L'Aisne avec DSK

30 avril 2008

Tibet: Mythe et réalité.

Bonsoir à toutes et à tous.

Une lectrice m'avait demandé, il y a une quinzaine de jours, de lui parler de l'ouvrage de Laurent Deshayes et Frédéric Lenoir, "L'Epopée des Tibétains, entre mythe et réalité", paru en 2002 chez Fayard. J'ai terminé cette passionnante lecture, je vous relate les points qui ont retenu mon attention. Côté mythe, voilà ce que nous pouvons dire du "Toit du monde":

1- Contrairement au préjugé, le Tibet n'a pas toujours été considéré comme un pays à la religion mystérieuse, étranger à notre culture. Au Moyen Age, il était perçu, étant très mal connu, comme un royaume... chrétien. Mais oui! Le royaume du légendaire prêtre Jean. Le plus étonnant, c'est que les premiers contacts avec le Tibet vont sembler corroborer cette extravagance: les moines, leurs cérémonies, leurs rituels vont faire penser, de loin, à la religion catholique, certes dégénérée, mais d'origine catholique.

2- Autre préjugé: celui de la non violence au Tibet. Les moines ont parfois été brutaux et cruels avec les missionnaires chrétiens qui voulaient les évangéliser. Certains de ces derniers ont été massacrés. La non violence est un concept mal compris en Occident. C'est une pratique de méditation plus qu'une position politique pacifiste.

3- Le Tibet, à partir du XIXème siècle, va nourrir de nombreux et récurrents fantasmes ésotériques. On considère que ce pays est le foyer d'êtres quasi surnaturels, de sages supérieurs aux pouvoirs extraordinaires. Le succès de l'ouvrage de Rampa, faux lama, "Le troisième oeil", est un exemple parmi d'autres.

Après le mythe, il y a la réalité. J'en retiens deux aspects:

a- Le Tibet, depuis les années 50, est un pays opprimé par la Chine. C'est une vérité qu'aucun Mélenchon ne pourra dissiper. Les faits sont là. Ca ne fait pas des Tibétains des anges, mais personne ne peut sérieusement soutenir que cette région vit dans la liberté.

b- Ce pays renfermé, arriéré, a donné lieu à un quasi miracle: sa religion, qui pouvait sembler complétement archaïque, beaucoup plus encore que le catholicisme, s'est répandue à travers le monde et a fait de nombreux adeptes parmi les Occidentaux. Le plus remarquable, c'est qu'elle se soit adaptée à des cultures complétement différentes d'elle, et sur bien des points opposées. Quelle religion peut en dire autant? C'est extrêmement rare.

La réponse à cette énigme et à ce prodige est dans le bouddhisme lui même, qui est plus une sagesse qu'une religion, plus une spiritualité qu'un culte. A ce propos, j'ai relu avec délices un ouvrage que j'avais découvert il y a exactement 20 ans, "Le bouddhisme du Bouddha", d'Alexandra David-Neel. Il a été écrit dans les années 20 ou 30 par quelqu'un qui n'était pas une spécialiste mais une voyageuse. Le résultat est formidable, l'analyse n'a pas pris une ride. Alexandra nous explique qu'en deça de ses aspects superstitieux, le bouddhisme tibétain est une réflexion sur l'esprit et une pratique de sa maîtrise par des exercices de méditation. Bref, le bouddhisme est un rationalisme à l'oriental et une psychologie pratique. C'est pourquoi aujourd'hui, alors que les grandes religions déclinent, il se répand à travers le monde. Et je trouve ça très bien.


Bonne soirée bouddhique.

Le Copo et ses copains.

Bonjour à toutes et à tous.

Bernard Berthelot a bien voulu m'adresser un message sur ce blog il y a environ une semaine, que je n'ai découvert que ce matin. Je réponds donc un peu tardivement, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. Bernard est le représentant du Copo à Saint-Quentin, le Comité d'organisation pour un Parti ouvrier, avec lequel Jean-Pierre Lançon et Anne Ferreira ont pactisé, parmi quatre organisation d'extrême gauche, pour les dernières élections municipales. Je vous renvoie sur le site du Copo pour mieux vous familiariser avec ce groupe, ce n'est pas à moi de faire les présentations:

http://coposaint-quentin.blogspot.com/2008/04/mort-du-ps-ou-mort-du-socialisme.htlm

Mon collègue a une prose plutôt prolixe et comme vous avez, et moi aussi, peu de temps à perdre, je vais vous résumer son billet, qui fait une analyse critique de mon billet "Le PS est mort", où j'abordais la nouvelle déclaration de principes du Parti socialiste. En gros, Bernard explique dans une première moitié à quel point j'ai tort et dans une deuxième partie ô combien il a raison. Jusque là, c'est très classique, on verrait mal les choses s'organiser autrement! En revanche, beaucoup plus intéressante est la fin de son article. A ses yeux, le nouveau texte du PS, que j'approuve, peut être interprété de différentes façons: la mienne, qui serait condamnable, et celle de quelques autres, qui serait appréciable.

Bref, le Copo fait le tri entre les bons et les mauvais socialistes. Les mauvais, ce sont ceux qui ont "tué Jaurès" (je n'invente pas, ce sont les mots de Berthelot!). Je suis parmi les tueurs, en assez bonne compagnie puisque Bernard y range DSK, Royal et Jospin. Les bons, il ne les nomme pas. Fabius? Mystère, on n'en saura pas plus. C'est que les vrais, les bons, les excellents socialistes sont surtout à Saint-Quentin. Ecoutez ce qu'il nous en dit:

"Nous sommes particulièrement bien placés, à Saint-Quentin, pour savoir qu'il existe au PS des hommes et des femmes véritablement attachés au socialisme."

Ces socialistes-là, vous les connaissez, j'en ai cité deux plus haut, ceux qui ont accueilli le Copo à bras ouverts sur leur liste. Et Bernard Berthelot est très explicite:

"Que ces socialistes-là soient assurés que le comité pour un parti ouvrier leur assurera leur soutien."

Et voilà, tout est dit, la boucle est bouclée, autour du cou des dits vrais socialistes. Mais comment s'en étonner? C'est Jean-Pierre Lançon qui proclamait que ce qui le séparait de l'extrême gauche était moins important que ce qui l'en rapprochait. Le Copo a de quoi être content. Mais pas moi! Se laisser décerner des brevets d'honorabilité socialiste par le Parti des Travailleurs, celle-là, c'est la meilleure! La vérité, c'est que le Copo, comme son nom l'indique, va lancer les 14 et 15 juin un nouveau parti politique et qu'il voudrait bien entraîner quelques socialistes dans l'aventure. Des "vrais" socialistes, bien sûr.

Il faut que cette comédie cesse, elle cessera en novembre, quand les socialistes, vrais et faux, tiendront leur congrès, et pas dans le local du PCF ou à partir d'un texte du PT, comme cela s'est honteusement passé durant les municipales. Les socialistes de Saint-Quentin se départageront autour de plusieurs motions, un nouveau bureau sera désigné, ainsi qu'un nouveau secrétaire de section. Celui-ci incarnera notre ligne politique pour les trois années à venir, il sera le représentant des socialistes devant l'opinion. Je ferai tout pour que cette ligne politique ne soit pas celle, usurpatrice, anti-réformiste, qui a prévalu pour ces municipales, à travers un déshonorant artifice de procédure. Et comme nous fêtons dès demain, 1er mai, le 40ème anniversaire de Mai 1968, j'aime à dire: "Ce n'est qu'un début, continuons le combat." C'est sûr, les pavés vont voler!


Bon après-midi.

29 avril 2008

Fabius propose.

Bonjour à toutes et à tous.

Laurent Fabius a fait hier dans Les Echos "quatre propositions pour retrouver une perspective". Je vais vous donner mon point de vue là-dessus, mais la démarche en elle même est positive. La gauche ne peut pas se contenter de critiquer Sarkozy, il faut bien qu'elle propose. On ne gagnera pas sur une protestation mais sur un projet.

1- Fabius propose d'abord la création d'un ministère européen de la recherche et de l'innovation, qui regrouperait les budgets jusqu'à ce jour dispersés dans chaque pays. L'idée est excellente, puisque c'est désormais au niveau européen que la politique économique peut être efficace. De plus, la recherche et l'innovation sont, pour des économies modernes, l'épine dorsale de la croissance.

Mais une excellente idée doit trouver les moyens pour se réaliser. Au stade où nous en sommes de la construction européenne, l'idée d'un ministère unique dans quelque domaine que ce soit me semble hélas difficilement réalisable. Et à qui la faute? Si le Traité constitutionnel européen avait été adopté, nous n'en serions pas là. Laurent fait donc une bonne proposition que contredisent cependant ses engagements antérieurs en faveur du non. Je ne comprends d'ailleurs pas bien non plus sa position aujourd'hui à l'égard du traité de Lisbonne. Est-il pour ou contre?

2- La deuxième proposition concerne la protection de l'environnement, avec l'instauration d'une taxe universelle sur les produits polluants, dont les sommes seraient affectées à la lutte contre la pauvreté. J'approuve à nouveau, même si, à nouveau, je doute un peu de sa faisabilité. Mais qui ne veut rien ne fait rien! Et puis, cette fois-ci, Laurent ne se contredit pas dans l'exposé des fins et des moyens. Lutter contre la pauvreté en luttant contre la pollution, c'est faire d'une pierre deux coups, et c'est assez bien vu.

3- La meilleure idée, à mon sens, est celle d'un "fonds souverain" à la française, inspiré de ce qui se fait en Norvège, afin de lutter contre les délocalisation. Ce fonds serait constitué à partir de la Caisse des Dépôts (Jean-Pierre Baligand aurait-il sur ce point conseillé Laurent Fabius?) et rapproché du Fonds de réserve des retraites. Il serait alimenté par le produit des privatisations et des cessions immobilières de l'Etat. C'est la meilleure idée parce qu'elle ne dépend que de la France pour sa mise en oeuvre, et son objectif est des plus précieux: sauvegarder et réaménager notre appareil de prodution. Pourquoi les "fonds souverains", dont l'existence est devenue médiatique avec la crise des subprimes, seraient-ils réservés aux pays émergents ou à ceux qui bénéficient de la manne pétrolière?

4- La dernière proposition est la moins convaincante. En matière de pouvoir d'achat, Fabius demande de revenir sur le "paquet fiscal", notamment en subordonnant les exonérations sociales à des accords salariaux. L'objectif demeure de relancer le pouvoir d'achat, mais je ne vois pas très bien comment.

Globalement, je suis satisfait de ce que propose mon camarade, même si la première proposition est plutôt contradictoire, la deuxième difficilement réalisable et la quatrième incomplète. Il n'empêche qu'il esquisse d'utiles pistes de réflexion. Mais où est donc passé le Fabius défenseur du non? Et celui de la campagne interne d'avant les présidentielles, où il campait sur des positions classiques à l'aile gauche et qui ont aujourd'hui disparu de son registre? Qu'est devenu le Smic à 1500 euros, dont il avait fait alors une mesure emblématique? Laurent s'apprêterait-il à rejoindre la majorité social-démocrate du Parti, afin de rompre avec son splendide mais terrible isolement? Affaire à suivre... mais bienvenue au club des réformistes!


Bon après-midi.

28 avril 2008

Anonyme a dit:

En lisant Charlie-Hebdo ce week-end, je suis tombé sur un petit article très intéressant titré "Habeas Corpus" et signé Amélie Nothomb. L'écrivain disserte sur la loi anglaise de 1679 et son nom latin si étrange, qui signifie encore plus étrangement: "que tu aies un corps". Sa thèse et son interprétation: le droit libéral n'existe qu'à travers un "corps". De là, Nothomb nous parle d'Internet. Encore plus étrange? Non, car Internet est une zone de non-droit. La propriété n'y existe plus, le piratage s'y pratique joyeusement, le vol est fréquent, le mensonge et l'illusion y sont monnaie courante. Tout droit repose sur le respect de la propriété, l'interdiction du vol, le préalable de la vérité. On appelle ça la justice et la loi. Je vous cite Amélie, c'est un petit joyau de réflexion:

"Les libertés individuelles ont bien des façons d'être menacées. Internet peut être une restriction des plus dangereuses de nos libertés modernes. L'illusion consisterait à croire que cette infinie zone de non-droit serait un vecteur d'émancipation. Seule la loi garantit la liberté. Le principal problème des immenses territoires encore non réglementés d'Internet est qu'il est presque impossible d'y appliquer, sinon la loi elle-même, au moins le titre de cette loi. Il faudrait qu'un juriste de génie trouve une interface entre l'habeas corpus et la Toile."

Après cette méditation juridique, Amélie Nothomb entre dans une méditation plus métaphysique, une philosophie du droit en quelque sorte, où il est dit que la loi passe par le corps, s'incarne, ne demeure pas abstraite. De purs esprits seraient des hors-la-loi. Dieu n'a besoin d'aucune loi pour régir son existence. Mais je vous laisse lire Amélie, c'est délicieux:

"Le corps existe par écrit: cela s'appelle la signature. Signer un article, un texte, un message de son nom, c'est produire son corps comme garantie de ce que l'on écrit. On n'a pas le droit d'écrire n'importe quoi, pour ce motif que l'on porte un nom, et que ce nom représente notre corps. Tout texte courageux et juste comporte une signature [...] Un message qui ne comporte pas de signature digne de ce nom doit être tenu pour inexistant."

Quand j'ai lu ces merveilleuses lignes, j'ai tout de suite pensé à tous ces piètres anonymes qui traînent sur mon blog, à leur lâcheté morale bien sûr, mais aussi à leur inexistence humaine. En n'ayant pas le courage ordinaire de signer leurs propos, ils se refusent à exister, ce sont des zombies et des zozos, ce qu'atteste d'ailleurs la teneur de leurs commentaires. Ils ne sont rien par eux-mêmes, ils aspirent à un semblant d'existence en se confrontant médiocrement à moi. En vérité, ils disent n'importe quoi parce qu'ils ne sont rien, des outres complétement vides.

Pourquoi je les tolère, alors qu'un simple clic effacerait leur message et les ferait retourner à leur néant? Par amusement et par pédagogie. Ils me délassent, ce sont mes bêtes de cirque. Je les fais danser, je veux montrer à la grande majorité de mes lecteurs, qui eux sont sérieux, honnêtes et intelligents, ce que sont la bêtise, la pauvreté intellectuelle, la déchéance morale. C'est en exhibant la stupidité humaine qu'on parvient le plus efficacement à la comprendre et à la combattre. Merci à tous les anonymes de ce blog de contribuer involontairement à cette grande leçon.


Bonne fin d'après-midi.

La semaine de Victor.

Bonjour à toutes et tous.

Je vous ai déjà dit combien j'appréciais la rubrique de L'Union "La semaine de..." Elle a le mérite et l'originalité d'amener des personnalités de la ville à s'exprimer sur l'actualité de la semaine, et donc à dévoiler plus ou moins leurs opinions politiques ou morales. C'était le cas de l'invité de samedi dernier, Victor Ordonez, franco-colombien, médiateur culturel et marionnettiste, directeur de l'association Menegua, qui organisait ce week-end sa soirée annuelle. Victor passe en revue chaque jour, retient un évènement et donne son avis.

Lundi, évoquant les révoltes alimentaires dans les pays pauvres, il déclare qu' "il est inacceptable de laisser des enfants mourir de faim". J'approuve, bien évidemment.

Mardi, il regrette que le Grenelle de l'Environnement soit vidé de son contenu par le "lobby de l'agroalimentaire". Je ne connais pas bien le dossier, mais je suis prêt à suivre Victor là-dessus.

Jeudi, il salue "la mobilisation des lycéen" et la rapproche de Mai 68. Je n'irai pas aussi loin, mais oui, il faut soutenir les élèves qui demandent des postes supplémentaires. Comme quoi nos jeunes veulent travailler!

Vendredi, Victor retient "la marche des sans papiers "et leur combat. Je ne suis pas entièrement d'accord avec leurs revendications, mais ils ont raison de manifester, et nous devons nous pencher sur ce qu'il demande.

Lundi, mardi, jeudi, vendredi... Il manque dimanche et mercredi. C'est volontaire, j'ai voulu les garder pour la fin du billet, parce que là, je ne suis pas d'accord, vraiment pas d'accord avec Victor, et même un peu furieux. Vous allez comprendre pourquoi, je reprends tout:

Dimanche, Victor nous explique que "la Chine subit un acharnement médiatique". Ah bon? Et les Chinois qui sont exploités par ce régime capitalo-communiste, je dis moi que c'est un acharnement économique qu'ils subissent. Les dirigeants du pays, les cadres du Parti m'intéressent moins que le peuple chinois. Et les Tibétains, ce qu'ils subissent, c'est un acharnement politique, depuis 50 ans. J'espère que ce ne sont pas les ennuis que traverse la pauvre petite flamme olympique qui chagrine Victor. La dictature chinoise, comme d'autres avant elle, a voulu en faire le flambeau de sa propagande. C'est raté et c'est tant mieux!

Mercredi, Victor nous parle, c'est bien normal, de son pays d'origine, d'autant que celui-ci est au coeur de l'actualité, avec la longue détention d'Ingrid Betancourt. Je m'attendais à ce qu'il prenne la défense de l'otage et des otages des Farc. Pas du tout! Il s'en prend au président Alvaro Uribe, accusé d'un massacre de paysans et soutenu par les paramilitaires et les trafiquants de drogue. Et l'affaire Ingrid Betancourt? C'est un "rideau de fumée"! Troublant, presque provoquant... Rien, aucune condamnation des Farc, de leur violence, de leur terrorisme. Eux aussi sont en rapport avec les trafiquants de drogue.

La semaine de Victor aurait été belle si elle n'avait été entachée par ces deux journées. Ensemble, nous aurions pu soutenir les peuples affamés, les lycéens révoltés, les sans papiers en colère, à condition de ne pas s'arrêter là, de ne pas sélectionner les victimes comme s'il y en avait de bonnes et de mauvaises. Les otages des Farc, les tibétains méritent de la même façon notre soutien.

Pourquoi Victor ne l'a pas fait? Parce que la Chine est encore maoïste, parce que les Farc sont maoïste? Ces derniers jours, les maoïstes l'ont emporté au Népal, et la flamme olympique a été aujourd'hui accueilli triomphalement en Corée du Nord, l'une des dernières dictatures communistes, avec Cuba, le Vietnam et quelques autres. Le problème de Victor, je le crains, c'est le communisme. Il croit encore, il espère toujours en ses résidus, il s'accroche au cadavre. Mais c'est fini, il est bel et bien mort, rongé par son vieil ennemi, le capitalisme. Je ne vois que cette nostalgie pour expliquer ces coupables indulgences.


Bon après-midi.

27 avril 2008

Grosse tête.

Bonsoir à toutes et à tous.

Avez-vous vu Charlie-Hebdo de cette semaine? Si non, achetez-le vite fait, Xavier Bertrand fait la couverture, sa grosse tête auréolée du titre parodique: "Bienvenue chez lèch'cul", avec cette explication: "Xavier Bertrand le bon élève de Sarkozy". C'est bien sûr d'une drôlerie irrésistible, mais il ne faut pas confondre le rire et l'action politique, comme nous le faisons trop souvent, dans notre société influencée par les Guignols de Canal-Plus. D'abord, après sa marionnette, faire la une de Charlie, c'est une belle promotion pour Bertrand, pas un affront. La notoriété se reconnaît à ce genre de chose. Quant au contenu de la blague, j'ai connu pire et plus cruel pour un homme politique. Xavier Bertrand passe pour un fayot et le chouchou du président. Mais c'est une qualité, pas un défaut! Les premiers de la classe sont détestés par les mauvais élèves, c'est bien connu. Bertrand, lui, "c'est un bon", comme dirait Pierre André.

Dans le Courrier Picard de mercredi dernier, le reproche est autre: Bertrand aurait pris "la grosse tête". C'est Gremetz qui le dit! Mais la critique est ridicule. La "grosse tête", ça veut dire quoi? Qu'on s'y croit, qu'on pense être meilleur que les autres, qu'on a de hautes ambitions? Mais c'est à cela qu'on reconnaît et qu'on apprécie un homme politique d'envergure! Je souris toujours quand j'entends des médiocres reprocher à des hommes politiques leur "ego surdimensionné". Pauvres nases! De Gaulle, Lénine, Bonaparte, ne croyez-vous pas qu'ils avaient la "grosse tête" et un "ego surdimensionné"? Les petits n'ont rien mieux à faire qu'à jalouser et critiquer les grands...

Donc, je ne cherche pas à savoir si Bertrand a pris la "grosse tête" ou pas, ça ne m'intéresse pas, c'est une remarque éventuellement psychologique, pas un argument politique, un peu comme les commentaires insipides qui me reprochent sur ce blog mon prétendu narcissisme ou ma soi-disant mégalomanie, parce qu'ils ne trouvent rien d'autres à dire contre moi, même en cherchant bien. C'est fou comme les minables ont de l'imagination, pour suppléer à leur manque d'intelligence. En ce qui concerne Bertrand, si on n'a que son fayotage ou sa "grosse tête" à lui opposer, je suis très inquiet pour l'avenir de la gauche, car le ministre du Travail peut dormir sur ses deux oreilles (il va encore économiser des heures de sommeil!).

Moi, ce qui m'intéresse, c'est le bilan politique de Bertrand et son projet. Savoir qu'il est "sympa" (selon l'hypothèse du Courrier Picard) ou compétent n'a à mes yeux aucune valeur. Un homme politique gentil, ça n'existe pas. Quant à la compétence, arrivés à ce niveau, gouvernemental, ils le sont tous plus ou moins. Ce ne sont donc pas ces critères que je retiens pour juger Xavier Bertrand, mais ce qu'il a fait, que je résume brutalement: la suppression des régimes spéciaux de retraite, la limitation du droit de grève dans les transports. Si vous trouvez ça bien, moi pas. Je n'y reviens pas, je m'en suis déjà expliqué sur ce blog en temps et en heure. En tout cas, Bertrand ne peut pas se travestir du titre de ministre "social", comme il aime à le faire croire. C'est un homme de droite dans l'un des gouvernements les plus à droite depuis la Seconde guerre mondiale. Qu'il ne nous vienne pas nous raconter d'histoires!

Quant à son projet politique, sa vision pour l'avenir, je ne les vois pas. Il en faut pourtant, si l'on veut accéder à Matignon. Je retiens quelques bons mots et anecdotes amusantes, le "service après-vote", la "droite sociale", le ministre qui "dort quatre heures par nuit" et qui "n'est pas aux 35 heures", mais ça ne va pas plus loin. Bertrand, c'est la mise en musique, habile, disciplinée, souple, de la politique Sarkozy, rien de plus, rien d'autre, rien de mieux, rien de pire. Ca fait un bon serviteur, pas un grand ministre. A quoi reconnaît-on celui-ci? A la grande réforme qui change la vie du pays. Jean Auroux a été un grand ministre du Travail dans les années 80 parce qu'il a ouvert des droits nouveaux aux salariés dans l'entreprise. Martine Aubry a été un grand ministre du Travail parce qu'elle a instauré ce changement de société qu'ont été les 35 heures. Xavier Bertrand, pour l'instant, ne laisse son nom à aucune grande réforme. Et ce n'est pas l'interdiction de fumer dans les entreprises publiques et privées, mesure certes appréciable, qui fait entrer dans l'Histoire. Alors, demain peut-être? Je ne le crois pas taillé pour ça. Un gentil bagout ne suffit pas, et ce qu'on ne fait pas au début du ministère, on ne le fait pas après.


Bonne soirée.

La redistribution néolibérale.

Bonjour à toutes et à tous.

Je n'ai pas regardé la prestation télévisée de Nicolas Sarkozy jeudi soir, sauf la fin, qui ne m'a pas emballé. J'avais café-philo. A lire les compte-rendus, je crois n'avoir rien manqué. L'échec des municipales n'a pas été effacé ou surmonté par le chef de l'Etat. Il a reconnu la déception des français, il a avoué ses propres erreurs. On s'attendait alors, sinon à un changement de cap, du moins à des ajustements de sa politique. Il n'en a rien été, tout continue à peu près comme avant. A quoi bon cette lucidité et cette contrition si c'est pour ne rien changer, à part le style, la forme?

Et puis, un homme qui admet plusieurs erreurs à la tête de l'Etat, pourquoi n'en commettrait-il pas d'autres, pourquoi lui faire encore confiance? Rappelez-vous il y a un an, le sarkozysme flamboyant: "tout était possible", c'était le slogan de campagne. Aujourd'hui, on se rend compte que tout n'est pas si facile. On allait voir de ce qu'on allait voir! C'est tout vu. Où est le grand communicateur, l'habile homme des médias? Le "paquet fiscal", l'épine dorsale de sa politique, a été une "erreur de communication" (je crois surtout que c'est une erreur économique). Où est le chef, l'autorité, l'homme à poigne? Les couacs succèdent aux couacs, les ministres se contredisent, le premier d'entre eux est en froid avec son président. Où est le volontarisme des débuts? Nicolas Sarkozy explique la déception et les difficultés par le contexte mondial. Il se voulait Bonaparte, il est devenu Napoléon vaincu par le monde extérieur.

Le neuf et le pire, c'est le RSA sauvé par la PPE, ou l'aide des pauvres par les moins pauvres, une redistribution d'un genre inédit, non plus des riches vers les classes modestes mais des bas revenus vers les sans revenus. Il fallait y penser! Je vous explique: le RSA, revenu de solidarité active, chargé d'inciter à l'emploi sans perdre ses droits, a du mal à trouver son financement. Hirsch, son maître d'oeuvre, l'estime à 2 ou 3 milliards (par comparaison, le "paquet fiscal", c'est 15 milliards), Sarkozy l'a ramené jeudi à 1 ou 1,5 milliards, en promettant sa généralisation pour l'an prochain. Ouf, rien n'était moins certain. Mais on sent que le budget est tiré et qu'il pourrait l'être encore plus. Du coup, Hirsch a réagi en disant banco pour 1,5 milliards, se contentant de moins pour ne pas récolter pire.

Reste qu'il faut quand même financer ce RSA et que l'argent manque. D'où cette redistribution néolibérale, après la redistribution social-démocrate. C'est une partie de la PPE, prime pour l'emploi, qui va venir au secours du RSA. En plus, la PPE est une invention des socialistes, sous Jospin! 8,6 millions de travailleurs entre 0,3 et 1,4 fois le smic ont touché en moyenne 460 euros en 2007, sous forme de chèque pour les foyers non imposables ou de réduction d'impôt pour les imposables, ce qui a coûté 4 milliards à l'Etat. L'objectif de la PPE est à peu près le même que celui du RSA, mais pas pour les mêmes publics: valoriser l'emploi faiblement rémunéré afin de ne pas inciter à la non activité. Hirsch, que j'aime pourtant bien mais qui veut à tout prix sauver son RSA, explique qu'un milliard de la PPE "va vers les catégories les plus aisées de la population". 1,5 fois le smic, une catégorie "aisée? Qu'est-ce qui t'arrive, Martin?


Bonne matinée.

26 avril 2008

Tout augmente?

Bonsoir à toutes et à tous.

Si vous êtes devant votre écran à cette heure, un samedi soir, pas au restau, pas au ciné, pas en boîte, pas entre amis, c'est que vous êtes prêts, de nouveau, à m'écouter parler de gratuité. J'ai tant à vous dire, j'y vais, en tentant de répondre à cette remarque qu'on entend si souvent autour de soi, et qui semble être une objection à ma théorie de la gratuité: "tout augmente!" A quoi j'opposerai la question basique: est-il vrai que tout augmente?

1- Dans l'augmentation des prix et tarifs, on retient surtout les hausses récurrentes, attendues, officielles, indexées souvent sur l'inflation. Le gaz et l'électricité sont les exemples les plus criants. La hausse des loyers aussi. Quand j'étais locataire, mon loyer augmentait un peu chaque année. Je ne l'ai jamais vu diminuer! En revanche, je n'ai jamais entendu parler autour de moi de l'augmentation des prix du téléphone.

2- Subjectivement, on retient "tout"ce qui augmente parce que c'est désagréable, mais on oublie "tout" ce qui baisse. Or de nombreux prix diminuent, et parfois de façon vertigineuse (j'en parlerai plus précisément demain dans un nouveau billet).

3- Notre attention se concentre sur certains produits, surtout ces derniers temps, dont les prix flamblent, parce que ces produits ont une portée symbolique: l'alimentation naturelle, les fruits, les légumes, le lait, la baguette de pain. Là encore, le jugement est très subjectif: des centaines de conserves et de surgelés n'augmentent pas et sont tout aussi bons à la consommation, sauf exigence diététique.

4- L'opinion ne juge que dans l'instant présent, quasiment au jour le jour. Si l'on faisait une étude sur 30 ou 40 ans, ce qui est infime au regard de l'Histoire, il serait flagrant que nous assistons à une baisse générale des prix. Je le démontrerai là aussi demain.

5- Si certains prix augmentent, c'est aussi parce que le niveau de vie progresse. C'est une opération blanche, à somme nulle. Quand tout augmente, rien n'augmente (je parle globalement, je n'évoque pas ici les disparités importantes et évidentes entre catégories sociales).

"Tout augmente"? Le constat est pour le moins discutable. Ce qui est surprenant, c'est qu'une certaine "vie chère" ne choque pas, ne suscite pas de protestations massives. Intéressant aussi à examiner: avez-vous vu entendu des reproches faits aux pompes funèbres pour leurs tarifs élevés? Avez-vous constaté un mouvement de grogne contre les prix des auto-écoles? Moi pas, ou rarement. C'est que certaines situations font qu'on accepte d'y "mettre le prix", sans trop se plaindre, conduire ou mourir.

En ce qui concerne le transport ferroviaire, quand je pars pour le Berry, je trouve le tarif du billet élevé. Mais là encore, peu de gens protestent de ces tarifs. Ce sont plutôt les retards de trains et autres perturbations qui soulèvent les réprobations. Peut-être parce que le moyen de locomotion qui est roi, c'est l'automobile. Par analogie, personne ne se plaint que l'école privée soit payante, parce qu'elle est considérée comme un plus par rapport à l'école publique, gratuite. Sauf que la comparaison a ses limites, puisque l'automobile représente une charge importante dans le budget domestique. Mais chacun est prêt à payer sans trop y regarder, parce que la voiture est perçue comme une nécessité, une liberté et parfois une représentation sociale de soi, une part de son identité. Qui hésiterait à payer pour ça? La hausse des carburants ne dissuade pas d'aller à la pompe. La hausse des prix n'est pas ici sanctionnée par une baisse des achats. Il n'y pas nécessairement de logique mécanique en économie, encore moins de morale. On parle de "vérité des prix", mais qu'est-ce que ça signifie exactement? Pas grand-chose.

Assez pour aujourd'hui, retournez devant la télé, pour le ciné c'est un peu tard, mais les cafés sont ouverts et le Smart accueille ses premiers clients. Moi, je vais me coucher.


Bonne nuit.

Tarif unique et multiple.

La culture de la gratuité, que je distingue de sa réalité et surtout de la gratuité absolue, se révèle en de nombreuses occurrences, que j'ai commencé à lister ce matin, et que je poursuis:

Depuis le début des années 60, la vie associative s'est spectaculairement développée, au point de se professionnaliser. Les activités de loisirs ont pris une place considérable dans nos vies, les sorties, les voyages, les pratiques sportives, etc. Ces activités sont pour la plupart payantes, mais ce n'est pas sous cette angle que je pose le problème. Jadis, le travail, c'est-à-dire le fait de "gagner sa vie", de vendre sa force de travail comme diraient les marxistes, occupait un temps important, écrasant dans une existence. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, la tendance est à la réduction du temps de travail tarifé et obligatoire, et ce n'est pas le "travailler plus" de Nicolas Sarkozy qui changera fondamentalement cette donnée de civilisation. En revanche et du coup, le travail gratuit ou l'occupation libre sont en pleine expansion. Jamais les individus n'ont passé autant de temps à des activités non rémunérées (même si celles-ci sont souvent payantes et parfois coûteuses).

Je répète: une part de plus en plus grande de ce que nous faisons est détachée de toute préoccupation pécuniaire. C'est là aussi une avancée de la gratuité. Contrairement au préjugé, nous sommes de moins en moins obsédés par l'argent (parce que nous en avons de plus en plus!). L'homme du Moyen Age réclamait des sous parce qu'il en manquait cruellement. Demander la charité était quasiment un métier. Ces comportement aujourd'hui nous indignent et nous horrifient. Quant aux laborieux de cette époque, ils perdaient leur vie à la gagner, notamment dans la paysannerie. Personne ne songerait à retourner dans ce temps-là, qui avait cependant sa grandeur, mais pas en matière de gratuité!

La multiplication des tarifs réduits, individualisés et circonstanciels sont également un indice fort de cette culture de la gratuite. L'exemple pour moi le plus impressionnant, ce sont les tarifs de la SNCF. Ils se sont tellement diversifiés et complexifiés que je n'y comprends plus rien. Mais je ne suis pas très malin. J'écoute poliment le guichetier et souvent je le laisse choisir ce que je devrais choisir. Le pire, c'est quand il me renvoie à mon libre arbitre. L'achat d'un billet de train devient alors un dilemme quasiment métaphysique. Toujours est-il que le tarif unique a tendance, dans le transport ferroviaire comme dans d'autres secteurs, à disparaitre. Après moult calculs qui ne sont pas à ma portée ni dans mes plaisirs, un citoyen astucieux fera baisser le prix normal de son voyage, là où le quidam de mon espèce va payer plein pot.

Si la gratuité passe par la personnalisation des tarifs, elle a aussi un versant opposé: le forfait unique. Ce mode de gratuité se généralise lui aussi. On paie une somme et on consomme autant qu'on veut, potentiellement à l'infini. Nous sommes bien là dans l'horizon de la gratuité. A Saint-Quentin, dans la zone commerciale de Cora, une nouvelle enseigne attire le chaland: un restaurant asiatique, pour 11 euros à midi et 15 euros le soir, vous permet de manger tout ce que vous voulez! Ce principe, répandu dans toute sorte de restauration, je l'ai connu pour la première fois aux Etats-Unis, il y a 20 ans, où il était très pratiqué alors que très minoritaire en France. Les forfaits sont présents un peu partout, dans l'industrie du divertissement par exemple: vous payez un prix unique à l'entrée d'un parc d'attractions, qui vous donne droit de faire ce que vous voulez le temps que vous voulez. Par analogie, les dépenses dans une fête foraine traditionnelle, où chaque activité vous oblige à débourser, sont beaucoup plus élevées, à qualité et quantité égales bien sûr.

La philosophie du forfait est révélatrice de la culture de la gratuité. Il y a dissociation entre le produit et son prix, vous ne payez plus à la pièce. Vous vous acquittez en quelque sorte d'un droit à consommer, puis vous en faites ce que vous voulez. Il y a gratuité parce que vous recevez plus que vous ne donnez. La gratuité se loge dans ce différentiel, qui n'est pas flagrant à distinguer, ce qui fait dire à certains que la gratuité n'existe pas alors qu'elle est bien là, dissimulé, un peu comme l'origine de la plus-value se cache selon Karl Marx dans le travail. Si mon restaurant asiatique remporte autant de succès alors que le marché est aléatoire et fragile, c'est que la clientèle y gagne quelque chose: la gratuité d'une partie du repas. La logique est identique pour la redevance-télévision: le prix ne couvre pas, et de loin, le gain. Si nous devions réellement payer ce que nous apporte la télévision publique, le tarif serait considérablement élevé.

Les formes de gratuité sont innombrables et fréquentes, sur le mode du tarif diversifié ou du forfait unique. Il y a aussi les abonnements, suppléments gratuits, tarifs dégressifs, ... Mon journal du matin me revient moins cher que son prix réel, soutenu par la publicité, et ma coiffeuse, au bout de 10 coupes, m'en offre une. Je reviendrai sur la gratuité demain.


Bonne soirée.

La gratuité payante.

Bonjour à toutes et à tous.

J'avais promis de revenir sur les idées iconoclastes de Chris Anderson sur la gratuité. Je vais donc y consacrer quelques billets, qui ne reprendront pas exactement ses propos mais s'en inspireront librement, afin d'élargir la problématique au-delà de l'économie purement numérique. D'abord, soyons clair: la gratuité totale n'existe pas. Sinon, ce serait la fin de la monnaie. Personne ne croit et ne veut cela, sauf à souhaiter revenir à l'état primitif. Ce que je veux m'efforcer de démontrer, c'est que nous assistons à une montée en puissance, dans les sociétés modernes, de la gratuité. Que l'argent soit de plus en plus nécessaire ne contrarie pas le phénomène, il l'accélère, il le conditionne!

Je prends un exemple: les promotions dans les magasins. Il y a quelques décennies, au début de la société de consommation, les campagnes de promotion étaient exceptionnelles. Maintenant, dans votre supermarché, il n'y pas un seul jour sans que plusieurs produits soient en promotion. Vous ne les payez donc pas à leur prix habituel. Une part de gratuité s'est introduite dans l'achat. On peut parler, paradoxalement, d'une gratuité payante. Quand vous achetez deux boîtes de conserve au prix d'une, l'une des deux est pour vous gratuite.

Autre exemple: les soldes, qui sont devenues depuis une quinzaine d'années un vrai phénomène de société, avec des comportements quasi hystériques à l'ouverture des magasins. Ce qui confirme l'engouement pour ce qu'il faut bien nommer une "culture" de la gratuité, qui modèle de plus en plus les esprits. "Gratuit" est devenu le mot magique, le déclic, le slogan du monde... commercial. Jadis, c'était la morale (un acte gratuit, un geste désintéressé) qui s'en réservait exclusivement l'usage. Le débat est ouvert sur l'extension des soldes tout au long de l'année. Je crois qu'on finira par y arriver.

Vous me direz peut-être que "tout se paie" dans la "société du fric", et de plus en plus, puisque même pour faire ses besoins, il faut payer, alors que cette activité est naturelle, spontanée et inévitable. Relativisons: la dame pipi d'autrefois attendait son pourboire. Cette rétribution volontaire est tout simplement devenue obligatoire. D'autre part, il était usuel, il n'y a pas si longtemps, pour les hommes (sauf quand on était bourgeois) d'uriner librement et à peine discrétement, y compris en pleine ville. Aujourd'hui, ce comportement est condamné, encore qu'il m'arrive d'y céder. Les raisons sanitaires (propreté, hygiène) et morales (décence, embourgeoisement des attitudes) sont devenues les plus fortes. Si nous payons pour satisfaire une irrépressible envie dont la consommation devrait être gratuite, ce n'est pas parce que le "fric" aurait tout envahi, mais parce notre exigence de qualité, notre aspiration au confort, notre demande psychologique sont plus grandes.

Je vous propose un dernier exemple: l'eau. Voilà une ressource qui devrait être gratuite, puisqu'elle nous vient du ciel (la pluie) ou de la terre (les sources). Elle est naturelle, inépuisable et très facile à se procurer, à la différence du pétrole, de l'acier et de l'immense majorité des produits que nous achetons parce que nous ne pouvons pas les obtenir autrement. Or, comment ce fait-il que nous acceptions de payer l'eau sans trop broncher? Les restaurateurs ont pourtant bien compris que sa gratuité allaient de soi, puisqu'aucun ne nous fait payer l'eau en carafe, ni même n'oblige à prendre une eau minérale, acceptant ainsi un manque à gagner. Il n'y a pas si longtemps, l'eau en bouteille était un petit luxe. Les milieux populaires se ravitaillaient aux fontaines (je l'ai fait pendant des années!) ou bien au robinet de la cuisine. Je ne dis pas que ces comportements ont disparu mais qu'ils ont considérablement diminué (surtout pour l'eau de source disponible au public).

Qui aujourd'hui, dans une société inspirée par le principe de précaution, irait à une source dans la campagne pour répondre à la consommation familiale d'eau? Peu de monde. Qui accepterait, dans notre société du confort et de la satisfaction immédiate, d'y consacrer du temps et des efforts? Quasiment personne. Les courses du samedi à Auchan et Cora sont des parties de plaisir comparées à la corvée d'eau. Et puis, si nous acceptons de payer l'eau que nous buvons, c'est parce que nous avons aussi plus d'argent qu'autrefois pour le faire. Il y a un usage de l'argent qui est, en quelque sorte, "gratuit", au sens où nous pourrions parfaitement nous en passer, où nous n'avons aucune obligation à consommer, mais nous achetons, nous consommons tout de même, par confort, par plaisir. Dépenser, dans une société de consommation, c'est prouver qu'on est libre. Et ça n'a pas de prix!

Attention: je ne dis pas que j'approuve, je ne fais que constater. De fait, nous allons de plus en plus vers une société de la gratuité, mais d'une gratuité payante, comme j'ai commencé à vous l'expliquer dans ce premier billet, idée que je poursuivrai dans le prochain.


Bonne matinée (gratuite).

25 avril 2008

La sagesse maçonnique.

Bonsoir à toutes et à tous.

J'ai passé une intelligente soirée au palais de Fervaques, à l'écoute d'une conférence du Grand Maître de la Grande Loge de France, Alain Graesel. Beaucoup de monde, 300 à 400 personnes, quelques têtes connues. Tout a commencé par une belle définition du maçon: quelqu'un qui a "la passion de la liberté". Et puis, il a été question du mythe de Prométhée: les dieux ont confié l'art technique aux hommes, mais ceux-ci n'ont pas réussi à s'emparer de l'art politique. Avec le premier, on invente les armes, avec le second, on permet le vivre ensemble. La conférence va suivre cette trame, en explorer les conséquences dramatiques pour l'humanité. A l'époque moderne, la rationalité triomphante va croire pouvoir se passer de toute autre finalité. Résultat: le tragique XXème siècle, et aujourd'hui la menace que font peser les techno-sciences sur la liberté et l'identité humaine. On est passé de Prométhée au mythe de l'apprenti-sorcier.

Alors, la maçonnerie peut apporter sa pierre pour affronter ce problème crucial. Loin de tout ésotérisme de bazar, elle propose d'abord une méthode, un chemin. Et je suis bien content d'entendre Graesel dire que tout commence par là: c'est par une méthode adoptée en commun que l'on peut se rapprocher les uns des autres, mener un travail collectif. Je pense bien sûr à la politique. Avant de défendre mes convictions, j'avance une méthode, des règles, en vue de rassembler. Après viennent les idées. C'est une démarche revendiquée par Descartes, que le conférencier a plusieurs fois cité.

Enfin vient la spiritualité, qu'il ne faut pas confondre avec la religion. La spiritualité désigne l'intérêt qu'on porte aux activités de l'esprit. En ce sens, il y a une spiritualité maçonnique, rationnelle et humaniste. Elle se pratique à travers des rituels, des symboles, mais n'a pas besoin de culte ni de liturgie.

Le Grand Maître a terminé en répondant aux questions de la salle, notamment sur les liens entre la maçonnerie et la politique. J'ai retenu cette phrase: "Les maçons n'entretiennent pas de relations avec les extrémistes de droite et de gauche". Voilà une pensée que certaines de mes connaissances feraient bien de méditer.


Bonne soirée.

24 avril 2008

Chris Anderson.

Connaissez-vous Chris Anderson? Je n'avais pas entendu ce nom jusqu'à dimanche matin, sur France-Inter, où sa pensée a retenu mon attention. Cet homme est une vedette du Net, ses idées circulent et sont très discutées. J'y suis allé, je n'ai pas été déçu. Je vous livre, rapidement et en vrac, quelques réflexions d'Anderson, vous allez vite comprendre, les conséquences sont géantes:

Chris Anderson soutient que nous allons vers une économie dans laquelle tout sera gratuit. Les utopistes du XIXème siècle verraient ainsi leur rêve se réaliser! Mais d'une façon tout à fait inattendue, pas à travers des réformes politiques mais une innovation technologique (le numérique), pas en rupture avec le capitalisme mais par le pur marché et la parfaite concurrence. Et cette société de la gratuité est en marche. Sur l'internet, les informations gratuites sont en nombre quasi infinies. Ce modèle informatique va progressivement se généraliser à l'ensemble de l'économie. C'est la diminution des coûts de production qui incitera les entreprises à donner leurs produits au lieu de les vendre.

Dès maintenant, les opérateurs de téléphones cellulaires offrent régulièrement des appareils gratuits en échange d'un contrat d'abonnement. Bien sûr, tout n'est pas gratuit, sinon l'argent n'aurait plus sa raison d'être! Les journaux gratuits pour les lecteurs sont payés par les annonceurs publicitaires. Le réglement au forfait se répand. On verse une somme et après, on consomme ce qu'on veut, et potentiellement à l'infini, même si notre appêtit rencontre nécessairement ses limites. L'économie ne repose plus sur la rareté des produits, qui au contraire sont abondants, jusqu'à être innombrables. C'est une rupture avec une situation millénaire.

En revanche, la rareté est passée du côté de l'attention des consommateurs constamment sollicités par la publicité. Le temps, par exemple, est devenu une denrée rare, tellement chaque individu est occupé. La nouvelle économie ne reposera plus sur des ventes massives et homogènes mais sur une somme de "petits achats" en grand nombre, la personnalisation, l'occupation de "niches", la mise en réseau. Contrairement à la perception commune selon laquelle "tout augmente", globalement les choses autour de nous deviennent de moins en moins coûteuses. L'internet est une machine à copier, ses produits perdent donc toute valeur, jusqu'à échapper à toute propriété.

Gratuité, abondance, abolition de la propriété: le communisme moderne selon Chris Anderson? J'y reviendrai, c'est une pensée stimulante et provocante. Allez sur la toile, vous m'en direz des nouvelles!


Bon après-midi.

Questions pour un débat.

Bonjour à toutes et à tous.

La nouvelle "déclaration de principes" du PS est saluée par tous les socialistes. Seul Mélenchon (qui a encore fait hier son numéro sur le Tibet chez Taddéi) est réservé, et sur un point, l'article consacré à l'Europe. Les socialistes enfin tous d'accord? Je l'espère, je le souhaite, je veux y croire. Mais j'ai une bonne mémoire politique: au congrès du Mans, nous étions aussi et déjà tous d'accord, "tous ensemble", autour d'un texte autrement plus conséquent et engageant que la déclaration de principes, puisqu'il s'agissait d'une motion de congrès, où nous étions parvenus à la synthèse. On a vu après ce qu'il est advenu. Les rassemblements artificiels ne sont pas sains. L'opportunisme tactique des uns conjugué à la faiblesse idéologique des autres peuvent avoir ultérieurement des conséquences désastreuses.

Si cette déclaration de principes est sincérement approuvée, comme je l'approuve sincérement, cela signifie que tous les socialistes sont devenus des sociaux-démocrates. Est-ce vrai? Permettez-moi d'en douter, ne serait-ce qu'un peu. En tout cas, la culture de la synthèse, faite de compromis bâtards et boîteux, est émolliente. La rénovation du PS doit la liquider, aller vers des majorités d'idées fortes, pas des combinaisons douteuses. A propos de cette déclaration, et pour apprécier le degré de sincérité de mes camarades, j'aimerais poser à chacun trois questions simples, connaître leur avis sur trois thématiques de base. Je crois que ce n'est pas trop demandé à un militant socialiste:

1- Le marché, es-tu pour? Renonces-tu à la chimérique "rupture avec le capitalisme"?

2- L'Union européenne, es-tu pour? Renonces-tu à la chimérique "autre Europe"?

3- Es-tu favorable à ce que les choix du Parti, à tout niveau, soient dictés par les adhérents et non imposés par l'appareil, à quelque échelon que ce soit?

Quand j'aurais mes réponses, je vous dirais si je suis rassuré ou pas. Mais peut-être que mon naturel anxieux, ma prudence excessive me jouent des tours. Toujours est-il que je suis en quête de vérification. Et puis, rappelons que ce texte de déclaration de principes est, pour l'heure, un projet soumis à discussion. Il faut que les adhérents s'en emparent et en débattent. La direction nationale a demandé que chaque section organise une réunion sur ce document, et que les fédérations prévoient une journée de travail suivie d'un conseil fédéral, afin de faire remonter propositions et remarques. Ne donnons pas l'impression que le débat est terminé alors qu'il ne fait juste que commencer.


Bonne matinée.

23 avril 2008

Une clandestinité légale.

Bonjour à toutes et à tous.

Je n'ai jamais été favorable à la régularisation automatique des clandestins. Cette revendication de l'extrême gauche heurte le principe républicain de légalité. Il y a une immigration légale, que j'encourage, qui me semble bénéfique pour la France, son économie, sa culture, qui ira en s'accroissant dans les prochaines années. Mais l'entrée clandestine sur le sol national, même motivée par la misère ou le désespoir, non. La loi est la loi, valable pour tous. D'autant qu'un clandestin, qu'aucune loi ne protège plus, devient une proie facile, une victime idéale, un exploité potentiel et souvent réel.

Quand des manipulateurs reprennent la fameuse phrase de Rocard sur "la France qui ne peut pas accueillir toute la misère du monde", il faut rappeler qu'il ajoutait: "mais elle doit en prendre sa part". Curieux qu'on oublie ainsi cette chute, essentielle. Maintenant, avec les clandestins, ce n'est pas à une "chasse" qu'il faut se livrer, telle que le gouvernement l'a engagée. Il faut régulariser au cas par cas, sur dossier, à partir de critères précis, non pas à l'aveugle. Sinon, ce serait donner de faux espoirs aux candidats à l'immigration clandestine.

Pourquoi vous rappeler cela, dont j'ai déjà parlé dans plusieurs billets? Parce qu'un mouvement tout à fait inédit est en train de monter, qui modifie les paramètres du problème. Il ne s'agit pas d'une manifestation classique de "sans papiers" réclamant purement et simplement leur régularisation, mais d'une grève. Ce ne sont plus des clandestins qui demandent à sortir de leur clandestinité, ce sont des travailleurs qui réclament l'application de leurs droits. Car lorsqu'on travaille, contribue à la richesse nationale, fait la preuve de son utilité sociale, ça change tout: la présence de l'immigré se justifie, son salaire et ses cotisations sociales, parfois son imposition fiscale en font un citoyen paradoxal, clandestin et pourtant reconnu par certaines administrations. Une clandestinité légale, en quelque sorte, et pas le clandestin qu'on imagine habituellement, terré quelque part.

Du coup, à situation paradoxale réaction paradoxale: un front est en train de se former en faveur de ces travailleurs clandestins en lutte, mais un front baroque, où l'on retrouve Lutte Ouvrière, une partie du patronat, beaucoup d'inspecteurs du travail et mon camarade strauss-kahnien Cambadélis, qui a envoyé un courrier aux parlementaires pour les sensibiliser à cette question. Le gouvernement semble suivre le mouvement, lâcher du lest et vouloir rouvrir les dossiers de régularisation. Sauf qu'il se refuse toujours à une régularisation massive. L'examen individuel des situations continue de prévaloir. Problème: la grande majorité des clandestins ont un travail. Si ce critère est retenu, on va sans le dire, ou alors on se contredit, vers une régularisation massive.

Quoi qu'il en soit, il faut retenir de cette grève, que nous devons soutenir, que le critère de l'utilité économique est le premier et peut-être le seul, hormis les états médicaux d'urgence, à justifier une régularisation rapide.


Bonne soirée.

22 avril 2008

Dupond et Dupont.

Bonsoir à toutes et à tous.

Quelque chose me passionne en politique: les périodes de disgrâce dans lesquelles peut sombrer un homme politique, puis les moments de rédemption, où le même s'élève. Prenez Jean-François Copé. Il y a quatre mois, dans son propre camp, c'était un homme mort. Aujourd'hui, c'est l'homme fort de la droite. Hier, on le pensait incapable de gérer le groupe UMP à l'Assemblée: trop absent, trop cassant. Son mi-temps dans un cabinet d'avocats d'affaires passait mal. Lui-même ne croyait plus guère à son étoile. Et puis, la chance, les circonstances, l'énergie sont revenues: il a pris la tête de la fronde des parlementaires, a porté haut et fort leur voix et leurs intérêts , a redoré auprès d'eux son blason.

Et eux, ce n'est pas rien: les députés, c'est l'aristocratie du parti, sans laquelle aucune carrière nationale n'est possible. Car Copé voit loin: sa rédemption est une assomption, en deux temps, Matignon d'abord, l'Elysée pour 2017. Prudent, il laisse passer un second mandat pour son chef. Sur sa route, qui trouve-t-il? Xavier Bertrand! Les deux hommes se détestent cordialement, puisqu'ils visent les mêmes postes. Pourtant, rien ne les distingue politiquement: c'est Dupond et Dupont. Si, Bertrand s'est inventé un machin, la "droite libérale et sociale". Mais psychologiquement, c'est le jour et la nuit, et les tactiques politiques sont complètement différentes.

Copé reconnaît et affiche ses ambitions, Bertrand joue le modeste. Copé est sec, Bertrand est doucereux. L'un est une lame, l'autre un sucre d'orge. Copé se distingue en se levant, respectueusement, contre Sarkozy, en cultivant sa différence. Bertrand colle à la roue du président, veut être le meilleur élève du gouvernement pour en récolter demain les fruits. Lequel finalement gagnera? Personne ne sait. Bertrand n'a jamais connu la disgrâce, c'est peut-être ce qui le perdra. Et qu'en pense Jérôme Lavrilleux, le directeur de cabinet de l'un et l'ami saint-quentinois de l'autre? Le voilà placé dans un choix très cornélien. Un homme politique avisé choisit parfois de ne pas choisir. Courage Jérôme.


Bonne nuit.

Le PS est mort.

Bonjour à toutes et à tous.

Le Parti socialiste vient d'adopter un projet de "déclaration de principes" en 21 articles, qui sera discuté dans les sections prochainement et qui signe la mort du PS tel qu'il s'est construit à Epinay en 1971. 9 raisons président à cette disparition, que je tire du texte même de cette nouvelle "déclaration":

1- Dans le préambule, il est fait référence au "socialisme démocratique", ce qui prouve qu'un autre socialisme ne l'est pas: on a compris de quoi il s'agissait, du communisme, dont le fond n'est pas "démocratique". L'article 2 renforce cette idée: "Egalité et liberté sont indissociables". Le communisme les a tragiquement dissociées.

2- Parmi les "grandes conquêtes sociales" que le PS assume et défend, il y a celles "des gouvernements de gauche qui se sont succédés". Voilà qui fera réfléchir certains camarades qui refusent que le PS soit un parti de gouvernement et n'en revendiquent pas l'héritage, se montrant très critiques envers ce que le pouvoir socialiste a pu faire dans ses dernières années. Nous sortons ainsi de la mythologie pour entrer dans la real politik. Un regret cependant: Mai 68 ne figure pas au nombre des références historiques, alors que la Commune de 1871 y est.

3- L'écologie est désormais intégrée à notre corpus idéologique (articles 3 et 4). C'est une révolution que de se réapproprier ce courant de pensée issu de Mai 68. Mais sur le "principe de précaution" (article 4), j'aurais aimé plus de prudence, tant je crains qu'il ne devienne un principe de peur et d'irrationalité.

4- L'économie de marché est enfin reconnue, les socialistes affirment, c'est une première, qu'ils en sont "partisans", régulée bien évidemment par la puissance publique et les partenaires sociaux (article 6).

5- La "rupture avec le capitalisme", pierre angulaire du parti créé à Epinay, est abandonnée. Le texte reconnait simplement la "critique historique du capitalisme" (article 6) et propose "une société nouvelle qui dépasse les contradictions du capitalisme" (article 7). Le capitalisme en tant que tel n'est pas nié.

6- L'ancienne "déclaration de principes" évoquait les "espérances révolutionnaires", dont nous n'avions pas su faire le deuil. Maintenant c'est fait. Les mots révolution ou révolutionnaire ont disparu, il est affirmé que "le Parti socialiste est un parti réformiste" (article 13). Point.

7- L'ancrage européen est confirmé, l'alternative d'une "autre Europe" est rejetée. Je cite, car chaque mot a son importance: "Le Parti socialiste est un parti européen qui agit dans l'Union européenne qu'il a non seulement voulue, mais en partie, conçue et fondée. Il revendique le choix historique de l'Union européenne et de la construction d'une Europe politique." (article 17)

8- Le PS n'est plus défini comme un "parti ouvrier" mais comme un "parti populaire" qui "entend exprimer l'intérêt général du peuple français".

9- Enfin, le Parti socialiste est présenté comme "un parti démocratique", ce qui signifie, si cet adjectif a un sens, que ses décisions ne seront pas prises par l'appareil mais par les adhérents. Pour la section de Saint-Quentin, c'est une excellente nouvelle, pleine de promesses!

Pour conclure, vous allez peut-être me dire: c'est bien joli tout ça, mais ce sont des mots. Je vous répondrais que les mots sont importants en politique, qu'ils commandent aux actes. Et si le parti d'Epinay est mort, son cadavre bouge encore à Saint-Quentin! Justement, saisissons-nous de cette "déclaration de principes", faisons-en un texte de combat qui liquidera définitivement les derniers miasmes. Lançon, Ferreira, Gatteau, avec leur position anti-européenne et leur compagnonnage avec l'extrême gauche, croyez-vous qu'ils vont résister très longtemps à l'application de ce texte? Je ne donne pas cher de leur survie politique.

L'ancien PS est mort, vive le nouveau Parti socialiste!


Bonne matinée.

21 avril 2008

Paris 1942.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je suis un peu surpris par l'ampleur que prend la polémique autour de l'exposition à la Mairie de Paris, "Paris sous l'Occupation". C'est le genre de scandale que la France aime à s'offrir de temps en temps, preuve de son incurable malaise quand il est question du passé de la dernière guerre.

De quoi s'agit-il? L'exposition est constituée d'une série de photographies d'André Zucca, un collaborateur notoire qui montre la capitale sous ses airs les plus avenants. Et c'est stupéfiant! Le beau temps, les terrasses des cafés bondées, les promeneurs paisibles dans les jardins publics, quelques militaires vert-de-gris mais pas de croix gammées. Mais surtout, pas de files d'attente devant les magasins, pas d'arrestations de juifs, pas de misère, pas de drame, une ville heureuse, normale, en paix avec elle même alors que le monde est en guerre. Et la plus stupéfiante des prises de vue: les bords de Seine avec ses baigneurs qui se prélassent, bronzent, s'amusent. Comment ne pas penser à elle? Paris-Plage, mais oui, c'est bien elle, ça lui ressemble en tout cas, et on y pense, alors que c'était il y a plus de 60 ans!

La polémique me semble ambigüe. Que reproche-t-on exactement aux concepteurs de l'exposition? D'avoir voulu faire oeuvre de propagande, d'avoir voulu exonérer le nazisme des souffrances et des crimes qu'il a fait subir à Paris? Honnêtement, je ne crois pas que leur intention soit celle-là. Et si tel avait été le cas, les services de la Ville de Paris, ses élus et son maire y auraient mis bon ordre. Cette exposition a fait le choix de montrer un regard particulier porté sur la capitale et l'époque, qui ne trompe personne. Au contraire, il me semble intéressant de savoir qu'un tel point de vue a pu exister. Certes, pour écarter tout contresens toujours possible, une fiche explicative était nécessaire, et c'est le seul reproche que je ferai.

Mais le scandale a peut-être une autre origine: cette France qui n'est pas gênée par l'Occupation allemande, elle a existé, et massivement, surtout dans les milieux de la bourgeoisie. Ce qui choque, c'est que la réalité ait pu être celle-là, que nous ne voulons pas regarder en face, que nous préférons refouler. Nous avons l'habitude d'années "noires" entre 1940-1944, et nous découvrons une vie en couleurs, parfois chamarrée. L'insupportable, c'est cette vérité. Nous voudrions garder l'image d'un "Paris martyrisé", celui qu'évoquait De Gaulle à la Libération. Un Paris joyeux, ça ne passe pas, et c'est pourtant la réalité, même si ça n'est pas toute la réalité. Cette polémique me fait penser à celle qui avait suivi la sortie du film "Le chagrin et la pitié". Moins de 40 ans après, la France a toujours mal à son récent passé.


Bonne soirée.

J'ai choisi Papy!

Bonjour à toutes et à tous.

Quand j'imaginais il y a 30 ans l'an 2000, je me représentais des choses incroyables, station lunaire, gouvernement mondial, robotisation totale du travail. Mais il y a quelque chose qui ne me serait jamais venu à l'esprit: que les enfants puissent choisir leur grands-parents! Savez-vous que c'est fait? Je l'ai appris ce matin, au journal de RTL animé par l'excellent Christophe Hondelatte. Un site, supergrandparent.fr, vous met en contact avec des personnes âgées esseulées, en mal de contacts humains, et permet aux petits enfants qui n'en ont pas de se trouver des grands-parents volontaires.

Une petite fille, de cinq ans, était interrogée. Elle a expliqué, comme une grande, qu'elle n'avait plus ses grands-parents maternels et qu'elle en recherchait. Sa voix d'enfant, douce, artificielle, conditionnée comme le sont toutes les voix d'enfants, forçait à l'adhésion, dissuadait toute critique. Et c'est ce qui s'est produit: dans ce petit reportage, à aucun moment le journaliste ne s'est interrogé sur le bien fondé de cette initiative. Les enfants sont contents de retrouver une papy et une mamie, le papy et la mamie sont heureux d'avoir des petits-enfants, les parents sont satisfaits que tout le monde soit satisfait. Qui a-t-il à redire devant tant de bonheur?

Eh bien si, quelques questions me viennent à l'esprit, et spontanément, sans me forcer: est-il normal que s'instaurent entre des individus des liens faussement biologiques? Que signifient, comme je l'ai entendu ce matin, des "grands-parents de coeur"? Notre société sentimentale excuse tout ce qui provient des sentiments. Mais il y a tout de même lieu parfois de s'interroger. Depuis que le monde est monde, un grand-père est le père du père de l'enfant, pas quelqu'un qu'on choisit au hasard ou parce qu'on le trouve sympa. Pourquoi ne pas parler d'amitié, pourquoi jouer avec la filiation? Je me souviens du très beau film de Claude Berry, "Le vieil homme et l'enfant", avec Michel Simon. Le garçon appelait le vieux "pépère", mais c'était une façon de parler qui s'est imposée avec le temps, pas un choix délibéré de l'enfant sur proposition d'adultes via un dispositif électronique et un écran d'ordinateur.

La société contemporaine laisse beaucoup de liberté aux enfants, et je ne m'en plains pas. Mais ne leur donnons pas l'illusion qu'ils pourraient tout choisir, y compris leurs grands-parents. Psychologiquement, je crains que cette bonne intention ne soit désastreuse. Ce serait laisser croire à leur toute puissance, pourtant factice. Ne plus avoir ses grands-parents, ça fait aussi partie de la vie, c'est ce qu'on appelle la mort. Veut-on occulter à nos enfants cette réalité, comme les adultes refoulent aujourd'hui la réalité du vieillissement? Et puis, quelle personne âgée devient-on quand on réclame un contact humain auprès d'enfants? Il y a là une forme de gâtisme qui n'ose pas dire son nom, une puérilité inquiétante de vieillard. La vieillesse devrait être le temps de la sagesse, pas des enfantillages. Et ne me parlez pas de beauté du sentiment lorsqu'il ne s'agit que de sa manipulation à des fins narcissiques, égocentriques!

Je suis favorable à l'échange entre les générations, je veux briser les ghettos de jeunes et de vieux, mais pas de cette façon-là, pas en fabriquant des états mensongers et des sentiments artificiels.


Bon après-midi.

20 avril 2008

1 an, 20 ans.

Je pourrais vous parler cet après-midi de deux disparitions, Aimé Césaire et Germaine Tillon. Mais je n'ai pas l'âme d'un poète et je laisse à mes lecteurs historiens le soin d'intervenir. J'ai choisi d'évoquer deux anniversaires, d'un an et de vingt ans. Le premier, c'est l'élection de Nicolas Sarkozy: un an déjà! Happy birthday, Mister President. L'anniversaire est exceptionnel: jamais un chef de l'Etat n'a vu sa cote de popularité chuter à ce point au bout d'une année. A tel point que le Premier ministre est plus populaire que lui! Embêtant, pour un homme qui se voulait performant. Il est allé vite, très vite, en tout domaine, y compris dans sa disgrâce auprès des Français.

J'avoue que je n'y aurais pas cru. Tant de succès, puis la descente aux enfers de l'impopularité... Ce n'est plus l'usure du pouvoir, c'est carrément la cassure. Je m'attendais à un retournement de l'opinion, je l'ai écrit sur ce blog il y a 10 mois. Je n'imaginais pas qu'une année aurait suffi. Mais je continue à penser que la gauche ne doit pas se réjouir, que rien n'est gagné pour elle, qu'un énorme travail l'attend, qu'elle n'a pas droit à l'erreur.

Le deuxième anniversaire, j'avais promis en commentaire de le célébrer: les 20 ans de la mort de Pierre Desproges. D'abord pour une raison personnelle: je sors très peu, depuis toujours, hormis pour mes activités politiques et associatives. Ceci explique d'ailleurs cela. J'assiste rarement à des spectacles. Deux vedettes pourtant font exception à mon austérité casanière: Gainsbourg et Desproges. Pour eux deux, oui, je me suis déplacé, il y a longtemps, il y a plus de 20 ans, lors du Printemps de Bourges (les lecteurs fidèles feront le lien avec mes origines). Desproges, c'est le plus grand humoriste français de ces 50 dernières années. Le plus grand!

J'aime beaucoup Bigard, j'ai failli aller le voir au Stade de France, mais ce n'est pas un humoriste, c'est un comique (ce qui n'enlève rien à sa grande valeur). Le premier fait réfléchir en faisant rire, le second fait seulement rire. Il y a bien Bedos, mais c'est un humoriste de gauche, il y a bien Gerra, mais c'est un humoriste de droite. L'humour le plus efficace, le plus cruel, ne doit pas être partisan. Il y avait bien sûr Coluche, plus clown qu'humoriste, et lui aussi devenu partisan. Et puis tous les autres talents contemporains, qui sont nombreux.

Desproges est celui, unique, qui est allé le plus loin possible dans le rire, jusqu'à plaisanter du cancer ou du génocide, par exemple. Avec cette devise qui résume entièrement le personnage: "On peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui." Son humour était écrit et très travaillé. Ne pas oublier que son premier métier, c'était le journalisme, à L'Aurore. Je l'ai apprécié dès les débuts de sa notoriété, au Petit Rapporteur de Jacques Martin. Il inventait un style, il se créait un personnage. Il fallait quand même le faire, dans ces années Giscard. Puis il y a eu les années Mitterrand, le Tribunal des Flagrants Délires sur France-Inter, le retour à la télévision, Monsieur Cyclopède, jusqu'au sommet de son art, le one man show auquel j'ai assisté à Bourges.

20 ans après, on parle encore de lui, on le cite, ses ouvrages se vendent bien. Etonnant, non? comme il le disait si bien. Etonnant jusque dans sa mort, ce cancer dont il aimait à se moquer. Les humoristes sont essentiels à la démocratie, et même à la pensée. Pierre Desproges était le meilleur, un génie dans son genre.


Bon après-midi.


PS: à 18h30, sur RTL, au Grand Jury, écoutez Pierre Moscovici, le meilleur lui aussi, mais dans un autre genre.

Mai, oui mais...

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai commenté hier soir 10 slogans parmi les plus connus de Mai 68, je voudrais ce matin soumettre à votre réflexion 5 autres slogans, moins connus, auxquels je n'adhère pas, même si le mouvement de Mai reçoit globalement mon assentiment enthousiaste. Mais n'est-il pas interdit d'interdire la critique? La contestation se doit à son tour d'être contestée, du moins sur certains aspects:

1- Céder un peu c'est capituler beaucoup.

Vous comprenez que cette formule heurte mon réformisme. Elle débouche sur l'intransigeance stérile, le radicalisme et même le fanatisme, elle ignore l'esprit de compromis. Je lui substitue cette nouvelle formule: Céder un peu pour obtenir beaucoup.

2- La politique se passe dans la rue.

Non, pas seulement et pas essentiellement. En démocratie, la politique se passe dans les assemblées, locales et nationales. Et elle commence dans une salle de classe, à l'intérieur d'un isoloir, calmement, quand on va voter. Les fureurs de la rue peuvent parfois être anti-démocratiques, car la rue, c'est aussi la violence.

3- Ne dites plus: monsieur le professeur, dites: crève salope!

L'exagération et la provocation ont bien des excuses, mais je prends les mots au sérieux, pour ce qu'ils veulent dire. Critiquer l'autorité n'est pas nécessairement la détruire. En République, nulle autorité doit échapper à la critique, mais toutes doivent être respectées. Et ça n'est pas parce que je suis enseignant que je le dis.

4- Le discours est contre-révolutionnaire.

Mai 68 a surestimé les actes, le spontanéisme (notamment dans le maoïsme, les "maos-spontex"). Il a aussi valorisé une parole débridée, sauvage, parfois surréaliste. Je crois en la force du discours, qui est une parole maîtrisée, construite, cohérente. Le discours est révolutionnaire, regardez 1789! En politique, tout commence par des discours.

5- La vie est ailleurs.

Non, la vie est ici et maintenant. L'ailleurs est une illusion ou un piège. Le rêve est une bonne chose, il en faut, mais le réel est important et la rationalité est précieuse. Ailleurs, l'au-delà, c'est la mort, pas la vie. Mai 68 est un "soulèvement de la vie", comme je l'ai soutenu hier en reprenant la formule de Clavel. Mais le mouvement n'a pas été exempt de quelques pulsions de mort.


Bon dimanche.

19 avril 2008

Les plus connus de Mai.

Bonsoir à toutes et à tous.

Les préparatifs du 40ème anniversaire s'accélèrent, j'ai sélectionné les 10 slogans les plus connus de Mai 68, du moins ceux que j'ai retenus parmi des centaines de formules, et je vous propose, pour chacun, d'en faire un petit commentaire.

1- Soyez réalistes, demandez l'impossible!

C'est l'une de ces contradictions fécondes dont Mai 68 est très friand. Le réalisme, c'est à quoi nous invitent tous les pouvoirs de droite, arguant de leur sérieux économique. Et pourtant, quel est le bilan de ces gens sérieux? Nous ont-ils sortis de la crise depuis un quart de siècle? Le réalisme est trop souvent l'abdication, l'impuissance devant la réalité. Alors oui, mille fois oui, il faut demander l'impossible, c'est-à-dire introduire l'idéal en politique. En 1968, on disait: l'utopie. En 1789, liberté, égalité, fraternité, c'était l'impossible sous la monarchie. C'est devenu la réalité avec la République.

2- Elections pièges à cons.

J'ai beau retourner la formule dans tous les sens, solliciter ses nombreuses interprétations, rien ne m'y fera adhérer. Là, je me fâche avec Mai. Les élections sont éventuellement des pièges à intelligents, pas des pièges à cons. Les pires cons, et il y en a, ne votent pas et critiquent tout. Le râleur est un con né. Un électeur est quelqu'un qui s'intéresse plus ou moins à un scrutin, suit un peu la campagne électorale, réfléchit à ses enjeux, est capable dans l'isoloir de faire un choix. La curiosité, la réflexion, le choix, voilà les critères de l'intelligence, et les antidotes de la connerie. Non, un citoyen qui vote ne sera jamais un con, et les élections sont une opportunité inouïe, un privilège insigne, pas un piège.

3- L'imagination prend le pouvoir.

C'est la conséquence du premier slogan. En politique, plus que de l'intelligence, il faut de l'imagination, se projeter dans le futur pour le transformer, l'améliorer. D'ailleurs, faute d'imagination, on ne prend pas le pouvoir, on reste dans l'opposition, on ne change rien à la société. Trop souvent, la politique est strictement rationnelle, gestionnaire. Je ne vais pas complétement m'en plaindre, mais ça ne suffit pas. Un projet politique doit stimuler l'imagination. A gauche, pendant un siècle, l'imaginaire, c'était la révolution, qui s'est révélée cauchemardesque. La social-démocratie pour laquelle je milite doit s'inventer un imaginaire. Faire de la politique, c'est faire rêver et laisser espérer.

4- Métro, boulot, dodo.

La République a sa devise, Vichy la sienne. Ces trois mots, c'est le tempo de la société de consommation. Ils peuvent avoir du bon, et je trouve la formule ambivalente: le métro est un signe de civilisation, le moyen de transport des grandes agglomérations, le boulot est une denrée aujourd'hui très recherchée, surtout quand il est stable et intéressant, le dodo est tout de même le meilleur moment de la journée, qu'on peine à quitter et qu'on prend plaisir à rejoindre. Mais si la vie n'est faite que de ce train-train, alors non: bouger, bosser, roupiller, ce n'est pas une vie! La révolution de Mai ne porte pas essentiellement sur les structures politico-économiques mais le changement de la vie quotidienne. C'est l'une de ses originalités.

5- Nous sommes tous des juifs allemands.

Magnifique formule, complétement incongrue, totalement universaliste et humaniste: elle manifeste une solidarité concrète, indéfectible, planétaire. On oublie trop souvent son origine: le communiste Georges Marchais renvoyant Daniel Cohn-Bendit à sa nationalité. Et le stalinien d'époque avait ajouté à l'opprobre: "anarchiste"! A tous ceux qui s'apprêtent comme moi à fêter l'anniversaire, n'oubliez pas cette réalité historique: le PCF était contre Mai, et Séguy, communiste et cégétiste, s'est fait huer par les ouvriers après les accords de Grenelle. Nous sommes tous des juifs allemands, tous des dissidents soviétiques, tous des moines tibétains. Nous sommes l'autre quand il est opprimé. C'est le plus beau slogan de Mai.

6- Vivre sans temps morts, jouir sans entraves.

La libération des moeurs, la révolution sexuelle bien sûr, qu'il est aujourd'hui de bon ton de critiquer, par retour du puritanisme. Pourtant, sur ce point, Mai 68 a tout transformé. Il serait inimaginable de revenir à la France coincée, à la morale bourgeoise. C'est en ce domaine que le mouvement a été le plus révolutionnaire et le plus définitif. Les idiots fustigent une foire à la débauche et mettent scandaleusement la pornographie immonde et la pédophilie criminelle sur le compte de Mai. Comme si les orgies n'existaient pas dans la Rome antique? Comme si l'inceste était inconnu sous l'Ancien Régime? Arrêtons ces âneries. 1968, c'est ce que le gauchiste chrétien Maurice Clavel appelait "le soulèvement de la vie". Pas une pulsion de mort, pas le stupre et la fornication, mais simplement le plaisir et la vie.

7- Il est interdit d'interdire.

C'est le slogan de Mai le plus critiqué, et les idiots, encore eux, prennent un malin plaisir à le déformer: interdit d'interdire ne signifie pas que tout est permis! Les "soixante-huitards" interdisent le viol, l'exploitation, la violence et mille autres choses. Le slogan n'est pas laxiste, il est libertaire, et au bon sens du terme libéral. Il émet d'ailleurs une interdiction, preuve qu'il ne prône pas le laisser aller absolu, mais une interdiction paradoxale: celle... d'interdire. Bref, il réhabilite la liberté, la responsabilité personnelle. Car c'est l'interdiction qui provoque la transgression. Interdit d'interdire, c'est une très haute exigence. Sommes-nous capables de la satisfaire? C'est autre chose... L'homme se comporte souvent en enfant qui réclame des interdictions.

8- Sous les pavés, la plage.

La formule même de la non violence, la grandeur de Mai 68: beaucoup de casse mais pas un seul mort. L'objectif, c'est le bonheur, la plage, car les pavés de l'époque reposaient sur une couche de sable. Le pavé, emblème s'il en est de 68, n'est donc pas d'abord ce qu'on jette sur les CRS, ce n'est pas avant tout une arme, c'est ce qui nous fait découvrir... la plage. Lénine, Trotski, Mao n'en reviendraient pas! La plage, ce n'est vraiment pas ce à quoi ils songeaient. Mai n'est pas une révolution comme les autres: c'est une révolution heureuse et une révolution qui a réussi.

9- CRS-SS.

Le slogan le plus court et le plus bête de Mai 68: si les étudiants avaient eu devant eux, contre eux, des SS, l'évènement n'aurait pas été une immense fête mais une terrible tragédie. Il n'empêche qu'une grosse bêtise peut avoir sa petite part de vérité: la police gaulliste était féroce, la répression était brutale, les "algériens" en 1962 en ont su quelque chose, bien avant les "étudiants" de 1968. Aujourd'hui, les forces de l'ordre ne pourraient pas, sans provoquer le scandale immédiat, se comporter ainsi. Mais elles n'étaient pas pour autant des divisions SS.

10- Ce n'est qu'un début, continuons le combat.

C'est le slogan le plus classiquement politique de Mai 68. Faire de la politique, c'est toujours commencer, continuer, refaire. La politique ne s'arrête jamais, ignore la déception, ne comprend pas le découragement. C'est pourquoi peu en font. On me dit parfois, à moi, depuis des années: mais pourquoi n'arrêtes-tu pas? Ce que tu fais ne mène à rien, tu répètes tout le temps les mêmes choses, etc. Je souris, ces braves ont raison et croient que j'ai tort, ils ne le savent pas ou le craignent: la politique c'est ça, un début recommencé, un combat continué. 1789, 1871, 1936, 1968.

J'ai été un peu long ce soir, c'est Mai qui m'a emporté avec lui! Le mouvement mérite qu'on en parle longuement. Je recommencerai demain, en vous commentant les pires slogans de Mai, ceux que j'aime le moins, que je récuse. Car Mai ne doit pas devenir une icône. Ce serait contraire à son esprit.


Bonne soirée soixante-huitarde.

18 avril 2008

15 euros par jour.

Bonsoir à toutes et à tous.

Après la batterie de mesures anti-sociales du gouvernement depuis une bonne semaine, assistons-nous à une accalmie, une décrue? En apparence oui, puique Christine Boutin, ministre du Logement, vient d'annoncer qu'on pourrait désormais avoir une maison pour 15 euros par jour, quand on gagne entre 1000 et 2000 euros par mois. 15 euros par jour, pas cher pour une maison! Dans le monde abstrait de l'immobilier, les chiffres s'envolent si haut, accumulent tellement les zéros qu'ils ne veulent plus rien dire. 15 euros, c'est concret, palpable, ça tient dans le portefeuille et dans la main, on peut mesurer cette somme, elle est réelle. Et puis, 15 euros par jour, ça renvoie au présent, pas à un futur de plus en plus hypothétique au fur et à mesure qu'il s'allonge.

Boutin tient la promesse de campagne de Sarkozy: tous proprios! La France sarkozienne veut être une France de propriétaires, où les maisons à soi rien qu'à soi pousseraient comme des champignons. Pourquoi pas. Mais j'ai vécu, et bien vécu, pendant 46 ans sans être propriétaire, et je n'ai pas attendu Sarkozy pour le devenir. Surtout, je suis inquiet, très inquiet par cette nouvelle mesure qui n'a de social que l'apparence. Et pour faire un tel effet d'annonce, pour confectionner un slogan aussi publicitaire, "une maison à 15 euros par jour", il faut avoir choisi l'apparence plutôt que le fond. Une formule très bling-bling, du bruit des anciens tiroirs-caisses: 15 euros? Trop facile, un chiffre qui ne veut strictement rien dire, et c'est pourquoi le gouvernement a choisi de le mettre en avant.

Car ce qui compte, c'est de savoir combien de temps on va verser 15 euros par jour pour posséder sa maison. Sinon, l'information ne sert à rien, strictement à rien. 450 euros par mois, c'est déjà plus honnête mais moins séduisant. Le calcul le plus probe serait de comparer le coût total avec le bien acquis. Mais là, ça devient compliqué. Alors, allons-y pour 15 euros par jour, avec un concept assez malin: vous remboursez d'abord la maison, puis le terrain. Et voilà pourquoi le prix est si bas! Sauf que les délais de remboursement sont très longs (normal, il faut bien se rattraper quelque part et le temps est un redoutable allié): 23 ans pour la maison, 15 ans pour le terrain. 15 euros par jour pendant 23 ans pour la maison, celle-ci vous revient à 1 160000 euros! Il vous reste à payer le terrain, et au bout de 38 ans, ouf, vous voilà enfin chez vous, vraiment. Nous sommes en pleine farce sociale!

Je ne suis pas le seul à le penser. Le député UMP Pierre Méhaignerie parle d'une "opération de communication", et la Fédération de coopératives d'HLM dénonce un "gadget". L'imposture n'est pas nouvelle, elle est même commercialement très répandue: combien de fois, pour combien de produits ou de services, vous propose-t-on des paiements à petits prix, qui deviennent de grosses sommes au fil du temps et au gré des additions? Ce qui confirme mon ancienne répulsion envers les chiffres: il faut se méfier d'eux, on peut leur faire dire n'importe quoi. Je préfère les idées, elles sont plus honnêtes. Certes, elles aussi peuvent être mensongères. Mais une idée est discutable, alors qu'un chiffre ne se discute pas. Son danger vient de là. Une idée est rassurante parce qu'elle est vulnérable, un chiffre est redoutable parce qu'il est indubitable.

L'expérience, comme toujours, devrait être de bon conseil. Rappelez-vous la "maison à 100 000" de Jean-Louis Borloo. C'était en 2005, c'était déjà merveilleux quoique moins séducteur, l'opération a complètement foiré: 800 baraques, un gros village pour toute la France! Et pendant ce temps-là, les inégalités dans l'accès à la propriété explosent, d'après le Credoc: en 2007, 33% des familles modestes sont propriétaires de leur logement, contre 70% chez les hauts revenus. Y'a encore du boulot...


Bonne soirée.

Les soutiers du Parlement.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai toujours défendu les parlementaires lorsqu'ils étaient attaqués sur leurs indemnités, parce que les représentants du peuple doivent être défendus, et bien rémunérés, si on est authentiquement républicain. Je sens trop le groin de l'extrême droite derrière cet antiparlementarisme qui n'ose pas dire son nom. Ca ne signifie pas que nos députés et sénateurs soient exempts de toute critique. En République, quand on assume une charge publique, il faut s'attendre à subir des reproches. L'essentiel est que ceux-ci soient justifiés. J'en vois un dont on parle peu: les conditions de travail des collaborateurs parlementaires. Ces derniers ont leur syndicat, l'USCP, Union syndicale des collaborateurs parlementaires, affiliée à l'UNSA, qui a publié vendredi dernier un texte révélateur et inquiétant.

Derrière l'expression d'assistant ou de collaborateur parlementaire, on croit trouver une situation sinon prestigieuse du moins enviable. C'est loin d'être le cas, la réalité est guère brillante. Ils sont 2100 à l'Assemblée et au Sénat, les "petites mains" de nos parlementaires, souvent jeunes, hommes et femmes à tout faire, parfois taillables et corvéables à merci. Et pour une raison très simple, psychologique: ce sont souvent des militants, certains songent à une carrière politique. Xavier Bertrand a commencé ainsi. Ils sont donc soumis à la pression de leur employeur, un patron qui est aussi un "compagnon" quand on est à l'UMP ou un "camarade" quand on est au PS. Une fausse égalité, une familiarité factice s'établissent entre l'élu et le militant, le premier se permettant une grande liberté avec le second, le second se sentant obligé de se soumettre au premier.

Les conséquences, établies par l'UNSA, sont déplorables: entorses multiples au droit du travail, crédits destinés aux collaborateurs détournés de leur finalité, droit syndical méprisé, licenciements sans motif, heures supplémentaires non rémunérées, contrats précaires. Un parlementaire socialiste qui tomberait dans de telles dérives devrait être sévèrement dénoncé. On ne peut pas se dire socialiste et ne pas mettre en pratique cet idéal dans sa vie personnelle et professionnelle. Et quand je parle de "socialisme", je demande simplement le respect du droit du travail. Est-ce trop exiger?

L'USCP-UNSA avance des revendications que nous devons soutenir: reconnaissance d'un véritable statut du collaborateur parlementaire, rédaction d'une convention collective, obligation d'un bilan social annuel. Si les parlementaires ne sont pas en ce domaine exemplaires, personne ne le sera.


Bon après-midi.

17 avril 2008

Association d'idées.

Bonsoir à toutes et à tous.

Un billet en appelle souvent un autre, par association d'idées. Celui d'hier, sur Xavier Bertrand, m'a inspiré quelques réflexions dans la journées, trois très exactement:

1- Tout se sait. Oui, tout se sait. Regardez l'actuel déballage gouvernemental dans les magazines de la semaine. On connait dans le menu détail les frictions, les rancunes, les heurts entre les ministres, et le duel au sommet entre Sarkozy et Fillon. Comme on savait déjà tout des tensions entre Villepin, Chirac et Sarkozy. Normal: dans une démocratie, à l'heure de la médiatisation, et maintenant de l'internet, l'information circule et rien ne peut l'arrêter. Pourquoi vous rappeler cette banalité? Parce que j'ai certains braves camarades qui croient encore qu'en politique il y aurait des choses à cacher. Chut! Silence... Attention aux fuites! Monsieur et Madame Pampers voudraient retenir, contenir l'information. C'est impossible, et il faut s'en réjouir: la rétention, en la matière, n'est pas démocratique. Je suis favorable à l'incontinence. Vive la liberté! Tout sur la place publique, sauf la vie privée, qui n'a rien à voir avec la politique. Tout se sait, et c'est tant mieux. Rien à dissimuler, ça pourrait être la devise de ce blog. Et tant pis pour les comploteurs, les cagoulés et les faux nez.

2- La politique, c'est la guerre. Sarkozy, Fillon, Hortefeux, Copé et les autres, tous ces gens-là se détestent, rivalisent, s'éliminent. La politique est un sport de combat, depuis au moins Vercingétorix, qui avant de se battre avec les Romains s'affrontait à ses camarades gaulois. Il faut aimer la bagarre, ou faire autre chose. Et pas de repos du guerrier: l'affrontement est permanent. Je connais quelques camarades, parfois assez haut placés, qui ont horreur des conflits. L'odeur de la poudre les fait tousser, la vue de sang les fait s'évanouir. Je suis toujours surpris. Ce sont de bons suiveurs, mais ils détalent au premier coup de feu, quand leur protecteur n'est plus là pour les abriter. Pourtant, pour combattre la droite, il faut des combattants, ou je n'y comprends plus rien...

3- La conquête du pouvoir passe par une stratégie de réseaux. J'ai passé hier en revue les 6 de Xavier Bertrand, et il en a peut-être d'autres. Contrôler une section, c'est bien, c'est nécessaire, ça permet de se maintenir au pouvoir dans la section, mais ça ne suffit pas pour conquérir une ville. L'essentiel se joue en dehors. Ce ne sont pas les militants qui vous font gagner (certains vous font même perdre), ce sont les électeurs. Et ce n'est pas le jour de l'élection ou pendant la campagne qu'on gagne leurs voix, c'est avant, tout le temps, dans une activité de réseaux. La droite a les siens, très performants à Saint-Quentin, la gauche devrait aussi avoir les siens. Je vais vous en citer quelques-uns:

- Le réseau enseignant: la base sociologique du PS, même restreinte, demeure de ce côté-là.
- Le réseau syndical: ce sont ces organisations qui forment l'opinion de gauche, pas le Lion's Club.
- Le réseau associatif: c'est un vivier pour la gauche, à condition de ne pas le laisser à la droite.
- Le réseau des quartiers: le centre-ville demeure bourgeois et imperméable aux idées progressistes. Regardez les résultats électoraux par bureaux, vous comprendrez.

Deux dernières choses avant de me coucher:

. Le 21ème débat a eu lieu aujourd'hui aux Etats-Unis entre Clinton et Obama. 21! Et ce n'est pas fini, après 15 mois de campagne. Inimaginable en France. L'Amérique dispose d'une vitalité démocratique incroyable, à côté de quoi la France est très pauvre.

. Demain vendredi, 8h18, sur Europe 1, Jean-Pierre Elkabbach a invité le camarade Strauss-Kahn.

A demain, et bonne nuit.

Qui perd gagne?

Bonjour à toutes et à tous.

Je n'y comprends rien, et vous aussi je suppose. Chaque jour qui passe voit le gouvernement prendre une mesure grossièrement anti-sociale. Je ne fais pas la liste, trop longue, je vous donne la nouvelle du jour: la réduction des allocations familiales pour les adolescents. Là encore, le symbole est fort, et l'on dirait que le pouvoir fait exprès. Ou bien c'est une spirale suicidaire. Le fond, vous le connaissez: plus d'argent, des dettes, il faut économiser. Mais ce n'est pas une raison pour s'en prendre à des emblèmes de la politique sociale. Jusqu'à maintenant, les allocations familiales étaient majorées à 11 ans et à 16 ans, deux âges où les dépenses progressent. A 11 ans, on sort de l'enfance et on entre au collège, à 16 ans, on est dans l'adolescence et au lycée.

Le gouvernement nous explique, de façon très embrouillée, qu'une seule majoration suffit, à 14 ans, sorte de moyenne entre 11 et 16. Un raisonnement comme un autre, dont la conséquence est cependant très fâcheuse: une perte de 586, 56 euros par famille selon l'UNAF, Union nationale des associations familiales. Et du côté du gouvernement, on empoche 138 millions d'euros. Pour rajouter à la cacophonie, le pouvoir nous explique qu'en y perdant, les familles vont y gagner, parce que l'allocation pour la garde d'enfants va être augmentée. D'accord, mais ça n'a rien à voir avec les allocations familiales, ça n'est pas exactement le même public. On nous avait déjà fait le coup avec la carte SNCF famille nombreuse: elle est supprimée mais elle sera améliorée. C'est du Raymond Devos!

N'allons pas chercher midi à 14h00: quand le gouvernement lui-même s'embrouille dans ses propres réformes, quand des ministre ne sont pas d'accord entre eux, quand des députés UMP protestent publiquement, c'est que quelque chose ne va pas. Nicolas Sarkozy, qu'on présentait comme le roi de la communication, devient le prince de l'obscurité. Ce président qui voulait s'occuper de tout, voilà que tout lui échappe, qu'il manque manifestement d'autorité sur son propre gouvernement. Avec une lutte au sommet Sarkozy-Fillon en prime. Répétition de la lutte Sarkozy-Villepin? Nous sommes tous prisonniers de notre passé et condamnés à le reproduire. Pour la droite, serions-nous entrés dans le commencement de la fin? La suite demain et les autres jours, puisque le feuilleton va à coup sûr continuer.


Bonne fin de matinée.

16 avril 2008

L'araignée dans sa toile.

Bonsoir à toutes et à tous.

J'ai trouvé cet après-midi, sur le site internet du Figaro, un article de Bruno Jeudy paru hier, intitulé "La résistible ascension de Xavier Bertrand". Ce n'est pas triste du tout! Et ça vient d'un journal qu'on ne peut pas soupçonner d'être gauchiste ou anti-gouvernemental...

D'abord, je dois rectifier une erreur d'analyse que j'ai commise dimanche (voir le billet "Félicitations, Jérôme"). J'affirmais que la nomination de Jérôme Lavrilleux au poste de directeur de cabinet de Jean-François Copé, président de groupe UMP à l'Assemblée, était un point supplémentaire dans la stratégie de conquête du pouvoir de Xavier Bertrand. Plantage en beauté! Copé n'est pas du tout copain avec Bertrand. Les deux ont peut-être le même objectif: l'Elysée en 2017. Il faut voir loin quand on fait de la politique. Du coup, je m'interroge: de quel côté est Lavrilleux? Avec Copé son employeur ou avec Bertrand son compatriote et parrain en politique, puisqu'il lui a succédé dans le canton de Saint-Quentin Nord? Parce qu'en politique, il faut choisir son clan à l'intérieur de son camp. Quoique j'en connais, très malins, qui attendent de savoir qui sera le plus fort, c'est-à-dire le vainqueur, pour choisir...

En tout cas, Bertrand n'a pas que Copé pour adversaire, toujours selon Le Figaro: "La liste des ennemis déclarés de Xavier Bertrand s'est singulièrement allongée depuis le début de l'année." Les ennemis "déclarés": on n'ose même pas songer aux ennemis secrets, parce qu'il y faudrait sans doute non plus une "liste" mais un livre entier! Hortefeux est du nombre (ils ne se serrent plus paraît-il la main!), et bien sûr Fillon, qui a compris depuis longtemps que Bertrand pensait depuis longtemps à Matignon. Ses ennemis les plus gentils le traitent de "fayot" (c'est le sort de tous les bons élèves) et les plus féroces d' "imposteur". Il est peut-être les deux à la fois, allez savoir...

Tout cela m'inquiéte, car je fais finir par apprécier Xavier Bertrand, alors que jusqu'à maintenant rien ne m'y prédisposait vraiment! Parce qu'un homme qui se fait autant d'ennemis doit avoir en lui quelque chose de bon, de vrai, d'intéressant. En politique, c'est un honneur que d'avoir beaucoup d'ennemis. Ca signifie qu'on représente quelque chose, qu'on gêne, qu'on menace peut-être, que vos propos font mouche. De ce point de vue, je suis gâté, et j'ai presque envie de remercier tous mes ennemis. Ils ont fait ce que je suis. Sans eux, j'existerais à peine. Je ne veux surtout pas les dissuader de m'attaquer. Au contraire, je les encourage, et comme certains sont assez bêtes pour le faire, me voilà rassuré pour mon avenir. Bertrand donc, s'il continue dans cette voie, va devenir à mes yeux sympathique! Il faut que je me méfie...

Revenons à des considérations plus objectives: Xavier Bertrand est l'homme qui monte, et à ce titre, quand on est de gauche, il est dangereux. Je ne regarde pas les Guignols de l'Info, mais on me dit que sa marionnette le représente en "gentil". Ca me fait penser à ces chiens que leur maître nous conseille de caresser sans les craindre, en leur disant "gentil, gentil" alors qu'ils grognent méchamment et montrent des crocs à faire peur. Bertrand "gentil", ça m'étonnerait. D'ailleurs, un homme politique gentil, est-ce que ça existe? La politique n'est pas faite pour être gentil avec les autres, adversaires ou amis.

Un homme qui monte, ça se reconnait à quoi? D'abord au fait qu'il a toujours monté et qu'il continue à monter: Bertrand assistant parlementaire, puis conseiller municipal, puis maire-adjoint, puis conseiller général, puis député, puis secrétaire d'Etat, puis ministre. Pourquoi s'arrêter là? Il ne reste plus que deux échelons. Dans les autres, il rétrograde. Monter, quand on est à ce niveau, c'est aussi tisser sa toile, multiplier et empiler ses réseaux. Chez Xavier Bertrand, j'en repère six, toujours en m'inspirant du Figaro:

1- Le réseau local: c'est la base indispensable. N'importe quel Saint-Quentinois vous le dira, de droite ou de gauche: "Il est partout". Bertrand est soutenu par Pierre André et toute une municipalité. Face à lui, contre lui, rien, une gauche qui fait pitié à voir. 60% pour la droite, 40% pour la gauche, aux dernières municipales, dans une ville populaire, sociologiquement et historiquement de gauche: sans commentaire...

2- Le réseau médiatique: il est indispensable dans une société de la communication. Xavier Bertrand n'a pas choisi n'importe qui pour le conseiller: Bernard Sananès, d'Euro RSCG, qui a aidé Villepin avant sa nomination à Matignon. Un signe qui ne trompe pas! L'homme était sur le plateau du Grand Jury RTL- Le Monde, quand le ministre a eu l'honneur d'y être invité il y a trois semaines.

3- Le réseau mondain: il peut paraitre superficiel, mais tout compte quand on aspire à un haut destin. Cauet, Francis Lalanne, Genevieve de Fontenay, Richard Berry apprécient Xavier Bertrand. Bon, nous ne sommes pas dans les sommets de l'humanité, mais c'est un début. Après tout, Chirac avait Line Renaud et Gregory Peck...

4- Le réseau patronal: c'est un classique à droite, et Sarkozy est le meilleur en la matière. Mais Bertrand ne se défend pas trop mal, entouré d'Henri de Castries (Axa), Jean-Pierre Petit (MacDonald's France) et Michel Combes (TDF).

5- Le réseau maçonnique: c'est par définition le moins connu, mais lui aussi est très utile. A destination de la gauche, Bertrand se donne une image "progressiste". Peut-être même s'assure-t-il par ce biais, surtout localement, quelque indulgence dans le camp adverse.

6- Le réseau politique: c'est le plus important, après le réseau local. Celui-ci est la base, celui-là est le sommet de l'édifice. L'appareil du Parti, les parlementaires, les militants, auprès d'eux, Xavier Bertrand est influent. Car in fine, c'est là, avec eux, que son destin se jouera.


Bonne soirée.