L'Aisne avec DSK

30 juin 2009

Une séance (trop?) normale.

Bonjour à toutes et à tous.

Après un conseil municipal, j'aime bien vous livrer mes impressions du moment, à l'état brut. Et puis, le lendemain, comparer avec ce que la presse en dit, pour voir si la perception est proche. Je ne parle pas tant du fond que de l'ambiance qui s'en dégage, du sentiment que les Saint-Quentinois, qui n'ont pas assisté à la séance, peuvent en retirer à la lecture de la presse. Il ne faut pas se faire d'illusion : qui s'intéresse de près à la politique, qui est capable d'en saisir les nuances et les subtilités ? Ce qui reste dans l'esprit des gens, ce sont des formules, des images, une atmosphère, un ton.

Je trouve que Karine Perocheau, dans L'Aisne Nouvelle, a assez bien cerné ce qui s'est passé hier soir : "L'occasion pour l'opposition d'attaquer la majorité sur les points habituels [...] et pour Pierre André de rétorquer à grand renfort de petites phrases assassines. Bref, une séance normale [...] Le sénateur-maire Pierre André est un vieux loup de mer qui semble prendre un malin plaisir à clouer le bec de ses adversaires [...] Tout au long de ce conseil, comme toujours l'opposition a fait son job, et Pierre André a balayé d'un grand revers de manche toutes les objections".

Je ne sais pas comment le vivent les conseillers d'opposition, mais ce qui est terriblement frustrant dans un conseil municipal, c'est que la lutte est nécessairement inégale, que celui qui a le pouvoir est de fait le plus fort par rapport à ceux qui ne l'ont pas, quelle que soit la pertinence de leurs arguments. Pierre André, quoi qu'on fasse, aura toujours le dernier mot. Que faire alors ? J'ai toujours pensé que l'attaque frontale était inutile, qu'elle servait au contraire de faire-valoir à la droite, qui a besoin d'une telle "menace" pour maintenir sa cohésion.

Face à Pierre André, il faut jouer au plus fin. On pourra toujours chercher ici ou là des erreurs ou des contradictions dans ce qu'il dit, écrit ou fait, ce n'est pas ça qui peut l'atteindre. Je ne crois même pas qu'il faille s'adresser à lui ou à son équipe, mais chercher avant tout à communiquer avec l'opinion, lui délivrer un message, qui ne pourrait être que l'esquisse d'une politique alternative.

- La consultation sur les 52 projets est bidon ? Qu'est-ce que la gauche propose en matière de démocratie participative ?
- Le fixe pour les frais de représentation est critiquable ? Est-ce que la gauche propose le remboursement des frais réels ?
- Le centre ville se meurt au profit du Quai Gayant ? Qu'est-ce que la gauche envisage pour l'aménagement de la ville ?

J'arrête là, je pourrais continuer, mais je ne vois que cette stratégie-là, celle de la proposition, qui pourra redonner une crédibilité à la gauche. La contestation sèche, je n'y crois pas.

Je me dis aussi que ce diable d'homme de Pierre André est très difficile à abattre parce qu'il est non seulement le chef de la majorité ... mais aussi de l'opposition. Je veux dire par là qu'il s'est désigné des adversaires, une tête de turc qu'il ne cesse de dénoncer et combattre : l'ancienne municipalité de gauche, constamment présentée comme un repoussoir d'incompétence et de corruption.

Le plus surréaliste, c'est que l'opposition ne cherche pas à prendre sa défense, Olivier Tournay rappelant même hier qu'il ne souhaitait pas revenir sur le passé. Mais Pierre André y tient et s'en donne à coeur joie. C'est un choix tactique visiblement délibéré de sa part. Plus surréaliste encore le fait que le souffre-douleur de Pierre André, celui auquel le maire fait porter toute la responsabilité, c'est Jean-Pierre Lançon, socialiste, alors que la municipalité en question était communiste !

C'est d'autant plus étonnant que dans la précédente opposition siégait Alix Suchecki, communiste, qui avait été, excusez du peu, chargée des finances à l'époque Le Meur. Jamais, je dis bien jamais je n'ai entendu Pierre André s'en prendre à elle, lui reprocher l'incompétence et la corruption qu'il brandit aujourd'hui en direction de Lançon. Il y avait même, entre André et Suchecki, une forme de respect. J'ai l'avantage d'avoir assisté aux débats des deux mandats municipaux, de pouvoir comparer : je vous livre cette différence-là, et la drôle de situation qui en résulte. Mais à Saint-Quentin, depuis quelques années déjà, j'ai l'impression que l'idéologie la plus répandue et la plus puissante, c'est le surréalisme !

Une opposition, ce sont nécessairement des figures qui à la longue se détachent du lot, finissent par imposer leur marque, leur style, dans les joutes verbales contre le sénateur-maire. Dans l'équipe précédente, plus restreinte, c'était Grzegrzulka et Suchecki, chacune dans des styles très différents, tout en finesse chez Alix, très rentre dedans chez Odette. Dans cette opposition-ci, après plus d'un an d'exercice, je vois deux figures émerger :

- Olivier Tournay, qui a la jeunesse pour lui, une bonne élocution, très calme, sérieux. Ses interventions marquent. Peut-être lui manque-t-il un petit côté offensif, comme hier dans l'affaire des frais de représentation.

- Michel Aurigny, qui est d'une maîtrise de soi absolue, rigoureux, presque austère dans ses interventions, auxquelles il donne un fort contenu. Le reproche que je lui ferais, car nul n'est parfait, c'est que ses démonstrations intéressantes sont souvent absconses. La conviction ne doit pas être indifférente à la communication. Pierre André, et c'est là où il est très fort (un peu comme Sarkozy), sait faire passer en quelques mots, très efficacement, avec son style à lui, un message toujours très politique. Par comparaison, c'est la gauche qui semble techno ! Après, on pense ce qu'on veut du message, toujours est-il qu'il passe.

C'est quand le prochain conseil ? En septembre je suppose. On s'y remettra, avec autant de passion ...


Bonne fin d'après-midi.

29 juin 2009

Jekill et Hyde.

Bonsoir à toutes et à tous.

Si Olivier Tournay ne m'en avait pas parlé dimanche à la Fête des Libertés, je ne l'aurais pas su, je ne l'aurais pas vu sur internet ce soir : la réunion du conseil municipal. A ma connaissance, la presse locale du week-end ne l'a pas annoncée. J'ai l'impression, en onze ans de participation à ces conseils municipaux, qu'il y a une désaffection un peu générale à l'égard de ce qui est pourtant le coeur de la démocratie municipale. Qu'est-ce qui explique ça ? Tout semble joué d'avance, la droite est largement majoritaire, unie derrière un patron qui ne laisse rien passer et qui paraît invulnérable.

Pierre André justement : je l'observe devant mon écran, je prends mon temps, j'essaie d'être objectif, de faire abstraction de toute considération partisane et de réfléchir. Est-ce le même homme que j'ai rencontré il y a quinze jours ? Il y a incontestablement du docteur Jekill et mister Hyde en lui. Joue-t-il au méchant ou l'est-il vraiment ? L'opposition, il l'écrase, avec une incroyable brutalité. Ou bien il s'en amuse, comme un chat avec une souris.

Les hostilités commencent avec le compte administratif 2008, sur lequel l'opposition s'abstient en soulignant qu'elle n'était alors pas élue. Ça me fait bizarre : il y avait bien une opposition à cette époque-là, avec laquelle l'opposition d'aujourd'hui partage quelques liens ! Michel Aurigny relève "de nombreuses erreurs" dans le compte administratif et dans le compte de gestion, des contradictions, qui lui font dire que la gestion n'est pas bien maîtrisée. J'avoue que je me perds un peu dans les lignes et les chiffres, que j'ai du mal à en faire une lecture politique. Où veut en venir exactement Aurigny ? Dénonce-t-il des erreurs de calcul ou bien une volonté maligne ?

Sur les frais de représentation du maire, Olivier Tournay semble au départ avoir trouvé un bon angle d'attaque : pourquoi la somme est-elle de 18 300 euros alors que le conseil municipal a voté 12 000 euros ? Sauf que l'offensive tourne court. Pierre André répond que les 18 300 euros comprennent aussi les adjoints. Rideau. Enfin pas vraiment : Pierre André saute sur l'occasion pour attaquer René Dosière avec une histoire picrocholienne d'un courrier socialiste envoyé sous affranchissement parlementaire. Je connais cette histoire, je ne suis même pas certain que les élus socialistes actuels soient au courant. C'est là où Pierre André est le plus violent, tape du plat de la main sur la table, dénonce les "prébendes" de l'ancienne municipalité de gauche, dont les preuves seraient enfermées "dans les coffres-forts de la ville". Toujours la même vieille histoire de corruption ...

Même sur le coût de la visite de Sarkozy, l'échange tourne en eau de boudin. Pierre André énumère des détails dérisoires, souligne la publicité gratuite faite à la ville, égratigne au passage la campagne de promotion du Conseil général de l'Aisne et finit sur l'aide qu'apporte la municipalité ... à la Fête de l'Huma et la Fête des Libertés. Fermez le ban.

Céline Séné demande gentiment quelle sera l'utilisation des 3 000 euros affectés à l'école Kergomard pour l'atelier de langues vivantes ? Monique Ryo, très offensive, défend son projet en distinguant "enseignement" et "bain linguistique". S'ensuit un débat sur l'aide de la municipalité dans l'achat de matériel scolaire.

Sur la DSU, Dotation de Solidarité Urbaine, l'opposition aimerait bien connaître sa ventilation. André renvoie dans les cordes Aurigny, lui avouant qu'il ne comprend rien à ce qu'il dit, assénant que la DSU permet de maintenir la fiscalité en l'état, sans augmentation supplémentaire.

Puis vient sur le tapis la consultation sur les 52 propositions que la municipalité a récemment initiée (je ne suis pas encore allé voir le questionnaire). Jean-Pierre Lançon accuse des questions fermées, des réponses téléguidées et des propositions qui sont des obligations légales, traitant l'opération de "mascarade". Michel Aurigny souligne que c'est au conseil municipal de débattre de ces propositions, et après seulement de les soumettre éventuellement à la population (je comprends que le militant du Parti Ouvrier Indépendant soit peu sensible à la "démocratie participative"). Car que se passera-t-il si l'opinion vient déjuger des choix municipaux déjà effectués ?

Même prévention d'Aurigny à l'égard du Service civique volontaire, dont il s'étonne que les stagiaires reçoivent seulement 170 euros, pour lesquels il demande la rémunération et le contrat de travail. Sauf qu'un service volontaire, c'est comme le service militaire : on n'est pas payé, et Pierre André a beau jeu de le faire remarquer. Mais qui connaît les présupposés idéologiques du militant lambertiste, pour qui un stagiaire, service civique ou pas, doit nécessairement être rémunéré ?

La fin du conseil intervient brutalement, dans l'incompréhension la plus totale entre les deux parties adverses, Aurigny réclamant de débattre, André souhaitant de bonnes vacances à tous. Pendant toute la séance, Xavier Bertrand n'aura pas cessé de s'agiter sur son siège, ne tenant pas en place, marmonnant dès que l'opposition prend la parole.

Après avoir éteint mon ordinateur, j'ai un drôle de sentiment en tête. Est-ce que ce qu'on a vu ce soir va se répéter jusqu'en 2014 ? C'est une sorte d'amertume que j'éprouve. Qu'est-ce que la presse va retenir de ce conseil ? L'opinion en pensera-t-elle quelque chose ? Je ne sais pas où tout ça va, j'en perçois mal l'utilité. Je me dis, plus que jamais, que la politique c'est la guerre et que les vaincus sont des damnés.


Bonne soirée.

Week-end pourri.

Bonjour à toutes et à tous.

Quel week-end pourri ! Pourtant, il a fait beau, très beau, très chaud, surtout sur la pelouse du stade Marcel-Bienfait. Et pourtant, le week-end a été politiquement pourri, l'un des pires pour l'instant de l'année. Nous avons en effet assisté à une triple défaite :

1- Défaite de la vertu. A Perpignan, le maire UMP fraudeur ("à la chaussette" !) a été réélu dès le premier tour. Xavier Bertrand, pas gêné par l'odeur de la chaussette, était venu le soutenir. Quand les citoyens se mettent à élire massivement des tricheurs, c'est que quelque chose est pourri dans la démocratie. A Hénin-Beaumont aussi, il y a eu un fraudeur, avec l'argent cette fois. Car la corruption civique ou financière peut atteindre n'importe quel parti. Le PS l'a exclu. Il faut dans notre République réhabiliter la vertu, dans la classe politique mais de même chez les citoyens.

2- Défaite de l'union. La gauche va mal et le PS ne va pas bien, inutile de le cacher. Après la défaite aux européennes, on pourrait s'attendre à une prise de conscience, un sursaut. A Hénin-Beaumont et à Perpignan, c'est manifestement trop tôt. La gauche est partie divisée, selon un schéma qui risque de plus en plus de se répéter, si rien n'est fait pour le stopper : d'un côté une liste traditionnelle d'Union de la Gauche qui ne parvient pas à être majoritaire, de l'autre une liste divers gauche, parfois ouverte aux centristes et aux Verts, qui réalise un joli score (A Hénin-Beaumont, elle arrive même en tête de la gauche).

Le PS a longtemps été en panne de rénovation. Avec Martine Aubry, il est en voie de rénovation. Mais Paris ne s'est pas fait en un jour. En attendant, nous sommes sous la menace de ce type de division entre une ancienne gauche qui ne peut plus gagner et une nouvelle gauche qui ne parvient pas encore à rassembler. A Saint-Quentin, nous sommes typiquement dans ce cas de figure.

3- Défaite de la République. A Hénin-Beaumont, le FN est arrivé en tête et peut ainsi s'emparer de la mairie. C'est la nouvelle la plus pourrie de ce week-end pourri. Hénin-Beaumont, c'est le bassin minier, c'est une terre de gauche : si les fachos gagnent là-bas, ce sera dramatique pour la gauche, et même pour la France, en tout cas pour la République. Je déplore depuis des années que le PS en particulier et la gauche en général aient abandonné la lutte anti-fasciste, qui fait pourtant partie de notre identité. Et tout ça parce qu'on ne veut pas faire de peine aux milieux populaires qui votent Le Pen, on veut les récupérer en veillant à ne pas les froisser. C'est un tort : l'extrême droite se combat, c'est en la discréditant, en la disqualifiant que nous pourrons retrouver les électeurs qui nous ont quittés.

Après le mojito, le chili con carne, le soleil et la musique ce dimanche à la Fête des Libertés, c'est un peu ce matin la gueule de bois. Mais j'avais hier prévenu : la gauche ne peut plus vivre dans la nostalgie des années 60-70, elle doit se frotter aux réalités d'aujourd'hui, qui s'appellent en ce lundi Perpignan et Hénin-Beaumont.


Bonne matinée.

28 juin 2009

Tonton flingueur.

Bonsoir à toutes et à tous.

C'est dans L'Aisne Nouvelle de ce week-end, en première page. On voit la tête de Xavier Bertrand, énorme, aussi grosse que celle des Bouffons du carnaval. Il lève un index menaçant, comme s'il s'apprêtait à donner une leçon ou, pire, à administrer une correction. A qui ? A l'homme qui est derrière lui, en retrait, plus petit, assis dans un fauteuil de majesté, souriant, tranquille, ne craignant visiblement pas la menace. C'est le député de l'Aisne, René Dosière, il n'y a pas si longtemps vice-président de l'Assemblée Nationale (d'où le fauteuil). C'est bien sûr un photo-montage, mais impressionnant (et fait pour ça ?).

Le titre est dans la même veine : "Bertrand flingue Dosière". Eh bé ! La politique, c'est le Far-West ? Ne dit-on pas qu'on n'y réussit que si on est un "tueur" ? Voilà une image peu glorieuse d'une activité qui pourtant devrait être glorieuse. L'Aisne Nouvelle, que certains présentent comme acquise à la droite locale, ne présente pas son leader sous un jour très enviable. Bertrand en tonton-flingueur ! Pourquoi pas, tant qu'on y est, en mafioso ...

Quand on lit l'entretien, car il s'agit d'un entretien, on est un peu rassuré : si Xavier Bertrand est un "tueur" c'est du genre tueur de mouches, et si c'est un cow-boy son pistolet est en plastique. Bertrand, c'est un méchant pour rire, qui joue à nous faire peur, mais sa grosse tête dans L'Aisne Nouvelle n'effraie personne. Car qui sont ses cibles ? Tout le monde ! Ferreira, Dosière, Daudigny ... Et pourquoi ? Pour un rien, pour n'importe quoi. Dans un western, Xavier Bertrand aurait le rôle du jeune prétentieux qui défie maladroitement les plus fines gâchettes en tirant sur tout ce qui bouge, pour se faire valoir, pour la frime. Attention, c'est comme ça qu'on finit sur le carreau, une balle entre les deux yeux.

Qu'est-ce que Bertrand reproche à Dosière ? Une histoire invraisemblable de bureau quand il était maire de Laon et d'hélicoptère quand il était président de Région. Tout ça il y a vingt ans ! Le bonhomme a la rancune tenace et reste au raz des pâquerettes. C'est à son niveau, le bureau et l'hélicoptère. Alors que Dosière est un spécialiste des collectivités locales et que son travail sur les finances de l'Elysée est reconnu par tous pour son sérieux et sa pertinence. J'ajouterai que sa rigueur intellectuelle et son indépendance d'esprit l'ont conduit à se faire virer du PS. Si quelqu'un n'est aucunement partisan et accomplit de matière exemplaire son boulot de législateur, jusqu'à lui redonner ses lettres de noblesse, c'est bien René Dosière.

Mais Bertrand, gros malin, a un autre argument contre son collègue député : "il préfère le tapage médiatique", "il aime la lumière". Ah bon ? Et lui, Bertrand, qui s'entoure de conseillers en communication pour se fabriquer son petit destin, le "tapage médiatique", la "lumière", il n'aime pas ça, il ne les recherche pas ? Voilà de bien misérables arguments qui condamnent ipso facto celui qui les emploie.

Mais notre cowboy avec son pistolet à eau ne s'arrête pas là. Il "flingue" le Conseil Général de l'Aisne pour sa campagne de promotion du département, dont tout le monde a salué l'originalité et l'utilité. C'est "un coup d'esbroufe", dit Bertrand, qui doit s'y connaître en matière de coup d'esbroufe. Mais l'argument est aussi minable que celui qu'il utilise contre Dosière. D'ailleurs, ses amis de droite au Conseil Général n'ont jamais dénoncé la campagne de promotion dont l'Aisne avait tellement besoin et dont les retombées économiques et touristiques ne peuvent qu'être positives. Mais voilà : tout ce qui ne vient pas du cerveau forcément génial de Bertrand ne peut qu'être mauvais et critiquable.

A la fin de l'entretien, quand le journaliste demande à notre "flingueur" quel est son bilan pour sa circonscription, voilà ce qu'il répond : "Mon rôle est d'obtenir des financements pour aider le territoire". C'est son dernier mot, c'est le cri du coeur : Xavier Bertrand, ce n'est pas un législateur, c'est un tiroir-caisse, un pourvoyeur de clientèles. Je n'ai rien à lui conseiller, je suis tout petit à côté de lui, qui est un professionnel de la politique. Je ne fais que jouer mon rôle de libre citoyen dans une démocratie. Mais je me permettrais quand même de lui suggérer quelque chose, au cow-boy de Saint-Quentin : qu'il suive un peu plus l'exemple de son maître, Pierre André, qui a certes la dent dure, mais qui a suffisamment d'intelligence et de sens politique pour ne pas s'en prendre indistinctement à tout ce qui peut venir le contrarier dans le paysage politique. Avec un gars comme Bertrand en chef de la droite locale, le capital de sympathie qu'aura accumulé Pierre André en trois mandat pourrait être rapidement dilapidé ! C'est ballot, mais pour la gauche, ce serait l'occasion rêvée. Peut-être qu'après ça le "flingueur" va rengainer ?


Bonne nuit.

2009, année communiste ?

Jean-Luc Tournay, Maxime Gremetz, Olivier Tournay,
cet après-midi, à la Fête des Libertés, à Saint-Quentin.


Bonjour à toutes et à tous.

Je ne sais pas pourquoi, en parcourant la fête du PCF, j'avais en tête cette chanson de Gainsbourg, transformée pour l'occasion : 2009, année communiste ! Ou plutôt je sais : il y avait cet après-midi, stade Marcel-Bienfait, un arrière-goût pas forcément désagréable d'il y a 40 ans, que Maxime Gremetz lui-même, la guest star, a souligné : drapeaux rouges, faucilles et marteaux, cellules Marcel Cachin, Joliot-Curie, Emile Tournay, effigie de Che Guevara (la seule concession au gauchisme). Pour deux euros, on peut peser un jambon et gagner un lot si on devine le poids. Je ne m'y risque pas.

On boit du mojito et on pense à Fidel Castro, on mange du chili con carne et on songe à l'Unidad Popular de Salvador Allende et à ces salauds de la CIA (même si ça n'a rien à voir avec le plat). Les jeunes communistes de la cellule du centre ville insistent pour qu'on mange leurs sardines grillées dont l'odeur domine toute la fête. J'ai alors en tête et dans mes narines la même odeur forte rencontrée la première fois dans les années 70, chez mes cousins communistes de Noisy-le-Sec, qui avait tellement surpris mon frère et moi. Dans le Berry, on mange les sardines à l'huile, on ne les fait pas cuire. Mais qu'est-ce qui peut bien unir les communistes et les sardines grillées ? C'est un met très populaire au Portugal, le plat du pauvre, avant que le capitalisme de consommation mette en conserve les sardines. Et puis, on pense à Alvaro Cunhal, un Gremetz de la Révolution des Oeillets.

C'était le temps où les idées étaient à l'endroit, où les frontières étaient respectées : le capitalisme, c'était la dictature, avec Pinochet, Franco et Salazar. Les états d'âmes, les hésitations n'existaient pas, le monde était en noir et blanc, on savait où on allait, qui il fallait combattre. J'ai aimé ces années-là. Mes camarades communistes saint-quentinois continuent à les aimer, tellement qu'ils y sont restés. Le discours de Maxime Gremetz est clair, tranché, structuré, séduisant. Il fait beau, il fait chaud, le mojito tourne un peu la tête, le chili a du mal à digérer, on est entre nous, on se comprend, on a envie de se laisser aller, même le social-démocrate que je suis. La nostalgie, c'est si bon, surtout allongé sur le gazon.

Maxime, c'est Marchais. Il a un peu la même gouaille, les mêmes idées simples, un visage taillé à la serpe, des yeux qui roulent et qu'on dirait faits pour pour effrayer le bourgeois. Sauf qu'il y a bien longtemps que les bourgeois ne craignent plus les communistes. Même il y a 40 ans, je me demande si ... J'ai presque envie de le regretter. Qui ne rêverait pas de faire peur aux riches, aux puissants, aux bourgeois, quand on est de gauche ? Le problème, c'est qu'on ne fait pas de politique avec des rêves mais avec des réalités.

La part positive du discours de Gremetz, c'est qu'il réactive la lutte des classes. Il n'y a pas de politique sans clivage, sans affrontement. Celui-là, entre défavorisés et privilégiés, en vaut bien un autre, et il est quand même à l'origine de la sociologie de gauche. La part discutable du discours, ce sont les solutions proposées, les perspectives politiques : là, je ne vois pas. Le Front de Gauche ou l'alliance avec les socialistes, on sent bien que Gremetz n'est pas très chaud, qu'il tient à conserver l'identité communiste. Les Régions tenues par la gauche ? Il ne croit pas trop en leur bilan positif. Alors on va où comme ça ? Nulle part, on retourne en 1969, à la Belle Epoque de Duclos et de Mimile Tournay.

Même les citations de Maxime Gremetz sont datées. Il rappelle la formule d'Yvon Chotard, un responsable patronal du temps du CNPF : on ne fait pas la même politique avec un PCF à 20% et à 5%. Ce dernier chiffre, on y est. Mais quand le PCF était à un très haut niveau électoral, est-ce que ça empêchait la droite de mener sa politique et le patronat de défendre ses intérêts ? Bien sûr que non. Pompidou et Giscard n'étaient pas meilleurs que Chirac et Sarkozy.

La question que Maxime ne pose publiquement jamais mais dont je suis certain qu'elle le travaille intérieurement (car c'est un homme plus fin que ne le laisse paraître la caricature dans laquelle parfois il se complaît) : pourquoi ce PCF chargé de représenter et de défendre les intérêts des classes populaires est-il délaissé progressivement, depuis trente ans, par ces classes populaires ? Il y a quand même là une énigme (qui ne me réjouit pas) sur laquelle il faudrait s'interroger.

Les communistes ont toute leur place à gauche, mais rien que leur place, qui ne peut plus être la première, ni électoralement, ni idéologiquement. A Saint-Quentin plus qu'ailleurs, cette réalité a du mal à passer, parce que le leadership du PS est mal assuré. Mais cette réalité un jour devra s'imposer. Et nos camarades communistes eux-mêmes auront tout à y gagner. Etre ad eternam dans l'opposition, ce n'est pas une vie, ni pour eux, ni pour nous. S'ils veulent retrouver des responsabilités (le veulent-ils ?), ils ne pourront y parvenir qu'avec nous, socialistes redevenus pleinement socialistes, sans alliance avec l'extrême gauche. Comme il y a 40 ans, comme dans les années 70. Moi-aussi, je suis pris par la nostalgie. Mais c'est plutôt que j'ai bonne mémoire et que je sais où je vais et avec qui.

Au fait, qui peut me dire combien pesait le jambon ?


Bonne soirée.

27 juin 2009

La victoire en causant.

Bonjour à toutes et à tous.

Jeudi soir, Génération Ecologie a organisé à Saint-Quentin une réunion publique sur le thème : "après les élections européennes, que peuvent faire les écologistes ?" J'y suis allé, comme j'irai dimanche à la fête du PCF. A gauche, il n'y a pas tant de lieux de débat dans notre ville. Dès qu'une occasion se présente, je me précipite. Jean-Robert Boutreux était l'initiateur de cette rencontre. Je le connais depuis longtemps, nous ne sommes pas d'accord sur tout mais il y a de la sympathie entre nous. Il a un bon réseau autour de lui (plusieurs élus de communes rurales, dont un maire étaient présents), il est ouvert, habile. Etaient présents aussi les Verts, représentés par leur conseillère municipale saint-quentinoise, des écolos d'autres formations, des responsables associatifs et des militants du MoDem (dont leur élu municipal).

Bref, une réunion qui avait de la gueule, des personnes influentes et une grande diversité dans les sensibilités. Mais quoi de commun entre tous, et vers où est allé ce débat ? Je resterai modeste dans ma restitution de son contenu, puisque j'ai dû partir assez vite, devant animer ce même soir un café philo sur le bonheur à Bohain. Mais je peux vous donner mon sentiment sur l'état d'esprit qui a régné entre nous, écolos, centristes, associatifs, élus et militants de gauche :

D'abord un besoin urgent de se retrouver, d'échanger, de discuter, de faire le point ensemble. Qu'est-ce qui nous rapproche ? Le fait d'être des "progressistes" et de ne pas nécessairement nous reconnaître dans la politique telle qu'elle se fait aujourd'hui. On se cherche, on aspire à la rénovation. A plusieurs reprises, l'expression de "troisième voie" a été employée. Je ne l'aime pas trop, elle est historiquement connotée, renvoie aux débats de la IVème République entre MRP, SFIO, RPF et PCF. Nous n'en sommes plus là, ces sigles n'interpellent plus grand-monde aujourd'hui. Mais l'état d'esprit, lui, est bien présent.

Quel est-il ? L'aspiration à faire émerger, entre la droite conservatrice et la gauche radicalisée, un espace progressiste, social-démocrate ou social-écologiste, de centre gauche, peu importe les mots qu'on emploie, beaucoup d'autres sont tout aussi valables. L'essentiel, ce qui nous unit, c'est le double refus du conservatisme et de la radicalisation. Je ne suis pas sûr que tous ceux qui étaient jeudi soir autour de la table y mettaient le même sens que moi. Mais je suis certain des convergences qu'il y a entre nous.

Cette rencontre avait surtout une valeur locale. Nationalement, qui peut savoir ce que deviendront les écolos forts de leur succès, les socialistes affaiblis par leur défaite, les centristes déboussolés par leur leader ? Mais à Saint-Quentin, il y a incontestablement un créneau politique à prendre, qui n'est pour l'instant occupé par personne, ni par la droite très marquée par la présence de Xavier Bertrand donc de l'UMP, ni par la gauche tenue par son alliance avec l'extrême gauche. Je ne sais pas quelle suite Jean-Robert donnera à cette première rencontre, mais j'ai dit à tous en partant que je souhaitais que suite il y ait.

Quant à l'avenir, comme toujours en politique, ce sont les élections locales qui trancheront. Il y aura les cantonales et les municipales. La gauche restera-t-elle l'alliée de l'extrême gauche, se condamnant à la marginalisation ? C'est la grande question. Si elle rompt, si elle est capable d'initier une dynamique d'ouverture, de rassemblement, si elle se concentre sur un projet local, alors la victoire deviendra envisageable. Nous en sommes encore très loin. Mais ça ne coûte rien d'en causer ...


Bonne matinée.

26 juin 2009

Jackson dans l'éternité.

Bonjour à toutes et à tous.

Quand je me suis hier soir couché, la radio annonçait l'hospitalisation de Michael Jackson, et ce matin en me levant, j'apprends sa mort. Je ne sais rien de cet homme, je suis incapable de vous citer un seul titre de ses chansons. La pop (je crois que c'était son genre musical ?), je n'y comprends rien, ça ne m'attire pas. Et pourtant, Michael Jackson n'est pas pour moi un inconnu. Et si je me sens un peu obligé de lui consacrer ce billet ce matin, c'est qu'il était, d'après le commentaire d'une radio, "une icône mondiale".

Parmi les deux ou trois choses à connaître pour comprendre la société contemporaine, il y a sans doute l'engouement planétaire qu'aura suscité cet homme. Qu'est-ce que Jackson nous apprend sur le monde moderne ? C'est la question que j'ai envie de poser, d'autant plus librement que je n'adhère pas au phénomène. De celui-ci, je retiens trois dimensions qui me semblent intéressantes :

1- Un adulte qui veut devenir un enfant. C'est le côté le plus fascinant du personnage, qui lisse son visage, qui efface les rides, qui fuit le temps. Jackson va au bout de la logique de notre époque, il tente d'échapper à la durée, il recherche une sorte d'innocence, de pureté, d'éternité. Depuis deux siècles environ, nous avons réhabilité l'enfance jusqu'à l'idolâtrer. Jackson, lui, aspira carrément à devenir un enfant !

On peut s'en émerveiller, on peut aussi (c'est mon cas) s'en inquiéter. C'est quoi cette incroyable régression qui fascine tant ? Moi elle me fait un peu peur. Quand Michael Jackson a eu un enfant, il l'a montré à la foule, du haut d'un balcon, en un geste troublant, presque sacrificiel. Peut-être avait-il compris et refusé qu'on ne puisse plus faire l'enfant quand on avait un enfant ?

2- Un noir qui veut devenir blanc. C'est le côté le plus fou du personnage. Il se trouve, pur hasard, que je mets la dernière main ce matin à une conférence sur Darwin que je dois donner demain. La théorie de l'évolution du vivant, si on la prolonge dans le futur, peut déboucher sur un post-humanisme, dans lequel l'homme se dépasserait lui-même pour laisser place à une nouvelle créature, une espèce améliorée. Certains savants et philosophes y ont songé, Jackson en quelque sorte l'a réalisée (du moins à l'état d'ébauche, et largement sur le mode du fantasme). Après la régression vers l'enfance, il a accéléré une sorte d'évolution dans le futur (ou plutôt un certain futur).

C'est quelqu'un qui a constamment cherché à se (re)construire, le plus spectaculaire étant dans sa tentative de changer de peau (au propre comme au figuré). Jackson, c'est l'anti-Obama : il n'est pas fier d'être noir, mais veut-il vraiment devenir blanc ? Que cherche-t-il vraiment ? A se créer sûrement une identité sur mesure ...

3- Un corps qui se libère mécaniquement. Chez Michael Jackson comme chez tous nos contemporains, il y a une obsession paradoxale du corps. D'un côté on veut le libérer, l'aimer, le choyer, de l'autre on l'asservit à des régimes draconiens, on le mincit à l'extrême, on a la hantise des graisses. Drôle d'époque ! Ce corps, on veut en tirer du plaisir et on le fait souffrir. Ce que je retiens de Jackson, moi à qui ses chansons sont inaudibles parce que je n'ai pas l'oreille musicale, ce sont les mouvements bizarres de son corps sur scène, sa danse à la fois frénétique et très mécanique, cet espèce de robot aux gestes et réactions très subtiles, d'une grande virtuosité, en quoi il s'est transformé. J'ai l'impression que Michael Jackson déchaîne son corps en l'enchaînant méthodiquement, rigoureusement. Un robot qui serait devenu danseur, voilà le paradoxe et l'étrangeté.

Ce que j'en conclus, c'est que le monde moderne, peuples ou individus, a de plus en plus de difficulté avec la notion d'identité. Sans doute parce que ce monde moderne, en portant très haut la liberté, ne peut que remettre en question cette notion.

Avant de vous quitter, un mot tout de même sur l'autre disparition dans cette immense Los Angeles : Farah Fawcett Major, mon premier amour d'adolescent, la blonde lionne de "Drôle de Dames". Je n'aimais pas la série mais j'aimais Farah. C'était un fantasme, mais à la différence de Jackson, je le savais.


Bonne matinée quand même.

25 juin 2009

Fête des Libertés.

Bonjour à toutes et à tous.

Corinne Bécourt m'a transmis le message ci-dessous, que je porte à votre connaissance. Depuis onze de présence à Saint-Quentin, j'ai rarement raté la "Fête des Libertés", qu'organise chaque année la section locale du PCF. C'est un lieu de débats pour la gauche, il n'y en a pas tant que ça à Saint-Quentin. Et puis, on s'amuse bien ! Je vous conseille donc d'aller y faire un tour. A 13h00, ce sera le verre de l'amitié, et à 15h00 le débat politique.


DIMANCHE 28 JUIN - FETE DES LIBERTES
DE 9H A 19H

Au STADE Marcel BIENFAIT - Quartier de Neuville –Saint-Quentin

CONCERT/TOURNOI DE FOOT A 7 (dès 9h)
RESTAURATION/BUVETTE
DEBAT

ET DE LA CONVIVIALITE ...

Avec la participation de syndicalistes mais aussi de :

Maxime Gremetz, Député et Conseiller Régional
Jean Luc Belpaume, Conseiller Régional
Jean Luc TOURNAY, Conseiller Régional
Emanuel Dang Tran, Membre du Conseil National du PCF
Corinne Becourt, Membre du Conseil National du PCF
Nathalie Bendif, Adjointe au Maire de Gauchy
Martine Prisette, Conseillére Municipal de Gauchy
Olivier Tournay, Conseiller Municipal de Saint Quentin

Et merci à tous les militants ....

Bonne matinée.



24 juin 2009

Boué, c'est bien.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai renoué ce mois-ci avec un exercice que j'affectionne tout particulièrement, qu'il m'est hélas trop rarement donné de pratiquer, car seulement au moment de nos congrès ou lorsque nous engageons une consultation interne : je veux parler de mes "tournées" dans les sections socialistes de l'Aisne, notamment les petites sections, qui se sentent parfois oubliées. Les archives de ce blog, si vous avez la curiosité et la patience de les consulter, vous racontent ces pérégrinations. Devenu secrétaire fédéral à la formation, je peux m'en donner si j'ose dire à coeur joie.

Ainsi, hier soir, j'étais à Boué, section du Nouvion, réunie dans la salle de la mairie, en compagnie du secrétaire, Jacques, et du maire, Thierry. Auparavant, la semaine dernière, j'avais fait deux incursions à Château-Thierry, où les camarades là-bas me connaissent bien. A Boué, c'était la première fois, et ça s'est très bien passé. Nous étions une petite dizaine, ce qui n'est pas si mal pour une petite section. Et la réunion s'est terminée au jambon, pâté et cidre !

Le sujet demandé : "L'histoire du socialisme". Pas facile à traiter, tellement vaste ... Je ne voulais pas apparaître comme le prof chiant qui vient faire un cours. C'était donc plus une animation qu'une conférence, avec cet objectif : montrer que le passé peut nourrir le présent, que les réponses d'autrefois peuvent apporter quelque chose aux interrogations d'aujourd'hui. Je veux que tout ça soit vivant. Je pars de nos valeurs, de nos grands événements, de nos hommes illustres, de nos symboles, bref de ce que chacun connaît plus ou moins bien, pour "élever la réflexion", comme on dit. Je crois que ça a marché. A quand la prochaine section ?


Bonne journée.

23 juin 2009

En être ou pas.

Bonjour à toutes et à tous.

Je viens d'apprendre à la radio que Frédéric Mitterrand deviendrait demain ministre de la Culture. Je vous l'avoue, je suis un peu tombé sur le cul. J'aime beaucoup Frédéric Mitterrand, je regardais ses émissions à la télévision (sur le cinéma, pas sur les familles princières), c'est un homme de talent, intelligent, avec un style que j'apprécie, qui a parfois été brocardé, mais c'est le prix à payer quand on a un style à soi. Dans les années 70, ses goûts, sa liberté, ses initiatives le rangeaient dans la catégorie assez large des "intellectuels de gauche", même si Frédéric est plus un esthète qu'un intellectuel, et plus indépendant, iconoclaste que de gauche. En tout cas, personne ne peut sérieusement soutenir que c'est un homme de droite.

J'ai lu sa courageuse autobiographie, "La mauvaise vie" : il y a incontestablement de l'écrivain en lui. Et puis, il y a ce nom, "Mitterrand", qui est presque pour la gauche une marque déposée, une propriété collective, une histoire, un symbole, que le prédateur Sarkozy s'apprête à accaparer. Même si François le politique et Frédéric le dandy n'ont jamais été très liés. S'il n'y avait ces yeux rêveurs, cette bouche gourmande, ce front libre qu'ils ont génétiquement en commun, on ne les croirait pas de la même famille. Après "Tonton", son neveu ?

La belle vie du pouvoir va-t-elle succéder à la "mauvaise vie" des aventures interdites ? Allez savoir ... Mais je me méfie toujours de l'entrée en politique des non politiques. Ferry en philosophe était très bien. En ministre de l'Education, il a raté son coup. Qui se souvient qu'Alain Decaux, notre très médiatique et populaire historien national, a été un jour ministre de la Francophonie de Michel Rocard ? Frédéric Mitterrand, avant même d'être nommé, vient de commettre sa première gaffe, qui augure mal de la suite. Il a fait quelque chose qui ne pardonne pas en politique : il a parlé, il a annoncé la bonne nouvelle ! Chut, les hommes de pouvoir le savent, il faut se taire. Dans une réunion politique, il faut se méfier de ceux qui ne disent rien, ce sont les plus dangereux.

Regardez Allègre : depuis des semaines, on ne parle que de lui comme ministre d'ouverture. C'est le meilleur signe qu'il ne le sera certainement pas. Et avec la victoire des Verts, sa tête est définitivement tombée. Mitterrand devra attendre quelques heures, et nous aussi, avant de connaître son sort. Sarkozy aura-t-il alors réussi un beau coup et joué un mauvais tour à la gauche ? Oui, sûrement, pour toutes les raisons que j'ai évoquées précédemment. Sarkozy nous a piqué les classes populaires, il veut maintenant nous prendre les intellos et les bobos. L'adoption de la loi Hadopi a été un début, la nomination de Mitterrand poursuit cet objectif. Rassurons-nous en pensant que nous aurions pu avoir l'encore très populaire Jack Lang !

Mais je ne voudrais pas parler trop vite. Bien des surprises nous attendent d'ici demain. Un remaniement ministériel, même léger, c'est toujours une formidable expression de la comédie humaine, de sa foire aux vanités, de ce que la politique a de pire et qui est pourtant un de ses moteurs essentiels. Même au niveau local, quand il s'agit de composer une liste municipale, observez combien les uns et les autres s'agitent, combien ils sont prêts (à droite comme à gauche, peu importe, le pouvoir a le même goût partout) à tout pour mettre une demi-fesse sur un bout de strapontin. C'est un spectacle qui me fascine toujours, ce sera le spectacle de ces prochaines heures, avec ses ultimes courtisaneries, ses conciliabules invraisemblables, ses trahisons en échange de promesses. C'est là qu'on voit à quel point l'homme est petit ... En être ou ne pas en être, c'est la question shakespearienne que chacun alors se pose.

Ceci dit, je n'en veux pas à Frédo, il n'a jamais été adhérent au PS, c'est un homme libre qui fait ce qu'il veut. Je suis même persuadé qu'à la Culture il ne pourra qu'être mieux que Christine Albanel, qui n'avait vraiment pas fait son trou dans ce ministère. Mais quand même, j'aurais tellement mieux aimé le voir figurer dans un gouvernement de gauche ...


Bon après-midi.

22 juin 2009

Veni, vidi ... vici ?

Bonsoir à toutes et à tous.

Les Français n'ont sans doute pas pensé dans la journée à ce qui s'est passé à Versailles. Avec la crise, le chômage, le pouvoir d'achat et les problèmes quotidiens, ils ont assurément autre chose en tête que la réunion du Congrès. Et ceux qui s'y sont tout de même intéressés parce que les médias en ont parlé n'ont probablement vu aucun mal à ce que le chef de l'Etat s'adresse en personne, directement, aux parlementaires. C'est le chef de l'Etat, après tout !

Oui, on peut réagir ainsi, très simplement. Mais on peut réagir autrement. Nous sommes en République. Tout ce qui concerne la République et ses règles doit concerner et préoccuper les citoyens, au même titre que la crise, le chômage, le pouvoir d'achat, les problèmes quotidiens. Les uns ne sont pas exclusifs des autres. La République, c'est précieux, c'est notre bien commun. Il faut y réfléchir à deux fois, et même plus, quand on veut en changer la règle, comme l'a fait Sarkozy.

De Gaulle n'était pas n'importe qui : il a fondé la Vème République, il a tenu à ce que l'indépendance du président et celle du Parlement soient symbolisées par l'impossibilité pour ces deux pouvoirs de se rencontrer, pour que l'un ne se soumette pas à l'autre. En termes républicains, ce principe porte un nom : la séparation des pouvoirs. En se présentant devant les sénateurs et les députés, Sarkozy porte symboliquement atteinte à ce principe. Vous me répondrez peut-être que ce n'est pas très grave, que ce n'est que symbolique, que la République continue de vivre après ce discours présidentiel devant le Congrès. Oui, mais la République se nourrit aussi de symboles, elle a une vertu pédagogique, qu'en l'occurrence elle perd.

Il y a ça et il y a pire : une fois son discours terminé, le président s'en va, sans qu'on puisse l'interpeller, laissant les parlementaires débattre entre eux sur les propos de quelqu'un qui est absent. Après l'atteinte à la République, il y a ici une atteinte au parlementarisme. Celui-ci est fait de débats, d'affrontements, parfois excessifs, caricaturaux, presque potaches. On se hue, on s'invective, on claque les pupitres. C'est très bien, c'est formidable, c'est la démocratie. La IIIème République, de ce point de vue, a connu les heures de gloire du parlementarisme. Mais c'était déjà vrai dans l'agora grecque, le forum romain.

Ce à quoi nous avons assisté cet après-midi, c'est tout le contraire : un homme, le plus puissant politiquement du pays, qui vient, qui parle et qui s'en va, sans contradiction, sans discussion. Veni, vidi ... vici ? Tel un César, il est venu, il a vu, il a vaincu ? Vaincu qui ? L'opposition de gauche, contrainte à boycotter le discours ou le "débat" ? Vaincu quoi plutôt ? L'esprit républicain, c'est flagrant. Et c'est navrant. Une victoire à la Pyrrhus, c'est certain.

Qu'a voulu faire Sarkozy aujourd'hui ? Jouer à l'américain, faire une sorte de "discours de l'Union". Sauf que nous sommes en France et pas aux Etats-Unis, sauf que nous sommes dans une République parlementaire et pas un régime présidentiel, sauf que le président peut dissoudre l'Assemblée et que l'Assemblée ne peut pas dissoudre le président. Pour toutes ces raisons, Sarkozy a fait cet après-midi à Versailles une mauvaise action.


Bonne soirée républicaine.

21 juin 2009

Messieurs les présidents.

Bonjour à toutes et à tous.

France 3 a diffusé hier soir, tard, un documentaire sur les vacances des présidents de la République. Rien de très original, des images vues et revues, mais tout de même une source de réflexion sur l'image de notre premier magistrat et l'évolution de la politique en 50 ans :

De Gaulle : c'est le premier de la Vème, c'est aussi le dernier dans son style, l'unique, un homme du XIXème siècle, tout dévoué à la vie publique, qui réduit au minimum sa vie privée, qui cache totalement ce qu'il en reste. A la différence de ses successeurs, De Gaulle n'est pas un homme de notre temps, il ne chérit pas les vacances, se contente de séjours familiaux à Colombey, dans La Boisserie, qui est tout sauf un lieu de villégiature. Il ne connaît que le costume-cravate ou l'uniforme militaire.

Mais comme ses successeurs, comme tout politique, De Gaulle théâtralise sa vie, surtout la fin de sa vie. Là encore, il n'est pas un homme de notre temps. En 1968, il se sort habilement de la crise de Mai qui aurait pu emporter son régime, il se donne aux législatives de juin une majorité à faire rêver et au lieu d'en profiter, de renforcer ainsi son pouvoir, de se maintenir à la tête de l'Etat, il propose en 1969 un référendum sur un sujet qui n'intéresse personne (la régionalisation et la réforme du Sénat), lance un défi au peuple en liant son sort au résultat, échoue et s'en va. Vous connaissez depuis et aujourd'hui un homme politique qui ferait ça, qui mettrait en jeu son pouvoir alors que rien ne l'y oblige ? Moi, ce que je constate, c'est qu'à tous les niveaux de la politique, ceux qui ont un pouvoir, petit ou grand, s'y accrochent comme les morpions au cul d'une vache.

Non seulement De Gaulle part en toute liberté, mais il met en scène son départ, son échec, en s'exilant plus d'un mois en Irlande, dans un paysage désolé, venteux. C'est extraordinaire : cet homme qui a tant aimé la France, qui a prétendu l'incarner et qui lui dit en quelque sorte merde en s'éloignant d'elle. Il avait déjà dit merde en 1940 en rejoignant un autre pays, mais ça lui avait réussi. Sur les plages irlandaises, son grand manteau au vent comme un linceul noir, face à la mer, c'est une image de liberté, de grandeur qu'on ne reverra plus jamais chez les chefs d'Etat français. Aujourd'hui, nos présidents caressent le peuple comme ils caressent leur chien. Il leur manque l'orgueil, la démesure. J'ai été séduit par Mitterrand, j'ai été impressionné par De Gaulle. Je ne l'ai jamais aimé parce que ce n'est pas le genre d'homme qu'on aime, qui se laisse ou qui se fait aimer : on le déteste ou on l'admire. Le malheur de notre époque, c'est que les hommes politiques veulent se faire aimer, alors que ce n'est pas le job.

Pompidou : on l'oublie trop souvent mais c'est le premier président moderne, puisqu'il se montre en pull-over et appelle sa femme "bibiche" devant les caméras. Un siècle le sépare de De Gaulle ! Celui-ci est un bourgeois qui ne fréquente pas la bourgeoisie, Pompidou si ! La différence avec Sarkozy, c'est qu'il ne s'exhibe pas en sa compagnie et qu'il est un grand lettré. Il ne dévoile qu'une petite partie de sa vie privée, mais le voile est levé, il le sera de plus en plus chez ses successeurs. Pompidou part en week-end (c'est alors une nouvelle mode) et se fait filmer en faisant guili-guili à son petit-fils dans les bras.

Giscard : il fait plus que dévoiler sa vie puisqu'on le voit torse nu dans les vestiaires après un match de foot. Ce que Pompidou a lancé en pragmatique, en expérimentateur, Giscard s'en fait le théoricien, le professionnel. Désormais, la vie privée devient un argument politique. Sauf quand celle-ci n'est pas très porteuse, comme les chasses aux grands fauves en Afrique dont raffole le président. Là, à droite, c'est la mort définitive de De Gaulle.

Mitterrand : d'un président de gauche, on attendait une image de gauche de la vie privée, plus modeste, sans rien de somptuaire, sinon populaire du moins moyennement bourgeoise, petit-bourgeois, un style classe moyenne. Mitterrand a assez bien réussi de ce côté-là, avec son goût pour la campagne, les villages de France, la bergerie de Latché, seulement corrigés par l'appartement très intello parisien de la rue de Bièvre. La gauche pouvait s'y reconnaître. Seul l'aspect bucolique, terrien, un peu gaullien pouvait troubler. Mais ce qui est fascinant chez Mitterrand, c'est la révélation post-mortem de sa double vie, Louxor contre Latché, Venise contre Château-Chinon. Où est la vérité de Mitterrand ? Avec son âne Noisette ou devant le Sphinx ? C'est ce qui en fait le président le plus fascinant, le plus politique aussi dans sa mise en scène d'une vie privée qui en cache une autre toute différente et même opposée.

Chirac : c'est pour moi le président le moins intéressant de tous, un homme banal, au mieux un brave gars, mais rien chez lui ne me marquera. C'est peut-être injuste mais c'est ainsi. C'est le moins théâtral de tous nos présidents. Quand il essaie de "jouer" sa vie privée, ça tourne très vite au ridicule, comme quand il se fait photographier avec un walk-man sur les oreilles lors de la venue de Madonna.

Sarkozy : c'est sans doute le plus nature, le plus sincère, et partant le plus touchant de nos présidents. Il ne "joue" pas, il se montre tel qu'il est, naïvement. D'Arvor l'a qualifié de "petit garçon", mais c'était un peu méchant. C'est plutôt un ado, y compris dans sa vie sentimentale. Ce n'est pas lui qu'on imaginerait avec une double vie compliquée à la Mitterrand ! Mais c'est aussi le moins politique de nos présidents (je parle bien sûr de la gestion publique de sa vie privée). Aller au Fouquet's, se reposer sur un yacht, prendre des vacances en Amérique, se promener main dans la main avec une chanteuse-mannequin à Disneyland, c'est de la pure et simple folie, c'est n'avoir aucun sens politique, c'est ne rien comprendre à la symbolique de ces situations, à leur impact psychologique dans l'opinion publique. Mais j'ai peut-être tort, j'appartiens sans doute à un univers mental, malgré mon âge, plus proche de celui de De Gaulle que de Sarkozy. Réponse en 2012, au moment ou non de sa réélection.


Bonne journée.

20 juin 2009

Pour aller à gauche ...

Bonjour à toutes et à tous.

Charlie-Hebdo a lancé un appel à idées pour la gauche, une opération qui s'intitule : pour aller à gauche, c'est par où ? La réponse doit se faire en vingt lignes envoyées par courrier ou courriel ( agauche@charliehebdo.fr ). J'ai adressé ce matin deux mails, que je vous livre :

Pour aller à gauche, il faut réconcilier les Français avec la politique, en appliquant la mesure la plus populaire, aussi bien à gauche qu'à droite : le non cumul des mandats. En commençant par le mandat le plus prestigieux en République : parlementaire. Celui-ci doit être uniquement un législateur, pas aussi un gestionnaire d'une collectivité ou une fausse assistante sociale. Pour dissuader le cumul, le député socialiste Dosière propose une indemnité unique plafonnée à 6 000 euros par mois. C'est ainsi le non cumul des indemnités qui favorisera le non cumul des mandats.

Pour aller à gauche, c'est par le peuple. Sarkozy soutient les riches et culpabilise les pauvres. La gauche doit faire l'inverse. C'est l'urgence absolue. Comment ? En remettant en question l'universalité de certains droits sociaux (les droits politiques, eux, demeurent en République universels)., en les plaçant sous condition de ressources. Je pense aux allocations familiales, l'un des symboles de l'aide aux plus pauvres. Il faut les supprimer ou les réduire pour les riches, les réserver et les augmenter pour les pauvres. Martine Aubry, ministre du Travail, y avait songé. Elle doit reprendre maintenant cette idée.

Et vous, amis de gauche, pourquoi vous n'enverriez pas vos idées à Charlie ?


Bonne journée.

19 juin 2009

RSA contre RMI.

Bonsoir à toutes et à tous.

Le RSA est en vigueur depuis quelques jours. Un homme de gauche, Martin Hirsch, en est l'inventeur et les conseils généraux socialistes, soucieux d'appliquer la loi de la République, mettent le dispositif en place. Ce qui amène la gauche à une certaine indulgence vis à vis du RSA. Et puis, si par ce biais des personnes peuvent être incités à rechercher ou à conserver un travail parce qu'un supplément leur est versé, qui rend plus intéressant de vivre qu'avec des allocations, tant mieux. Mais combien de gens seront-ils touchés ? On fera dans quelques mois le bilan, on ne peut guère en dire plus maintenant.

Ce dont j'aimerais cependant parler ce soir, c'est de la signification politique du RSA. Car sous couvert d'une mesure technique, d'une gestion sociale des chômeurs et travailleurs pauvres, il y a une intention idéologique que la gauche doit d'urgence rendre visible. D'autant que le RSA, c'est sa défaite, puisque celui-ci remplace un autre dispositif voulu il y a vingt ans par Rocard et les socialistes : le RMI. Les deux logiques sont politiquement opposées : le RMI était un droit pour toute personne sans emploi de recevoir un petit quelque chose, pas grand-chose mais assez pour ne pas socialement sombrer. Grâce au RMI, on ne le dit pas suffisamment (y compris dans les rangs socialistes), la société française a échappé à la tragédie silencieuse de la grande pauvreté, telle qu'elle existe et fait des ravages aux Etats-Unis.

Le RSA, ça n'a rien à voir, c'est une mesure destinée à encourager ceux qui ont déjà un travail pour qu'ils le gardent. On n'est plus dans une logique du droit, on ne s'adresse plus aux chômeurs en tant que tels, on est dans l'idéologie sarkozienne de la "valeur-travail", on récompense le boulot, quitte à ce que celui-ci soit merdique, à temps partiel, intérimaire. On part de cette idée qu'un sans emploi ne recherche pas un emploi, qu'il est légèrement fainéant, qu'il faut l'inciter par quelques sous à embaucher quelque part.

L'idéologie du RSA est dans les têtes depuis longtemps, c'est pourquoi la droite, avec ce dispositif, a remporté une grande victoire politique. Depuis 2002, combien d'électeurs de gauche, y compris parfois des adhérents socialistes, n'ont-ils pas critiqué "l'assistanat", ce mot qui auparavant appartenait au vocabulaire de droite et qui s'est installé progressivement dans les têtes de gauche ? Combien de fois ai-je entendu des camarades me dirent : le RMI, c'est bien, mais on a oublié le I d'insertion. Oui mon con ! Ça ne viendrait pas à l'idée que l'insertion est du ressort des patrons, de l'économie, que c'est à eux de créer de l'emploi, que le chômage de masse relève aussi de leur responsabilité ?

Au lieu de ça, on préférait taper sur Jospin, les 35h, la CMU et bien sûr le RMI. Dégueulasse ! De toute façon, quand quelqu'un commence par "c'est bien mais ...", vous pouvez être sûr que s'annonce une grosse connerie. C'est ainsi que le RMI a été discrédité par notre propre électorat, qui nous accusait de venir en aide aux plus pauvres (comme si ce n'était pas la définition même du socialisme !). Le terrain a donc été préparé à Sarkozy et à son RSA. Bref, la gauche a encore un gros travail à faire pour remonter la pente et imposer ses propres thèmes idéologiques dans le débat public.


Bonne nuit.

18 juin 2009

Politico-philosophique.

Bonsoir à toutes et à tous.

C'était ce matin l'épreuve du bac de philo. Comme chaque année, j'essaie sur ce blog de mettre en correspondance les questions posées et les préoccupations politiques.

Ainsi, les Scientifiques ont dû traiter de ce sujet de dissertation : Est-il absurde de désirer l'impossible ? En politique, bien sûr que non ! C'est même vivement recommandé. Prenez Saint-Quentin : pour la gauche, vouloir l'emporter contre la droite, c'est incontestablement désirer l'impossible. Mais allez savoir si ce désir ne va pas finir par se réaliser ...

Quant au commentaire de texte, les Scientifiques ont planché sur Tocqueville, dont je retiens cette phrase : "Pour gagner l'amour et le respect de la population qui vous entoure, il faut une longue succession de petits services rendus, de bons offices obscurs, une habitude constante de bienveillance et une réputation bien établie de désintéressement". Je la destine à toutes celles et ceux qui veulent conquérir ou conserver le pouvoir.

Les Economistes se sont affrontés à la question : Le développement technique transforme-t-il les hommes ? Hélas non, et cette remarque s'adresse à ceux qui pensent que la politique relève de la simple gestion technique. Car ce n'est pas ainsi qu'on change la société.

Le texte de John Locke proposait notamment cette réflexion : "La justice et la vérité sont des liens élémentaires de toute société : même les hors-la-loi et les voleurs, qui ont par ailleurs rompu avec le monde, doivent donc garder entre eux la fidélité et les règles de l'équité, sans quoi ils ne pourraient rester ensemble". C'est bien vu. Appliqué à aujourd'hui, je dirais que justice et vérité doivent d'autant plus guider l'action des socialistes qu'ils ne sont ni des hors-la-loi, ni des voleurs.

Les Littéraires se sont demandés la chose suivante : Le langage trahit-il la pensée ? En politique, c'est évident. Un homme politique, avant d'être jugé sur ce qu'il fait, le sera sur ce qu'il dit. En parlant, il dévoile ses intentions.

Le texte proposé était de Shopenhauer : "C'est une entreprise difficile d'obtenir, de conquérir un bien quelconque ; pas d'objet qui ne soit séparé de nous par des difficultés, des travaux sans fin". Comment ne pas penser à la conquête du pouvoir ?

Ainsi, cette année, une fois de plus, philosophie et politique se seront involontairement retrouvées, le temps d'une épreuve au baccalauréat.


Bonne nuit politico-philosophique.

17 juin 2009

Les "grands gagnants".

Bonsoir à toutes et à tous.

Depuis le dimanche des européennes, j'entends répéter, ici ou là, à gauche comme à droite, que les "grands gagnants" (je cite) du scrutin, ce serait qui, à votre avis ? Les Verts peut-être, passés de 1 à 16 % ? Non. Le PCF alors, passé de 1% à 6% ? Non plus. L'UMP sans doute, qui arrive en tête alors qu'elle est au pouvoir depuis 2002 ? Pas plus. Mais qui sont donc les "grands gagnants" du 7 juin 2009 ? Les abstentionnistes, parait-il.

C'est renversant. Un abstentionniste est quelqu'un qui se fout de tout, en premier lieu de la démocratie, ou quelqu'un qui n'est content de rien. Et le "grand gagnant", ce serait lui, l'abstentionniste, cet anti-modèle civique, qui devrait normalement susciter la honte plus que l'admiration ! Un abstentionniste, c'est comme un socialiste (je parle des adhérents) qui vote Vert ou centriste et qui s'en vante, c'est un incohérent, un inconséquent, à dénoncer comme tel.

Mais voilà, nous vivons dans une époque et une société qui pratiquent le populisme ordinaire : la sacro-sainte "base" ne peut qu'avoir raison, même quand elle ne se déplace pas pour aller voter; les méchants, ce sont les autres, ceux d'en haut, les "élites", la classe politique. Le poujadisme est aujourd'hui l'idéologie la mieux partagée : c'est les "petits" contre les "gros". A droite comme à gauche, cette chanson est plaisante, donc on l'entonne. C'est ainsi que les abstentionnistes, ces fainéants du suffrage universel, sont transformés en "grands gagnants" de l'élection. Quelle impudence dans le raisonnement, quelle perversité !

Quand les abstentionnistes en question entendent qu'ils sont les "grands gagnants", ils doivent sûrement être contents de leur faiblesse, encouragés dans leur défaut, et s'apprêter, lors de la prochaine échéance électorale, à ne toujours pas aller voter, pour toujours demeurer les "grands gagnants". Car c'est une place de choix, qu'on n'abandonne pas facilement.

Peut-être allez-vous me reprocher ma dureté envers les abstentionnistes ? Après tout, rester chez toi, n'est-ce pas aussi un message politique ? Je ne sais pas, je ne crois pas, je crois plutôt que c'est n'importe quoi, que personne n'ose dénoncer parce que les abstentionnistes représentent 60% du corps électoral et que tout le monde préfère s'écraser devant eux. C'est la misère politique de notre époque. De Gaulle au moins n'hésitait pas à dire, quand il le fallait, que les Français étaient des "veaux". Qui aujourd'hui oserait un tel propos ? Nous sommes dans une société de la caresse et du pelotage de fesses. Au lieu d'élever, on rabaisse. On prétend respecter, en réalité on méprise. C'est comme si le prof que je suis disait que tous ses élèves sont bons et formidables. Non !

Au fait, les abstentionnistes ont gagné quoi ? Dans à peu près toute l'Europe, la droite est aux commandes, en France Sarkozy en sort renforcé. Ça n'a pas traîné : quelques jours après les résultats, la droite ressortait le projet de la retraite à 67 ans. Bravo les abstentionnistes ! Voilà ce que vous avez gagné. Vous êtes certes libres, y compris en République, de vous abstenir. Mais par pitié, ne venez pas maintenant pleurnicher, vous plaindre que rien ne va et que vous êtes contre tout. C'est de votre faute si la France et l'Europe en sont maintenant où elles en sont.

Car si vous vouliez une "autre Europe", qui semble-t-il à votre préférence, pourquoi ne vous êtes-vous pas déplacés pour voter Mélenchon, Besancenot ou Laguiller ? Que ces salauds de socialistes, comme vous devez penser qu'ils sont, vous révulsent, je peux le comprendre, parce que je suis extrêmement magnanime. Mais les autres, qui ne sont pas tendres avec les institutions européennes, la classe politique et la social-démocratie, pourquoi n'avez-vous pas bougé votre cul pour aller les soutenir ? Ne me faites pas le coup de me dire qu'il ne sert à rien d'aller voter parce qu'en 2005, vous avez dit non et qu'on n'aurait soi-disant pas respecté votre choix. Là, on ne vous demandait pas d'être pour ou contre, mais de choisir vos représentants.

Mais peut-être que vos egos sous-dimensionnés (je me permets, puisque vous crachez sans cesse sur la classe politique et ses "egos surdimensionnés") ne dédaignent pas se laisser représenter par quiconque. A vrai dire, vous avez tort même si tout le monde semble vous donner raison en vous présentant comme les "grands gagnants", vous n'avez aucune excuse d'avoir déserté le champ de la démocratie. Voter, ça prend un peu plus que le temps d'aller pisser, et vous n'avez rien fait. Vous êtes impardonnables, je vous le dis parce que personne ne vous le dit, vous confortant au contraire dans votre démission civique. Sans rancune cependant, car en toute sincérité.


Bonne soirée.

Dany à Saint-Quentin !

Bonjour à toutes et à tous.

Non, ce n'est pas ce que vous croyez : j'ai invité l'an dernier Krivine à Merlieux, mais ne vous attendez pas à voir Cohn-Bendit à Saint-Quentin. Quoique, si Nora a un bon contact, pourquoi pas ... Il est vrai aussi que j'ai un projet de ciné philo autour de l'écologie en octobre. Pour l'instant, c'est autre chose que j'ai à l'esprit, un petit exercice que j'apprécie beaucoup, même si certains lecteurs me le reprochent : comparer la vie locale à la vie nationale, aller de l'une à l'autre, m'inspirer de celle-ci pour réfléchir à celle-là.

On m'objecte que c'est incomparable et trop facile. Faux : la politique est une activité universelle, ce qui vaut à Strasbourg vaut à Paris et à Saint-Quentin. Les dimensions sont évidemment différentes, mais les ressorts sont identiques. Bref, je veux aujourd'hui tirer les leçons du succès écologiste et les appliquer à Saint-Quentin. Avec trois enseignements majeurs :

1- Les écolos étaient divisés, parfois jusqu'au ridicule, en courants et sous-courants. Daniel Cohn-Bendit a su rassembler et s'ouvrir à ce qu'on appelle les personnalités de la société civile. C'est la première condition d'une victoire électorale : regrouper les siens et associer les proches. A Saint-Quentin, les socialistes ne peuvent plus exister les uns envers les autres sur le mode du rapport de forces, qui est nécessairement exclusif. Aujourd'hui, nos élus locaux, certes peu nombreux, sont tous de la même sensibilité. Ça n'est pas ainsi qu'on peut créer la confiance et favoriser le rassemblement.

Tous ensemble, telle a toujours été ma ligne politique (dont je suis bien obligé de reconnaître qu'elle a échoué, ce qui ne signifie pas qu'elle ne soit pas pertinente). Les personnalités de gauche, engagées dans la vie associative, culturelle, syndicale, sportive sont nombreuses à Saint-Quentin. Il faut impérativement les associer à nos actions futures, leur donner des responsabilités, les mettre en avant. Se replier sur notre base militante, c'est la mort assurée.

2- Les écolos ont su se donner un leader charismatique. Sans Dany, ils auraient un bon score, mais je ne crois pas qu'ils auraient atteint les 16%. Il n'y a pas de victoire politique sans leader digne de ce nom. Voyez Sarkozy pour la droite nationale, voyez André et Bertrand pour la droite locale. Un leader, on en veut, on en parle mais on le définit rarement. Etre leader, ce n'est pas essentiellement rassembler ses partisans. Avoir des groupies qui suivent aveuglement, c'est à la portée de tous, j'ai toujours connu ça. Non, le charisme se reconnaît à la séduction qu'un leader exerce sur les autres, pas sur les siens.

Si Pierre André est chez nous charismatique, c'est que les résultats aux élections locales prouvent objectivement et mathématiquement qu'il exerce son influence politique bien au-delà des frontières naturelles de la droite. La gauche locale, elle, a nécessairement un chef de file (elle en a toujours eu un), mais elle est en attente d'un leader charismatique qui mobilise son électorat et au-delà, en vue de la victoire. Qui ? Je ne sais pas. Un leader, ça ne se décrète pas, ça se constate. Pour le moment, je ne constate rien.

3- Les écolos ont su complètement coller à l'élection européenne en ne parlant que d'Europe. On ne l'emporte dans un scrutin qu'en entrant totalement dans l'enjeu de ce scrutin. A Saint-Quentin, une victoire municipale de la gauche ne se produira que lorsque la gauche aura un véritable programme de gestion municipale. Ça ne se décide pas au dernier moment, n'importe comment ni avec n'importe qui. Il faut du temps, là aussi une large ouverture sur la société civile. Quoi qu'il en soit, une élection locale ne se gagnera jamais sur des thèmes strictement nationaux. La droite a bien compris ça, elle veille à ne pas confondre les deux niveaux.

Puisse Dany, tels les dieux qu'on invoquait sous l'Antiquité, apporter à la gauche saint-quentinoise une petite, rien qu'une petite source de réflexion et, pourquoi pas, d'action.


Bon après-midi.

16 juin 2009

Camarades infidèles.

Bonsoir à toutes et à tous.

Depuis quelques jours, depuis la défaite du PS aux européennes, je suis irrité. Pas par la défaite : le PS s'en remettra, et plus vite qu'on ne le croit. On a déjà vu ça. Non, ce qui m'irrite, c'est autre chose, et je veux ce soir vider mon sac : ce sont ces quelques camarades, peu nombreux il est vrai mais quelques-uns suffisent, qui m'avouent ne pas avoir voté socialiste ! Ça m'est insupportable : quand on est socialiste, adhérent du Parti socialiste, on vote socialiste, c'est la moindre des choses, c'est la cohérence la plus élémentaire, c'est l'honnêteté de base.

Avec qui ont-ils trompé le PS, ces infidèles ? Les uns avec le Front de Gauche, les autres avec Cohn-Bendit. Ils n'ont même pas honte, ils pourraient se taire, cacher leur aventure d'un soir, d'un scrutin. Mais non ! Si on les poussait un peu, ils seraient presque fiers de leur trahison. C'est ça qui m'irrite profondément. La défaite en politique, elle devient irrémédiable quand dans votre propre camp les défections se multiplient.

Il est devenu coutumier de montrer du doigt la direction du Parti. Je connais même des socialistes qui parlent du "PS" comme si celui-ci leur était étranger alors qu'ils en sont membres. Facile, trop facile ! Ce populisme ordinaire exonère la base de toute responsabilité. Moi j'affirme que tout socialiste est responsable de la défaite et doit en porter la peine. Vous comprendrez alors pourquoi je n'aime pas ceux qui se défilent en prétendant qu'ils ont couché, pardon voté ailleurs.

Et la liberté, me direz-vous ? Quelle liberté ? Celle de faire n'importe quoi ? Non merci, ce n'est pas ma conception de la liberté. Qu'un simple électeur, qu'un sympathisant socialiste ne votent pas socialiste, ça ne me choque pas. Rien ne les engage à voter pour nous, c'est à nous d'être plus convaincants, plus attractifs afin de les fidéliser. Mais un adhérent, c'est autre chose, c'est quelqu'un qui a librement signé un contrat avec le PS, qui s'est engagé à respecter ses valeurs, son programme, ses statuts. Sinon, adhérer ne veut plus rien dire, devient une bouffonnerie. Adhérer, c'est se marier. Si on n'est pas content, on divorce, on s'en va, on va voir ailleurs.

Les infidélités destructrices ne datent pas d'aujourd'hui. Tout a commencé en 2002, je m'en souviens. Des camarades traînaient des pieds pour soutenir Jospin, son bilan, les 35 heures, la gauche plurielle. Certains préféraient s'encanailler du côté de Besancenot, Chevènement, et même Taubira. Taubira, vous vous rendez compte combien le mal était profond ! Et puis il y a eu 2005, le référendum sur le Traité constitutionnel, où le oui l'emporta très majoritairement dans le Parti. Alors, pour la première fois de notre histoire, des adhérents vont bafouer le choix démocratique, s'organiser pour s'opposer à lui. Je regrette le manque de fermeté d'Hollande, qui aurait dû exclure les contrevenants. En 2007, l'infidélité a perduré, cette fois au profit de Bayrou.

Je crois qu'un adhérent socialiste doit demeurer un libre citoyen, comme je le suis sur ce blog, où je n'hésite pas à être critique envers les miens quand il le faut, quand la situation l'exige. Mais ce goût républicain pour la liberté n'empêche pas un autre goût républicain, celui de la discipline collective. J'ai toujours soutenu et voté pour nos candidats démocratiquement désignés. Ceux qui ne le font pas alors qu'ils sont des adhérents du Parti socialiste commettent une faute politique et une erreur morale.


Bonne soirée.

La statue qui fait causer.

Bonjour à toutes et à tous.

Qu'est-ce qui fait causer ces derniers temps dans Saint-Quentin quand on a rien de particulier à dire ? Une statue, mais oui ! Celle de Quentin de La Tour, érigée il y a peu sur la place de l'Hôtel de Ville. Dès son inauguration, ça jasait, on parlait beaucoup plus d'elle que du vieux puits qui est tout de même l'essentiel de la rénovation de la place. Quand la bâche bleue électrique qui cachait la "surprise" a été enlevée, l'étonnement pour beaucoup a été grand. "Elle va rester là ?" ai-je plusieurs fois entendu, de la part d'incrédules.

Qu'est-ce qui surprend ? Les couleurs vives qui tranchent avec le gris de la place, la modernité de l'oeuvre qui jure avec l'ancienneté du décor. La statue est déjà affublée d'un surnom : "le bonhomme en culotte courte". Pour certains elle vient tout droit de Disneyland, pour d'autres elle ressemble à un gros gâteau d'anniversaire. Et puis, il y a tous ceux qui ne disent rien parce qu'ils la trouvent très bien. Pierre André, qui en a vu d'autres, a anticipé dans son discours la polémique, en fustigeant d'avance ceux qui trouveront que la statue est trop comme ci ou pas assez comme ça.

Que pouvons-nous politiquement en penser ? Trois remarques me viennent à l'esprit :

1- Le politique n'a pas à se prononcer sur les choix et les goûts esthétiques. Il n'y a que dans les régimes totalitaires que le pouvoir s'immisce dans le domaine de l'art. En démocratie, les artistes sont sollicités par le pouvoir mais restent libres de leurs créations. Après, ce sont les individus qui jugent, qui apprécient ou non, pas les politiques. De ce point de vue, je n'ai pas à porter de jugement sur l'oeuvre de Jean Monneret. De même, j'avais été un peu choqué qu'on traite l'oeuvre précédente, le kiosque surnommé "soucoupe volante", comme un vulgaire tas de ferraille à mettre au rebut. On aime ou on aime pas, mais on se doit de respecter.

2- Est-ce que j'aime personnellement ce Quentin de La Tour ? Je n'en sais rien, je ne suis pas grand amateur d'art, mais j'ai été comme beaucoup surpris. Ce que je sais, c'est que les créations les plus originales ont toujours suscité la polémique. Je me demande même si ce n'est pas ainsi qu'on les reconnaît ! Des couleurs trop vives, un contraste malheureux avec le cadre historique ? Peut-être, mais on pourrait dire aussi que cette statue colorée apporte un peu d'éclat et de lumière dans un ensemble trop terne, que son nom et son personnage symbolisent parfaitement notre ville ... Il serait hasardeux pour un politique de s'engager dans un débat très subjectif, très personnel.

3- Le sénateur-maire peut-il être renversé par une statue, comme on dit que la dernière municipalité a été battue sur l'aménagement de cette même place ? Certains peuvent espérer, moi je préfère en rigoler. Ce n'est tout de même pas une statue qui va faire tomber Pierre André ! Qu'on se méfie du parallèle avec 1995, où l'affaire était d'une toute autre dimension. L'histoire ne se répète pas, elle bégaie, disait Karl Marx. Ce qui fera que les Saint-Quentinois préfèreront un jour la gauche à la droite, c'est quand l'opposition présentera un projet alternatif dans les domaines qui sont de la compétence municipale. Ce n'est pas l'érection même douloureuse d'une statue.


Bonne matinée.

15 juin 2009

Avec Pierre André.

Bonjour à toutes et à tous.

Avant de prendre vendredi le train pour Narbonne, j'ai rencontré Pierre André à l'Hôtel de Ville, ce qui est plutôt rare. On se croise souvent dans les cérémonies, inaugurations, manifestations publiques, on échange parfois quelques mots. Les contacts épistolaires sont réguliers, de par mes activités associatives. Un tête à tête dans son bureau, c'est toujours pour moi un petit événement. Nous sommes tout de même des adversaires politiques, même si les circonstances ont fait que je n'ai finalement pas été, contrairement à ce que je souhaitais, son premier opposant.

Nous avons beau nous rencontrer pour des raisons purement associatives, la politique reprend vite, au cours de la conversation, le dessus. C'est que lui et moi, nous aimons ça. Il y a onze ans, quand je me suis installé dans cette ville, je n'avais pas une bonne image du sénateur-maire, comme beaucoup de militants de gauche avec moi : je le trouvais cassant, parfois brutal. Mais la politique, n'est-ce pas aussi ça ? Côté socialiste, j'en ai connu plus qu'à mon tour des vertes et des pas mûres ... Aujourd'hui, je me fais une autre image de lui. Je ne sais pas de quand ça date, trois ou quatre ans peut-être, ayant un peu plus de relations avec lui de par mes responsabilités associatives.

Pour tout dire, je le trouve sympa, je me sens libre de lui dire ce que j'ai sur le coeur, je le crois attentif. Ce que j'ai noté, c'est que nos tête à tête ne sont pas des face à face : il n'est pas à son bureau, moi devant lui, dans la solennité de sa fonction. Nous sommes tous les deux à l'angle d'une grande table, nous discutons agréablement. C'est un "patron" qui ne cherche pas à jouer les patrons, à impressionner son interlocuteur. Il en aurait pourtant les moyens : quand on en est à son troisième mandat, qu'on a été réélu à 60%, on ne craint plus rien, et surtout on n'attend plus rien des autres. C'est un luxe politique que peut se permettre Pierre André.

Je vais jusqu'à me demander pourquoi il me reçoit, pourquoi il prend le temps de discuter près d'une heure avec moi. Il sait que jamais je ne le rejoindrai, que mon camp est pour toujours celui de la gauche, que je souhaite qu'à Saint-Quentin la municipalité soit conquise un jour par le Parti socialiste, que sur ce blog je critique fortement la politique gouvernementale. Cet homme qui dispose sur la ville d'un formidable pouvoir pourrait me négliger, parce que je ne représente pas grand-chose, que je suis quantité négligeable. Mais non ! Pourquoi ? Je me trompe peut-être mais je crois qu'il y a entre nous une estime réciproque.

En l'écoutant me parler, je ne peux pas m'empêcher de me poser cette question pas si idiote que ça : cet homme de droite aurait-il pu être de gauche ? Son histoire familiale, sa proximité avec Chaban-Delmas, son appartenance de jeunesse à l'UJP (Union des Jeunes pour le Progrès, mouvement dans lequel on comptait des gaullistes de gauche), tout ça aurait pu le conduire vers le centre gauche, les idées progressistes. C'est son entrée dans le monde de l'économie qui aura tranché pour lui, qui l'aura sans doute conduit, au sein de la Chambre de Commerce et d'Industrie, à rejoindre définitivement le camp conservateur.

Quoi qu'il en soit, cet homme aura réussi à se faire aimer des Saint-Quentinois, à s'inscrire dans l'histoire de notre ville. On peut être, comme moi, de gauche et avoir l'honnêteté de le reconnaître. Ce qui ne me prive nullement de vouloir très fort une alternative de gauche pour Saint-Quentin. Il m'arrive aussi de songer à l'opposant que j'aurais pu être, face à lui, contre lui, en conseil municipal. J'aurais bien sûr chercher à le déstabiliser, ce qui n'est pas une mince affaire quand on s'affronte à Pierre André. Y serais-je parvenu ? Je n'en sais bien sûr rien du tout !

Ce qui est certain, c'est que mon style aurait été tout à fait différent de l'actuelle opposition, tant il est vrai que la personnalité du chef de file imprime fortement sa marque, donne le ton, contribue à l'image publique de l'opposition. Aurais-je été meilleur ? Je ne le sais pas plus ! Mais différent, oui. Aurais-je pu alors discuter aussi tranquillement avec le sénateur-maire que ce vendredi après-midi ? Je ne le pense pas. Peut-être, après tout, et pour lui et pour moi, que c'est mieux comme ça.

Bonne fin d'après-midi.

14 juin 2009

Il a tout compris !

Bonsoir à toutes et à tous.

Port Leucate, c'était formidable ! De riches débats dans cette assemblée générale de la Ligue de l'enseignement, un temps magnifique, la Méditerranée à mes pieds ... De quoi être définitivement infidèle à Saint-Quentin ! Mais non, on revient toujours à ses premiers amours ... Pour la petite histoire (qui parfois vaut bien la grande), j'ai croisé dans la gare de Lyon celle qui sera peut-être dans quelques mois la tête de liste du MoDem pour la région Picardie : Corinne Lepage.

Sinon, dans le TGV, pour occuper les cinq heures de train qui nous font traverser la France (un bien petit pays, puisqu'il faut si peu de temps pour se rendre du nord au sud), j'ai lu mes articles de presse en retard, dont l'entretien de Daniel Cohn-Bendit dans Libération du mardi 9 juin. Il a tout compris, ce Dany ! Si je n'étais pas socialiste, j'aurais volontiers voté pour lui. Combien d'ailleurs d'électeurs socialistes et même d'adhérents moins disciplinés que moi ont voté pour lui ? Un sacré paquet, je crois.

Pourquoi je dis qu'il a tout compris ? Pour ces quelques lignes : "Le vrai problème pour 2012, à part si quelqu'un émerge dans les six mois, c'est que le PS n'a qu'une seule possibilité : faire rapidement un appel à Dominique Strauss-Kahn et qu'il y ait un vrai débat entre lui et Ségolène". C'est très bien vu. Les deux seuls pour l'instant en situation dans la perspective de la prochaine présidentielle, c'est lui et elle, Strauss et Ségo.

Je ne sais pas ce que Dany appelle "un vrai débat". Ce dont les socialistes ont surtout besoin, c'est d'une réelle unité. C'est le b-a ba de la politique : nos électeurs ne nous pardonnent pas de nous chamailler. La droite a fait son unité, la gauche doit la faire aussi. Ou alors nous sommes condamnés à perdre. S'il y avait entre nous des clivages politiques, idéologiques et stratégiques comme entre mitterrandistes et rocardiens dans les années 70, la désunion aurait un sens. Ça n'est plus le cas aujourd'hui. Tout le monde sait très bien que DSK, Royal, Delanoë et Aubry ne se distinguent que sur des nuances, parfois importantes, mais des nuances quand même. Leur fond commun, quoi qu'ils en disent ou s'en défendent, c'est la social-démocratie.

La seule divergence de fond venait de notre aile gauche, qui s'inspirait du socialisme d'il y a trente ans. Depuis le départ de Mélenchon, qui en est le représentant le plus cohérent et le plus solide, elle n'a plus d'existence au sein du Parti. En ralliant Martine Aubry et surtout en devenant notre porte-parole, Benoît Hamon a mis fin à la présence d'un courant de gauche autonome. Idéologiquement, le PS est plus homogène que jamais. C'est pourquoi les disputes sont perçues comme d'insupportables querelles de personnes et de pouvoir.

Que faudrait-il ? Que Strauss s'entende avec Ségo, d'une façon ou d'une autre (je ne sais pas laquelle). Il n'est pas tenable pour nous tous que notre candidate en 2007, dont la popularité demeure forte à l'intérieur comme à l'extérieur du Parti, soit tenue à l'écart de ce qui se passe. Il faut faire front, il faut faire bloc, il n'y a pas d'autre solution. Parier sur d'hypothétiques rapports de forces, des stratégies d'appareil, des habiletés de procédure, ça c'est la vieillesse culture du Parti dans ce qu'elle a de plus désespérante et de plus détestable, de cette culture qui fait les défaites mais jamais les victoires. Si Dany nous donne des conseils, c'est qu'il les a appliqués chez les Verts et les a ainsi conduits au score de dimanche dernier. Ayons l'humilité et la lucidité de nous en inspirer.


Bonne nuit.

12 juin 2009

Le PS est-il mort ?

Bonjour à toutes et à tous.

Connaissez-vous la nouvelle ? Le PS paraît-il serait mort. L'acte de décès remonterait à dimanche soir. Mais c'est bizarre : j'ai l'impression d'être bien vivant, je ne crois pas être devenu fantôme. Qu'on veuille nous tuer, ça je sais, quand je constate le nombre d'anti-socialistes qui s'en prennent à nous. De là à être dans la tombe, c'est une autre histoire. Qu'une pulsion de mort anime certains, oui. Mais un désir ne fait pas une réalité. En vérité, toute passion mise de côté, le PS n'est pas mort, pour plusieurs raisons :

1- On ne meurt pas en politique, les idées sont éternelles. Le socialisme a un long passé, il aura un long avenir.

2- Une défaite n'a jamais tué personne. Il y a même des défaites salutaires, qui font réagir et avancer, et des victoires empoisonnées.

3- 16% ? Et alors ? Rocard a recueilli beaucoup moins en 1994, 14%, ça n'a pas empêché les socialistes de l'emporter en 1997, aux législatives. Sarkozy en 1999 a fait un très mauvais score aux européennes, ça ne l'a pas empêché de devenir haut la main président de la République.

4- Les écolos sont devenus aussi forts que le PS ? Vous voulez rire ! Combien représentent les Verts en matière d'élus, comparés aux socialistes ? Il n'y a pas photo. Et puis, croyez-vous que les Français se soient brutalement et massivement convertis à l'écologie ? Un peu de sérieux : Voynet faisait 1% il y a deux ans, aux présidentielles. Ne nous convertissons pas ridiculement à l'écologie, restons-nous mêmes, des socialistes ! Les classes populaires ne reviendront pas voter à coups d'écologie mais de social.

5- La droite est puissante ? Oui, parce qu'elle est habile. Mais ce que l'opinion a fait aujourd'hui, elle peut le défaire demain. Son inconstance n'a pas que des défauts. Est-ce d'ailleurs vraiment de l'inconstance ? Plutôt des points de vue différents à des moments et dans des situations différentes.

6- Mais une défaite est une défaite, me direz-vous. D'accord avec vous, mais réfléchissez un peu : 1789 a échoué avec l'Empire et la Restauration, 1871 a échoué par un immense massacre, 1936 a échoué deux ans plus tard, 1968 a échoué avec le retour d'une massive majorité gaulliste. La gauche, dans des heures autrement plus grandes que celles-ci, dans des défaites autrement plus graves que celle-là, n'a cessé de perdre et pourtant de gagner. Méditez cela, ça vaut mieux que tous les petits commentaires dont on nous abreuve depuis dimanche soir.


Bonne journée.

PS : ce week-end à Port-Leucate, près de Narbonne, à l'assemblée générale de la Ligue de l'enseignement, vous risquez donc de ne pas avoir de mes nouvelles durant les deux prochains jours. Mais là encore, je ne serai pas mort, et bien vivant !

10 juin 2009

Après la défaite.

Bonjour à toutes et à tous.

Hier s'est tenu le Conseil national du PS. Martine Aubry a fait un bon discours, dans un contexte difficile. Il n'y a pas eu de déchirements, c'est l'essentiel. La volonté de changer a été réaffirmée, la prise de conscience de la défaite n'a souffert aucune hésitation, c'est bien. Rien n'est plus insupportable en politique que s'entendre chanter "Tout va très bien Madame la Marquise" quand la maison brûle ou que le bateau prend l'eau.

Maintenant, on fait quoi ? J'ai quelques idées, partagées par bon nombre de camarades, qu'il suffirait de mettre en oeuvre pour que les choses aillent un peu mieux :

1- Il y a d'abord notre projet. Nous avons des idées, mais pas encore un véritable projet qui fasse le poids face à Sarkozy. Je pense qu'on y vient, qu'il faut du temps. C'est ce que les Français attendent de nous.

2- L'unité, il nous en faut aussi. Halte aux disputes, aux querelles de personnes ! Les Français ne s'y retrouvent plus, ne nous reconnaissent pas. Il faut en finir avec les courants, les clans, les écuries. Les strauss-kahniens ont donné l'exemple en se sabordant. Résultat : nous tenons certains secteurs du Parti, nous sommes beaucoup plus influents qu'avant, nous contribuons à la réflexion collective.

3- Des primaires à tous les niveaux pour désigner nos candidats. Marre des votes téléguidés, téléphonés où quelques dizaines d'adhérents longuement briffées font la pluie et le beau temps, ce qui généralement se termine sous l'orage. Il faut un corps électoral beaucoup plus grand que celui des adhérents triés sur le volet dans les sections, il faut associer les sympathisants et la société civile. Alors nous serons en phase avec la population et nous pourrons espérer gagner. Marre des jeux d'appareil, des manoeuvres d'apparatchiks.

4- Il faut, et c'est peut-être le plus difficile, casser toute une culture sclérosée, enkystée dans les pratiques d'il y a trente ou quarante ans, qui ont eu leur grandeur et leur utilité en leur temps, qui sont dérisoires et contre-productives aujourd'hui. Rompre avec le suivisme des militants, limiter l'influence des notables, favoriser l'expression des adhérents, interdire le cumul des mandats afin de faire surgir une nouvelle génération d'élus. Et puis, cesser la comédie de ces réunions de section où personne ne va parce qu'on s'emmerde comme des rats crevés à entendre des coqs de basse-cour faire leur cocorico et des bigotes du socialisme nous assommer avec leur crécelle. Des pans entiers du Parti sentent la naphtaline et la mort. C'est la vie et l'énergie qu'il faut nous redonner ! Mais il faut que le grain meurt pour que pousse la plante.

5- L'éclatement de la gauche nous est préjudiciable. La droite a réalisé son unité, la gauche doit faire de même, en inventant un grand parti de toute la gauche. L'offre politique à gauche est devenue tellement multiple que l'électeur n'y retrouve plus ses petits. Il faut clarifier, simplifier tout ça.

6- Martine Aubry et sa majorité sont les mieux placés pour mener à bien cette refondation du socialisme. Nous n'allons pas rejouer entre nous une nouvelle révolution de palais. C'est ce dont nos électeurs ne veulent plus.


Bon après-midi.

09 juin 2009

Les chiffres et leurs nuances.

Bonsoir à toutes et à tous.

Les lendemains d'élections, on a le sentiment que les chiffres donnent raison à tout le monde, tellement chacun peut les interpréter à sa façon. Je lis par exemple dans L'Aisne Nouvelle d'aujourd'hui, page 25, ce titre tonitruant : "L'extrême droite devant le PS dans l'Aisne !" C'est évidemment impressionnant et dramatique. Mais est-ce vrai ? Le PS, dans le département, fait 17,22%, comme au niveau national. Combien réalise l'extrême droite ? 15,23%. Elle est donc à 2 points du PS mais pas devant. Qu'est-ce qui a poussé le journal a choisir ce titre ?

Tout simplement une addition abusive :ont été rajouté aux résultats du FN et à ceux de Carl Lang (le Parti de la France, dissident du FN) les voix de Villiers, ce qui donne effectivement 19,27%, 2 points de plus que le PS. Mais Villiers, si c'est la droite extrême, ce n'est pas l'extrême droite. Il vient de l'UDF pas du FN, il a participé à des gouvernements démocratiques, il est xénophobe mais pas raciste, il est souverainiste mais pas nationaliste. Surtout, il a voté et appelé à voter Sarkozy en 2007. Dis-moi pour qui tu votes, je te dirais qui tu es ...

Dommage que le journal n'est pas repéré que l'UMP avait régressé de 3% par rapport à son score national : elle ne remporte que 25,73% (28,05% en France) alors que nous sommes dans la fédération détenue par Xavier Bertrand, son patron.

Revenons à Saint-Quentin et cherchons à comprendre, en nous méfiant de même des chiffres :

1- L'extrême gauche : elle représente 7, 75%, NPA et LO réunis. Mais son vrai poids politique est plus grand. D'abord parce que le POI n'était pas candidat et qu'il a sur la ville sa petite influence. Ensuite parce que le Front de Gauche est très marqué ici par le PCF gremetzien, qui se reconnaît plus dans la gauche radicale que dans la gauche réformiste. Si j'avais donc à mesurer l'étiage de l'extrême gauche, je le situerai à 13,36%, plus les lambertistes, à qui j'accorde généreusement un point et demi, ce qui amène l'extrême gauche à environ 15%.

2- la gauche : elle fait 32,63%, et avec le seul PS 18,45%. Ce dernier score est un peu meilleur qu'au niveau national, mais cela ne veut pas dire grand-chose : Saint-Quentin n'est pas la France, la comparaison est erronée, quand on appartient à une ville ouvrière durement touchée par la crise et dans laquelle on s'attend à des résultats plus importants de la part des formations progressiste.

3- La droite : son total donne 35,35%, à trois point devant l'ensemble de la gauche. A Saint-Quentin, c'est donc la droite qui est majoritaire (UMP+Villiers) sur la gauche. Vous me direz peut-être qu'il faut opposer droite et gauche sans distinction : mais ça n'arrange rien. Si on additionne gauche et extrême gauche, le chiffre est alors de 40,38%. C'est mieux mais ce n'est pas assez : on retrouve à peu de choses près le score de la dernière élection municipale. Et si on additionne droite et extrême droite, on aboutit à 48,71%, ce qui reste à encore 8 points au dessus du total gauche et extrême gauche.


Bonne soirée.

08 juin 2009

Réactions à froid.

Passées les heures de colère, d'amertume, d'abattement, nous pouvons reprendre et analyser plus froidement la défaite d'hier soir. J'insiste à nouveau sur son caractère incompréhensible : au moment où le capitalisme traverse une crise mondiale profonde, il est anormal que les partis conservateurs, adeptes de ce même libéralisme, l'emporte dans toute l'Europe (sauf semble-t-il en Grèce). Ce qui est incompréhensible, il est sage de ne pas chercher à le comprendre.

Et puis, en démocratie, c'est le peuple qui décide, qui est souverain, et nul n'a le droit de lui imposer de se justifier. De fait, la gauche, réformiste ou radicale, a été sanctionnée, ce n'est pas elle qui formera la majorité au Parlement européen, dont la politique sera encore plus à droite, inévitablement, qu'elle ne l'était. Mais ce qui me semble important pour le PS, c'est de tirer les leçons du scrutin et s'engager à répondre à la nouvelle situation qui nous est faite depuis hier soir. Je vois pour ma part quatre enseignements :

1- Le fort taux d'abstention prouve que les classes populaires, et les analyses détaillées j'en suis sûr le confirmeront, ne se sont pas déplacées, qu'elles ne se sont pas senties concernées pas l'Europe (ce n'est pas une révélation), qu'elles n'ont pas été mobilisées par la gauche. En revanche, la bourgeoisie traditionnelle n'a pas manqué à l'appel pour soutenir la droite et les classes moyennes ont vu dans Cohn-Bendit et ses écolos une bonne représentation de leurs préoccupations. Le PS devra donc, dans les mois et les années qui viennent, s'adresser en priorité à ces classes populaires, car elles sont le socle de notre électorat et la justification de notre engagement.

2- L'échec de Besancenot et de sa tentative de rénover l'extrême gauche doit aussi faire réfléchir le PS. Ce n'est pas de ce côté-là que peut pour nous s'ouvrir l'avenir (là encore, ce n'est pas une révélation). Les classes populaires ne sont nullement attirées par la radicalité, et si le PCF avec son Front de Gauche ne s'en tire pas trop mal, ce n'est pas non plus le top. Le PS doit poursuivre ce qu'a commencé Martine Aubry (mais en quelques mois, c'était encore trop peu pour redresser la barre) : un travail de rénovation idéologique et programmatique autour du réformisme. Car les classes populaires, si elles ne croient pas en la révolution, sont demandeuses de réformes immédiates.

3- Le succès de Cohn-Bendit nous montre le chemin : c'est de ce côté-là qu'il faut renforcer nos alliances, et plus que ça, trouver une source d'inspiration. Car qu'est-ce que Cohn-Bendit, sinon un social-démocrate assumé et un européen fervent ? Voilà ce qui nous a manqué durant cette campagne : être des sociaux-démocrates assumés et des européens fervents. Même le petit score du MoDem confirme qu'une partie de notre électorat nous quitte pour les centristes, mécontent de notre insuffisante clarification. Encore une fois, Aubry n'est pas en cause : le temps lui a manqué parce que nous avons pendant trop longtemps tardé à faire cette clarification.

4- Le PS a besoin d'un projet (ça viendra), mais il a aussi besoin d'unité. Quand l'opinion constate qu'un meeting commun Aubry-Royal est présenté comme quelque chose de quasi exceptionnel, quand elle entend dire qu'il a été préparé par de pointilleuse négociations, vrai ou faux ça la fiche mal. Il faut mettre un terme à cette culture du rapport de forces entre nous, qui détruit à petit ou à grand feu le Parti socialiste. Tant qu'un socialiste aura l'impression d'être battu par un autre socialiste (tout rapport de forces se termine ainsi), ce sera désastreux et l'unité restera impossible, sauf de façade, en attendant les prochaines dissensions.


Bonne fin d'après-midi.