L'Aisne avec DSK

31 mai 2007

Question d'intérêts.

Bonsoir à toutes et à tous.

On en sait un peu plus sur la réduction (et non pas seulement déduction) d'impôts sur les intérêts des prêts immobiliers portant sur les résidences principales. Il y aura donc versement d'un crédit d'impôt pour ceux qui ne sont pas assujettis. Très bien. Mais ce qui ne va pas bien du tout, c'est que cette mesure, il y a quelques jours encore réservée aux futurs propriétaires, est désormais, par la volonté de Nicolas Sarkozy, ouvert à tous, nouveaux et anciens. Sur quelle durée? Pas de réponse. Jusqu'à quel montant? Pas de précision.

La vérité, c'est que cette proposition est faussement sociale. Les propriétaires de longue date et de grande fortune peuvent se frotter les mains. Je ne suis pas hostile à ce que les français puissent accéder, s'ils le souhaitent, à la propriété. Mais si le gouvernement voulait encourager les moins chanceux à réaliser leurs rêves, il s'y prendrait autrement, en commencant par ne pas avantager les actuels propriétaires, qui le sont déjà et n'ont manifestement pas rencontré d'obstacle fondamental pour le devenir. Car cette réduction d'impôts va coûter un argent fou, environ 4 milliards. Bonjour la dette publique! Et les prix de l'immobilier risque à la suite d'augmenter.

Non, pour encourager l'accès à la propriété, le prêt à taux zéro est le meilleur instrument, véritablement social car il vous aide au départ, il vous donne la capacité d'emprunter. La réduction fiscale sur les intérêts est un leurre. Il faut déjà avoir cette capacité d'emprunter pour pouvoir en bénéficier. Et derrière tout cela se prépare quelque chose de pire, dont il est question ici ou là: la fin du prêt à taux zéro!

Si la politique menée était vraiment sociale, elle explorerait d'autres pistes, par exemple le leasing: acquérir sa location après plusieurs années de paiement de son loyer, pour mettre un terme à ce tonneau percé qui pénalise les plus pauvres. Et je ne parle même pas du logement social dont la droite ne dit pas un mot...

Bonne soirée.

30 mai 2007

Education Populaire.

Bonjour à toutes et à tous.

Ces derniers jours, en tant que président de la Ligue de l'enseignement de l'Aisne, j'ai organisé des réunions sur le thème de l'Education Populaire. Beaucoup d'invitations lancées, peu de réponses, une petite dizaine de responsables associatifs présents à chaque fois. A Soissons, un "enfant de l'Education Populaire", président d'une MJC en son temps, a avoué avoir souri lorsque l'invitation lui est parvenue: "L'Education Populaire, ça existe encore?" Si lui a réagi ainsi, combien doivent réagir encore plus négativement, ou pire, ne pas réagir du tout, parce qu'ils ne connaissent pas, n'ont pas entendu parler?

Nous, socialistes, soulignons souvent l'effondrement de la culture communiste, du monde ouvrier, de ses réseaux des "banlieues rouges" qui organisaient, éduquaient et influencaient toute une population. Nous déplorons simultanément l'affaiblissement des syndicats, le taux marginal d'adhésions, l'abandon de l'entreprise au seul patronat. Nous avons raison, mais au lieu d'interroger le PCF et la CGT, nous serions avisés de regarder autour de nous, dans cette mouvance socialiste qui a toujours fortement contribué aux victoires de la gauche. Et quand cette mouvance est fragilisée, la gauche perd.

Qu'est-ce que les socialistes ont fait de la "puissante FEN", enviée par beaucoup et qui n'existe plus que dans les souvenirs? Qu'est devenue cette Education Populaire qui brassait des millions d'individus à travers des centaines de milliers d'associations culturelles, sportives et de loisirs? Ce réseau fort dense existe encore mais il est mal en point. Bien sûr il y a la concurrence des médias, bien sûr il y a l'individualisme des moeurs, bien sûr les subventions et les postes diminuent, mais il faut savoir ce que l'on veut et en quoi on croit. Les valeurs de l'Education Populaire, anti-élitisme, émancipation par le savoir, culture vécue comme un plaisir, ont irrigué la gauche et doivent aujourd'hui la revivifier. Les prochaines victoires politiques seront préparées par des batailles culturelles.

Bonne fin d'après-midi.

28 mai 2007

Solidarité.

Je n'ai pas encore eu le loisir de vous parler de mon café philo à Fresnoy-le-Grand, au Centre social, vendredi soir. Mais aujourd'hui tombe à pic puisque nous y avons débattu de la solidarité et que ce lundi est soi-disant "journée de la solidarité". Le public était très populaire, donc très intéressant. Généralement, les cafés philo ont plutôt un profil sociologique "classes moyennes". La parole était vive, parfois brutale, presque toujours anarchique, ce qui dérange la conception très ordonnée et maitrisée que je me fais de la réflexion, mais tant pis, et même tant mieux. Car l'important, c'est que la pensée s'exprime, y compris dans le chaos des échanges. Et puis, il y a des cohérences cachées dans les désordres apparents. L'important, c'est la confrontation des vérités, qui ne passe pas nécessairement par la courtoisie bourgeoise.

Donc nous avons débattu de solidarité. Je devrais plutôt dire: nous nous sommes débattus avec ce concept, autour précisément de la question: Qui a besoin de solidarité? Rmistes, chômeurs, enfants d'immigrés, tous ont parlé. Parler, rien que cela, dire ce qu'on pense, prouver qu'on peut penser, c'est formidable. Ce qui s'est dit? Tout ce qu'il faut dire du sujet. La solidarité, c'est d'abord l'entraide personnelle, familiale, qui pour beaucoup est essentielle, la seule vraie solidarité parce que fondée sur l'amitié ou l'amour. Puis la solidarité communautaire, parfois décriée au nom du communautarisme, mais tellement utile... et tellement pratiquée, y compris dans l'ambigüité de s'unir contre un ennemi commun. Il a bien sûr été question de la solidarité nationale, celle de l'Etat, de la société, celle dont on aimerait pouvoir se passer si on était suffisamment riche. Et puis encore cette forme détestable de solidarité qui s'appelle la pitié, la charité.

J'en suis parti heureux d'avoir fait réfléchir, en provoquant, au sens fort et vrai de ce verbe, la pensée, sans donner de leçons à personne, sans délivrer un quelconque message, sans conclure. Avec aussi la satisfaction de constater combien Sarkozy n'était pas aimé. Et pourtant, ce quartier populaire a dû, comme les autres, subir l'attrait de la droite et voter pour elle. Mais une minorité qui ne demande qu'à grandir a compris: la vérité de la droite est dans les scores gigantesques qu'elle réalise dans les beaux quartiers.

Pour finir et en parlant de la droite, j'ai écouté ce matin sur RTL, asticoté par Apathie, le ministre du Travail défendre l'indéfendable, la monstrueuse pagaille appelée "journée de la solidarité", où seulement 40% des français travaillent... sans être payés. Celle-là, il fallait l'inventer! Xavier Bertrand, le pauvre, était donc à la peine. Sa voix douce n'a pas adouci le journaliste, ni personne d'autre: un désordre est un désordre, une injustice est une injustice.

Bon après-midi.

Une politique de classe.

Bonjour à toutes et à tous.

Je n'ai écouté que les premières minutes de l'émission Le Grand Jury-RTL-Le Monde, hier soir, dont l'invité était Henri Emmanueli. J'avais du travail. Emmanueli est un camarade qui n'appartient pas à ma sensibilité. C'est un socialiste mitterrandiste qui campe sur des positions assez dures mais c'est quelqu'un que j'apprécie, qui est solide dans ses convictions. Surtout, son activité professionnelle, la banque, fait de lui un connaisseur du monde de l'économie et de la finance, ce qui n'est pas si fréquent au PS. Je l'ai peu écouté mais j'ai tout approuvé.

D'abord, Henri n'a pas caché la difficulté qui était la nôtre, et je crois qu'en politique la lucidité doit l'emporter sur le faux optimisme. La partie législative qui s'annonce ne va pas dans notre sens, c'est le moins qu'on puisse dire. Notre problème, et Emmanueli l'a très bien dit, c'est que nous ne pouvons pas repartir en campagne avec un projet, celui des présidentielles, qui a été très majoritairement rejeté par les français. Ou alors, il faut s'attendre à ce que la même cause produise le même effet, ce que les socialistes ne peuvent pas souhaiter.

En même temps, on ne peut pas en quelques jours inventer un nouveau projet. Que faire? Les français n'ont pas tout rejeté des 100 propositions du Pacte présidentiel de Ségolène Royal. Au passage, Emmanueli fait remarquer, à juste titre, que nos propositions, trop nombreuses, n'ont sans doute pas permis que se détachent quelques mesures mobilisatrices. Toujours est-il que nous n'avons guère le choix: il faut nous replier sur ce qui est défendable et capable de faire front à la déferlante sarkozyste.

Surtout, l'ancien président de l'Assemblée Nationale a judicieusement critiqué les premières décisions gouvernementales, qui installent une fiscalité favorisant la rente et l'épargne et ne contribuant pas à la croissance. Tout est là. Il faudrait une fiscalité qui soutienne le capital-risque, l'investissement productif. Or nous allons vers une politique qui s'adresse aux classes privilégiées en vue de conforter leurs privilèges, croyant ainsi que l'activité économique sur laquelle s'exerce leur influence sera relancée. C'est une vision idéologique respectable mais fausse, qui porte un nom: le libéralisme. Les classes privilégiées, comme n'importe quel groupe ou individu, défendent d'abord leurs intérêts. Sous le couvert d'une politique générale, c'est une politique de classe qui est menée et qui profitera à ceux à qui elle s'adresse.

Les socialistes, dans les quinze jours qui restent, devraient se battre sur le front de l'emploi, de la création d'emplois, thème délaissé par Sakozy durant la campagne, préférant réhabiliter la "valeur travail" et le pouvoir d'achat.

Bonne matinée.

27 mai 2007

Faits de société.

Je lis cet après-midi, dans Charlie-Hebdo, une interview de Thierry Gerber, responsable CGT qui vient de publier "Violences contre agents", chez Jean-Claude Gawsewitch éditeur. Cet entretien prouve que l'insécurité peut être abordée dans une perspective progressiste et intelligente, et non dans les délires ou calculs électoraux si fréquents. Sa réflexion porte sur les violences envers les agents des services publics.

D'abord, Gerber, et il faut toujours commencer par là, fait le point sur la réalité de l'insécurité, par exemple à la SNCF: "En 1990, il y avait eu 410 agressions physiques sur des agents de la SNCF. Il y en a eu plus de 1000 en 2006." Avec une particularité: l'élargissement de la violence à tous les corps de métier du rail: plus seulement les contrôleurs mais les conducteurs, guichetiers et agents d'escale.

Puis le syndicaliste établit une thèse, que j'ai à plusieurs reprises exposée sur ce blog à propos de la nature de l'insécurité contemporaine: "Je veux montrer que ces agressions ne sont pas des faits divers, mais des faits de société." L'essentiel est dit. La délinquance n'est plus aujourd'hui constituée de déviances, comportements marginaux, actes délictueux ou criminels traditionnels, ce qu'on appelle des faits divers, mais c'est le produit même de la société, qui engendre une violence devenant peu à peu ordinaire, banale, normale, générale. D'où la réapparition d'un vieux mot qui, faute de mieux, semble la caractériser: incivilités.

Ce qui est intéressant chez Gerber, ce sont ses explications si je puis dire techniques, qui sont au nombre de trois:

- Le contrôle à la SNCF est beaucoup plus puissant qu'avant. "La politique des entreprises publiques s'est durcie, avec la volonté d'aller vers plus de rentabilité: renforcement des système antifraude, refus des délais de paiement pour avoir de meilleurs ratios de trésorerie. Les employés ont moins de marge de manoeuvre." Paradoxalement, l'efficacité de la surveillance et de la sanction génère des tensions et des contre-réactions.

- Paradoxalement aussi, le client devenu roi, alors qu'il n'était avant qu'un usager sans droit à la parole, nourrit des exigences, parfois des arrogances propices aux conflits, à l'agressivité, quand ce n'est pas à l'agression. "Quand il y a des besoins supplémentaires, la baisse des effectifs se traduit par une incapacité à faire face aux demandes des usagers. Dans le même temps, les entreprises publiques excitent les exigences des citoyens avec des messages publicitaires où le client est placé au centre du dispositif: "Avec la SNCF, tout est possible", "On vous doit plus que la lumière" (EDF), "On vous apporte l'avenir" (La Poste)."

- Enfin, "il y a (...) le phénomène de la délinquance violente, qui a augmenté, les violences urbaines contre les agents (caillassages, cocktails Molotov,...)". Conclusion de Thierry Gerber: "Dans l'esprit collectif, le service public est là pour prendre des coups. C'est un exutoire, avec derrière l'image de l'Etat." J'ajouterais: dans une société libérale où l'argent est le critère de la réussite et de la valeur de chacun, l'agent de l'Etat, gagnant moins que dans le secteur privé et soumis à sa hiérarchie, est devenu celui qu'on se plaît à mépriser. Du mépris à la violence, il n'y a qu'un pas.

A la fin de l'interview, Gerber donne quelques pistes pour remédier à cette douloureuse situation. Je vous laisse le soin d'aller voir.

Bonne fin d'après-midi.

La fin du FN?

Les sondages donnent pour les législatives au FN... 4%. Vous avez bien lu! Après la claque présidentielle des 11%, la chute de l'extrême droite s'accélèrerait. Prudence bien sûr, la bête n'est pas morte et elle a encore des ressources. Mais les occasions de se réjouir étant rares pour un socialiste ces temps-ci, je prends ces sondages comme de satisfaisantes promesses, mais surtout comme des objets de réflexion:

- Qui, au bout du compte, aura fait reculer significativement l'extrême droite? La droite classique sous la direction de Sarkozy, et non pas la gauche ou les antifascistes déclarés. Je le regrette mais c'est ainsi. Ce qui me réjouit m'inquiéte aussi: la droite a payé sa victoire contre son extrême au prix fort, non en la combattant à la façon Chirac mais au contraire en récupérant certains de ses thèmes à la façon Sarkozy.

- J'ai cru, en 1999, que l'extrême droite se liquiderait elle-même, avec la scission opérée par Bruno Mégret, emportant dans ses bagages une grande partie des cadres et de l'appareil, en affichant une figure moins caricaturale et vieillote, en s'ouvrant à la droite parlementaire. Je me suis trompé, le MNR a raté son coup. C'est une leçon de la politique contemporaine, qu'on retrouve avec l'ascension de Ségolène Royal chez les socialistes: les personnes comptent plus que les appareils, les images que les idées, le leader que le projet.

- L'extrême droite ne vit ou ne meurt qu'en restant elle-même. C'est un univers clos qui n'admet aucune modernisation. Déjà, à la fin des années 70, le Parti des Forces Nouvelles de Pascal Gauchon, un MNR de l'époque, n'avait pas supplanté le FN. En interne, les évolutions que Marine Le Pen a insufflées n'ont eu aucun effet, non plus que l'extravagante "gauchisation" du parti prônée notamment par Soral. Je crois même que le FN a brouillé ainsi son image et perdu de nombreuses voix.

Faudra-t-il attendre la disparition du chef pour assister à l'extinction du Front? Qui vivra verra...

Bon après-midi.

Coups de gueule.

Bonjour à toutes et à tous.



Laurent Fabius pousse un "coup de gueule" dans le Journal du Dimanche: les socialistes doivent s'unir et se battre. Dans le vide de la défaite, ce coup de gueule raisonne comme un cri de désespoir. Laurent a eu son année de gloire, 2005. La défaite du traité européen était sa victoire. Et puis patatras: ce socialiste ayant renoué avec la tradition a été refusé par ses camarades pour la bataille présidentielle. Que la politique est une activité difficile et ingrate! Que reste-t-il à Fabius? Ce qu'il reste en politique quand on a tout perdu: attendre. Mais attendre quoi? Pour Laurent, l'un des socialistes les plus brillants de sa génération, l'heure est sans doute passée, mais il y a pire: les idées sont dépassées. Aucun coup de gueule n'y changera quoi que ce soit.



Autre coup de gueule, d'un habitué du genre, Claude Allègre dans Libération d'hier, qui s'en prend à la direction du Parti socialiste et en appelle à Bertrand Delanoé pour assurer le leadership. Il est vrai que d'autres camarades songent à cette sortie de crise et le maire de Paris a donné une interview remarquée dans L'Express de cette semaine. Cela suffit-il à créer une alternative crédible au sein du PS? Je ne le crois pas. Déjà, après sa belle victoire aux municipales de 2001, son nom avait couru parmi les possibles présidentiables. Et puis plus rien.
Un vainqueur donne toujours l'impression de pouvoir gagner la prochaine bataille. Mais il ne faut pas confondre la France et Paris. Delanoé a de grandes qualités, avoir arracher la plus grande ville de France à la droite est un exploit, il mène dans la capitale une politique novatrice et courageuse. Il ne s'ensuit pas qu'il serait en situation de devenir le nouveau leader des socialistes.



A mon tour de pousser un coup de gueule. Ce n'est pas au petit jeu des noms de famille que le PS se sortira de la mauvaise passe dans laquelle il se trouve. La solution n'est pas dans la tête d'affiche mais dans le texte de l'affiche. Quelle refondation veut-on pour le PS? Tout est là. Cherchez les idées, constituez le projet, la suite, homme ou femme, s'imposera quand le temps de choisir viendra.



Bonne matinée.

26 mai 2007

Bouc émissaire.

Bonsoir à toutes et à tous.

J'ai reçu ce matin au courrier la lettre mensuelle n°10 d'Anne Ferreira, députée européenne longtemps anti-fabiusienne, devenue fabiusienne depuis que Fabius n'est plus fabiusien. Dans ce qui ressemble à un éditorial, elle aborde, actualité oblige, la défaite socialiste en ironisant sur... la social-démocratie. Tout y passe: le SPD allemand, le New Labor de Blair, le travaillisme hollandais et le modèle scandinave. Que leur est-il reproché? "La social-démocratie à l'européenne se fait étriller joyeusement, incapable de protéger son électorat contre les ravages de la mondialisation."

Je me demande comment Anne Ferreira peut cohabiter dans un groupe parlementaire, celui du PSE (Parti Socialiste Européen) qui regroupe les camarades qu'elle dénonce. Remarquez bien que la "gauche" du PS a progressé. Il n'y a pas si longtemps, la social-démocratie aurait été accusée de trahir. Aujourd'hui, on lui reproche d'échouer. C'est moins méchant mais c'est tout aussi faux. Historiquement, la social-démocratie a engrangé de très beaux succès économiques et sociaux. Ou alors, personne n'a jamais rien réussi en politique, et c'est à désespérer!

J'ajoute que les scores des partis sociaux-démocrates, quand ils ne gagnent pas, demeurent néanmoins honorables. C'est étrange, ce réflexe qui consiste à critiquer la social-démocratie européenne à l'heure même où c'est le socialisme français qui devrait reconnaitre ses erreurs. Anne Ferreira devrait plutôt s'interroger sur le mauvais score de Fabius lors de la désignation de notre candidat ou du déclin irrémédiable du PCF. Qui est en crise? La social-démocratie ou la gauche radicale?

Que veut Anne Ferreira? "Je crois qu'il est temps que la gauche européenne renoue avec sa véritable mission, la réduction des inégalités et une meilleure répartition entre le capital et le travail." Mazette! N'y a-t-il pas belle lurette que la social-démocratie va dans ce sens, avec de remarquables résultats. Anne, à la suite de Laurent Fabius, en appelle à une gauche "décomplexée". Je ne sais pas très bien ce que vient faire ici ce terme psychologique. Le seul complexe qui ait jamais pesé sur le PS, c'est celui de ne pas se sentir suffisamment à gauche. Alors oui, ce complexe là, il est important de le surmonter.

Pour terminer son billet, la députée européenne précise que sa pensée lui fait prendre le "risque de paraitre marginal". Ce n'est pas un risque, c'est hélas une réalité.

Bonne nuit.

Café philo.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai animé hier deux cafés philo dont le compte rendu sera instructif pour ce blog politique. Un café philo, ou café citoyen, comme vous voulez, est un lieu où chacun vient librement pour écouter ou parler de sujets importants. Ce genre de lieux se multiplient depuis quelques années parce qu'ils conjuguent la liberté, la convivialité et une certaine gravité. Il en est fini de la conférence classique ou de la réunion-débat dans laquelle la parole est confisquée par quelques spécialistes. Au café philo, il y a certes un animateur, mais ce n'est surtout pas un leader ou un guide! J'irai presque jusqu'à dire que ces cafés où l'on cause réinventent la démocratie, car sa première manifestation est l'expression de la parole. Dans le silence, pas de démocratie.

Hier après-midi, au Centre social de Guise, avec un public de femmes rmistes, nous discutons autour de la question: L'enfant doit-il être roi? Toutes me disent que non, que la société actuelle a gâté et donc pourri l'enfant, qu'il faudrait revenir à plus de sévérité. Fort bien. Mais lorsque nous approfondissons la réflexion, que constatons-nous? Que plusieurs dames présentes ont installé dans la chambre de leurs jeunes enfants... l'internet et la télévision!

Je me permets de leur souligner la contradiction entre un discours répressif et une pratique laxiste. Extraordinaire duplicité ou plasticité de la nature humaine: elles me répondent que c'est pour soustraire l'enfant aux programmes regardés dans le salon par les adultes, et que de toute façon, à 21h00, l'enfant est couché et ne regarde pas la télé. Mon oeil! On n'installe pas un poste dans une chambre pour qu'il ne soit pas regardé.

Dans la même conversation, une ancienne soixante-huitarde, et fière de l'être, vante son côté rebelle hérité du fameux mois de Mai. Fort bien. Mais que pense-t-elle de l'Ecole d'aujourd'hui? Que plus rien ne va, autorité, respect, apprentissage des savoirs, depuis, je vous le donne en mille... Mai 68! La révolution dénoncée par ses supporters! Là encore, je lui fais remarquer la "petite" contradiction. Elle me répond que 1968 a été un progrès en toute chose... sauf en matière d'éducation. Je lui réplique que 68 est un tout comme Clémenceau disait de 89 que c'était un "bloc", et j'argumente sur les bienfaits d'une Ecole qui a changé, qui s'est ouverte dans les collèges et lycées aux classes populaires, qui a autorisé les élèves à participer et qui a mené une réflexion sur la pédagogie.

Ce que je retiens de ce café philo, ce sont deux choses, politiquement significatives:
- Nos concitoyens sont pris dans des contradictions où il est difficile, pour l'homme politique, d'y voir clair et de trancher. Jadis, l'idéologie refoulait ou assimilait ces contradictions, qui aujourd'hui s'expriment sauvagement.
- Mai 68 est l'objet fréquent d'un rejet, chez ceux-mêmes qui s'en réclament en partie. La droite a gagné sur ce point décisif une bataille culturelle, en introduisant ses idées au sein même de l'électorat de gauche. Alors que le laxisme est beaucoup plus la conséquence du néolibéralisme et de la société de consommation que du mouvement utopiste de Mai!

Bon après-midi.

25 mai 2007

Vite, vite, vite.

Ca n'arrête pas. Pas un seul jour qui passe sans qu'on apprenne au moins une nouvelle mesure gouvernementale. Les ministres sont à l'image de leur président: hyperactifs. Les français semblent apprécier. Enfin ça bouge, enfin quelqu'un qui agit et qui va faire changer les choses. Permettez moi d'être perplexe et de casser un peu l'ambiance. Les hyperactifs sont des euphoriques qui deviennent assez vite des dépressifs. Car combien de temps ce train d'enfer va-t-il durer? Je vous invite à méditer ces quelques réflexions:

- La politique n'est pas la mise en scène perpétuelle d'une action incessante. Ou bien alors nous avons affaire à des activistes et des aventuriers, pas des politiques dignes de ce nom. En politique, les grandes actions sont précédées de grands moments de méditation et de solitude. Nicolas Sarkozy en semble incapable. Si c'est le cas, il ne fera rien de très grand.

- La politique s'inscrit dans la durée. L'action importe moins que ses conséquences. Il faut savoir gérer le long terme, prendre son temps, être patient. On ne peut pas inventer chaque jour quelque chose de nouveau. Il faut attendre les effets de ce qu'on a entrepris. Nicolas Sarkozy est un homme pressé, obsédé par l'instant. Si cela se confirme, il ne fera rien de très durable.

- La République française est parlementaire. C'est par l'Assemblée que s'exprime la souveraineté nationale. Or nous nous orientons vers une hyperprésidentialisation, où tout se concentre entre les mains du chef de l'Etat. Les élections législatives de juin sont vécues quasiment comme une formalité. Sarkozy nous dit: donnez moi les moyens de gouverner. Comme s'il ne les avait pas déjà! Cette dérive institutionnelle promet bien des déconvenues. La représentation parlementaire est reléguée au second plan, le Premier ministre voit son rôle réduit. En cas de crise, le président sera au premier rang et rendu directement responsable. Si cette tendance perdure, l'équilibre institutionnel sera fragilisé.

Bonne fin d'après-midi.


PS: un socialiste a-t-il le droit d'applaudir Nicolas Sarkozy? Oui. Alors bravo pour la fin de cette inique et hypocrite tradition d'amnistie présidentielle des infractions routières.

PS en crise.

Bonjour à toutes et à tous.

Manuel Valls, à la suite de quelques autres, demande le départ de François Hollande après les législatives. Il ne sert à rien de le cacher puisque c'est flagrant: le PS traverse une crise. Rien que de très normal d'ailleurs. Après une telle défaite, la crise est inévitable. J'ajouterais que le PS en a vu d'autres. La crise doit déboucher sur notre renforcement, pas sur notre affaiblissement. C'est possible.

Les plus paresseux ou les plus craintifs dénoncent un conflits des egos. Si c'était vrai! Les grandes ambitions s'accommodent facilement de petits arrangements et tout se règle très vite. Là, c'est plus grave parce que plus sérieux. Le PS est traversé par des forces idéologiques qui se contredisent. Le débat sur la Constitution européenne a été le révélateur spectaculaire de cette situation.

Avec Manuel Valls, je partage l'idée qu'il faut en finir avec la culture de la "synthèse", qui gomme les différences, instaure un consensus mou et empêche de trancher sur les points les plus importants. De ce point de vue, le congrès du Mans a été catastrophique. Personne ne voulait la synthèse, tout le monde (sauf Montebourg) l'a acceptée. Je me souviens encore, lors de la réunion de la motion majoritaire au Mans, François Hollande nous expliquer que la synthèse ne devait pas nous laisser diluer nos idées dans les motions minoritaires, NPS et fabiusiens. On sait ce qu'il en est advenu: la montée de Ségolène Royal, le ralliement du NPS et même de Montebourg à la candidate.

Il faut désormais une majorité aux contours nettement définis, et la plus large possible, avec une minorité, de façon à ce que les choix soient clairs. Que doivent faire les strauss-kahniens? Tenter de développer de leur côté le courant social-démocrate en visant la majorité, par le dépôt d'une motion au prochain congrès? Pourquoi pas mais l'opération me semble périlleuse. La désignation interne pour la présidentielle a montré que notre courant, du moins pour l'instant, était minoritaire. Il ne me semble pas que nous ayons vocation à rester en marge, dans une posture essentiellement critique. Notre courant est constructeur, pas protestataire.

Alors, que faire? Lors de notre dernière réunion à Paris, la veille du Conseil national, un camarade strauss-kahnien a donné une réponse qui a retenu mon attention. Selon lui, nous devrions nous rapprocher de Ségolène Royal et composer avec elle la future majorité qui gouvernera le Parti et préparera la prochaine présidentielle. Idéologiquement, Ségolène a ouvert la voie d'un socialisme moderne, qui soulève certes beaucoup de questions et même quelques critiques. Il n'empêche qu'elle a eu ce mérite. Je vois mal DSK s'allier avec Fabius!

Cette alliance pourrait être prometteuse. Notre courant peut apporter au courant "royaliste" ce qui lui manque le plus, un projet structuré et cohérent, principalement en matière économique et sociale. Car le "ségolènisme" est surtout une rénovation morale du socialisme, avec parfois des accents blairistes. Sa dimension morale lui a attiré un certain soutien des classes populaires, alors qu'une partie des classes moyennes, déconcertées par ce positionnement inédit, ont préféré se tourner vers François Bayrou. DSK, de par ses idées, est en capacité de ramener vers le PS cet électorat qui nous a fait défaut pour gagner.

Bon après-midi.

24 mai 2007

Tous proprios?

Bonsoir à toutes et à tous

Sarkozy l'avait promis durant sa campagne: il voulait une France de propriétaires! Drôle d'idée. Vous imaginez Charles de Gaulle brandissant un tel slogan? Sarkozy élu, la France des propriétaires se met en place. Première mesure: exonérer d'impôt les intérêts des prêts immobiliers, à hauteur de 20%, sur la résidence principale achetée après le second tour des présidentielles. Ce que j'en pense? Qu'une fois de plus la droite défiscalise, que cette attitude est devenue son péché mignon, la défiscalisation comme réponse à toutes les question, travail, pouvoir d'achat, croissance et aujourd'hui accès à la propriété. Et encore des recettes en moins dans les caisses de l'Etat...

Est-ce une bonne chose que vouloir que les français deviennent propriétaires? J'avoue que je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est que les classes populaires sont plutôt locataires et les classes moyennes et aisées plutôt propriétaires. Etre en capacité de devenir propriétaire n'est pas donné à tous. Il faut déjà disposer de certains moyens financiers et d'une stabilité personnelle. La nouvelle mesure de défiscalisation conviendra à coup sûr à ceux qui sont en situation de devenir propriétaires, mais pas aux autres. Je ne suis pas certain que les classes populaires y gagnent quoi que ce soient.

Il y a en France un problème du logement beaucoup plus radical, vital et douloureux, c'est la capacité non pas à devenir propriétaire mais plus simplement à se loger et à se loger correctement. Le problème du prix des loyers me parait plus crucial que celui du remboursement des crédits immobiliers. La gauche a une idée, vers laquelle il faut aller: le service public de la caution, c'est à dire sa prise en charge par la collectivité. Voilà une mesure plus sociale et plus urgente que le coup de pouce aux propriétaires.

Ne nous y trompons pas. La position de Sarkozy, là comme ailleurs, est pétrie d'idéologie. La figure du propriétaire est traditionnelle à droite. On croit qu'un individu devenu propriétaire sera plus responsable et respectueux de ses biens et peut-être de ceux des autres. C'est très discutable. Le respect est une catégorie morale qui n'est pas indexée sur la possession économique.

Sarkozy croit que l'économie est générateur de morale, que l'intérêt est une sorte de vertu. Je n'en crois rien. Il y a aujourd'hui des travailleurs pauvres, il y aura demain des propriétaires pauvres. Mais les classes aisées miseront toujours sur la propriété, "investir dans la pierre" restera pour elles un gage de richesse durable. Citez moi un exemple, un seul, dans les premières mesures gouvernementales ou le programme de Nicolas Sarkozy, qui contrarie, ne serait-ce qu'un peu, les classes aisées? Vous n'en trouverez pas. A peine la formule "patron-voyou", employée pendant la campagne, a-t-elle dû en faire frémir quelques uns...

Bonne nuit.

Faux débats.

Bonjour à toutes et à tous.

Après la suppression de la carte scolaire, Xavier Darcos a d'autres idées pour l'Ecole: rétablissement du vouvoiement, lever des élèves à l'entrée du professeur, extinction des portables en classe. Après la révolution néolibérale, la révolution morale, la restauration du bon sens? Décidemment, le nouveau gouvernement se comporte comme une jeune fille qui veut à tout prix séduire: rien n'est trop beau...

Soyons un peu sérieux et voyons tout cela de plus près. Je suis enseignant depuis 13 ans dans un lycée. Je n'ai jamais entendu des élèves tutoyer les professeurs. Je suis syndicaliste, je discute avec des collègues d'autres établissements, le phénomène incriminé est inexistant. Ce que je sais, c'est qu'à l'école primaire, certains jeunes enfants tutoient l'enseignant, avec l'accord de celui-ci. C'est un tutoiement d'enfant dans lequel il n'y a aucune marque d'irrespect. Souvent, ce tutoiement est même une marque d'affection. J'ajoute que le mépris, l'insolence, la contestation ne passent pas fondamentalement par le tutoiement pour s'exprimer mais par la violence des paroles et des actes, hélas.

Se lever quand le professeur entre en classe? La plupart du temps, les élèves attendent dans le couloir avant d'entrer dans la salle qui est fermée à clé. Donc la question ne se pose pas. Quand le proviseur vient nous rendre visite, je me lève pour l'accueillir et les élèves, bien entendu, aussi. Mais la vraie et utile discipline n'est pas là. Elle réside dans l'attitude attentive et concentrée de l'élève quand le professeur fait son cours. Elle est dans le respect des dates quant à la remise des devoirs. Il ne faut pas confondre la discipline, qui ressort du travail de l'enseignant, et la politesse, qui relève de l'éducation des parents.

Les portables en classe sont évidemment prohibés. On ne travaille pas en consultant un téléphone. Il faut protéger les enfants des habitudes inciviques de beaucoup d'adultes, la détestable sonnerie de portable qui retentit n'importe où et à tout moment! Mais les enseignants n'ont pas besoin du rappel de Xavier Darcos pour le savoir. D'ailleurs, ces remarques ministérielles laissent entendre, pernicieusement, que le problème essentiel de l'Education nationale, ce serait le laxisme des enseignants! Et pendant que l'opinion est amusée par de tels faux débats, le gouvernement peut tranquillement démanteler la carte scolaire.

Bonne matinée.

23 mai 2007

Les panneaux de la discorde.

Bonsoir à toutes et à tous.

S'opposer n'est pas tout critiquer. Je viens d'entendre la première mesure évoquée par un ministre qui entraine mon adhésion. Il s'agit de la suppression des panneaux annoncant les radars sur les routes. Dominique Bussereau, ministre des transports, a indiqué qu'il était personnellement pour cette suppression. Le problème, c'est que Sarkozy est contre et qu'il l'a dit durant la campagne. Encore un nouveau signe de cacophonie!

Sur le fond, je suis pour. Ces panneaux sont d'un total grotesque. Chaque automobiliste a pu constater la prudence avant les radars ainsi localisés et l'accélération juste après. L'efficacité est quasi nulle. Il y a effet de dissuassion sur quelques dizaine de mètres, puis le chauffard repart de plus belle. Un radar est un outil de sanction et de répression. Il est idiot d'annoncer sa présence. Sinon, pourquoi ne pas révéler aussi les contrôles mobiles?

J'entends à la radio des auditeurs s'en prendre aux "pompes à fric" que seraient devenus les radars? Si vous ne voulez pas de cela, rien de plus simple: respectez les vitesses maximales et les radars n'enregistreront aucune contravention. Il faut frapper au portefeuille pour avoir quelque chance d'être suivi. Ou alors, c'est que vous n'estimez pas que la mort et le handicap à vie sur la route sont des questions de société, des drames contemporaines auquels il faut répondre en urgence.

Tout de même, drôle de pays que le nôtre, dans lequel des automobilistes irascibles s'acharnent sur des radars qui viennent de les "photographier". Sarkozy aura-t-il le courage de ne pas tenir sa promesse? Nous verrons bien.

Bonne soirée.

22 mai 2007

La réalité de la droite.

Bonsoir à toutes et à tous.

François Fillon a tenu devant ses troupes un discours de chef de guerre: combat total contre la gauche. En politique, il ne faut pas s'endormir sur ses lauriers. Donc la droite cogne, à moins de trois semaines des législatives. A ceux qui croyaient naïvement que "l'ouverture" était synonyme d'ouverture d'esprit, les voilà détrompés.

Le Premier ministre dresse un état des lieux terrible pour la gauche. Elle a "perdu la bataille idéologique", "la bataille des valeurs", "son magistère intellectuel et moral". Voulez-vous que je vous dise le pire dans tout ça? C'est que Fillon a hélas raison. La défaite des présidentielles, face à une droite clairement à droite, est d'abord pour la gauche une défaite culturelle, c'est à dire profonde, et si nous ne réagissons pas très vite, une défaite durable. C'est pourquoi il faut plus qu'une rénovation de surface, il nous faut une refondation radicale.

Les chefs de guerre sont souvent suivis par leurs seconds couteaux. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports, a joué ce rôle en prononçant une phrase qui en dit long sur l'esprit de revanche de la droite: "Il faut se battre comme si nous étions dans la pire des situations, comme si Ségolène Royal avait été élue". Surprenant, non? Je me répète: il ne faut pas se laisser séduire par des discours officiels doucereux. La réalité de la droite est dans les propos qu'elle se tient à elle-même, comme ce discours de Fillon devant ses parlementaires. Entre soi, on ne triche pas, les masques tombent, les langues se délient, les intentions se révèlent.

Aux socialistes, je conseille de suivre, mais à rebours, la logique proclamée par Bussereau: se battre comme si nous allions gouverner, c'est à dire en faisant des propositions. Le repli en politique n'est jamais bon. Il anticipe la débâcle. La position défensive est la pire. Nous savons ce que le "tout sauf Sarkozy" de fin de campagne nous a coûté: se faire plaisir et perdre les élections en transformant le candidat de l'UMP en une victime et en laissant croire que la gauche n'avait rien à proposer en mettant en avant la dénonciation du danger Sarkozy.

Non, pour les législatives, soyons intelligemment offensifs, battons-nous avec confiance et enthousiasme, montrons, comme j'essaie de le faire dans ce blog, que les premières mesures gouvernementales sont néfastes et proposons autre chose. Toute critique doit être assortie immédiatement d'une contre proposition, voilà pour moi la méthode social-démocrate. Sarkozy dit suppression de la carte scolaire, nous devons proposer son redécoupage. Sarkozy veut défiscaliser le travail des étudiants, nous devons proposer la revalorisation des bourses. Et ainsi de suite.

Bonne soirée.

Hypocrite franchise.

J'avais cité il y a quelques temps un article de Philippe Val sur la puissance des assurances dans la société actuelle. Il n'y a pas que leur présence et leur influence qui s'exercent, il y a leur logique que Nicolas Sarkozy a fait sienne, notamment en matière de santé, avec la franchise médicale. Le principe de la droite est simple: désormais, il faudra tout payer. Une franchise est une somme (Sarkozy avait donné le chiffre de 100 euros) en dessous de laquelle le malade paie de sa poche ses soins. Le remboursement commence à partir de l'euro au dessus.

Le 27 juin 2006 s'est tenu le congrès santé de l'UMP. L'idée de la franchise a été théorisée par Sarkozy et Fillion: appliquer la logique de l'assurance voiture, incendie ou dégâts des eaux, du forfait internet ou téléphone mobile, au domaine de la santé. Mais Xavier Bertrand l'avait déjà appliquée, avec le forfait d'un euro par consultation, le forfait de 18 euros pour les actes médicaux à l'hôpital et en clinique d'un montant de 91 euros.

Pendant la campagne, le candidat de l'UMP était allé encore plus loin en proposant quatre franchises: sur les examens biologiques, sur les médicaments, sur les visites médicales, sur l'hospitalisation. Aucun chiffre n'avait été annoncé, seulement la promesse d'une franchise ajustable au déficit de la Sécurité sociale, qui plus est.

Voilà la société qui va se mettre en place, si nous n'y prenons pas garde, un rêve de franchises généralisées, le principe de la compagnie d'assurance contre celui de la Sécurité sociale. Car un certain nombre de cotisants à la Sécu vont payer pour rien, ou plutôt ils vont payer deux fois, d'abord pour leur caisse, ensuite pour leurs soins non remboursables. La franchise, c'est un truc très astucieux et très injuste.

Bon après-midi.

La poisse et la crevasse.

Bonjour à toutes et à tous.

A droite, la baraka n'en finit pas. Juppé prépare un "Grenelle de l'environnement" (drôle d'expression) et reçoit avec Sarkozy les associations écologistes, qui en sortent satisfaites et parlent de "rencontre historique". Un nouveau joli coup de la droite, qui n'est évidemment pas désintéressé: l'électorat écolo est à prendre et Sarkozy a décidé de s'emparer de tout ce qu'il pouvait saisir à gauche.

A gauche justement, la poisse continue. Raymond Forni, qui n'est pas n'importe qui, ancien président socialiste de l'Assemblée nationale, estime que François Hollande ne doit pas rester à la tête du PS. Incontestablement, qu'on le veuille ou non, le problème du leadership chez les socialistes va se poser, après les législatives. Je pense que notre université d'été de La Rochelle lancera le nécessaire débat interne.

Forni pose aussi la question de nos alliés, des petites formations auxquelles nous accordons beaucoup trop d'importance pour un retour de plus en plus négligeable. Il n'a pas tort. Dans l'Aisne, à Saint-Quentin, que pèsent les Verts, le MRC ou même les communistes? Je suis favorable bien sûr à l'union, mais dans la clarté et la vérité de l'influence réelle de chacun. Aux municipales par exemple, le rassemblement au second tour est une bonne chose, en partant des résultats de chaque formation au premier tour.

Poisse aussi que les avis divergents au PS sur "l'ouverture" gouvernementale. Pour Hollande, ce ne sont que débauchages, pour Ségolène Royal, de retour de vacances, c'est un hommage rendu à son Pacte présidentiel, Sarkozy allant chercher à gauche des idées et des hommes pour gouverner.

Mais la pire des contradictions est celle qui divise des responsables au pouvoir, et je m'étonne que les médias en fassent ce matin peu de cas. Hier, deux membres du gouvernement se sont publiquement opposés sur un sujet majeur, au coeur de la philosophie politique néolibérale de Sarkozy: les franchises médicales (sur lesquelles je reviendrai, quant au fond, dans un prochain billet). Xavier Bertrand est pour, Martin Hirsch est contre. Cette première fissure ressemble à une crevasse, et personne n'en parle! Le ministre du travail se sort de ce mauvais pas, hier soir sur France-Inter, par une surprenante dialectique: au gouvernement, on n'est pas tous obligé de penser la même chose. Ah bon? Ca promet en matière de cohésion de l'équipe et de cohérence des choix. Holà l'opposition, il ne faut pas laisser passer cela, il faut le dénoncer vivement!

Bonne matinée.

21 mai 2007

Scolarité à la carte.

Bonsoir à toutes et à tous.

Cet après-midi, je vous ai commenté la première mesure gouvernementale, la suppression de l'impôt pour les étudiants. En vérité, une autre mesure a été annoncée ce week-end, aux conséquences encore plus alarmantes: la suppression de la carte scolaire. Le ministre de l'éducation Xavier Darcos l'a évoquée devant le congrès de la PEEP, association de parents d'élèves classée à droite. A la rentrée prochaine, 10% des scolaires seraient concernés, pour aller vers l'abolition totale de la carte scolaire à la rentrée 2008.

Comme pour la défiscalisation du travail étudiant, l'idée au premier abord parait séduisante et je ne doute pas que dans un premier temps elle séduise. La liberté d'inscrire son enfant dans le collège et le lycée de son choix, qui ne serait pas tenté? L'argument de la droite est même "social", comme pour les heures de travail des étudiants: aujourd'hui, seules les familles des classes moyennes et aisées jouissent de cette liberté, soit en mettant leurs rejetons dans le privé, non soumis à la carte scolaire, soit en contournant dans le public cette carte par une parfaite connaissance des "bons" établissements et des moyens pour déroger à la règle. Bref, la droite se réclame habilement de la liberté et de l'égalité pour la mise en oeuvre de cette suppression. Elle dit aux plus modestes: je vais vous donner les mêmes droits que les plus nantis!

Après le discours, examinons les conséquences. D'abord, la fin de la carte scolaire va provoquer une immense désorganisation, puisque toutes les familles vont vouloir inscrire leurs enfants dans les mêmes établissements, ceux qui sont censés avoir bonne réputation. Il y aura inévitablement engorgement, il faudra que les établissements en question établissent des critères de sélection, qui se feront sur les résultats scolaires. Alors on verra des établissements réservés aux bons élèves qui progresseront encore plus et des établissements occupés faute de mieux par les élèves les plus faibles et qui le resteront. Discrimination et ghettoïsation, voilà les retombées de la suppression de la carte scolaire.

Il est bien beau de donner la liberté, encore faut-il savoir quoi en faire et ce qu'elle engendre. Ici, elle produira l'anarchie et l'injustice. Les plus riches, les plus cultivés, les plus forts socialement s'en sortiront très bien, comme toujours. Les plus démunis, les moins informés seront les victimes, comme toujours. La carte scolaire a été adoptée dans les années 60, devant l'afflux important de nouveaux élèves dans le secondaire, traditionnellement réservé aux fils et filles de la bourgeoisie et exceptionnellement ouvert aux quelques meilleurs élèves des couches populaires. Cette carte avait pour objectif de rationaliser cet afflux et d'assurer la mixité sociale. La gauche doit se battre pour que ce dispositif demeure, en faire un enjeu des législatives parmi d'autres.

Attention, je ne suis pas fermé à des évolutions. Il est évident qu'il faut redécouper la carte scolaire là où sa mission essentielle, la mixité sociale, est contredite, lorsque certains lycées et collèges sont des lieux de paupérisation et parfois de délinquance. Mais redécouper la carte scolaire, c'est l'améliorer et la conforter, ce n'est pas la supprimer! J'ajoute qu'il faut mettre un terme aux passe-droit que représentent certaines dérogations injustifiées.

Bonne soirée.

Défiscaliser.

Bonjour à toutes et à tous.

La première mesure du gouvernement Sarkozy a été annoncée ce week-end par le ministre du travail: la défiscalisation des heures de travail des étudiants. A première vue, rien d'extraordinaire ni de très méchant. Au contraire, dispenser d'impôt les étudiants obligés de travailler pour payer leurs études ou tout simplement vivre, n'est-ce pas une mesure "sociale" comme le ministre Xavier Bertrand les aime, lui qui se définit comme appartenant à la "droite sociale"?

Voyons cela d'un peu plus près. D'abord, pour être étudiant et payer des impôts, il faut recevoir un salaire correct. Je rappelle que la moitié des foyers fiscaux ne sont pas imposables, faute de revenus suffisants. En général, un étudiant travaille quelques heures mais pas assez, ni avec un salaire assez élevé, pour payer des impôts. Bref, l'étudiant de milieu modeste qui travaille le week-end dans une grande surface pour faire face aux dépenses courantes, celui-là ne va pas bénéficier de la défiscalisation. En revanche, l'étudiant qui, par ses relations familiales et sociales, a trouvé un bon job, bien rémunéré , avec emploi du temps adapté à ses études, celui-là est un privilégié qui va recevoir un privilège supplémentaire, l'exonération fiscale.

S'il a urgence sociale en matière de travail étudiant, c'est dans une autre direction que la défiscalisation qu'il faut se tourner. Il n'est pas normal, il est difficile de mener de front des études et d'être obligé de travailler pour les financer. Je ne parle pas ici du petit boulot qu'on effectue pour l'argent de poche ou les vacances, je parle de l'argent nécessaire pour vivre. Etudier, c'est travailler. Ce choix ne devrait pas entrainer une obligation, le double travail pour ceux qui ne peuvent pas compter sur le soutien de parents aisés. Augmentation du montant et du nombre des bourses, création d'un "salaire" étudiant, voilà des pistes de réflexion vraiment sociales, pas la défiscalisation.

La vraie question sociale à propos du travail des étudiants est fondamentalement ailleurs. C'est de savoir si des emplois seront disponibles après plusieurs années d'études difficiles, et des emplois conformes au niveau atteint et aux diplômes obtenus. Or, beaucoup d'étudiants ont du mal à trouver un emploi, et quand ils en trouvent un, il n'est pas toujours en rapport avec leur formation. Voilà le vrai problème, et pas la fausse solution de la défiscalisation.

Ce que la droite veut nous faire oublier, c'est que l'imposition fiscale est un signe de bonne santé sociale. Pendant des années, lorsque justement j'étudiais à la Sorbonne, je travaillais dans le gardiennage de nuit. J'étais smicard et je ne payais pas d'impôt. Aujourd'hui, devenu enseignant, je paie pas mal d'impôt et j'en suis très heureux. Non par masochisme mais parce que c'est la preuve que socialement je vis mieux.

Il n'est pas anodin que la première mesure du gouvernement soit cette défiscalisation faussement généreuse. En vérité, elle nous donne la logique du sarkozysme et son mot d'ordre: défiscaliser, non seulement le travail étudiant mais aussi les heures supplémentaires des salariés, les droits de succession des héritiers, réduire également de quatre points les prélèvements obligatoires et protéger les plus riches des hausses d'impôts grâce au "bouclier fiscal". Défiscaliser, et ainsi les services publics auront moins de recettes pour fonctionner et se moderniser.

Bonne fin d'après-midi.

20 mai 2007

CQFD.

Bonsoir à toutes et à tous.

Jacques Julliard invite, dans sa chronique du Nouvel Observateur, à "réinventer la gauche". Fort bien, et je vous ai précédemment donné l'adresse électronique pour participer à ce débat. Mais il y a petit désaccord lorsque je lis: "Ecartons (...) le mirage de la social-démocratie, qui correspond à une phase aujourd'hui dépassée de développement des idées sociales." Le jugement, sévère, fait inconsciemment écho à un propos de François Hollande et quelques camarades: la social-démocratie serait un "vieux" modèle aujourd'hui inopérant. Vive la modernisation du socialisme, mais non à sa social-démocratisation!

Premier argument de Julliard: l'Etat-providence, symbole de la social-démocratie, est en crise, donc inutile de s'en inspirer. Jean-Luc Mélenchon, sur son blog, est plus radical (Jean-Luc est toujours plus radical!): la social-démocratie a partout échoué.

Ma réponse: DSK est le premier à avoir analysé la crise de la social-démocratie, plus précisément les limites et les défaillances des systèmes de pure distribution. On ne peut plus envisager l'égalité sous l'angle exclusif de la fiscalité fortement progressive et la répartition de ses recettes. DSK défend un "socialisme de la production", où l'Etat joue un rôle dans l'économie, avec comme objectif "l'égalité réelle". Ces concepts modernisent et renouvellent la pensée social-démocrate, qui comme toute pensée doit s'adapter à son temps.

Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une réflexion qui s'inscrit idéologiquement dans le courant historique de la social-démocratie, qui n'a pas failli mais qui au contraire a amélioré considérablement les conditions de vie des salariés en Europe. En comparaison avec le communisme, camarade Mélenchon, il n'y a pas photo!

Deuxième argument de Julliard: la social-démocratie n'existe que là où il y a un mouvement syndical puissant avec lequel elle s'articule, ce qui n'est pas le cas, et de loin, en France.

Ma réponse: nous, strauss-kahniens, n'avons jamais pris la social-démocratie comme un modèle étranger à appliquer en France dans l'ignorance des conditions nationales. Nous sommes partisans, comment en serait-il autrement? d'une social-démocratie à la française. Je ferais remarquer à Jacques Julliard que la social-démocratie, comme le communisme, est un phénomène politique universel qui a su s'adapter à des sociétés très différentes. Nous n'avons pas, chez nous, de fortes structures syndicales, c'est vrai, mais nous disposons d'un héritage très riche en matière de conquêtes sociales, de droit du travail, de mentalités et de réactions collectives, à quoi la social-démocratie peut et doit s'articuler.

Lorsque je lis la fin de l'article de Julliard, je me demande si sur le fond et les idées, nous ne sommes pas d'accord, et en divergence sur la forme et les mots: "Le socialisme de demain sera un socialisme de marché. Il devra donc se préoccuper de la production des richesses autant que de leur redistribution. C'est le mérite de Dominique Strauss-Kahn que de l'avoir souligné à maintes reprises." CQFD.

Bonne soirée.

RMI et RSA.

J'évoquais ce midi Le Monde et les explications de Kouchner. La même édition donne la parole à Martin Hirsch, autre personnalité de gauche à être entrée dans le gouvernement Sarkozy. Le cas est différent. Hirsch n'est pas adhérent socialiste, ce n'est pas un politique, à la différence de Kouchner. Il n'a jamais fait partie d'un gouvernement de gauche. Kouchner si. S'il a fait ce choix, c'est pour voir concrétisée, en tant que responsable associatif, ancien président d'Emmaüs, sa lutte contre la pauvreté. Peut-on lui reprocher?

Hirsch précise d'ailleurs que s'il siège au conseil des ministres, il n'est pas ministre: "Je suis plus dans la position d'un haut fonctionnaire ou d'une autorité administrative que d'un responsable politique." Il n'empêche que sa désignation est très politique et que Sarkozy saura s'en servir le moment utile et le moment voulu.

La grande idée de Martin Hirsch, c'est le RSA, revenu de solidarité active. A ses yeux, la solidarité passive, c'est l'assistance, qui devient l'assistanat lorsqu'elle s'érige en système ou en habitude. Il veut donc troquer le RMI, tant décrié, par le RSA, qui concilierait solidarité et travail. Explication de l'auteur:

"La réforme à laquelle je m'attelle touchera à la fois les allocataires des minima sociaux et les travailleurs pauvres. Elle vise à donner à ces publics un véritable emploi et un salaire, afin qu'ils sortent de la pauvreté. Il n'est pas question de leur proposer des activités d'intérêt général, mal rétribuées et peu gratifiantes."

Comment ne pas être d'accord avec une telle approche? Hier, je me faisais le défenseur du RMI parce que ses contempteurs ne proposent rien à la place. Ce n'est pas le cas ici puisque le RMI serait remplacé par une mesure plus avantageuse, le RSA. C'est un exemple concret de "donnant-donnant". Il faudra que les concernés l'acceptent et que l'Etat fasse un gros effort de financement. Cette mesure sera prise par un gouvernement de droite? Tant pis ou tant mieux, ce qui compte, c'est de s'attaquer au scandale de la grande pauvreté dans un pays riche.

A plus tard.

La gauche à droite.

Bernard Kouchner justifie dans Le Monde son passage à droite, en expliquant d'abord qu'il reste de gauche, qu'ensuite la politique étrangère n'est ni de droite ni de gauche.Hubert Védrine, sur ce point, dit la même chose dans Libération. Mais lui a refusé l'offre de Sarkozy parce qu'il craignait, avec la présidentialisation qui se met en place à grande vitesse, ne pas avoir la marge de manoeuvre nécessaire.

Pour ma part, je crois qu'il y a une politique extérieure de gauche: dans nos relations avec l'Afrique, le regard qu'on porte sur le Tiers Monde, l'attitude à l'égard des Etats-Unis et tout le reste, les valeurs progressistes sont porteuses d'orientations spécifiques qu'on ne peut pas assimiler à celles de la droite. Quant à être à droite tout en étant de gauche, je laisse s'exprimer Kouchner:

"J'ai toujours été et je demeure un homme libre, militant d'une gauche ouverte, audacieuse, moderne, en un mot social-démocrate. (...) Je continuerai à réfléchir et à me battre, avec tous les esprits ouverts, pour qu'existe enfin une social-démocratie à la française".

Ces mots me vont certes droit au coeur, et je me souviens de cette université d'été du PS à La Rochelle où Bernard Kouchner était au milieu de nous, strauss-kahniens. Je sais aussi que le french doctor, homme de talent, de conviction, d'expérience et très populaire n'a pas été utilisé par le PS à sa juste mesure. Mais est-ce une raison valable et suffisante pour accepter de figurer dans un gouvernement de droite? Car la politique étrangère n'est pas isolée de la politique nationale. Le ministre, tout ministre doit assumer et l'une et l'autre.

Et puisque Bernard évoque la construction d'une social-démocratie à la française, je crois tout de même que c'est plus du côté de la gauche que de la droite qu'il faut aller la chercher.

Bon après-midi.

Revue de presse.

Bonjour à toutes et à tous.

Ce matin comme chaque dimanche matin, j'écoute la revue de presse du merveilleux Yvan Levaï, sur France-Inter. Je dois une part de ma culture politique à cet homme là, lorsque je suivais dans les années 80, avec délice, sa revue de presse.

Les journaux sont dominés par les bons sondages pour le nouveau gouvernement. L'équipe plaît beaucoup aux français, semble t-il. Normal. Nicolas Sarkozy fait du jooging et son Premier ministre le suit, Rachida Dati est très belle et Jean-Louis Boorlo est très sympa, Alain Juppé est toujours aussi sérieux et Bernard Kouchner est toujours aussi jeune, Martin Hirsch est bien à gauche et Christine Boutin est bien à droite. Comment voulez-vous qu'une telle équipe ne réussisse pas... dans les sondages.

Pour le moment, le gouvernement n'a pris aucune décision. C'est le meilleur moment pour être populaire. Après, ça se gâte. Rappelez-vous Lionel Jospin, 1997, 1998, 1999, la dream team, les scores de popularité, l'engouement pour les 35 heures. Nous savons tristement comment tout cela s'est terminé. Prenez Ségolène Royal. Pourquoi a-t-elle été désignée par 60% des socialistes? Parce qu'elle était "la seule qui peut battre Sarkozy", selon l'argument mille fois entendu lorsque je défendais, dans la campagne interne, DSK. Et voyez la défaite finale...

Je termine par une formule de René Char qu'Yvan Levaï aime citer, qui est en effet très belle, qui s'adresse à tout homme ambitieux et plus encore à l'homme politique: " Impose ta chance, sers ton bonheur, va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront".

Bon dimanche.

19 mai 2007

Protéger.

Le slogan du PS pour les législatives est: "La gauche agit, la gauche protège". La question de la protection sociale doit être, me semble t-il, au coeur de notre réflexion sur la rénovation de la gauche. Je sais bien que Philippe Val, comme je l'ai évoqué ici il y a peu, conteste que ce thème soit devenu majeur et propre à la gauche. Sarkozy lui aussi prône, par exemple, une "sécurité professionnelle du travail". Droite et extrême droite utilisent la nation comme d'une protection et envisagent un protectionnisme économique au niveau européen.

Il n'empêche que la protection sociale ne s'inscrit pas nécessairement dans une perspective nationaliste ou étatiste. Que deviendra la gauche si elle ne propose pas de nouvelles manières de protéger les salariés, ouvriers et employés? J'entends bien aussi qu'il faille être offensif et favoriser la création d'emplois avant la protection purement défensive des emplois. Mais quand le chômage de masse menace, que la régression sociale fait peur, que l'exclusion est redoutée, que l'insécurité s'empare des esprits, que faire d'autre, d'abord, que de proposer des mécanismes de protection?

Le débat sur la protection sociale doit commencer par une clarification sur "l'assistanat". Droite et maintenant gauche condamnent celui-ci, au nom de la "valeur travail" pour les uns et de la dignité pour les autres. Je veux bien mais il faut qu'on m'explique: l'assistanat n'est ni plus ni moins que les minima sociaux, rmi et autres aides sociales. Si on veut les supprimer, qu'on le dise! Je n'entends personne faire cette proposition... Pour ma part, tant que la croissance et l'emploi ne redémarrent pas, je suis favorable à "l'assistanat" et je me refuse de jouer avec les mots.

Autre clarification nécessaire: les "acquis sociaux", que la droite fait passer pour des "privilèges" qu'elle veut bien entendu supprimer. Exemple classique, dans la ligne de mire du nouveau gouvernement: les régimes spéciaux de retraites. Un acquis social est une protection qu'une catégorie professionnelle socialement non favorisée a obtenu de haute lutte, à un moment donné de son histoire. Ainsi les cheminots avec leur régime de retraite. Un privilège est une supériorité sociale qu'on obtient par la naissance, la fortune ou une position élevée dans la société. Ainsi l'aristocratie sous l'ancien régime avec ses titres et les droits qui en découlaient. La droite confond sciemment acquis sociaux et privilèges, la gauche doit les distinguer.

Cette remarque préalable ne justifie pas que les acquis restent gravés dans le marbre. La société change, les professions évoluent, de nouveaux besoins et de nouvelles difficultés apparaissent. C'est pourquoi une réforme des régimes spéciaux ne me choque pas, à la condition qu'elle aille dans le sens du progrès social. Tout est là. La règle du "donnant-donnant" me semble sur ce point fondamentale et devrait être, d'une façon ou d'une autre, systématisée. Un acquis social ne pourrait être supprimé qu'à la condition d'y gagner quelque chose, autre chose. Renoncement ici pour obtenir un gain là. Voilà comment je comprends le donnant-donnant. Un échange de bons procédés, si vous voulez. Ou pour le dire à la manière de DSK, un "compromis social".

Face à un avenir qui parait incertain pour beaucoup, il faudrait que la protection passe d'abord par la reconnaissance des acquis sociaux et l'engagement de n'y toucher que sous deux conditions: l'accord des syndicats, le gain des salariés. Alors les salariés pourront adhérer sans crainte aux réformes nécessaires. Vous allez peut-être me rétorquer que la proposition est utopique, que rien ne changera avec un tel système. Et avec le système actuel, qu'est-ce qui change? Rien non plus. Les retraites, l'éducation nationale, la fiscalité locale, la flexibilité du travail, pour ne citer que celles là, sont toujours en attente de réformes conséquentes.

Bonne soirée.

Tous députés!

Je découvre la liste des candidatures aux législatives dans l'Aisne, déposées hier soir en préfecture. Mes réactions:

- Une quinzaine de candidats par circonscription! Dont quelques illustres inconnus défendant des causes obscures... Je suis toujours surpris de constater que dans un pays où la critique de la classe politique est si prompte le nombre de postulants pour l'intégrer soient si nombreux!

- La gauche se présente en ordre très dispersé (et un ordre dispersé, ça s'appelle un désordre). Rien que pour ma circonscription, celle de Saint-Quentin, il y a 7 candidats se réclamant de la gauche: PS, PCF, Verts, MRC, LCR, LO, PT. Ils ont le droit, me direz-vous. Oui, en République, on est libre. Mais la liberté n'est pas nécessairement le contraire de la responsabilité. Dans le saint-quentinois, la droite est très puissante et très unie. Elle aura seulement 3 candidats, UMP, UDF, Génération Ecologie.
Qui plus est face à un ministre, celui du Travail et des relations sociales, l'intérêt de la gauche est de se rassembler, pas de se diviser. Je sais bien que l'unité en politique est un art compliqué. Mais la droite y parvient, pourquoi pas la gauche? Et puis, quel intérêt ont certains candidats à se présenter, sachant qu'ils sont condamnés à recueillir 1 ou 2%?

- La gauche est profondément divisée dans trois circonscriptions, entre des candidats qui peuvent chacun espérer l'emporter: Dosière contre Karimet à Laon, Dessallangre contre Le Flécher à Soissons-Chauny-Tergnier, Krabal contre Jourdain à Château-Thierry. Après l'éparpillement, la division est l'autre plaie qui peut nous faire perdre là où l'on pourrait peut-être gagner.
Encore une fois, j'ai bien conscience que la politique est un exercice délicat, et j'ai donné pour le savoir. Je comprends aussi que toutes les ambitions sont légitimes, et je préfère des ambitieux à des timorés. Mais ne serait-il pas possible d'organiser les ambitions, d'anticiper les conflits, de prévenir et de régler les problèmes? Quand on aspire à un mandat, c'est pour apporter des solutions aux difficultés que rencontrent les gens. Comment y prétendre lorsqu'on ne parvient pas à surmonter ses propres difficultés?

Bon après-midi.

A Mélenchon.

Bonjour à toutes et à tous.

Jean-Luc Mélenchon, un camarade dont je ne partage pas les idées mais que j'estime, a lancé un débat en direction de DSK au Conseil national de samedi dernier et sur son blog. Il estime que les sociaux-démocrates font fausse route. Le PS serait réformiste depuis 1920, le marché serait accepté par tous ses membres depuis longtemps, plus personne ne croyant en la révolution.

La remarque est partiellement vraie, aucun socialiste ne prétend aujourd'hui vouloir la "collectivisation des moyens de production", selon le marxisme le plus élémentaire. Il n'empêche que Mélenchon commet d'abord une erreur historique. A Tour, les communistes s'en vont (et pas les socialistes, ce qu'on oublie souvent) parce qu'ils veulent vivre leur propre vie politique, qui se distingue par leur soutien à la jeune URSS dont Blum doute qu'elle aille vers la réalisation d'un socialisme acceptable. Pour le reste, les socialistes demeurent idéologiquement des révolutionnaires, et pendant longtemps encore. Par exemple, ils n'abandonneront pas la notion de "dictature du prolétariat", que Blum lui même conserve un certain temps.

Ce qu'il faut savoir, c'est que le congrès de Tour est une rupture politique engendrée par un événement historique de politique étrangère, pas une rupture théorique. D'où le rêve entretenu jusqu' il y a peu (et encore maintenant?) d'une réunification des deux courants du "mouvement ouvrier". Bien sûr, la SFIO a adopté des pratiques réformistes. Mais le PCF aussi! Dans les années 50, Guy Mollet tient des discours qui doivent plus à l'élan révolutionnaire, certes anti-soviétique, qu'à l'inspiration sociale-démocrate.

Voyez les années 70, les espoirs nés du Programme commun, la perspective de la rupture avec le capitalisme. La plupart des cadres actuels du PS ont été formés dans cette vulgate, qui n'avait rien de social-démocrate. D'ailleurs, c'est très simple: le mot de social-démocratie était banni ou honni au PS à cette époque là.

Prenez l'adoption de la politique de "rigueur" en 1983, qui renonçait en partie aux orientations de 1981. Elle est présentée comme une "pause", une "parenthèse", pas un tournant social-démocrate. Je pourrais donner à Jean-Luc Mélenchon encore beaucoup d'exemples...

La tâche des sociaux-démocrates est d'expliciter et de moderniser la social-démocratie. Il ne suffit pas de la définir par l'acceptation des règles du marché et de ses conséquences, une banalité utile à rappeler mais qui ne constitue pas un projet mobilisateur. Il faut théoriser la social-démocratie, la mettre en perspective avec notre époque, comme Marx a su le faire avec le socialisme de son temps.

Bonne matinée.

18 mai 2007

Une révolution culturelle.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je me régale, une fois de plus, à la lecture de l'éditorial de Philippe Val dans Charlie-Hebdo. Il est question de la gauche et de sa refondation. C'est réjouissant et rafraichissant. D'abord, Val explique que le congrès de 1920 "n'a pas encore été totalement compris" par les socialistes, qui vivent toujours dans "le souvenir non digéré de la scission de Tour". C'est ce que les sociaux-démocrates du Parti ne cessent de dénoncer, ce surmoi révolutionnaire qui refoule toute pratique réellement réformiste.

Deuxième remarque de Val, ceux qui ont quitté la "vieille maison", comme l'appelait Blum, les communistes et l'extrême gauche, sont qualifiés de "gauche réactionnaire et nationaliste". Explication: "c'est le nationalisme qui a permis l'hémorragie des voix de gauche, d'abord vers le FN, puis, désormais, vers Sarkozy". Est visé le rejet du traité constitutionnel européen. Autre reproche à cette vieille gauche: elle ne pense qu'à "un ensemble de mesures où l'Etat remplace les patrons, afin de garantir davantage de protection matérielle au peuple".

Troisième point, le plus intéressante, le plus discutable aussi, au sens où il amène à discuter et pas nécessairement à critiquer: ce que propose Philippe Val. Je le cite:

"L'ébranlement des valeurs que l'on doit à cette période [Mai 68], la mutation violente qu'impose à notre société le changement radical du statut des femmes et la légitimité des sexualités non reproductrices - celles des femmes et des homosexuels - et leurs conséquences, voilà les grands thèmes de la gauche d'aujourd'hui" (c'est moi qui souligne).

Val estime que la protection économico-sociale n'est plus ce qui distingue la gauche de la droite. Même le FN, fait-il remarquer, est "social". Non, l'antagonisme passe par "la révolution culturelle que nous vivons aujourd'hui [et qui] est sans précédent". Tout a commencé en Mai 68, dont le procès est fait par toutes les droites

Il faut donc "inventer des nouvelles formes de justice sociale adaptées à la configuration du monde actuel [...]. Etre de gauche, c'est s'inscrire dans une aventure créatrice à la conquête de libertés nouvelles, et seule la jouissance de ces libertés nous permettra d'inventer les régulations de demain".

Bref, à la place de l'égalité, Philippe Val met au coeur de la gauche la valeur de la liberté. Il ne prône pas une révolution économique mais culturelle. Tout cela me plaît bien mais je n'ignore pas les objections qu'on peut faire. Il faut retravailler ces idées.

Bonne soirée.

Un peu de philosophie.

Au lieu de vous demander si Bernard Kouchner sera à côté de Christine Boutin sur la photo du gouvernement cet après-midi, je vous invite à vous plonger dans un auteur dont je vous ai déjà dit le plus grand bien, Jared Diamond, dont je viens de lire un deuxième ouvrage, Le troisième chimpanzé, essai sur l'évolution et l'avenir de l'être humain (Gallimard, 2000). C'est toujours aussi passionnant, même si les thèses sont parfois plus discutables, moins convaincantes que dans Effondrement. La pensée y est aussi beaucoup plus dispersée, mais très stimulante.

Pour l'écologiste Diamond, l'homme est un animal comme les autres, et ce qu'on croit être spécifiquement humain appartient aussi aux bêtes, par exemple le langage, l'art ou l'agriculture, même si ces activités sont beaucoup moins développées et perfectionnées chez les animaux. Qu'est-ce qui a fait évoluer le singe vers l'homme? Le langage, selon l'auteur. Qu'est-ce qu'un homme? Un exterminateur de sa propre espèce et de son proche environnement, un toxicomane, un conquérant instable, une créature libérée de la sexualité purement reproductrice (pas de période de reproduction comme chez les animaux, phénomène de la ménopause chez les femmes et pas chez les femelles).

Ce livre se lit, s'annote et se médite, il ne se résume pas. Je vous livre quelques idées seulement. L'apparition de l'agriculture a été une régression. Les chasseurs-cueilleurs vivaient mieux. L'âge d'or cependant n'a jamais existé. En explorant les deux amériques, les chasseurs de la préhistoire ont réalisé la plus vaste conquête humaine, qui s'est traduite par des centaines de millions de victimes, les grands mammifères.

Intéressante aussi, et certainement sujet à polémique, la définition que Diamond donne du génocide, extermination de masse, pour nous expliquer que l'humanité est fondamentalement génocidaire. Passionnant encore le chapitre 12, Seuls dans un univers surpeuplé, où l'auteur nous démontre que la vie est ailleurs présente mais qu'hélas nous ne pourrons pas la rencontrer (d'où ce titre de chapitre).

J'arrête là, il y aurait trop à dire et à discuter car je ne suis pas toujours d'accord. Savez-vous? Je me rends de ce pas à la bibliothèque municipale pour emprunter un troisième ouvrage de Jared Diamond, cette fois sur l'inégalité des sociétés.

Au fait, Kouchner et Boutin étaient-ils côte à côte? Après la réflexion, l'amusement...

Bonne fin d'après-midi.

Un peu d'Histoire.

Je viens de terminer un intéressant ouvrage d'Histoire, "Un régicide au nom de Dieu, l'assassinat d'Henri III", par Nicolas Le Roux, chez Gallimard, paru en 2006, dans la fameuse collection Les journées qui ont fait la France. La journée historique en question, je l'avais totalement oubliée, mais l'avais-je jamais connue? C'est le 1er août 1589. Deux siècles avant que la monarchie ne soit remise en question, un moine fanatique, Jacques Clément, a assassiné le monarque Henri III. On ne guillotinait pas encore mais on tuait déjà les rois, puisque son successeur, Henri IV, mieux connu, est tombé sous les coups de Ravaillac.

Qui se souvient du XVIème siècle dominé par d'atroces guerres de religion, tant il est vrai que nous sommes les héritiers du XVIIIème et de la Révolution? Notre mémoire collective va rarement au-delà. C'est dommage, toute l'Histoire est source de méditation, surtout pour qui fait de la politique. Expansion de l'évangélisme sectaire à travers le monde, montée de l'islamisme fanatique, il y a de quoi comparer et réfléchir.

Je retiens aussi de l'ouvrage l'analyse du pouvoir royal. La monarchie des Valois, dont Henri III sera le dernier représentant dynastique, n'est pas du tout, politiquement et philosophiquement, ce que sera la monarchie suivante, celle des Bourbons, absolue et de droit divin. Elle est plus humaine et plus populaire, du moins dans la conception. Les nobles et les bourgeois, les catholiques et les protestants veulent y avoir toute leur place. L'auteur ose même l'expression de "monarchie participative".

Toujours est-il que le régicide y est admis, théorisé et pratiqué, lorsque le roi est associé à un tyran. Le royaume de France est alors soumis à l'anarchie; la Ligue, un groupe paramilitaire de catholiques ultras, fait régner la terreur et défend Paris contre les armées du roi. La monarchie est pourtant ancienne, elle est quand même fragile. Il faudra attendre le XVIIème siècle pour qu'elle le stabilise et présente l'image qu'on s'en fait aujourd'hui.

Voilà ce dont je voulais vous parler un peu. Nous sommes loins de Sarkozy, Fillon et Kouchner mais nous sommes près, très près, croyez moi, de la politique.

Bon après-midi.

Du faux neuf.

Bonjour à toutes et à tous.

Nicolas Sarkozy nous promettait de la nouveauté dans l'annonce de son gouvernement. Vous connaissez le mot du directeur de théâtre dans le film Les enfants du paradis: "la nouveauté, la nouveauté, c'est vieux comme le monde!" Ce que j'apprends du "nouveau" gouvernement rejoint cette tirade:

- Est-ce un gouvernement resserré, et donc particulièrement efficace? Pas vraiment plus que le précédent, qui avait 16 ministres et celui-là 15.

- Est-ce un gouvernement de rupture? Non, 10 ministres l'ont déjà été, dont 5 dans le gouvernement précédent. La présence d'Alain Juppé, numéro 2, est emblématique de cette continuité.

- Est-ce un gouvernement ouvert? Non. 13 ministres appartiennent à l'UMP, 1 vient de l'UDF avec laquelle il a rompu, 1 vient du PS au sein duquel il était ce qu'on a coutume d'appeler un "électron libre". La présence de Kouchner est l'arbre de gauche qui cache la forêt de droite.

- Le seul point positif de ce "nouveau" gouvernement, c'est la parité, 8 hommes et 7 femmes, une vraie bonne nouvelle. Ceci dit, comme on juge le maçon au pied du mur, ce gouvernement de continuité sera jugé non sur ses hommes ou sur ses femmes mais sur ses actes.

Bonne journée.

17 mai 2007

Un grand évènement.

Bonsoir à toutes et à tous.

J'apprends aujourd'hui un grand évènement, l'observation pour la première fois par le télescope Hubble de la fameuse et mystérieuse "matière sombre", qui constitue environ un quart de l'univers. On savait qu'elle existait, on ne l'avait jamais vu, on ne connait pas son contenu, probablement fait de particules élémentaires de faible densité.

C'est un choc de galaxies, il y a un ou deux milliards d'années, qui a créé un anneau aujourd'hui observable, un peu comme une pierre jetée dans l'eau produit une ondulation. Cet anneau de "matière sombre" mesure 2,6 millions d'années-lumière de diamètre et est situé à 5 milliards d'années de la Terre.

A côté des 22% de "matière sombre", l'univers est composé de 4% de matière visible (les amas de gaz et de galaxies) et de 74% de... vide. Mais un vide doué d'énergie, au sein d'un univers en constante expansion. Je vous laisse méditer sur ces vertigineuses pensées.

Ah, j'ai failli oublier: François Fillon a été nommé Premier ministre.

Bonne soirée.

Que le débat commence!

Bonjour à toutes et à tous.

Le Nouvel Observateur lance un appel à contributions pour réfléchir à la refondation de la gauche (textes à envoyer à : parole@nouvelobs.com) . Libération ouvre ses colonnes à des intellectuels sur le même thème. Je m'en félicite. Il faut commencer par la bataille des idées pour préparer les victoires politiques. Le chemin sera long et difficile mais la gauche n'a pas le choix. C'est ça ou dix ans de Sarkozy!

Dans Libé de ce matin, je vous recommande la tribune d'Alain Lipietz, un penseur original, un économiste de renom, un écologiste éclairé dont je suis les travaux depuis une vingtaine d'années. J'avais apprécié en son temps, au milieu des années 80, son ouvrage "L'audace ou l'enlisement". Pour Lipietz, la défaite aux présidentielles procède d'une illusion, celle du rejet du Traité constitutionnel européen:

"Le non de 2005, reconduction de l'Europe ultralibérale existante, annonçait la "non-alternance" de 2007".

Je me souviens alors, en 2005, de l'enthousiasme de mes camarades socialistes qui avaient voté contre la Constitution européenne. Pour eux, un "boulevard" s'ouvrait sous nos pieds pour 2007, pourvu que le PS ait la sagesse de désigner à cette élection un "noniste", comme ils aimaient à se qualifier. A leurs yeux, les temps étaient mûrs pour "l'antilibéralisme". Erreur de perspective, confusion des genres, incompréhension de la société moderne, aveuglement idéologique, toujours est-il que la réalité est venue briser le rêve.

Alors, que propose Lipietz pour une "nouvelle gauche"?

"Inventer une version plus chaleureuse de la protection sociale: sécurité contre la solitude et les peurs de la vieillesse. Car le sentiment d'insécurité ne peut être combattu que par un resserrement des liens sociaux. Cela passe par une relance de l'activité associative, du tiers secteur d'économie sociale et solidaire, des régies de quartiers, tout autant que par une police de proximité".

Cette réflexion rejoint celle d'Edgar Morin, dont je vous avais entretenu il y a quelque temps, et aussi, à sa façon, celle de Philippe Val dans Charlie-Hebdo de cette semaine, dont je vous reparlerai. Oui, la protection sociale doit être au coeur des préoccupations de la gauche, à condition de rompre avec sa tradition étatique, non par principe, mais d'expérience: l'étatisme a ses limites. Regardez ce qui s'est passé durant la canicule de 2003: le "meilleur système de santé au monde" a été tragiquement mis en échec, non pas faute de moyens, mais parce qu'il lui a manqué une organisation, une culture, des réflexes qui lui auraient permis d'anticiper et de gérer la crise.

Un socialiste, c'est le mot qui le dit, est quelqu'un qui croit en la société, en l'action collective sous toutes ses formes pour résoudre les problèmes et améliorer les situations. C'est le socialisme que nous devons repenser, non pas l'étatisme.

Bon après-midi.


PS: Christophe Grébert m'annonce "un blog pour suivre l'actualité sociale démocrate", www.socialetdemocrate.com , que je vous invite à consulter.

16 mai 2007

Le regret et le respect.

Bonsoir à toutes et à tous.

J'ai un peu suivi à la radio, pendant le repas, la passation de pouvoir et la cérémonie d'investiture de Nicolas Sarkozy. Depuis une semaine, mes sentiments ont évolué de la tristesse au regret. Regret de ne pas voir Ségolène Royal dans cette automobile qui remonte les Champs Elysées, regret de constater qu'une partie de la population et des plus modestes ont glissé à droite, regret que le PS n'ait pas investi DSK, qui aurait peut-être pu fixer à gauche l'électorat qui a filé chez Bayrou.

Mais ne vous inquiétez pas: on ne fait pas de bonne politique avec des regrets et je ne vais pas me morfondre dans ce sentiment. Simplement, je me laisse aller à mon imagination et à la mélancolie, le temps de cette retransmission radiophonique. Le passé est déjà terminé, balayé. Il faut vivre dans le présent et pour l'avenir.

Autre sentiment qui m'a gagné à l'écoute du reportage: l'émotion. Je ne suis pas d'un naturel très sentimental (il ne faut pas l'être quand on fait de la politique) mais cette cérémonie, le palais de l'Elysée, l'Arc de triomphe, le bois de Boulogne, tout cela était prenant. La politique et le pouvoir y sont honorés, ritualisés, purifiés et grandis. Alors, la politique cesse d'être les petites ambitions, les grosses combines, les médiocres manipulations, la mesquine recherche d'un pouvoir factice. Elle devient une mission grave, pétrie d'Histoire, qui s'adresse aux vivants et qui n'oublie pas les morts, la charge d'un peuple, la fonction de le représenter, d'agir sur son destin. Elle dépasse, écrase et élève tout à la fois celles et ceux que le peuple lui a donnés.

Si je n'étais pas laïque et républicain, je serais presque tenté de dire que la politique est sacrée, et que le genre de cérémonie que nous avons aujourd'hui vécu est là pour nous le rappeler. En tout cas, si j'aime tant et depuis toujours la politique, malgré ses coups bas, ses déceptions, sa dureté et sa fréquente médiocrité, c'est qu'elle est, pour moi, la dernière grande aventure de notre temps. Elle a quelque chose à voir avec le destin, la grandeur, le tragique, l'éternité.

A compter de ce jour, Nicolas Sarkozy n'est plus totalement, seulement Nicolas Sarkozy. Il est quelqu'un d'autre qui le dépasse et qui l'oblige, il est le président de la République, désigné en conscience, librement et après plusieurs mois de débats, par une majorité de citoyens. Pour cela, c'est un sentiment de respect que je lui exprime en ce jour, respect républicain envers ce qu'il représente désormais. Il n'empêche que ses idées, je continuerai plus que jamais à les combattre, car c'est aussi cela la République: la majorité gouverne, l'opposition critique, et l'une aussi bien que l'autre doivent accomplir leur tâche avec intelligence et discernement.

Il n'est pas exclu que Nicolas Sarkozy, pour lequel je n'éprouve aucune admiration, ne soit pas touché par la grâce de l'Etat, ne s'élève pas au dessus des forces sociales qui le portent, au dessus des idées qui sont les siennes, comme de Gaulle en son temps. Permettez moi, au moins ce soir, de croire aux miracles...

Bonne soirée.

Décomposition, recomposition.

Bonjour à toutes et à tous.

Le souffle atomique de la défaite se fait encore ressentir. Jean-François Baylet, patron du Parti Radical de Gauche, s'est entretenu 45 minutes, pas moins, avec le nouveau président qui a pourtant d'autres choses à faire, par exemple constituer un gouvernement. A la sortie, Baylet annonce le rapprochement entre radicaux de gauche et de droite. Bref, Baylet et Borloo font faire du Bayrou avec Sarkozy, les radicaux-socialistes imitant les démocrates-chrétiens.

Pourtant, Baylet a soutenu Royal et critiqué Sarkozy. Le PRG a signé avec le PS un accord qui réserve aux radicaux de gauche 32 circonscriptions législatives. Il y en a un qui est très content, c'est Bernard Tapie ce matin sur RTL puisque, membre du PRG, il avait rallié Sarkozy avant même la victoire. Il ne manque plus que l'annonce de Kouchner aux Affaires étrangères et ce sera le pompom! Je n'ai jamais vu de telles dérives lors d'une précédente présidentielle.

Chez les Verts, ça ne va pas fort non plus. Cohn-Bendit et quelques autres ont publié un texte appelant, si j'ai bien compris, à la constitution d'un nouveau parti écologique ayant vocation à s'unir avec les centristes et les socio-démocrates.

Bref, la gauche est entrée dans une phase incertaine de décomposition-recomposition. Nous verrons bien où cela conduira. Mais je redis ici qu'il faut échapper à l'écume de l'évènement, prendre de la hauteur, savoir se remettre en question, faire preuve d'imagination pour rénover la gauche.

Bonne journée.

15 mai 2007

Jours de défaite.

Je lis dans la presse les propos incisifs de DSK sur François Hollande, tenus hier matin sur RMC , et sa responsabilité dans la défaite. Et alors? N'est-il pas normal de rappeler les responsabilités de chacun? Certes, la défaite est collective, mais on ne peut pas mettre au même niveau le simple militant et le premier secrétaire du Parti. Soyons précis dans la remarque faite à Hollande par DSK. Ce n'est pas tant la défaite qu'il lui reproche que de n'avoir pas lancé dès 2002 le mouvement de rénovation dont nous avions besoin, dont l'absence est la cause profonde et lointaine de notre échec en 2007.

Soyons encore plus précis. Dimanche soir, à France Europe Express, sur France 3, François Hollande rejette la "vieille sociale-démocratie", visant ainsi explicitement DSK. Ceci explique aussi cela. Ajoutons que l'idée d'un grand parti de toute la gauche, avancé par DSK en son temps, tombe aujourd'hui très mal. Ce n'est vraiment pas ce que les français attendent d'abord des socialistes: non pas une organisation mais un véritable projet. Il faut dissiper les écrans de fumée et s'attaquer à l'essentiel, la rénovation idéologique.

Vous me direz que tout cela fait désordre. Mais croyez-vous que la défaite en politique soit souriante? L'heure est grave, l'existence de la gauche est en jeu, les 47% ne doivent pas faire illusion. Il faut rénover pour reconquérir ces catégories populaires, ces classes moyennes qui se sont détournées de nous. Une défaite produit toujours une onde de choc dont les effets mettent du temps à se manifester ouvertement. Regardez les Verts: pour la première fois depuis dix ans, ils ont rompu l'accord électoral avec le PS. Regardez ces éminentes personnalités qui lorgnent aujourd'hui vers la droite. La défaite n'est jamais belle. Mais rassurez-vous: la victoire est rarement durable.

Bon après-midi.

Sarkozy s'ouvre.

Bonjour à toutes et à tous.

Sarkozy s'ouvre, en rencontrant les syndicats alors qu'il n'est pas encore officiellement président, en réfléchissant à des ministres de gauche dans son gouvernement.

C'est habile. L'homme qui faisait peur devient l'homme qui fait envie puisque certaines personnalités de gauche, et de premier plan, songent à le rejoindre.

C'est intelligent. Quand la victoire est large, il faut que le gouvernement représente cette majorité. On juge alors de l'ineptie politique de Jacques Chirac en 2002, réélu à plus de 80% et incapable d'être à la hauteur de l'évènement, se repliant sur ses fidèles, extrême marque de faiblesse.

C'est paradoxal. Bayrou l'avait rêvé, faire travailler la droite et la gauche, Sarkozy, son pire ennemi, le réalise. Bien sûr, la gauche sera très minoritaire dans ce gouvernement, mais c'est moins la quantité que la qualité qu'on retiendra: Kouchner, Védrine, Allègre, ce n'est pas du petit poisson.

Ceci dit, gouverne t-on la France avec de l'habileté et des paradoxes? Il faut aussi de l'honnêteté et de la cohérence. Eric Besson fait ce qu'il veut mais il a été, au début de la campagne, l'auteur d'un brûlot anti Sarkozy d'une rare violence, et le voilà maintenant à ses côtés, pour des raisons obscures déjà oubliées. Claude Allègre a critiqué Ségolène Royal parce qu'elle n'était pas assez à gauche. Est-ce un motif pour rallier la droite? Suffit-il de trouver Sarkozy sympathique et charismatique pour le rejoindre?

Bernard Kouchner semble le mieux placé pour rejoindre le prochain gouvernement, aux Affaires étrangères dit-on. C'est l'un des hommes de gauche les plus populaires de France. Belle prise pour Sarkozy! Les socialistes perdront à cette défection. Mais comment Kouchner peut-il entrer dans ce jeu? Au nom du pragmatisme? Parce que le Quai d'Orsay ne se refuse pas? Peut-être. Kouchner, ce soixante-huitard non repenti, va donc travailler avec un anti soixante huitard convaincu, siégant auprès d'un ministre de l'identité nationale et de l'immigration, éventuellement en compagnie de Madame Boutin. Je ne sais pas si cela se fera mais je ne peux pas y croire.

Bonne journée.

14 mai 2007

Lettre à DSK.

Bonsoir à toutes et à tous.

J'ai donné hier le sentiment de sonner la charge contre Marianne et son dernier numéro. Pourtant, j'y ai trouvé un article fort intéressant dont je veux ce soir vous parler. Il est signé Elie Barnavi, un historien, se présente comme une "lettre ouverte à Dominique Strauss-Kahn" et s'intitule "Pour refonder la social-démocratie, enfin...". Vous comprenez le pourquoi de mon intérêt. D'autant que le contenu contredit en partie le point de vue de Jean-François Kahn que j'ai critiqué ici hier.

D'abord, l'auteur reconnait que le PS est le parti "qui incarne le mieux l'improbable social-démocratie française". Mais pourquoi "improbable"? L'homme qui incarne le mieux ce courant, c'est DSK, selon Barnavi, qui lui fait cependant un reproche que je ne trouve pas justifié: "En gauchissant ton discours, tu as gâché, je crois, tes chances d'emporter les primaires". L'analyse est un peu superficielle.

En revanche, l'historien vise juste quand il écrit: " Il faut en finir avec la désastreuse culture de la synthèse". Mais sa conséquence va trop loin: "Il faut trancher, quitte à se résigner à la scission". On ne soutient pas d'un côté que le PS est le seul instrument de la social-démocratie, et de l'autre envisager son éclatement.

Bonne remarque aussi que celle-ci: "La France est le seul pays au monde où plus de 60% des citoyens se disent hostiles à l'économie de marché". Et c'est ce peuple qui vient de plébisciter très largement un programme néolibéral! Comme quoi on peut être contre le marché et pour un projet libéral. Incohérent? Pas plus ni moins que les personnes qui s'insurgent contre les 35 heures et tiennent à garder leurs journées RTT. Un véritable social-démocrate est pour le marché car c'est une réalité et contre le libéralisme parce que c'est une idéologie.

Bonne soirée.

13 mai 2007

Les calculs de "Marianne".

Bonsoir à toutes et à tous.

Je ne comprends rien, mais rien du tout, au magazine Marianne, pourtant apprécié par les enseignants et les milieux de gauche. Avant l'élection, Jean-François Kahn, se définissant comme "centriste révolutionnaire" (c'est nouveau, ça vient de sortir, aurait sûrement dit Coluche), publie un numéro spécial à faire frémir sur Sarkozy, d'où il ressort que la France a tout à craindre du candidat de l'UMP. Soit, même si les ficelles me paraissaient usées et un peu grosses. Mais savez-vous, une fois Sarkozy élu, ce que titre Marianne? "N'ayez pas peur!".

Et ce n'est pas tout. Dans son éditorial, JFK écrit: "Il faudra dissoudre le PS." Ni plus ni moins! Et pour le remplacer par quoi? Pas par un "parti social-démocrate de papa, concept obsolète datant du XIX ème siècle". On passera sur l'approximation historique pour ne retenir que JFK ne rime pas avec DSK. Plus loin, le magazine nous explique ce que doit être l'opposition à Sarkozy. Notez bien car c'est un peu compliqué.

D'un côté, il y aurait "une vrai gauche socialiste plurielle regroupant la gauche du PS, des républicains progressistes, les communistes, les altermondialistes et les antilibéraux, les trotskistes non-membres d'une secte [?] etles gaucho-verts [?]". Selon Marianne, tout ce beau monde devrait faire entre 15 à 20% des suffrages. Et ça ne s'arrête pas là. D'un autre côté, "un grand parti démocrate fédérant à la fois les sociaux-démocrates, les républicains humanistes, les sociaux-libéraux et les chrétiens-sociaux, les gaullistes de progrès". Ce qui fait encore beaucoup de monde, au moins 30% des suffrages, nous dit Marianne.

Si, comme moi, vous n'avez pas tout compris, faites un calcul: 20 + 30= 50, et le tour est joué, la majorité anti-Sarkozy vient de se constituer. "N'ayez pas peur"? Franchement, Marianne et ses analyses délirantes me font peur, car ce n'est pas ainsi qu'on battra Sarkozy.

Bonne soirée.