L'Aisne avec DSK

30 avril 2010

Demain marchons.




Rendez-vous demain à Saint-Quentin, 10h30, place du 8 octobre, pour la manifestation du 1er Mai.

29 avril 2010

BB+

Bonjour à toutes et à tous.


BB+ : c'est l'appréciation qu'a reçue l'économie grecque par les fameuses agences de notation. Ce qui signifie que la situation va très mal, que le pays est livré à la spéculation. Et d'autres seraient ainsi menacés d'un tel verdict, ou approchant. A gauche, nous sommes prompts à nous insurger contre ces agences. Nous n'avons pas tort : leur indépendance est discutable, elles participent du système qu'elles sont pourtant en charge d'évaluer, leur comportement pendant la crise financière a été contestable ... et contesté.

DSK a eu un mot définitif à leur propos : les agences de notation sont utiles mais ne doivent pas être non plus trop prises au sérieux. Il n'empêche que pendant la campagne des régionales, le Conseil régional de Picardie a mis en avant les jugements d'une agence de notation pour faire état de la bonne santé de ses finances contestées par la droite.

Derrière le problème économique, il y a une question culturelle, que très peu abordent. Pour qui est allé en Grèce ou connaît un peu ce pays sait que son économie est frappée par la corruption. Dans beaucoup de pays méditerranéens, c'est une façon de vivre, un modus vivendi, un rapport à l'argent, à l'échange qui sont étrangères à la culture anglo-saxonne, puritaine et rigoureuse, influençant largement les institutions européennes et les agences de notation. Au-delà du péril financier, c'est presque un problème de civilisation qui est posé.

Il n'y a pas à désespérer. Dans les années 70, Grèce, Espagne et Portugal semblaient condamnés à une culture politique antidémocratique, autoritaire, cléricale, archaïque. On a vu à quel point, pacifiquement et assez vite, ces pays ont su moderniser leurs institutions. Il en ira de même pour leurs économies. Dans cette affaire, on constate combien l'Europe (et le FMI) jouent un rôle fondamental.

Il en va de même pour la Belgique. Là, ce n'est pas l'économie mais l'identité nationale qui pose problème. Là encore, c'est du côté de l'Europe que se trouvera la solution. Athènes ou Bruxelles, c'est d'Europe dont ces pays ont besoin, pas de nationalisme ou d'anticapitalisme. Car la Grèce et le royaume belge sont aussi responsables de la situation dans laquelle ils se trouvent.

DSK compare souvent le FMI à un médecin ou un pompier, et l'institution financière ne peut être que cela. Mais l'Europe aussi, trop souvent, joue ce rôle alors qu'on attend d'elle autre chose : un rôle de leader, une position de "patron", de décideur. Nous en sommes hélas encore loin. C'est pourquoi l'aide européenne à la Grèce est un indispensable premier pas qui ne saurait cependant en rester là.


Bonne soirée.

28 avril 2010

Enfumage.

Bonsoir à toutes et à tous.


La décision d'hier de modérer mon blog a été, entre autres, motivée par la sidération que provoque en moi l'état du débat public en France. J'ai un peu connu les années 70 : les débats étaient idéologiques, les lignes politiques très nettes, les clivages marqués. Le débat public était, au sens propre du terme, politique. Pourtant, les hommes de cette époque-là n'étaient pas moralement meilleurs, les ambitions tout autant féroces qu'aujourd'hui, la lutte pour le pouvoir aussi vive. Mais le débat public se tenait à une certaine hauteur de vue, ce qui n'est plus le cas de nos jours.

Que s'est-il donc passé ? La société a évolué, l'individualisme effréné a tout changé, un certain moralisme s'est installé, la critique de tout et n'importe quoi s'est généralisée. Il en résulte une psychologisation du politique : tout devient très vite personnel, on ne dénonce plus les idées des hommes politiques mais leur ego (comme s'il n'en fallait pas pour faire de la politique !). Sidérante aussi cette manie d'exiger des excuses quand un propos gêne. Autrefois, le combat politique primait ; quand on n'était pas d'accord, on expliquait pourquoi et on se battait ; personne n'osait songé que l'adversaire puisse se plier à une demande de pardon !

A la suite de la télévision, c'est l'internet qui a bouleversé les données du débat public. Les informations sont infinies, invérifiées, contradictoires, le menu détail l'emporte sur le sens global, la dérision s'estime légitime, le divertissement se mêle à l'actualité, le politique au judiciaire, la polémique est permanente, les sujets de préoccupation ne durent que quelques heures. Dans de telles conditions, le débat public devient impossible, il perd tout sérieux et toute crédibilité.

Observez ce qui s'est passé ces derniers temps : qu'est devenu le débat pourtant violent autour de Xynthia et des "zones noires" ? Qu'a décidé finalement l'Etat ? Où en est la mobilisation des victimes ? Fini, terminé, oublié. Le nuage d'un volcan paralyse les transports aériens en Europe pendant une semaine. Et de quoi parle le Conseil de l'Europe ? De l'interdiction de la fessée, au même moment où l'on menace de retirer les allocations familiales aux parents qui n'arrivent plus à maîtriser leurs enfants. D'un côté le fondamentalisme religieux est condamné en interdisant la burqa, de l'autre l'un de ses représentants se vante d'avoir des maîtresses comme un vulgaire libertin, alors que ce fondamentalisme religieux est très répressif en matière sexuelle. Comment les citoyens peuvent-ils s'y retrouver ?

Nous vivons l'époque du faux débat. Un terme à la mode, qui se répand, le dit très bien : enfumage. Une vaste fumée, qui n'est plus celle du volcan islandais, trouble et intoxique le débat public, qui devient illisible et inaudible. Les commentaires sur le net sont l'expression de cet enfumage, où les prises de position sont insincères, réactives, artificielles. La politique ne pourra retrouver ses lettres de noblesse que lorsque le débat public sera assaini, régulé, rationalisé, comme les commentaires de ce blog.


Bonne soirée.

27 avril 2010

Les limites de la liberté.

Bonjour à toutes et à tous.


Ce mardi 27 avril 2 010 marquera un petit tournant historique dans la vie de "L'Aisne avec DSK". Vous étiez nombreux à me le demander, j'avais résisté jusqu'à présent à vos sollicitations, j'y succombe aujourd'hui : les commentaires de ce blog seront désormais modérés.

Pourquoi avoir tant attendu, alors que la nécessité depuis longtemps s'imposait ? Parce que je voulais demeurer fidèle aux deux principes fondateurs : liberté totale d'expression (sauf quand les propos contreviennent aux lois), réponse aux commentaires (sauf quand ils sont d'une inanité absolue). Désormais vos messages seront sélectionnés et mes réactions ne seront plus systématiques.

Ma tolérance avait aussi pour but d'accroître la notoriété du blog, sachant qu'on ne fait parler de soi que lorsqu'il y polémique, aussi basse soit-elle. C'est une règle de notre société de la communication, déplorable, mais c'est ainsi. Je n'ai plus besoin de ça pour faire connaître "L'Aisne avec DSK", qui a même une petite audience nationale.

J'ai bien conscience que le côté parfois délirant, parfois violent des commentaires pouvait séduire, mais nous saurons tous, j'en suis certain, nous en passer. J'ai cru longtemps que l'expression de la bêtise et de la méchanceté avait la dimension pédagogique du contre-exemple, mais la leçon a atteint ses limites.

Et puis, le contraste était trop flagrant, quasiment contradictoire, entre le niveau des billets et l'ineptie de beaucoup d'interventions. Imbéciles, méchants, hargneux, rancuniers, vengeurs, bilieux, complexés, jaloux, envieux, médiocres seront renvoyés à leur néant. Qu'ils ne le prennent pas mal : je leur garde une forme de tendresse et de bienveillance, la modération peut être, pour eux, une occasion de se racheter, de changer.

Ils s'en rendront compte très vite : si leurs propos s'élèvent un peu, rien qu'un peu, ils passeront ; sinon ils disparaîtront, impitoyablement. Je leur propose une épreuve terrible : celle de l'intelligence, qui est pourtant à la portée de tous pourvu qu'on le veuille. Quel plaisir n'auront-ils pas de voir leurs commentaires publiés, signe de leur rédemption ! Nous y gagnerons tous collectivement, en plaisir et en intelligence.


Bonne journée.

26 avril 2010

Pas comme ça.

Bonsoir à toutes et à tous.


Chacun en politique est libre de faire ce qu'il veut, selon ses convictions. Nous sommes en République. Mais ce même principe nous conduit aussi à critiquer lorsque nous ne sommes pas d'accord. C'est le cas ce soir avec l'initiative prise par mon camarade François Patriat, ancien ministre et présentement président du Conseil régional de Bourgogne. En compagnie d'autres élus, il a lancé un appel pour une candidature DSK en vue de la présidentielle de 2 012. Pourquoi pas, c'est son choix, mais je le conteste.

Pourtant, son texte, à paraître demain dans la presse, énumère d'excellentes raisons, avec lesquelles le strauss-kahnien que je suis tombe en parfait accord. Mais la méthode n'est pas bonne (tout en politique n'est-il pas finalement affaire de méthode ?). La pétition, le regroupement des partisans, l'appel au peuple, la stratégie du recours, non DSK n'a pas besoin de tout ça, ce n'est pas dans sa culture.

On ne fait pas de politique pour susciter le désir d'autrui, à la façon des midinettes. Le côté "J'y vais si vous voulez de moi" est insupportable. C'est une posture que je n'aime pas. Si aujourd'hui DSK se tait sur ses ambitions présidentielles, c'est d'abord parce que son mandat au FMI lui interdit de parler. C'est aussi parce qu'il ne sait pas ce qu'il fera, et on comprend bien pourquoi. La décision ne pourra être prise que dans un an. D'ici là, beaucoup d'évènements peuvent se produire, en faveur ou en défaveur de DSK.

Un homme politique responsable ne fait pas de tel pari sur l'avenir. Il décide le moment venu, dans la situation qui se présente à lui. C'est ce que fera DSK. Mais nul besoin pour ça de lui forcer la main. Sa décision résultera d'une froide analyse des forces en présence et des capacités de l'emporter, pas de l'enthousiasme ni de l'ardeur de ses supporters. C'est pourquoi l'appel de Patriat est mal venu et inutile. Il ne faut pas s'y prendre comme ça.


Bonne soirée.

25 avril 2010

Amalgame et surenchère.

Bonsoir à toutes et à tous.


Cette histoire de niqab au volant et ses conséquences ont empoisonné tout le week-end et pris des proportions hallucinantes. Un peu de bon sens et de calme seraient tout de même les bienvenus :

1- Verbaliser une personne se trouvant dans une telle situation me semble être un regrettable excès de zèle. Le port du niqab ne gêne pas à ce point la conduite. Mais admettons : je suis prêt à suivre le policier qui a fait son travail. Cependant, l'affaire a tourné à la polémique nationale, ce qui est évidemment excessif. Un fait divers relevant éventuellement de la justice ne devrait pas prendre une tournure politique.

2- Vous me direz peut-être que c'est la contrevenante, alarmant la presse, qui est responsable. Mais pourquoi le ministre de l'Intérieur s'en est-il mêlé, en ajoutant de la polémique à la polémique, en transformant une possible atteinte au code de la route en quasi événement ?

3- Vous me direz sans doute encore que le mari de la dame est soupçonné de polygamie. Ne mélangeons pas tout, s'il vous plaît. Et même si cela était averré, le problème relèverait toujours de la justice et pas de la politique. A moins que la droite ne veuille laisser entendre que la polygamie en France constituerait un véritable problème, d'une ampleur alarmante, dont il faudrait se saisir parce qu'il menacerait notre identité nationale ? Je n'en crois rien, mais je crains que la droite ne cherche à nous faire croire ça.

4- Mais n'y a-t-il pas fraude aux allocations familiales ? Les allocs, nous y voilà, comme il y a quelques jours ! Car l'amalgame sera inévitablement fait avec la proposition récente de les supprimer pour les familles des élèves absents. Et qui sont visés, suspectés ? Toujours les mêmes, les immigrés d'origine musulmane.

Je ne suis pas bêtement hostile à la droite. La combattre intelligemment me suffit et c'est dans mes compétences. Mais je trouve qu'elle est en train de mal tourner depuis sa défaite aux régionales (du moins la tendance s'est accrue). Elle essaie de se raccrocher à n'importe quelle branche, y compris les plus contestables. L'incident qui a été l'objet de ce billet et qui a déchaîné ces derniers jours les passions ne peut que stigmatiser une fois de plus la communauté musulmane. Que la droite la laisse en paix, qu'elle cherche à faire des voix autrement !

Elle a des liens privilégiés avec la bourgeoisie, elle sait parler aux milieux d'affaires, elle a des relais dans le monde économique que la gauche n'a pas : qu'elle se contente donc de donner le meilleur d'elle-même en s'appuyant sur ce qu'elle est pour relancer la croissance, favoriser la création d'emplois. Je crois qu'elle en est capable et je suis prêt à reconnaître alors ses bienfaits, même si je n'en reste pas moins un homme de gauche proposant une autre ligne politique.


Bonne soirée.

24 avril 2010

Histoire des gauches.


Il a beaucoup été question des fondamentaux de gauche dans mes derniers billets. Pour continuer dans cette voie, je vous recommande la lecture du numéro spécial du Nouvel Observateur de ce mois sur "la grande histoire des gauches" : pour mieux connaître l'identité spécifique du socialisme réformiste, pour mieux le distinguer d'avec les autres gauches, dont l'extrême. Rien de bien nouveau, mais d'utiles rappels.

23 avril 2010

Net for ever ?

Bonsoir à toutes et à tous.


Arthur, fidèle lecteur et commentateur de ce blog, m'a fait très peur : allant dans les archives, il me révèle que de nombreux billets des années précédentes ont disparu ! C'est l'angoisse : ce blog, j'ai l'intention d'en faire quelque chose sur papier, la publication un jour sans doute d'un ouvrage. Quelques propositions m'ont été faites en ce sens, mais le boulot est énorme. Je n'ai pas le goût des archives ni du passé, ce qui compte pour moi c'est d'écrire au présent. Mais certaines mises en perspective ont leur utilité et préparent l'avenir. J'ai amassé, en quatre ans, une somme de données qui éclairent la vie politique locale, je suis le seul à l'avoir fait. Cette expérience doit avoir des conséquences, en particulier en vue des municipales de 2 014, où il ne sera pas question de retrouver le merdier de 2 008.

Déjeunant hier avec Thierry, tout autant fidèle lecteur qu'Arthur, j'ai été rassuré : il est inconcevable, m'a-t-il dit, qu'un blog voit disparaître ses archives sans prévenir, d'autant que les capacités à héberger des informations sont immenses. "L'Aisne avec DSK" est certes très étoffé, mais avec pratiquement pas d'images et aucune vidéo, dévoreuses de mémoire. Même au bout de quatre ans, ça ne suffit pas à expliquer ces mystérieuses disparitions. Quant à l'hypothèse d'un pirate s'introduisant chez moi, elle est hautement fantaisiste. Bref l'énigme demeure, et je ne veux pas douter de la parole d'Arthur. Mais je suis quand même rassuré.

Ceci dit, ma conversation avec Thierry m'a beaucoup appris sur l'internet, un univers que je connais très mal. Les ignorants ou les malveillants croient que je passe mon temps devant l'ordinateur. C'est totalement faux. Je rédige avec discipline mon blog, point barre. Je surfe très rarement sur le net, je n'interviens pas dans les forums, je ne participe même pas à la Coopol mise en place par le PS, je ne m'intéresse pas à Facebook. Mes activités associatives m'en empêchent, et puis je ne crois guère à la communication électronique : rien ne vaut le bon vieux terrain, les rencontres réelles, que je privilégie. Mon blog m'a été au début suggéré, son succès m'a complètement dépassé, je ne l'ai aucunement recherché. Ma volonté se portait ailleurs, je rêvais de tout autre chose que taper sur un clavier. Mais on ne choisit pas son destin. Le mien finalement n'est pas pire qu'un autre.

Thierry m'a donc confié quelques réflexions fort pertinentes, que je vous livre ce soir. L'internet n'a pas été au départ créé pour assimiler une telle masse d'informations. Le contenant a vite été dépassé par le contenu, de façon très empirique, élargissant au fil du temps les capacités du système. Rien n'a été conçu, prémédité, tout fonctionne au bricolage, au tâtonnement. Se pose alors une question que personne ne pose : la toile a-t-elle une possibilité d'extension à l'infini ? Tout en ce bas monde rencontre à un moment ou à un autre des limites. Et l'internet ? Peut-il continuer à accueillir aveuglement des milliards d'informations sans qu'un jour il se heurte à une impossibilité, sans que la toile ne finisse par se déchirer ?

Un autre problème m'a été évoqué par Thierry : le préjugé veut que l'archive électronique soit fiable, durable et même éternelle, le virtuel se croyant à l'abri des aléas du réel, l'électronique se défiant des incertitudes du physique. Et si le contraire était vrai ? Rien ne vaut le bon vieux papier pour conserver des données ! L'électronique est très rapidement à la merci d'un accident, un rien peut effacer la mémoire de vos fichiers, malgré l'accumulation des protections. Il y a une incroyable fragilité de l'informatique qu'ignore le papier, beaucoup plus sûr et certain.

Quand je constate que la philosophie a conservé, deux millénaires après, des fragments des Présocratiques et des Cyniques, je me dis que le papier est d'une extraordinaire résistance et que l'électronique aura du mal à l'égaler. C'est aussi pourquoi je veux mettre, après sélection et réorganisation, mon blog sur papier. Ce qui est également effarant sur le net, c'est le nombre d'épaves qui le jonchent, sites et blogs stoppés, non approvisionnés, un vrai cimetière, une décharge. C'est pourquoi je suis conforté à ne pas trop le fréquenter. L'internet est un outil précieux mais la vraie vie est ailleurs.


Bonne soirée,
et merci Thierry.

Le sens de la justice.

Bonjour à toutes et à tous.


Il y a la droite, il y a la gauche, des valeurs, des sociologies, des intérêts économiques différents, parfois opposés. Mais le sens de la justice est partout identique, qu'on soit de droite ou de gauche. J'en veux pour preuve cette scandaleuse suppression des allocations familiales dont j'ai parlé hier. Un homme de droite comme Alain-Gérard Slama, journaliste au Figaro, est tout autant heurté que moi par cette mesure inique qui fera la semaine prochaine l'objet d'un projet de loi. Cet homme a le sens de la justice.

Je l'ai entendu hier soir sur RTL, à la très bonne émission "On refait le monde". Ses arguments sont imparables :

1- On ne peut pas transformer ces allocations en punition ou chantage. Un droit ne se marchande pas, ne se mégote pas, il s'applique. Jamais il n'a été écrit dans la loi que l'absentéisme scolaire était une éventuelle cause de suspension des allocations.

2- Les allocations familiales sont une compensation financière : les parents qui déboursent pour l'éducation de leurs enfants sont ainsi soutenus. Mais cet argent n'a pas pour destination unique ou essentielle l'activité scolaire. Vêtements, nourriture, soins, loisirs, bref tout ce qui contribue à l'éducation d'un enfant est couvert par les allocations familiales. C'est donc une idée fausse de les rapporter à la vie de l'enfant à l'école, c'est donc une logique erronée qui conduit à supprimer les allocations pour la seule raison qu'un élève est absent. Car ce manquement par ailleurs répréhensible (mais pas de cette façon) à l'obligation scolaire n'empêche pas que les familles doivent continuer à nourrir, habiller et soigner leurs enfants, à faire face à de nombreux frais sans lien direct avec leur scolarité.

3- Va-t-on s'enquérir de ce que les familles bourgeoises font de leurs allocs (dont elles n'ont aucune nécessité puisque leurs moyens leur permettent sans problème d'assumer l'éducation de leurs rejetons) ? Bien sûr que non. Ce sont les familles pauvres qui font les frais de cette étrange rigueur morale qui ne s'applique qu'à elles.

Le sens de la justice peut être autant partagé par un homme de droite que de gauche, mais rarement par tout le monde, c'est le moins qu'on puisse dire. L'intérêt personnel prévaut souvent sur l'intérêt collectif. Ainsi, les sondages montrent qu'une majorité de Français, y compris de gauche, sont favorables à la suppression des allocs que propose Sarkozy. C'est pourquoi il la propose. C'est pourquoi aussi la lutte pour le faire reculer sera rude. Mais n'est-il pas vrai que la justice est un combat ?


Bonne fin d'après-midi.

22 avril 2010

Guerre de classes.

Bonjour à toutes et à tous.



La politique, c'est la guerre. Une guerre en temps de paix, sans blessés ni morts, mais une guerre quand même. Les partis constituent les états-majors de cette guerre, et les électeurs en forment les gros bataillons. Quel est le fonds de cette guerre ? La réalité sociale et ses clivages de classe. Tant que les quartiers riches préféreront la droite et les quartiers pauvres la gauche (c'est à nuancer dans le détail mais la tendance générale est incontestable), il en sera ainsi.


Nicolas Sarkozy a gagné en 2 007 parce que c'est un chef de guerre. Sa bataille homérique, celle à l'issue de laquelle il a conclu un pacte tacite avec une partie de l'opinion, ce sont les émeutes urbaines de 2 005. Il était alors ministre de l'Intérieur, et incapable pendant trois semaines de ramener l'ordre en France, sous les regards stupéfaits du monde entier. Dans n'importe quel autre pays démocratique, le ministre de la Police aurait démissionné et plus jamais fait parler de lui, après un échec aussi patent.


Sauf qu'en 2 005, Sarkozy a obtenu un sauf-conduit pour entrer deux ans plus tard à l'Elysée. Pourquoi ? Parce qu'une partie de l'opinion ne souhaitait pas, ne souhaite toujours pas que règnent l'ordre et l'autorité (pour ma part, j'y suis favorable, quoique fondamentalement anti-Sarkozy). Non, ce que l'opinion voulait, ce qu'elle veut encore, c'est la guerre. Contre qui ? Les pauvres et les immigrés. A l'automne 2 005, Sarkozy a déclenché cette véritable guerre sociale, qui est aussi une guerre idéologique.


Il a réussi à faire croire à de nombreux Français, y compris de gauche, que les pauvres étaient responsables de leur situation, qu'ils y prenaient même un certain plaisir et s'y complaisaient en toute liberté. Après ça, un bon "paquet fiscal" était prêt pour les riches ! Quant à l'insécurité, nous savons bien qu'elle n'a pas régressé ; en revanche, la guerre contre les jeunes immigrés s'est intensifiée.

Sarkozy ne recherche pas d'abord des résultats, il veut mettre en scène une guerre sociale, une revanche de classe. Son génie tactique, napoléonien, c'est de dresser les classes populaires, employés et ouvriers, et la petite classe moyenne contre les pauvres, chômeurs, précaires, allocataires en tout genre et immigrés. Voilà à quoi il doit sa victoire, c'est son Austerlitz à lui.


C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre ses deux dernières mesures : interdiction totale de la burqa et suppression des allocations familiales pour les parents des élèves absents. C'est la même veine qui est reprise : guerre aux pauvres et aux immigrés. Attention : je ne crois pas du tout que Sarkozy soit un salaud ou un raciste, je pense même que c'est un homme de droite qui essaie de faire de son mieux là où il est. Mais je l'ai rappelé au début de ce billet : la politique, c'est la guerre. Donc, à la guerre comme à la guerre !


Les socialistes, eux aussi, doivent faire la guerre, pas défensive mais offensive. Sarkozy et Bertrand veulent supprimer les allocs des familles pauvres et immigrées (parce que elles seules sont massivement concernées) ? Ripostons, proposons d'attribuer au contraire les allocations familiales sous conditions de ressources, aux seuls familles qui en ont vraiment besoin pour éduquer leurs enfants et pas à tout le monde.


Mon discours global n'est pas radical. Sur les retraites, je suis plus modéré, plus conciliant. Mais comme je l'écrivais hier , la gauche doit revenir à ses fondamentaux. Si elle n'est pas en première ligne dans la défense des pauvres et des immigrés, personne ne le sera à sa place.




Bonne journée.

21 avril 2010

Le retour aux fondamentaux.

Bonjour à toutes et à tous.


Copé l'avait demandé après la défaite de la droite aux régionales, Sarkozy l'a fait ces jours-ci : le retour aux fondamentaux, à un essentiellement, vieux comme la droite : l'autorité. Sous trois propositions :

1- La police dans les lycées. Pourquoi pas, ça ne me choque pas, même si ça m'attriste beaucoup d'être obligé, dans certains établissements, d'en arriver là. Quand je vois, à Saint-Quentin, des policiers intervenir dans la bibliothèque ou au cinéma, je suis choqué. Mais comment faire autrement lorsqu'il y a violence et délit ? Dans un lycée, un enseignant est chargé de la discipline dans sa classe, les surveillants de contrôler les élèves dans la cour et les couloirs. Seulement, certains faits relèvent de tout autre chose : le pur et simple maintien de l'ordre, qui dépasse très largement les compétences scolaires, qui est dévolue à la seule police.

2- La suppression des allocs quand les élèves sont absents. Là non, je m'oppose complètement, c'est un mauvais coup porté contre les familles les plus vulnérables, et qui le seront encore plus. C'est une mesure scandaleusement démagogique : on sait qu'elle frappera les familles pauvres, et parmi elles les familles d'origine étrangère. C'est donc inacceptable. Les élèves sont absents parce que les familles ne parviennent plus à les maîtriser et parce que leur environnement social, ravagé par le chômage, ne leur fait plus croire aux vertus et à l'utilité de l'école. Les allocations familiales sont un droit inaliénable, on ne doit pas y toucher.

3- L'interdiction de la Burqa dans tout l'espace public. Là encore, je n'accepte pas, pour des raisons que j'ai déjà développées sur ce blog. Je suis laïque, je crois que l'école doit être préservée des influences religieuses et politiques parce que les jeunes esprits doivent être protégés de tout embrigadement, mais dans l'espace public chaque citoyen doit être libre de manifester sa foi ou ses convictions comme il entend et de s'habiller comme il le souhaite, y compris en dissimulant la totalité de son corps au regard d'autrui. C'est un droit fondamental, on ne doit pas le restreindre. D'autant que là aussi, c'est une catégorie de la population qui est visée, donc discriminée.

A quand le retour aux fondamentaux de gauche ?


Bon après-midi.

20 avril 2010

Le mystérieux Club 33.

Bonjour à toutes et à tous.


Il y a une douzaine d'années, m'installant à Saint-Quentin et vadrouillant dans pas mal de milieux de la ville, j'ai rencontré un personnage truculent, excessif, avec lequel j'ai noué une sorte d'amitié, peut-être parce que j'étais très différent de lui, et lui très différent de moi. Il est depuis disparu mais j'ai gardé son souvenir, il m'arrive régulièrement d'y penser. J'appréciais chez cet homme ce que j'ai plus rarement rencontré par la suite : la franchise et la vraie générosité (celle qui n'attend rien en retour, qui n'est indexée sur aucuns intérêts).

Sa fréquentation m'était pourtant assez rude. Il me traitait fréquemment de "con de fonctionnaire" ou "abruti de socialiste". Je ne m'en offusquais pas. La susceptibilité est un sentiment chez moi étranger, inconnu. Au contraire, cette brutalité d'expression me plaisait. De son côté, je crois qu'il était flatté d'avoir à sa table un prof de philo (il n'y a pourtant pas de quoi, surtout moi !). Des camarades bien intentionnés me disaient : "Ne te montre pas avec lui, tu seras mal vu". Comme toujours avec les donneurs de leçons et de conseils, je les écoute très attentivement et je ne les suis absolument pas.

Cet étrange personnage, me voyant en militant hyperactif, me répétait souvent : "Mon petit Mousset, tu ne comprends rien à la politique ; à Saint-Quentin, tout se joue au Club 33 ; si tu n'y es pas, tu n'es rien" (lui bien sûr en était). Et il me citait quelques noms, la plupart que je ne connaissais pas à l'époque, d'autres qui n'étaient pas vraiment des personnalités politiques mais plutôt des notables, des professions libérales, formant une sorte de Rotary à la bonne franquette. Ça me faisait sourire, je ne croyais pas un seul instant que la vie politique locale se décidait autour d'une bonne table, entre potes, le dernier vendredi de chaque mois.

Les années ont passé, j'ai acquis une connaissance encore plus grande de la ville et de sa petite sociologie, mais plus jamais je n'ai entendu parler du mystérieux Club 33. Jusqu'à ce que je rencontre Ian Hamel, l'été dernier, en vue de son ouvrage sur Xavier Bertrand, où il en a été de nouveau question (voir pages 31 à 33, "Xavier Bertrand, les coulisses d'une ambition", L'Archipel, 2 010). Et là, ma perplexité s'est renforcée : ce Club 33 est décrit comme un invraisemblable mélange allant de la droite dure (le douteux Antoine Pagni est à l'origine) aux communistes. Mais je ne vois toujours pas très bien où est là-dedans la redoutable influence politique. Surtout quand j'apprends, p. 32, que le Club 33 s'est rendu le 9 juin 2 009 à l'émission radiophonique "Les Grosses Têtes" !

J'aurais pu en rester à cette perplexité, quand L'Express de cette semaine, dans son numéro spécial sur les Francs-Maçons dans l'Aisne, a consacré un article au toujours mystérieux Club 33, présenté comme "l'un des lieux d'influence de Saint-Quentin", et même "les yeux et les oreilles de Xavier Bertrand". Rien que ça ! Que faut-il donc en penser ? Où est le vrai, où est le faux dans cette histoire de Club 33 ?

Mon intime conviction est la même qu'il y a douze ans (ne dit-on pas que la première impression est la bonne ?) : c'est plutôt, à mon avis, une bande de copains socialement bien placés qui se font une bouffe entre hommes, qui doivent parler de politique et de femmes, se la jouant peut-être un peu en refaisant Saint-Quentin comme d'autres, dans les partis, refont le monde. Mais il n'y a pas de mal à ça. Le vrai mystère du Club 33, c'est de se demander pourquoi il passe pour mystérieux et influent.


Bonne journée.

19 avril 2010

Ne pas battre retraite.

Bonjour à toutes et à tous.

La retraite est le problème politique du moment, et pour longtemps. On en parle pourtant moins qu'il ne faudrait. Les socialistes vont en débattre demain, dans le cadre de leur Bureau national. J'espère que des décisions seront prises. Les Français nous jugeront sur notre degré de responsabilité et notre capacité de proposition en la matière. Mais tous mes camarades ne sont pas sur la même longueur d'onde. Ce n'est pas si grave, pourvu qu'il y ait arbitrage et que chacun s'engage à soutenir ce qui aura été retenu.

Martine Aubry, dans Le Monde du 15 avril, avance quelques idées : la retraite à 60 ans sera maintenue, le niveau de beaucoup de retraites est trop faible, les solutions sont nombreuses. Mais on fait quoi, après les constats et le rappel des principes ? Pour ma part, ma position est très proche de celle de Manuel Valls, qui se résume en trois points :

- Le Parti socialiste doit réagir sur ce sujet en organisation politique, pas en centrale syndicale.
- Il faut autant que possible rechercher un consensus national, parce que la question des retraites concernent tous les Français, de droite comme de gauche.
- L'accroissement de la durée de cotisation est la solution à privilégier.

D'autres camarades veulent mettre à contribution les revenus financiers. Pourquoi pas, la piste n'est pas à exclure. Mais elle ne me semble pas crédible. Pour deux raisons :

- Je ne crois pas que cette mesure suffira à satisfaire les 68,8 milliards d'euros dont le système aura besoin d'ici 40 ans. Qu'on ne me dise pas que cette supputation est aléatoire : il y a bien un problème de déficit, il se chiffre par milliards d'euros. Ou alors c'est que le problème n'existe pas !
- Par principe, les retraites reposent sur les cotisations des salariés, qui assurent ainsi l'autonomie des caisses de solidarité. Faire appel à un financement extérieur peut se comprendre, mais il ne respecte plus ce principe de solidarité voulu par les pères fondateurs.

Le Conseil d'orientation des retraites a remis ses travaux, le gouvernement consulte, il faut maintenant que le PS s'engage.


Bonne soirée.

18 avril 2010

Sarkozy sera candidat.

Bonsoir à toutes et à tous.


Ces derniers temps, il se murmure que Nicolas Sarkozy pourrait ne pas se représenter en 2 012. A droite certains le souhaitent, à gauche d'autres l'espèrent. Les premiers ont tort et les seconds se trompent. Je l'affirme haut et fort : Sarkozy sera candidat. Sans présomption de ma part : l'évidence est avec moi. J'explique :

Si ce n'est lui, Sarkozy, alors qui ? Juppé ou Villepin ? Un peu de sérieux, s'il vous plaît : leurs scores dans les sondages sont microscopiques. C'est bien beau de dire que Sarko plonge, il faut qu'un autre monte à la surface. Pour ces deux ex Premiers ministres, ce n'est pas le cas. En ce qui les concerne, c'est trop tard.

Copé ou Bertrand ? Pour eux, c'est trop tôt, ils sont encore un peu tendres. D'ailleurs les intéressés en conviennent, ils ne songent qu'à 2 017. Mais Fillon, ne serait-il pas, dans deux ans, the right man in the right place ? Il a pour lui l'ancienneté et la popularité. Dommage qu'il lui manque l'essentiel, c'est-à-dire l'envergure. C'est un brillant second, l'ombre parfaite du président, mais il n'est pas du bois dont on fait les premiers. Et cette matière-là est rare. Fillon rejoindra pour l'éternité la catégorie des Barre et des Balladur, ce qui n'est déjà pas si mal.

Sarkozy sera candidat parce que c'est un homme de pouvoir, fabriqué pour le pouvoir, presque né pour le pouvoir. Il a la politique dans la peau, il ne saurait vraiment rien faire d'autres, il n'a jamais rien fait d'autres pour le moment dans son existence. Et vous voudriez que cet homme-là lâche le pouvoir, le pouvoir suprême qui plus est ? C'est rêver ! Des hommes de pouvoir, j'en connais, à mon petit niveau : je sais d'expérience qu'il ne renonce pas même à une parcelle de leur pouvoir. Il n'y a que la mort qui peut leur faire lâcher prise.

Et puis, un candidat à l'élection présidentielle, ça ne s'improvise pas un an à l'avance (car c'est en 2 011 que le choix se fera). Voyez Mitterrand, Chirac et Sarkozy : l'ambition doit mariner pendant de longues années pour arriver à ses fins. En 2 007, Ségolène a pâti d'une ambition trop récente, tout comme Jospin en 1995. Dans n'importe quelle élection, le candidat qui sort d'une pochette-surprise n'a aucune chance de l'emporter.

D'où vient donc qu'une partie de la droite doute de la candidature du président ? De son échec aux régionales, rien que ça. Comme si une défaite en politique rendait impossible une future victoire ! Toute l'histoire nous dit exactement le contraire. N'oublions pas non plus que Sarkozy a remporté les européennes et que ça ne date que de l'an dernier. D'autant que ces élections régionales sont locales et que le taux d'abstention a été très fort. Pas de quoi effrayer Sarkozy sur ses propres capacités. Il est évidemment le mieux placé pour représenter la droite en 2 012. La fera-t-il cependant gagner ? Je ne le souhaite pas, mais nul autre que lui n'y parviendra.


Bonne soirée.

17 avril 2010

Associations menacées !


Freud est mort ?



Bonjour à toutes et à tous.


Libération qui fait sa "une" sur la parution d'un ouvrage, ce n'est pas fréquent ni banal. C'est le cas aujourd'hui, avec le dernier livre de Michel Onfray, "Le crépuscule d'une idole" (voir vignette ci-dessus). Le philosophe est fortement médiatisé, ses oeuvres se vendent très bien, sa popularité lui ouvre un public largement acquis à sa pensée. C'est aussi un intellectuel engagé, une des figures de la gauche radicale. En 2 007, son nom avait un temps couru pour représenter à la présidentielle ce courant, allant du NPA aux anarchistes. Autant vous dire qu'Onfray ne porte pas dans son coeur tout ce qui peut ressembler à un socialiste, réformiste, social-démocrate ... Mais c'est son droit, je ne m'en offusque pas.

De ce collègue, je pense néanmoins du bien. Tout prof de philo qui vulgarise la philosophie accomplit une action positive. Son Université Populaire de Caen s'inscrit dans le mouvement contemporain des cafés philo, j'approuve. Mes désaccords viennent du contenu de sa pensée : même si la référence à Nietzsche me plaît, les attaques d'Onfray contre la religion par exemple me paraissent excessives et parfois sommaires. Ce qui m'éloigne de lui, c'est sa radicalité, sa virulence philosophiques.

Plus précisément, je déplore que son attitude fortement critique ne débouche sur aucune pensée construite, cohérente, globale. C'est pourtant à cela que l'on reconnaît un philosophe : l'élaboration de concepts, la proposition d'un système ou d'une éthique. Je ne vois rien de tel chez Michel Onfray, je ne retiens que ses assauts polémiques. Le dernier en date frappe la psychanalyse, ce qui est plutôt surprenant. S'en prendre à la religion, c'est dans l'ordre des choses quand on se veut libre penseur. Mais le freudisme est une théorie progressiste, émancipatrice, moderne ...

Pourquoi pas ? Cependant, les contempteurs de Freud n'ont pas attendu Onfray, ils n'ont jamais cessé d'exister. C'est d'ailleurs la marque de toute authentique pensée que d'avoir de violents adversaires (voyez le marxisme ...). La psychanalyse, entre science et philosophie, mérite donc d'être soumise à la critique. C'est ainsi qu'une pensée peut se corriger et s'enrichir. Sauf qu'avec Onfray, nous assistons à tout autre chose : une accusation, une délégitimation de ce courant intellectuel considéré comme une "affabulation" (c'est le sous-titre de l'ouvrage).

L'impact qu'en donne aujourd'hui Libération, précédé la semaine dernière par Le Point, ne peut qu'inquiéter. Freud, avec Darwin, Marx et Nietzsche, fait partie des grands penseurs de la modernité. Son exploration du psychisme humain a probablement ses limites, mais elle est une géniale découverte qui a profondément marqué notre culture. Sa volonté de traiter la souffrance mentale a mené beaucoup de personnes sur la voie de la guérison. Je crains que le procès qui lui est fait ne soit une pure et simple contestation bien dans l'esprit de notre époque. Mais quand tout aura été détruit, que nous restera-t-il ? Dieu est mort, Marx est mort, aujourd'hui Freud ? Et demain, à qui le tour ?


Bonne soirée.

16 avril 2010

Défendons la parité !


15 avril 2010

Qui n'est pas franc-maçon ?



Bonsoir à toutes et à tous.


La lecture de L'Express, paru aujourd'hui, me laisse une impression de malaise. Le sujet est connu : le pouvoir politique des francs-maçons, en l'occurrence dans l'Aisne. J'ai beaucoup de respect et d'admiration pour cette école de pensée dont je me sens proche, de par ma sensibilité politique. Je pratique avec grand plaisir intellectuel les réunions maçonniques. C'est pourquoi je suis peiné de voir quelle image est donnée des frères dans ce dossier.

D'abord, il y a cet étalage de noms, alors que les obédiences font de la discrétion, du refus de l'ostentation, des principes fort vertueux. Pour diffuser de telles listes, il faut que des maçons aient parlé, qu'ils aient désigné d'autres frères, ce qui est contraire à leur règle.

Et puis, il y a malaise à constater que ces personnalités, grandes ou petites, sont pour la plupart des responsables politiques, généralement socialistes. A tel point qu'on en vient à se demander si les loges sont des écoles de sagesse ou de pouvoir. Où sont les personnalités du sport, de la culture, du monde associatif, du syndicalisme ?

Enfin, mon malaise vient du constat que certaines personnes mentionnées se détestent cordialement, se déchirent même parfois politiquement. D'où une impression de trompe-l'oeil, de faux semblant. Le maçon le plus célèbre de l'Aisne, c'est Xavier Bertrand : comment peut-il se retrouver avec ses frères qui sont par ailleurs mes camarades ? Je ne préjuge pas des effets positifs du travail symbolique, mais j'ai du mal à croire en une fraternité des adversaires. C'est peut-être parce que je ne suis que profane.

Ce qui est certain, c'est que dans le milieu qui est le mien, le fin du fin, le très chic, la distinction suprême, la grande originalité pourraient bien désormais de n'être pas franc-maçon, tant nombreux et banalisés sont ceux qui le deviennent.


Bonne soirée.

A Arthur et Simon.

Bonjour à toutes et à tous.


De retour de mes vacances berrichonnes, j'ai une petite pile de journaux locaux qui m'attend, vos commentaires auxquels je me dois de répondre quand il y a lieu et quelques rendez-vous à honorer. Mais de cette actualité saint-quentinoise, je retiens d'abord la naissance de deux nouveaux blogs politiques que j'ai parcourus, qui sont de bon niveau et de haute tenue (et je n'exagère pas quand on compare avec ce qui se fait ailleurs) : celui d'Arthur Nouaillat et de Simon Dubois-Yassa.

Vous les connaissez l'un et l'autre, ils interviennent régulièrement sur ce blog. Arthur et Simon partagent au moins deux points communs : ils sont lycéens dans le même établissement, le mien, Henri-Martin, ils sont nés à la politique en 2 002, en réaction à la victoire inattendue et désolante du Front National. Mais après, tout les sépare (et c'est très bien comme ça) : Arthur est de droite, chiraco-centriste, Simon est de gauche, responsable du SGL, Syndicat Général des Lycéens.

A l'un et à l'autre, j'adresse bien sûr toutes mes félicitations : la rédaction d'un blog est à la fois toute une aventure, un grand plaisir et un véritable travail. Leur présence sur la blogosphère saint-quentinoise ne pourra qu'être bénéfique, leur contribution enrichira la vie politique locale. C'est toujours une bonne nouvelle en démocratie ! Je suis certain que le Courrier Picard, dans sa page dominicale consacrée au web, répercutera ces deux heureuses initiatives.

Que Simon et Arthur me permettent, pour finir, de leur donner quelques conseils amicaux, de la part d'un blogger qui va bientôt terminer sa quatrième année de billets quasi quotidiens :

1- Ce qui compte n'est pas tellement de créer un blog mais de le rédiger dans la durée. Voyez le nombre de blogs ou de sites qui se sont ouverts, n'ont fonctionné que quelques temps et ne sont plus du tout approvisionnés : c'est effrayant ! En politique, ce n'est pas le coup d'éclat qui importe, ni l'événement qu'il faut privilégier : non, c'est la durée. Si vous savez, l'un et l'autre, vous inscrire dans le temps, vous serez reconnus, vous deviendrez invincibles.

2- Si vos blogs tiennent des paroles sincères et vrais, ils seront nécessairement attaqués. Ne vous en offusquez pas. Au contraire, prenez-le comme un hommage qui vous sera fait, un honneur qui vous sera rendu. On ne s'en prend qu'à ce qui dérange. Or, faire de la politique, c'est inévitablement déranger. Adoptez une attitude de solide indifférence, et à l'égard des imbéciles (qui sont toujours plus nombreux qu'on ne le croit), affichez un élégant et imperturbable mépris.

3- Faites de vos blogs des espaces d'échanges, de débats, de liberté, ne censurez aucun commentaire, sauf ceux qui contreviennent à la loi. Les propos idiots ou méchants (vous en aurez !), ne les redoutez pas, sachez qu'ils se détruisent d'eux-mêmes. Considérez-les comme des exemples très pédagogiques de ce qu'est la bêtise humaine. On ne progresse pas que par le bien mais aussi par le mal.

4- Restez-en au débat d'idées, écartez toute querelle personnelle, ne vous en prenez pas aux individus mais seulement à leurs propos. Soyez sans indulgence envers les puissants, les élus, les responsables : en République, ils sont mandatés, nommés, indemnisés aussi pour que les citoyens puissent les critiquer. Tout pouvoir, toute personne qui dispose d'une charge publique doivent être soumis au feu de nos questions et de nos réflexions. Ainsi va la démocratie.

http://blogdunduboisyassa.blogspot.com/

http://leblogdearthurnouaillat.blogspot.com/


Bonne journée.

14 avril 2010

Ah les mots ...

Bonjour à toutes et à tous.

La politique a toujours été une affaire de discours, et c'est normal. Mais elle devient de plus en plus, et c'est inquiétant, une querelle de mots. Prenez la polémique sur les "zones noires". Fillon est hier intervenu pour calmer de jeu. En faisant quoi ? Rien, strictement rien : l'Etat ne reculera pas, les zones resteront inchangées, leurs critères sont considérés comme "objectifs" et les conditions d'indemnisation conformes au marché. Alors ?

Alors Fillon a su "écouter", avec le ton modeste qu'il convient. Beaucoup de nos concitoyens ne demandent plus que ça, qu'on les "écoute". Pas nécessairement qu'on les comprenne, ce serait trop exiger ; encore moins qu'on leur propose autre chose, et Fillon n'a rien cédé. Mais qu'on soit "à l'écoute". C'est peut-être aussi ça, la "société du care" (voir billet de dimanche). Fillon est expert en compassion. Il a presque la tête de l'emploi. Sarkozy non : trop crispé, carré, tranchant, affirmatif.

Pour être "à l'écoute", il ne suffit pas d'écouter, il faut employer des mots caressants, rassurants, qui ne sont bien sûr que des mots. Mais qui demande des décisions ? Décider, c'est choisir, et donc fâcher, bref faire de la politique. "L'écoute", c'est le renoncement de la politique, c'est la victoire de la psychologie, qui aujourd'hui a tout envahi. Fillon a donc remplacé l'expression au coeur de la polémique, "zones noires", par "zones de solidarité". Et le tour est joué !

"Zone noire", c'est inquiétant, ça rappelle le malheur, la mort, le diable. Ça renvoie aussi à "liste noire", de sinistre mémoire. On se sent exclu, stigmatisé, discriminé. "Zone de solidarité", ça ne change politiquement rien et ça change psychologiquement tout. Ah les mots ...


Bonne journée.

13 avril 2010

Principes politiques.

Bonsoir à toutes et à tous.


De la déclaration de Thierry Vinçon dont je vous ai entretenu ce matin, je retiens quatre enseignements plus généraux qui valent pour tout homme ou action politiques :

1- La persistance de la mémoire : en politique, la page n'est jamais tournée tant que le problème n'a pas été réglé. On le croit disparu parce qu'il a été ignoré, refoulé, parce que ses protagonistes font comme s'il n'avait jamais existé. Il ne sert à rien en politique de faire semblant. L'oubli est une illusion. Le passé ne meurt pas. Tant qu'il n'a pas été soldé, il est toujours présent, revient d'autant plus violemment qu'il aura été longtemps nié.

2- Le pouvoir de la parole : quelques phrases ont suffi pour lever un lourd héritage. En politique, il ne faut jamais se taire. Le verbe est tout aussi important et efficace que l'acte. Et pourtant, ils sont nombreux en politique à se taire, à accepter, à suivre, en pensant que leur mutisme et leur soutien seront récompensés. Ils n'ont d'ailleurs pas complètement tort. C'est souvent le prix à payer pour réussir en politique. Mais il est aussi permis de ne pas raisonner ainsi : je préfère pour ma part un coup de poing dans la gueule qu'un silence de mort c'est bien sûr une image).

3- Le rôle de la durée : il faut du temps et beaucoup de patience pour qu'une vérité surgisse en politique. Elle a beau être vite connue, il faut attendre souvent longtemps pour qu'elle finisse par s'imposer, être admise. A Saint-Amand, dans l'affaire Papon, il aura fallu trente ans.

4- La suprématie des convictions : rien n'obligeait Thierry Vinçon à faire ce qu'il a fait. Il aurait été plus confortable pour lui de se couler, comme beaucoup, dans une prudente et facile lâcheté. Il avait même quelque bonne raison à ça : la fidélité à son frère, qui jusqu'au bout a soutenu Maurice Papon. Ce qui me semble détestable en politique, c'est quand la solidarité du clan passe avant la défense des convictions. Aucun lien, quel qu'il soit, familial, amical ou fraternel, ne doit conduire à sacrifier ses idées. C'est ce que Thierry Vinçon a su démontrer, dans une affaire certes gravissime et même tragique. Mais il est recommandé d'appliquer ce principe, celui de la suprématie des convictions sur les intérêts individuels et les complicités collectives, aux choix et actions de la vie politique la plus ordinaire.


Bonne soirée.

PS : en vacances depuis samedi dans le Berry, je n'ai consulté ni répondu aux commentaires. Je le ferai à partir de demain soir, à mon retour.

Une histoire d'honneur.


Bonjour à toutes et à tous.


Saint-Amand-Montrond, ma ville natale où je passe quelques jours de vacances, est une cité tranquille, un coin du Berry qui n'a jamais vraiment rencontré l'Histoire. Les rues sont coquettes, la crise économique est moins visible qu'ailleurs, je me demande par moment si, ici, nous ne serions par hors du temps. La seule fierté est géographique : cette petite ville est considérée comme le centre de la France. C'est peut-être pour ça qu'elle est en dehors de l'Histoire : le centre est un lieu immobile, c'est le reste qui bouge, et parfois très vite.

Mais ces considérations sont théoriques : en réalité, l'Histoire nous rattrape plus rapidement qu'on ne le croit, et aucun territoire de France n'en est exempt. Ce qui laisse croire le contraire, c'est l'oubli ou le refoulement des événements. Pourquoi vous raconter tout ça ? Parce que le hasard de ma venue à Saint-Amand a coïncidé avec la réunion du conseil municipal, où le maire, Thierry Vinçon, a tenu des propos qu'on peut qualifier d'historiques au niveau de la ville, à propos de l'un de ses prédécesseurs, dont le nom vous dira j'en suis sûr quelque chose : Maurice Papon.

Car Saint-Amand a sinistrement croisé l'Histoire avec ce personnage. C'était en juin 1968, la France avait échappé de peu à une révolution, le parti de l'Ordre, l'UDR, envoyait ses hommes se présenter aux élections législatives pour combattre la "chienlit". Dans la circonscription de Saint-Amand, cet homme que nous ne connaissions ni d'Eve ni d'Adam s'appelait Papon, et il en est devenu le député. Pourquoi ? Parce que la France avait peur et que Papon était un "monsieur", portant beau, parlant bien, venant de Paris, ce qui est synonyme de notoriété et de subventions, dont le Berry un peu perdu a bien besoin.

En 1971, le "monsieur", air très digne, costume impeccable et cheveux blancs, est devenu Monsieur le Maire, jusqu'en 1983. Et, comble du bonheur, Maurice Papon, sous Giscard, est nommé ministre du Budget ! Imaginez un peu : cette petite ville de 11 000 habitants, oubliée par l'Histoire, avait désormais "son" ministre, et par n'importe lequel : celui qui gère la cassette de la France !

Saint-Amand aurait pu se féliciter d'avoir ainsi adopté "sa" personnalité, au lieu de remettre son destin comme auparavant entre les mains d'un notable du cru, pharmacien gaulliste au instituteur socialiste. Sauf que ma ville a joué de malchance, elle a rencontré l'Histoire par son très mauvais côté : il a été découvert que Maurice Papon, grand serviteur de l'Etat, l'avait été si bien, si consciencieusement, si servilement qu'il avait participé à la déportation des juifs pendant la guerre et à la répression des algériens au début des années 60.

Ainsi Saint-Amand entrait dans l'Histoire, faisait parler d'elle, apparaissait dans les journaux nationaux ou à la télévision. Mais d'une façon dont tout le monde se serait volontiers passé : de quoi vous faire regretter de ne pas rester délaissé par l'Histoire ! Certes, en 1983, Papon a laissé sa place, mais à son dauphin, Serge Vinçon, qui, pas ingrat, le soutiendra jusqu'à sa disparition, il y a environ deux ans.

Thierry Vinçon, le frère, a pris la relève et est à son tour devenu maire. Lui aussi est un "monsieur", mais qui est né d'une famille modeste dans une ferme du Berry. Il a fait Saint-Cyr et, comme Papon, il est devenu préfet, dans le Tarn. Aujourd'hui, il est à l'Elysée conseiller technique à la sécurité intérieure. Un "monsieur", je vous dis, mais qui a commencé petit. Et à la différence de Papon, Vinçon Thierry est un homme d'honneur : ce qu'il a fait vendredi en conseil municipal, ce qu'il a dit dans le Berry Républicain d'hier resteront en mémoire.

En effet, le maire de notre ville a lavé et levé l'affront, l'indignité de la période Papon, par des paroles définitives et jamais prononcées avant lui : "Il est temps d'honorer celle et ceux qui se sont conduits comme des héros (...) Il faut montrer que pendant la guerre, les gens ont eu le choix de combattre la lâcheté (...) Le passé de Maurice Papon a assombri l'histoire de la ville (...) Nous n'avons pas à assumer le poids de ce qu'a fait ce monsieur [Maurice Papon]".

Joignant les paroles aux actes, Thierry Vinçon a annoncé la création à Saint-Amand d'une esplanade des Justes, qui sera inaugurée le 5 mai prochain, en présence de la télévision israélienne. Saint-Amand renoue avec l'Histoire, cette fois dans la lumière et non plus dans l'ombre. Le plus stupéfiant, c'est que jamais ma ville n'avait quitté l'Histoire : le 6 juin 1944, elle s'est libérée toute seule, sans l'aide des Alliés. Ici, chez moi, la Résistance a été extrêmement active, exemplaire, glorieuse, un livre de l'historien Todorov, "Une tragédie française", lui a même été consacrée. Un nom, un seul nom, Papon, a suffi à tout faire oublier. Un homme, un seul homme, Thierry Vinçon, a suffi à tout ramener, tout racheter. Un homme d'honneur qui a sauvé l'honneur d'une ville.


Bonne journée.

11 avril 2010

La "société du care".

Bonsoir à toutes et à tous.

Drôle d'article, à propos du Parti socialiste, dans le Journal du Dimanche de ce week-end. A partir d'un entretien avec Laurent Fabius et d'une référence à Benoît Hamon (dont le courant se réunissait samedi), le journal se croit autorisé à affirmer que le Parti se radicalise en vue des prochaines présidentielles. Où a-t-il vu ça ? Les travaux préparatoires de Pierre Moscovici à la première convention qui va entamer la construction de notre projet l'attesteraient. Je veux bien, mais Mosco est un social-démocrate pur jus, je ne le vois pas proposer une hypothétique ligne radicalisée.

Surtout, dans le même article, il y a une partie consacrée aux nouveaux concepts que Martine Aubry compte mettre en avant pour asseoir idéologiquement ce projet. Et là, on est très loin d'un quelconque socialisme traditionnel, à tel point que j'en serais presque inquiet (mais les conventions à venir permettront aux socialistes d'en débattre collectivement). L'idée principale, c'est la "société du care". Je ne suis pas chauvin mais je me dis que l'héritage théorique de la gauche française est suffisamment riche pour ne pas aller chercher un concept anglo-saxon.

C'est quoi au juste ? Martine le dit : "La société doit prendre soin des gens, mais on doit aussi prendre soin les uns des autres, faire attention aux personnes âgées isolées, aux enfants et prendre soin de la société". Je comprends, ça ne mange pas de pain, mais ça ne me convient cependant pas. Le socialisme réduit à une maison de retraite ou une garderie, non merci ! Mosco, il y a quelques temps, avait souhaité une société "plus douce". Soin, douceur, care ou soft, ce n'est pas mon vocabulaire ni ma gauche !

En lisant ça, j'ai l'impression que Martine se ségolénise (on est donc fort loin de la radicalisation à l'ancienne !). Ce n'est certes pas une maladie, mais une direction politique, un choix idéologique à discuter, car il n'est pas le seul. Quant à moi, je reste un increvable social-démocrate, et pas un moderniste du socialisme : je crois qu'il faut parler réformes, défense des salariés, progrès social, lutte contre l'exploitation, réduction des inégalités, élimination de la pauvreté, extension des libertés, relance de l'emploi mais pas de "douceur" ou de "soin". Le socialisme câlin, même si la métaphore est pleine de bonnes intentions, ce n'est pas mon registre.


Bonne soirée.

L'Eglise et la pédophilie.

Bonjour à toutes et à tous.


La semaine passée a été dominée par le débat autour des cas de pédophilie dans l'Eglise catholique. Ce débat public, relayé par les médias, a montré les limites et les faiblesses de ce qu'est devenu en France tout débat public : données incomplètes, méconnaissance du sujet, arguments fallacieux, médiocrité du contenu, conformisme ambiant. A vrai dire, il n'y a plus aujourd'hui de débat digne de ce nom, mais seulement des polémiques, dont la durée de vie est au mieux hebdomadaire. Trois aspects ont retenu mon attention :

1- La teneur des propos laissait croire que l'Eglise catholique était plus ou moins devenue un repaire de pédophiles. Les chiffres avancés se contredisent, aucune statistique ne semble fiable. Et pour cause : la pédophilie est élevée au rang de crime abominable que depuis une vingtaine d'années, nous savons hélas que ce mal existe mais il est difficile d'en mesurer l'ampleur. Veillons donc à ne pas accabler une institution, l'Eglise, mais respectons les règles de droit : la responsabilité des actes ne peut être imputée qu'à des personnes, pas à une collectivité. En la matière, les commentaires ont largement outrepassé ce principe. Je crains qu'on ne s'en prenne à l'Eglise comme on s'en prendrait à n'importe quelle institution, puisque c'est dans l'air du temps : Ecole, Armée, etc.

2- Laisser croire que les autorités religieuses, inspirées par la loi du silence, protégeraient les pédophiles, exerceraient même une indulgence à leur égard me paraît également abusif. L'Eglise, comme l'Ecole, comme l'Armée, comme un parti politique, pense qu'il vaut mieux régler ses affaires "en interne", laver son linge sale en famille, comme on dit. Je crois que c'est un grave tort. Ce n'est pas pour autant que l'Eglise se montre volontairement complice avec des criminels. Je suis surpris, dans ce débat, que personne ne fasse remarquer qu'un prêtre violeur ou manipulateur d'enfants renie ses propres valeurs évangéliques, bafoue son sacerdoce, détruit sa raison d'être.

3- Mais le plus aberrant que j'ai pu entendre à ce sujet, c'est de lier la pédophilie au célibat des prêtres. Comme si un célibataire était un pédophile en puissance ! Comme s'il suffisait de se marier pour ne plus l'être ! Si l'affaire n'était pas gravissime, on pourrait presque rire d'une telle connerie, qui en dit long sur l'image que se fait notre société sur la sexualité : des pulsions qui doivent être satisfaites, si ce n'est avec des adultes, alors avec des enfants, et pourquoi pas, à défaut, des animaux ! C'est choquant et, là encore, personne ne semble s'en choquer, sans doute parce qu'une telle pensée demeure implicite. Le prêtre est d'autant moins soupçonnable dans son célibat que celui-ci est normalement choisi, assumé et en quelque sorte sublimé par sa foi.

J'ai l'impression que notre société, par certains côtés, est devenue folle d'avoir découvert en son sein, le plus souvent dans le secret des familles, un crime caché depuis des siècles. Pire que ça : une terrible violence acceptée, refoulée, en un sens excusée. Il ne faudrait pas qu'aujourd'hui, où nous avons la claire conscience de ce crime et du juste châtiment qu'il doit recevoir, nous tentions de l'exorciser en allant chercher des boucs émissaires, éducateurs, instituteurs ou prêtres, quand c'est toute une société qui est responsable de son aveuglement et quelques individus qui sont coupables d'actes criminels.


Bon dimanche.

09 avril 2010

La deuxième tempête.

Bonsoir à toutes et à tous.


Il y a des tempêtes politiques qui sont aussi terribles que des tempêtes naturelles. J'ai l'impression que c'est ce que nous constatons depuis hier. Les décisions qui ont suivi le désastre occasionné par Xynthia ont provoqué des réactions extrêmement violentes, fortement relayées par les médias, télévisions, radios et journaux. A chaque fois, la tonalité est la même, et impressionnante : l'Etat et les collectivités, à tout niveau, sont violemment remis en question, dans une sorte de procès populaire, d'inquisition sauvage.

Que leur reproche-t-on ? Incompétence, surdité, aveuglement, irresponsabilité, autoritarisme, inhumanité, ... A aucun moment, dans ce que j'ai vu, entendu et lu, la parole n'est donnée à ces représentants de l'Etat, de l'administration, des collectivités, ni aux spécialistes en matière d'urbanisme. Le verdict semble arrêté, brutal : tous coupables ! De quoi ? De détruire, de construire, de décider, de faire soi-disant n'importe quoi.

Le fond, je ne le connais pas. Pas plus que ne le connaissent ceux qui gueulent et qui ont sûrement leurs raisons. Mais pourquoi notre société, par médias interposés, se range-t-elle systématiquement du côté des victimes ? Comme si une victime, parce qu'elle est victime, avait nécessairement la vérité avec elle et pour elle. Comme si les institutions, les structures officielles, les responsables, les élus étaient disqualifiés par le fait de n'avoir pas subi les affres de Xynthia. Nous vivons dans une société encore chrétienne : la souffrance demeure un argument, le "vécu" est un atout majeur, le sentiment ne saurait mentir.

Qui sont les rois, les héros, les saints des temps contemporains ? Les "simples citoyens". Dans une réunion publique, présentez-vous comme un militant ou, pire, comme un élu, un dirigeant de quoi que ce soit : c'est immédiatement l'indifférence, le soupçon et très vite l'accusation. Mais quand un quidam se présente comme "un citoyen de base", la salle fait silence, écoute religieusement et généralement applaudit, même quand le quidam dit n'importe quoi.

L'idéologie moderne, ce n'est pas le libéralisme ou le socialisme, le nationalisme ou la révolution : non, c'est le citoyennisme. Son principe est simple : tout citoyen, en tant que citoyen, d'autant plus s'il est victime de quoi que ce soit, ne peut que tenir des paroles de vérité, sur lesquelles il convient de s'aligner. Voilà le conformisme, la pensée unique d'aujourd'hui, que personne n'ose dénoncer, comme il se doit pour tout véritable conformisme et pensée unique. Le plus étrange, c'est que les victimes de cette idéologie actuelle, élus, militants, représentants, ne la dénoncent pas, souvent la reprennent à leur compte. Nous qui sommes libres, nous n'acceptons pas cette pression psychologique, ce préjugé moral, cet a priori idéologique.


Bonne soirée.


PS : à partir de demain et pour quelques jours, je serai dans mon cher Berry. Ne vous étonnez donc pas s'il y a une interruption des billets. Ne vous impatientez surtout pas : je ferai en sorte que le désagrément soit très provisoire.

08 avril 2010

Mon oncle d'Amérique.



Bonsoir à toutes et à tous.


Le dernier numéro du Point a consacré son dossier à DSK. Bof ... Rien de bien nouveau. C'est une sorte de publi-reportage à destination des classes moyennes supérieures, qui se délassent le week-end en lisant Le Point. Il faut penser aussi à ces catégories, qui ont un poids électoral non négligeable. Même si le problème de DSK, en matière d'image et de convictions, est plutôt du côté des ouvriers et employés. Il nous reste deux ans pour corriger ça.

Qu'est-ce qu'on retient ? Que Strauss, c'est l'oncle d'Amérique, celui qui peut revenir avec un joli pactole : les moyens de gagner. Ca fait évidemment réfléchir pas mal de socialistes, surtout ceux qui ne sont pas strauss-kahniens. Un os cependant : les primaires. On sent que ce n'est pas trop le truc de DSK : "savoir si je vais m'inscrire aux primaires pour être le candidat du PS ! C'est un peu décalé, non ?" On ne va pas faire monter sur le même ring des poids coqs et un poids lourd. Il y a des carnages dont on peut se passer.

"Moins on parle, plus on vous aime", confesse DSK. Certains, en politique, finissent même par ne plus rien dire du tout pour se faire élire. Strauss avance, lui, par petites touches, par petites phrases. Celle-là par exemple : "Est-ce que je me sens mieux préparé aujourd'hui que je ne l'étais en 2 007 ? La réponse est évidemment oui". Je n'en doute pas. Le fond de l'affaire, ce n'est pas DSK, c'est le PS. Le Point dit très bien le challenge : "Si DSK se décide à faire de 2 012 un objectif, il sait bien qu'il devra imposer à la gauche le tournant de la social-démocratie. Il sait aussi que ce ne sera ni aisé ni suffisant".

Mais ce n'est pas désespéré. Mon avis, c'est que Ségolène en 2 007 a ouvert la voie et tracé le chemin. Certes elle n'est pas social-démocrate, mais elle a tourneboulé les repères traditionnels du PS. Avec elle, après elle, nous ne serons plus les mêmes. Strauss, quoique différemment, creusera ce sillon-là, qui ne pourra plus jamais se refermer.

Et les strauss-kahniens dans tout ça ? Bin on attend, l'arme au pied, sans en faire trop, sans se faire remarquer. Nous savons que bientôt, si tout se passe bien, tous les socialos seront strauss-kahniens, sauf la minorité de gauche, mais chez elle c'est génétique. Et les strauss-kahniens historiques dans mon genre seront très vite submergés, oubliés, sacrifiés. C'est une loi implacable de l'Histoire. Voyez les plus proches compagnons de Lénine : ils ont été les premières victimes du communisme. Je le sais et je m'en fiche : un militant, même social-démocrate, est une sorte d'ascète.

Pour le moment, nous sommes divisés en trois clans : les historiques, autour de Cambadélis et Borgel, meilleurs soutiens d'Aubry (j'en suis, j'ai toujours aimé l'Histoire) ; les ralliés à Delanoë, Destot le maire de Grenoble en tête (dans l'Aisne, c'est mon ami Pierre, qui a eu sa place aux régionales : bien joué, mais la partie n'est pas finie, eh eh) ; les partisans de Moscovici (un autre Pierre, prêt à participer aux primaires).

Désolé : les seuls qui comptent, ce sont les miens, les historiques, parce qu'ils sont dans la direction du PS à des postes-clés. Quant aux militants locaux comme moi, nous sommes un peu comme les taupes dans les romans de John le Carré : en sommeil pour le moment, actif quand il le faudra. Nous attendons le signe. Il viendra.


Bonne soirée strauss-kahnienne.

07 avril 2010

Les démons de la rumeur.

Bonjour à toutes et à tous.


La vie politique a toujours été faite de rumeurs. On parle plus volontiers aujourd'hui de "casseroles" (drôle d'expression, qui rapproche la politique de la cuisine !). Une rumeur est une affirmation fausse qui se prétend vraie. Quand la vérité ne suffit pas à abattre un adversaire, il est tentant d'avoir recours au mensonge. En la matière, "plus c'est gros mieux ça passe" (je crois que la formule est de Chirac). Professionnellement, je m'intéresse depuis longtemps au phénomène de la rumeur, son processus, sa signification. Celle dont on parle depuis quelques jours ne me laisse donc pas indifférent.

Ce qui est surprenant, c'est que son contenu, un double adultère au niveau de l'Etat, est assez banal, insipide. Généralement, en matière de sexe, la rumeur politique remue plutôt des perversions. Sinon, elle s'en prend à d'autres vices (alcoolisme, corruption). L'infidélité ressort de la comédie de boulevard. On ne fait pas une vraie rumeur avec une histoire d'amant dans le placard ou de maîtresse sous le lit.

Ce qui est surprenant aussi, c'est que l'Etat n'est pas resté insensible à cette rumeur, alors que le personnel politique réserve généralement ses commentaires pour les dîners en ville ou les confessions d'alcôve. On ne s'exprime pas publiquement sur une affaire de cocus, on laisse filer, on n'y prête pas attention, on méprise. D'autant que dénoncer une rumeur produit toujours un contre-effet : elle est ainsi reconnue, validée, amplifiée. Là, un conseiller du chef de l'Etat a pris la parole, une ancienne ministre de la Justice a été impliquée et a riposté, l'Elysée a donné son point de vue. Bref, la rumeur est sortie du caniveau pour entrer sur la place publique.

A Saint-Quentin, deux rumeurs politiques ont pris corps ces dix dernières années (je mets de côté les racontars, qui sont légion mais n'ont pas la densité ni la persistance d'une rumeur). Ian Hamel les évoque dans son ouvrage "Xavier Bertrand, les coulisses d'une ambition". L'une vise un homme de droite, l'autre une femme de gauche. Vincent Savelli, maire-adjoint puis vice-président de l'agglomération, était accusé de "moeurs dissolues" (pp. 148-153) tandis qu'Odette Grzegrzulka, députée socialiste, se voyait reprocher d'être "alcoolique" et "lesbienne" (p.61).

Dans ce genre de ragots, il est difficile de répondre. Que voulez-vous opposer au grand et malveillant n'importe quoi ? En l'occurrence, le témoignage personnel est la seule efficacité, après bien sûr l'indifférence. Il se trouve que je connais les deux protagonistes. Si Savelli était ce que la rumeur prétend, il y a fort longtemps qu'il aurait eu des difficultés sur son lieu de travail, qui est aussi le mien. Or je peux l'attester : c'est un homme d'une conscience professionnelle irréprochable, et très apprécié. Quant à ma camarade Odette, son compagnon suffisait à démentir la sotte rumeur et je ne l'ai jamais vu abuser d'alcool.

Alors se pose la question : d'où vient la rumeur, qu'est-ce qui peut lui donner une consistance et même une vraisemblance ? La réponse est complexe. Il y a des rumeurs qui ne prennent pas, qui disparaissent très vite, d'autres qui s'enracinent, s'accroissent. Pourquoi ? Dans le cas Savelli, une origine est désignée par la victime : l'entourage d'Antoine Pagni, personnage trouble (p.153). Pour Odette, la source est moins précise.

Les circonstances jouent aussi leur rôle, qui consiste à hélas accréditer le mensonge. Les socialistes saint-quentinois n'ont pas de local, nous nous réunissons dans des cafés. Le lien abusif s'établit donc aisément. A quoi s'ajoute la mauvaise image véhiculée par certains élus de gauche par le passé, pourtant sans rapport aucun avec Odette. Quant à l'homosexualité, il suffit de n'être pas mariée, de ne voir son compagnon que les week-ends et l'imagination, encouragée par les adversaires politiques, fait le reste.

Face à la rumeur, il faut être intraitable, et chacun d'entre nous, militants politiques, doit se sentir responsable. Pour ma part, quand un camarade évoque devant moi, plein de bonnes intentions évidemment, des bruits de chiottes, je le stoppe immédiatement, et je le juge sévèrement : il ne faut avoir rien à dire, ou être animé par la méchanceté, pour descendre ainsi dans les marécages.

La seule consolation de la rumeur, c'est qu'elle honore celle ou celui qui est visé, en même temps qu'elle cherche à le déshonorer. En effet, la rumeur, en affirmant n'importe quoi, ne désigne pas n'importe qui. Quelqu'un de secondaire ou d'insignifiant ne sera jamais la proie de la rumeur. Vincent Savelli gênait à droite, Odette Grzegrzulka a représenté un espoir pour la gauche, ils étaient l'un à l'autre des personnes à abattre. Sous l'Antiquité, on utilisait le poignard ou le poison. Avec la rumeur, nous avons tout de même fait des progrès, mains ce n'est toujours pas acceptable.

En ce qui me concerne, je suis un peu chagriné : on me critique beaucoup, mais aucune rumeur ne vient me discréditer. J'en prendrai presque ombrage, j'en deviendrai jaloux. J'aimerai à mon tour être distingué par la rumeur. Mes adversaires ont pourtant le choix : sexe, argent, excès en tout genre. Il leur suffit d'avoir un peu d'imagination. Est-ce trop leur demander ? Je ne veux pas lancer un concours, mais enfin ... Car la meilleure façon de dissoudre une rumeur, c'est encore d'en rire.


Bonne journée.

06 avril 2010

Le réac de service.

Bonjour à toutes et à tous.


J'aime beaucoup Eric Zemmour. Je ne suis jamais d'accord avec lui mais je l'aime beaucoup. Sa chronique sur RTL débute souvent ma journée. C'est tonique, intelligent et souvent complètement faux. Mais c'est franc. Zemmour est un homme libre, un franc-tireur, le réac de service. Personne d'autres que lui n'occupe ce créneau, qu'il assume avec brio. Il peut même m'arriver de reconnaître que sur certains points il ait raison. C'est tout de même assez rare.

Zemmour est ce qu'on appelle un anticonformiste, ce qui correspond à toute une tradition de la droite française. Politiquement, je le classerais parmi les anarchistes de droite, une espèce inhabituelle mais plus répandue qu'on ne le croit. Ni vraiment libéral, ni franchement gaulliste, la droite officielle, bien-pensante et respectable s'en méfie. Car il arrive à Zemmour d'aller par moment trop loin. Et puis, la droite n'aime pas passer pour réac, ce qu'elle est pourtant. Elle s'assume beaucoup moins que la gauche.

Le rôle que tient Zemmour n'est pas nouveau. Depuis que je m'intéresse à la politique, j'ai toujours connu ce positionnement, tenu par des intellectuels, journalistes ou écrivains. Dans les années 60, c'était Michel Droit, gaulliste servile et catholique intransigeant. Dans les années 80, Jean Cau jouait au caniche dans Paris-Match. Il avait retenu de son ex-maître Sartre la fameuse formule: "Tout anticommuniste est un chien", qu'il retournait en qualifiant toute expression de gauche de chiennerie. Puis est venu le temps de Jean Dutourd, à l'époque glorieuse des années Mitterrand. La gauche venait d'arriver au pouvoir, avec les communistes de surcroît. Il fallait faire donner l'artillerie lourde. C'était Dutourd.

Chaque réac de service a son style. Droit, c'était le réac aux ordres, Cau le réac hargneux, Dutourd le réac délicieux. Zemmour, c'est le réac trublion. La gauche ne doit pas regretter leur existence, mais au contraire la solliciter. Elle a besoin de son réac de service, comme le roi avait l'utilité de ses bouffons. Par ses excès, le réac de service est un indispensable contrepoint à la gauche. Comme dans les commentaires de ce blog, le fêlé délirant, le gaucho vindicatif ou l'UMP balourd me sont autant de faire-valoir.


Bonne journée.

05 avril 2010

Qui a le pouvoir ?

Bonjour à toutes et à tous.


Quand j'entre dans une salle, quand j'assiste à une réunion, quand je vois des êtres humains rassemblés, je me pose d'instinct la question : qui a le pouvoir ? Car il n'y a pas de collectivité sans direction. Et je me surprends de plus en plus à ne pas répondre immédiatement. C'est compliqué, de savoir qui a le pouvoir. Celui qui parle ? Pas nécessairement. Le plus intelligent ? C'est discutable. Le plus malin ? Peut-être ? Celui qui a l'argent ? C'est possible. Celui qui se tait ? Pourquoi pas ! Le plus entouré ? Sans doute. J'en viens même à me demander si ceux qui sont au pouvoir ont le pouvoir, c'est vous dire ...

Plus j'avance en âge, en réflexion et en expérience, plus je pense que le pouvoir est une alchimie complexe, un composé de flux, de tendances qui parviennent difficilement à l'équilibre, un précipité qui constitue une harmonie précaire. En tous cas, la conception du pouvoir incarnée dans un "chef" qui serait le patron, si elle a l'avantage de la simplicité et de la vraisemblance, me semble très éloignée de la vérité. Le pouvoir n'est pas un mais multiple, et tout l'art de la politique est d'accorder cette multiplicité.

Ce qui me conduit ce matin à vous confier cette réflexion, c'est la lecture de la chronique de Jacques Julliard dans le Nouvel Observateur, à la suite de la victoire socialiste aux régionales. Je cite le passage qui m'intéresse ici :

"Il y a désormais - il y a toujours eu - deux partis socialistes (...). Un parti de maires, de conseillers généraux et régionaux, gestionnaire, notabiliaire, provincial, un peu rustique, si vous voulez, mais solide et antidérapant. Et un autre, parisien, ou plutôt national (...) frivole, snob, mythomane, nervosiste et même hystérique, que les ambitions recuites, combinées au système présidentiel, ont littéralement dévergondé."

Si ce n'était Julliard l'auteur de ces lignes, je les aurais traitées par le mépris. Mais venant de lui, homme de gauche, témoin de notre époque et intellectuel de renom, le propos mérite d'être considéré et médité. Là où je ne suis pas d'accord, c'est dans cette distinction entre un bon parti socialiste, forcément d'en bas, et un mauvais parti socialiste, fatalement d'en haut, avec tous les clichés qui s'ensuivent sur la base contre l'élite.

Il se trouve que je fréquente les deux, que je connais Saint-Quentin et Paris, qu'il n'y a pas d'un côté les purs et de l'autre les corrompus. La mythomanie existe dès qu'on approche du pouvoir. C'est vrai à n'importe quel niveau, y compris le plus modeste strapontin de conseiller municipal. A la direction du parti, les ambitions sont certes féroces, mais la dimension intellectuelle leur donne une perspective qui est rarement présente dans les échelons inférieurs, où il s'agit plutôt de remporter des places, d'assurer des tâches de représentation à la tête des collectivités, le travail et les décisions étant la plupart du temps à la charge des administrations.

D'où ma question initiale : qui a le pouvoir, qui dirige et décide vraiment dans le parti, qui exerce réellement une influence ? Je préfère d'ailleurs le terme d'influence à celui de pouvoir, car personne n'a précisément le pouvoir, mais certains ont une influence plus ou moins grande. Avoir le pouvoir, c'est être un agent d'influence. On mesure ainsi l'importance des uns et des autres par leur degré d'influence, pas toujours évident à évaluer. Il faut décrypter plus que constater.

Qui a le pouvoir, au sens où je viens de le définir ? Au PS, ce sont ceux que j'appelle les grands élus, patrons des exécutifs territoriaux et parlementaires. On présente souvent mon parti comme un parti d'élus. Je préciserai : un parti de grands élus. Le conseiller municipal, général ou régional, même adjoint ou vice-président, n'a pas le pouvoir, il répète et suit. C'est en s'élevant aux présidents ou parfois premiers vice-présidents, aux maires des grandes villes et aux députés qu'on atteint le disque dur du pouvoir, dont les autres strates ne sont que la périphérie subordonnée et obéissante.

On croit souvent, à tort, que les courants font la loi au PS. Non, les courants sont bien souvent des prétextes. Un élu ou une section peuvent d'ailleurs, sans état d'âme, passer d'un courant à l'autre, quand il y a des enjeux de pouvoir. La lecture des dix premiers candidats, tous élus, de la liste axonaise des régionales confirme la thèse. Si l'équilibre des sensibilités est à peu près respecté, si les territoires sont à peu près représentés (sauf le sud), si les partenaires figurent ( deux Verts, un PRG, un MRC), la clé d'explication de la liste se trouve dans la présence implicite mais très visible des grands élus.

A cet égard, l'absence de la cinquième circonscription est logique (en même temps que déplorable) : à Château, nous avons perdu, nous n'avons plus aucun grand élu (Dominique Jourdain n'est plus maire, Jacque Krabal est passé au PRG). En tête de liste, Anne Ferreira et Alain Reuter, vice-présidents sortants, avaient le soutien naturel du président du Conseil Régional. Mireille Tiquet, en 3ème position, est 1ère adjointe à Soissons de Patrick Day, ville remportée par la gauche aux dernières municipales.

Bernard Bronchain, à une très chère 4ème place, pouvait sembler une exception : pas du tout, il est en quelque sorte l'expression du Conseil Général et de son groupe progressiste (six élus), car ce n'est pas le faible poids électoral et politique d'IDG qui a pesé. Jean-Louis Bricout, assistant parlementaire de Jean-Pierre Balligand, tire son épingle du jeu à la 6ème place, alors que Jean-Michel Wattier, suppléant de René Dosière, ne franchit pas la barre, le député exclu n'ayant pas complètement retrouvé son influence dans l'appareil. Seule Claudine Doukhan est en situation atypique, sans proximité directe avec un grand élu, essentiellement la marque d'une sensibilité, avec le critère féminin en prime.

On voit donc, à la lecture des gagnants, que la liste des élus se double d'une autre qui l'explique en parallèle, la liste des grands élus, qui traduit l'influence des uns et des autres, présidence du Conseil Régional, présidence du Conseil Général, maire de grandes villes et parlementaires. La leçon principale qu'il faut en tirer, c'est que le pouvoir est engendré par le pouvoir. Hors système, on ne peut rien, sauf dans des circonstances historiques exceptionnelles. C'est pourquoi l'effort de rénovation du parti socialiste, auquel je crois, sera cependant très long et très difficile. Et voilà aussi pourquoi la réponse à la question que je me suis posé ce matin - qui a le pouvoir ? n'est pas si simple que ça.


Bonne journée.

04 avril 2010

Un réformisme radical.

Bonsoir à toutes et à tous.


Jean Daniel, dans le Nouvel Observateur de cette semaine, défend un réformisme radical, empruntant l'expression à Albert Camus. Rien de bien nouveau dans son propos, mais quelques rappels fort utiles en ces temps de confusion intellectuelle et politique. Je me reconnais bien sûr entièrement dans cet éditorial, dont je retiens six critères d'identification du réformisme radical :

1- "Je ne veux plus changer le monde, je veux le réformer. Je suis réformiste non pas seulement par renoncement à la révolution mais par croyance aux progrès ..." C'est fondamental pour nous distinguer fondamentalement de l'extrême gauche : celle-ci ne croit pas au progrès, elle ne cesse au contraire de dénoncer les régressions. Daniel est très clair vis-à-vis d'elle : "Le siècle précédent m'a conduit à refuser toutes les révolutions, à accueillir toutes les résistances et à m'associer aux entreprises de réformes ..."

2- "Le réformisme radical se conçoit à l'intérieur de l'héritage des Lumières". Montesquieu, Condorcet, Rousseau, Diderot, c'est la base idéologique, et pas Lénine, Mao, Guévara ou je ne sais qui d'autres. Rien ne nous empêche, comme c'est mon cas, de lire Marx et de s'en inspirer, mais les principes de départ sont plus larges, républicains et pas révolutionnaires.

3- "Le péremptoire n'est plus supportable". Jean Daniel réclame "un véritable culte de la complexité". J'applaudis. Prenez la vidéo-surveillance à Saint-Quentin, dont la presse locale a donné cette semaine un premier bilan : pourquoi la rejeter par principe ? Comment ne pas reconnaître qu'elle correspond à une demande majoritaire de la population ? Quelle cohérence y a-t-il de l'accepter à Bohain et de la refuser à Saint-Quentin ? Maintenant, une fois reconnue son utilité, la discussion est libre d'en fixer les limites et de donner à l'éducation, à la prévention un rôle majeur que les caméras ne peuvent évidemment pas assurer.

4- "Ne jamais séparer les concepts de liberté et d'égalité". C'est pourquoi, quand j'entends à gauche des critiques violentes du marché, je suis vigilant et parfois inquiet : la liberté ne se divise pas, elle est aussi économique, mais pas seulement, pas essentiellement.

5- "Ne jamais séparer non plus le souci de la création de richesses du souci de leur répartition". En d'autres termes, la gauche ne doit pas séparer l'économique et le social, ne pas se contenter d'une posture au mieux syndicale, au pire contestataire.

6- "Il n'est pas dans le destin d'une victime de le rester ; elle peut, après s'être libérée, aussi devenir bourreau". Bref, il n'y a pas d'un côté les bons et de l'autre les méchants, dans une vision quasi religieuse de l'Histoire. Certains retournements tragiques nous incitent à demeurer vigilants et à n'absoudre personne de ses fautes ou de ses crimes.


Bonne soirée.

La confusion des symboles.




Bonjour à toutes et à tous.


La photo en pleine première page de L'Union d'hier (ci-dessus) a retenu mon attention : la façade de l'usine Sodimatex, en Picardie, couverte de croix pour signifier chaque licencié, sur fond de fumée noire et épaisse. Je crois au choc des images ; celle-là est surprenante. Est-ce ce week-end pascal, mais le symbole de la croix dans un conflit social me fait tout bizarre.

La politique, ce sont des convictions, des actions et des symboles. En ce qui concerne ces derniers, nous sommes depuis quelques années dans une complète confusion, qui prouve que l'opinion n'a plus ses repères traditionnels. Dans l'affaire de Sodimatex, je vois trois confusions des symboles :

1- La croix est un symbole religieux qui prend ici une signification politique, la dénonciation des licenciements. C'est un curieux détournement de sens, alors que la classe ouvrière est riche en symboles pour exprimer sa colère : la banderole, le poing levé, le drapeau rouge, la barricade, qui renvoient à toute une histoire des luttes. Mais pas la croix chrétienne !

2- La croix est un symbole de mort, qu'on trouve dans les cimetières. Outre son côté désespérant, ce signe est totalement déplacé. Car que représente-t-il présentement ? Des salariés licenciés qui se battent pour qu'une prime de licenciement vienne améliorer leurs indemnités de départ. Leur revendication est légitime mais la représentation de leur situation par l'évocation de la mort est excessive, erronée.

3- Les salariés ont menacé de faire exploser leur usine. La perspective était bien sûr symbolique, mais la violence qu'elle suggère, et qu'on a vu apparaître dans d'autres conflits sociaux, est problématique : depuis un siècle, la classe ouvrière, y compris dans les confrontations de classes les plus dures, a toujours tenu à préserver son outil de travail. Feindre de pouvoir le détruire, c'est rompre avec toute une tradition ouvrière qui dirigeait sa violence ailleurs que contre elle-même.

Vous me direz peut-être que tout ça n'est pas très important, que ce ne sont que des symboles pour faire pression et être médiatisés. Mais justement ! Un symbole, perçu par des millions de lecteurs et de téléspectateurs, doit être utilisé avec précaution.

En vérité, la France est malade. Représentée par un hyperactif devenu cyclothymique qui s'interroge sur l'identité du pays qu'il est censé diriger, l'opinion est devenue très largement dépressive : les ouvriers veulent tout faire péter et les classes moyennes craignent contre toute raison la clochardisation. Un coup les Français votent massivement à droite (2007), un autre coup massivement à gauche (2010). La France se replie, ne croit plus en rien, va mal. C'est notamment à travers la confusion des symboles qu'on perçoit ce malaise.


Bonne matinée.

03 avril 2010

Pour les territoires.