besoin même de mesurer son taux de satisfaction. Il mange, il dort, il joue et sans doute copule. Mais il n'a jamais bâti aucune civilisation avec les autres chats du quartier, il est trop heureux pour ça. L'art, la religion, la science, la philosophie, la morale, la technique sont des produits de notre inquiétude, de notre angoisse, de notre malheur, pas de notre bonheur.

Avant même Stiglitz et Sarkozy, la société contemporaine veut nous rendre heureux. Les socialistes, qui sont originellement des contestataires, devraient rejeter ce diktat. On nous sommes, partout, à la télé, dans les pubs, les magazines, d'être bien, de positiver, de se montrer jeune, bronzé, dents blanches, sourire jusqu'aux oreilles et ventre plat. Il faudrait refuser tout ça, réhabiliter la tristesse, l'insatisfaction, le désespoir comme moteurs de la revendication. Au nom de la laïcité, le bonheur devrait demeurer dans la sphère privée, domestique, intime et ne pas devenir un slogan politique, un objectif public.

Certes, il y a le mot fameux de Saint-Just pendant la Révolution Française : "Le bonheur est une idée neuve en Europe". Mais Stiglitz et Sarkozy ne sont pas les nouveaux Danton et Robespierre. Le contexte n'est pas le même. Au XVIIIème siècle, le bonheur était un concept révolutionnaire. C'est aujourd'hui une aspiration conformiste. Et puis, il ne faut rien accepter de ce qu'on vous impose : quand les troupes de Napoléon ont envahi l'Espagne pour la libérer, elles ont été accueillies au cri paradoxal de "A bas la liberté !". De même, contre Stiglitz et Sarkozy, soulevons-nous à ce mot d'ordre : A bas le bonheur !


Bonne matinée.

14 septembre 2009

Politiquement correct.

Bonsoir à toutes et à tous.

Nicolas Sarkozy est allé aujourd'hui faire un discours à la Sorbonne. C'est en France un symbole fort, notre université la plus connue au monde ... et celle dans laquelle j'ai fait mes études. Notre président, avez-vous remarqué qu'en maigrissant il s'est épaissi ? Je trouve qu'il a gagné en étoffe d'homme d'Etat. Son malaise vagal de l'été ne doit pas y être pour rien. Il est moins agité qu'au début du quinquennat. Les traits épurés de son visage ont gommé un peu ces grimaces qui en faisaient un excité. Ses traits sont devenus moins ironiques, provocateurs, plus sérieux, austères. Je suis toujours un opposant déterminé à sa politique, qui elle n'a pas du tout changé. Mais certaines prises de position, je pense à la taxe carbone, manifeste de sa part une certaine hauteur de vue, une forme de courage.

Il y a là un tournant, qui avait été annoncé il y a quelques semaines, quand Sarkozy avait accordé une longue interview au Nouvel Observateur, l'organe de la gauche social-démocrate (que je lis pourtant assez rarement). Le président y corrigeait nettement son image. Mais encore une fois le fond ne varie pas. Il me semble que c'est la crise financière mondiale qui a fait bougé les lignes. En pratiquant l'interventionnisme d'Etat, même si sa politique initiale demeure libérale, Sarkozy a modifié son analyse, sa pratique et son discours. Son bon résultat aux élections européennes traduit cette évolution, dans un contexte qui aurait dû normalement être profitable à la gauche.

Mais revenons au discours de ce jour à la Sorbonne. C'était une réponse positive au rapport du Nobel Stiglitz sur l'élargissement des indicateurs du PIB à des éléments non marchands. Stiglitz est l'économiste à la mode depuis quelques temps : c'est le pourfendeur du capitalisme issu du capitalisme, une position singulière qui séduit les médias et les intellectuels. Pas une réflexion sur l'économie sans qu'on y glisse désormais une référence à Stiglitz. Sarkozy ne pouvait donc pas y échapper, surtout depuis qu'il s'efforce de peaufiner sa nouvelle image.

La réflexion de Stiglitz, comme toute réflexion, est intéressante mais elle rencontre aussi des limites, dont je veux dire un mot puisque personne n'en parle. Son idée principale, c'est de "mesurer le bien-être" (j'ai même entendu à la radio un journaliste parler de "mesurer le bonheur"), au lieu d'en rester à des critères purement matériels, marchands. L'intention est bonne, elle a un petit côté contestataire, écolo, mais elle ne va pas très loin, et surtout elle me parait contradictoire et contestable.

Sarkozy, s'en inspirant, annonce qu'il faut "abandonner la religion du chiffre". Je suis bien d'accord avec lui. Les chiffres sont devenus dans notre société des signes magiques qui finissent par ne plus rien vouloir dire à force de vouloir leur faire trop dire. Mais comment alors exprimer le "bien-être" avec des statistiques ? Car le "bien-être", mot actuel pour désigner le bonheur, échappe absolument à tout chiffrage. Comment voulez-vous mesurer la méditation, la sérénité, le plaisir, la beauté qui sont de puissants "indicateurs" de bien-être ? Quand Stiglitz propose d' "intégrer la dimension subjective dans les statistiques", j'avoue que je suis très sceptique. Stiglitz, personne ne le conteste parce que c'est un contestataire politiquement correct. Mais je ne crois pas que c'est avec lui qu'on va changer le système.


Bonne soirée.

Un cas d'école.

Bonjour à toutes et à tous.

La victoire hier de la gauche à Carcassonne est un cas d'école sur lequel il mérite qu'on se penche. Avec cette question classique : qu'est-ce qui fait qu'une municipalité change de bord ? A Saint-Quentin, parvenu au 3ème mandat de la droite, on ne peut pas éviter de s'interroger. Analysons :

Carcassonne a été longtemps ce qu'on appelle un "bastion" de la gauche, 38 ans exactement, de la Libération aux municipales de 1983. Qu'est-ce qui a fait alors chuter une gauche locale si bien enracinée ? La division. En politique, ça ne pardonne pas : division = défaite. On l'a vu à Saint-Quentin l'an dernier : union gauche-extrême gauche certes, mais qui frôle péniblement les 40%, parce que le pilier de l'union, le PS, s'est déchiré pendant des mois (ce n'est pas la seule explication, mais c'est un élément).

Et quand une municipalité est perdue, elle est difficile à reconquérir, même avec une forte tradition de gauche. Pendant 26 ans, la droite va se maintenir à la tête de Carcassonne ! A Saint-Quentin, nous avons 14 ans dans les dents, et ça nous semble déjà une éternité ... Qu'est-ce qui fait que la droite ce dimanche a perdu la mairie ? Un scandale, la fraude électorale (de fausses procurations). C'est ainsi que bascule une municipalité : soit par la division, soit par le scandale.

A Saint-Quentin, en 1995, la défaite de la gauche a été causée par les deux combinés (d'après ce qu'on m'en a dit, je n'étais pas là) : la division (déjà !) des socialistes (les uns avec Vatin, les autres avec Lançon ... déjà aussi !), la polémique autour du parking souterrain (déjà un débat autour d'un parking, qui n'était pas alors celui de l'hôpital !).

Bien sûr, l'unité ne suffit pas pour gagner : en 2001, la gauche était unie derrière la députée socialiste, il n'y a aucune dissension publique, c'était pourtant une grave défaite. L'unité est une condition nécessaire mais pas suffisante. Car de son côté, la droite locale est devenue intouchable, elle a bétonné : ce n'est plus un bastion, c'est un bunker, contre lequel la gauche se casse à plusieurs reprises les dents. Et les mouvements d'opinion au plan national n'y changent absolument rien.

Deux raisons à cette suprématie de la droite : son unité irréprochable derrière le sénateur-maire Pierre André, l'absence de scandale en bientôt quinze ans de responsabilités municipales. La gauche a beau lever quelques lièvres, ça ne prend pas, l'opinion ne suit pas, la droite demeure imperturbable. A part se dire "ça ne va pas durer", on voit parfois mal ce qu'on pourrait faire d'autre. Mais il ne faut pas réagir comme ça : l'alternance, ça ne s'attend pas, ça se construit.

Un dernier élément explique la victoire d'un camp, c'est l'étoffe de son leader. A Carcassonne, le vainqueur d'hier n'est pas n'importe qui : Jean-Claude Pérez, député socialiste. A Saint-Quentin, en 1995, Pierre André ne venait pas de nulle part, il avait une expérience politique au Conseil régional et une expérience professionnelle à la Chambre de Commerce. Ce n'est pas rien. A gauche, hormis la période d'Odette Grzegrzulka, nous avons toujours eu un problème de leadership. J'ai voulu, en 2007, susciter une réflexion collective autour de ce problème. On m'a répondu rapports de forces, pour le résultat qu'on sait. Tant que la gauche saint-quentinoise n'aura pas un leader reconnu, représentatif, rassembleur et crédible, on ne gagnera JAMAIS.


Bon après-midi.

13 septembre 2009

Pour Louis Jaurès.

L'ami Pierre, de Crouy, m'envoie une information utile à tous : c'est la commémoration, samedi prochain, à Chaudun (près de Soissons), du 91ème anniversaire de la mort d'un Jaurès moins connu que Jean, son fils Louis, tombé au combat ici. C'est un rendez-vous traditionnel pour les socialistes. Le maire de Soissons, notre camarade Patrick Day, sera présent. Nous nous retrouverons à 17h30, près du Monument.

En cette journée du Patrimoine, qui n'est pas fait que de pierres mais de textes, il sera important de nous souvenir, dans l'Aisne, du nom de Jaurès, comme je l'ai fait dans mon billet de ce matin. La disparition de son fils sur ce qu'on appelle "le champ d'honneur", qui est aussi un champ de carnages, a quelque chose de tragiquement ironique : le fils est mort de ce que le père a dénoncé, la guerre, dont nous avons dans notre département quelques cruels souvenirs.

Mais qu'aurait fait le grand Jaurès s'il n'avait pas été assassiné ? C'est sur cette question que la gauche s'est déchirée, entre pacifistes qui ont rejoint l'extrême gauche et patriotes qui se sont battus pour la défense de la République. Même Guesde, le rival de Jaurès au sein de la SFIO, a rallié le camp des patriotes. Mon avis n'est que personnel et discutable : je crois que notre Jaurès aurait fait de même, car quelle que soit la grandeur de la paix, le pacifisme intégral est une idéologie qui n'est pas sans danger.

J'appuie mon point de vue sur la lecture des oeuvres de Jaurès, que je parcours en ce moment en vue d'un petit hommage à l'occasion du 150ème anniversaire cette année de sa naissance. Jaurès, l'homme des synthèses (mais des glorieuses, pas des opportunistes), était autant patriote qu'internationaliste. Il y a sa formule célèbre, que je cite de mémoire : "Un peu d'internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d'internationalisme y ramène". Voilà un paradoxe à la hauteur du professeur de philosophie qu'il était ! Je vous conseille à nouveau, comme je l'ai fait dans un récent billet, de vous plonger dans les textes de Jaurès en lisant l'anthologie parue chez Calmann-Lévy en 1983 et préfacée par Madeleine Rebérioux.


Bonne fin d'après-midi.

La question de l'unité.

A la fête de l'Humanité, il a beaucoup été question d'unité de la gauche. Normal, c'est un thème récurrent dans notre histoire. La droite est moins confrontée à ce problème, pour des raisons sociologiques. Les catégories qu'elle défend rivalisent économiquement sur le marché mais savent se rassembler politiquement derrière les formations qui représentent leurs intérêts, en l'occurrence l'UMP. A gauche, c'est le contraire : un ouvrier, un employé, un petit fonctionnaire, un cadre moyen, un artisan ou un commercant ne sont pas en compétition mais ont du mal à former un front politique commun. C'est pourquoi la question de l'unité est cruciale à gauche et qu'on y revient sans cesse. Dans les quartiers bourgeois de ma ville de Saint-Quentin, on vote massivement à droite ; dans les quartiers populaires, on ne vote pas massivement à gauche, il y a dispersion. Là est le problème général.

Buffet propose de le résoudre par "un immense débat d'idées" qui irait du PS au NPA. Non, ça ne va pas, ce n'est pas sérieux. Paradoxalement, ça me fait penser à la proposition de Bayrou dimanche dernier : un "dialogue" tous azimuts avec qui veut bien dialoguer. La politique n'est pas une conversation de salon ou un débat de type café philo. Dialoguer oui, mais en se demandant : pour quoi faire ? A quelles conditions ? Avant d'engager un débat politique, qui n'est pas un échange aimable pour le plaisir de parler, il faut en tracer le périmètre et en définir les finalités.

Ecoutez ce qu'a dit Besancenot à la fête de l'Huma (sur son stand, car il n'était pas officiellement invité aux tables rondes, ce qui est significatif en soi) : il veut débattre seulement avec la gauche radicale. Ecoutez ce qu'a dit Mélenchon : pas question d'élargir le Front de Gauche au PS, pas question de faire réélire les "notables socialistes" (sic). Ecoutez la position de LO : pas d'alliances avec le PS aux régionales, ni au premier ni au second tour. Et je ne parle même pas du POI. C'est clair non ? Ces camarades ne veulent pas de nous (sauf à Saint-Quentin, pour les places), pourquoi voudrions-nous d'eux (sauf à Saint-Quentin, où c'est n'importe quoi) ?

Aux socialistes qui réfléchissent à cette question de l'unité, je leur conseille de s'inspirer de nos deux maîtres à penser, Jaurès et Blum. En 1905, Jaurès nous enseigne qu'en matière d'unité, le plus important, le début de tout, c'est d'unir les socialistes entre eux. C'est pourquoi il va créer la SFIO. En 1920, au congrès de Tours, Blum nous apprend que l'unité n'a de sens que dans la cohérence politique et la fidélité à nos convictions. C'est pourquoi il refuse de suivre la majorité du Parti qui va fonder le PCF et se rallier au communisme soviétique, dont Blum pressentait, dès le début, les potentialités totalitaires.

Unité oui, mais d'abord entre socialistes et dans la cohérence politique. C'est pourquoi, à Saint-Quentin, cas d'école, j'ai refusé et je refuse toujours l'alliance avec l'extrême gauche : parce qu'elle s'est conclue sur le dos des socialistes, alors que ceux-ci étaient divisés sur le sujet ; parce qu'elle s'est faite en dépit du bon sens, de nos intérêts électoraux et surtout de notre ligne politique ( que l'extrême gauche ne cesse de dénoncer).

Vous me direz : oui mais c'est local, donc pourquoi pas ? Je vous répondrais que non, que les deux critères de Jaurès et Bum valent autant pour une ville que pour un pays. Car nous en voyons les conséquences aujourd'hui : une opposition municipale qui ne peut se réunir qu'autour du plus petit dénominateur commun, la protestation, mais qui ne pourra jamais se rassembler autour d'un véritable projet. Et qu'on ne me dise pas que celui-ci existe : je n'ai jamais vu, nulle part (ou alors il faut me le dire !) des socialistes et des lambertistes diriger ensemble une collectivité territoriale en application d'un programme qu'ils auraient élaboré ensemble.

Bien sûr on peut mettre en avant quelques revendications communes, par exemple la gratuité du parking de l'hôpital. Mais combien ? Et qui peut croire que cela constitue un véritable projet, crédible et porteur d'avenir ? Il n'a que ceux qui se bernent eux-mêmes et qui sont tout contents, gros malins, d'avoir fait beaucoup plus que notre députée en 2001, comme si c'était leur seule fierté et le produit de leur génie.

Inlassablement je répèterai que tout cela ne conduit strictement à rien, sauf à conforter le pouvoir de la droite. Je ne lâcherai rien, quoi qu'il m'en coûte. De toute façon je m'en moque, je ne fais pas de politique pour faire carrière. Je me laisse simplement porter par une vérité que beaucoup pressentent, que quelques-uns connaissent et que tous, un jour, accepteront. Ce ne sera pas la première fois en politique qu'il aura fallu du temps pour qu'une vérité s'impose.


Bon après-midi.