L'Aisne avec DSK

25 avril 2007

Parler aux prolos.

Bonjour à toutes et à tous.

Je vous disais hier que notre candidate, pour l'emporter, doit parler aux bobos. Le problème, c'est qu'elle doit en même temps parler aux prolos, répondre à des préoccupations qui n'ont rien à voir avec celles des premiers. La clé et la difficulté de la campagne sont là.

Une partie de l'électorat de Le Pen a transformé son vote protestataire en vote politique, lui donnant un débouché gouvernemental en soutenant Sarkozy. Ceux qui continuent à voter FN n'attendent rien de la droite, ni de personne. Ils sont pris dans leur raideur idéologique ( un électorat d'extrême droite) ou dans leur souffrance sociale ( ils optent pour le pire plutôt que pour le reste).

Ce sont ces derniers auxquels nous devons nous adresser, travailleurs pauvres, smicards, salariés faiblement rémunérés, habitants des quartiers ou des villages abandonnés. Ils ne sont pas foncièrement d'extrême droite (le programme économique de Le Pen est ultra libéral!), ils le deviennent par dépit ou désespoir. Ces prolos sont l'envers des bobos, et nous avons pourtant besoin des uns et des autres pour vaincre la droite. Voici les thèmes sur lesquels il faudra insister si nous voulons les convaincre:

- Le pouvoir d'achat. Des millions de personnes dans notre société de confort et de consommation vivent mal parce que les salaires sont trop bas et que nulle perspective d'avancement ne leur est proposée. Dans le même temps, la richesse s'étale à la télévision et dans les magazines. Les socialistes doivent rappeler qu'ils sont pour la hausse du SMIC et la revalorisation des bas salaires.

- L'emploi. Notre société, confrontée depuis un quart de siècle à un chômage de masse, est anxiogène pour des millions d'individus. Une situation normale peut vite sombrer dans le drame, quand s'accumulent les malheurs: divorce, perte d'emploi, problème de santé. Vous vous souvenez de ce sondage stupéfiant il y a quelques mois: la moitié des français n'excluaient pas de devenir SDF! Il faut absolument que la gauche donne une consistance à la "sécurité sociale professionnelle", qu'elle protège le travail, des plus jeunes et des plus âgés.

- La sécurité. J'entends ce mot au sens large, le sentiment de sécurité dans la vie, et pas uniquement la protection policière des biens et des personnes. En trente ans, notre société a complétement changé, les moeurs ont été bouleversées, l'autorité et la morale ne sont plus ce qu'elles étaient. Les bobos, qui sont les promotteurs de cette révolution, s'en réjouissent. Les prolos vivent parfois mal des évolutions qui ne les concernent pas directement, qu'ils ne comprennent pas ou qui heurtent leur représentation de la vie. "L'ordre juste" de Ségolène est censé remettre "les choses à leur place".

- La mondialisation. Les bobos là encore s'en réjouissent, leurs enfants vont étudier et peut-être s'installer à l'étranger. Les prolos, non. La réalité d'aujourd'hui n'est pas nécessairement celle des magazines et des plateaux de télévision. Dans l'Aisne, la mobilité des personnes est très réduite. Qui peut mesurer les conséquences psychologiques de ce monde qui entre désormais dans nos vies via la télévision? Pour beaucoup, mondialisation rime avec délocalisation et donc licenciement. La dilution de la France dans l'espace européen et mondial peut être traumatisante pour qui a vécu, après de nombreuses générations, dans le cadre national. Ségolène Royal devra faire oeuvre de pédagogie pour expliquer ces progrès appréhendés comme des régressions.

Il nous reste donc beaucoup de travail militant dans les dix derniers jours.

Bonne journée.

24 avril 2007

Parler aux bobos.

Bonsoir à toutes et à tous.

Ségolène Royal a franchi un pas supplémentaire ce soir en direction de l'UDF, proposant des ministres centristes dans son futur gouvernement. Elle a de nouveau brisé un tabou de la gauche: ne jamais s'allier avec les centristes, ne même pas y penser, sinon l'accusation de droitisation, de trahison tombait comme un couperet. Eh bien, Ségolène a osé, dans des circonstances certes particulières, tout faire pour battre Sarkozy, tout faire pour gagner.

Le problème, ce sont ces "bobos", nouvelle catégorie sociale, couches moyennes diplômées, progressistes, qui ont opté, comme je le craignais, pour Bayrou et qu'il faut absolument ramener à gauche au second tour. Ce n'est pas gagné. Cette bourgeoisie moderne, foncièrement social-démocrate, n'adhère plus aux réflexes du socialisme traditionnel. Ce n'est pas un joli tract ou un beau discours qui va la faire changer d'avis. Pour la convaincre, il faut parler son langage, traiter de ses préoccupations. Comme toute catégorie sociale, son idéologie est celle de ses intérêts (eh oui, je suis un social-démocrate marxiste), et je vais énumérer quelques thèmes qui sont les siens:

- La dette publique. Ce sujet technique n'intéresse presque personne. Mais les bobos sont en mesure de comprendre ses implications sur l'avenir. N'ayant pas de problème de pouvoir d'achat, leur inquiétude se porte sur l'avenir de leurs enfants. Que deviendront les futures générations si elles sont écrasées par la dette publique?

- L'éducation. Les bobos sont concernés. Ils doivent beaucoup à leur formation, en connaissent le prix et la valeur, se préoccupent de la baisse des diplômes, de l'Université qui manque de débouchés. D'autant qu'ils sont un certain nombre à travailler dans l'Education nationale.

- La décentralisation. Cette bourgeoisie qui vit dans le confort et dispose d'emplois solides est sensible à ce que l'Etat ne se mêle pas de tout, qu'il leur laisse l'initiative. L'autonomie et la mobilité sont leurs valeurs principales. Ils apprécient les services publics mais ne les opposent pas au secteur privé, qui doit garder pour eux sa vitalité.

- L'Europe. C'est sans doute leur plus fort idéal. Ils ne craignent pas l'euro, qui leur est utile quand ils se déplacent à l'étranger. Ces bobos sont de toutes leurs fibres cosmopolites. Le national est à leurs yeux le comble de la ringardise.

Je pourrais continuer, j'arrête là. Je ne dis pas que je suis d'accord avec ce qui précède, ni en désaccord. Je ne suis pas un bobo. Mais cette catégorie existe, elle peut rejoindre Ségolène Royal, ses aspirations ne sont pas contraires à celle de la gauche. A nous de faire la synthèse autour de Ségolène et du Pacte présidentiel.

Bonne nuit.

La main tendue.

Bonjour à toutes et à tous.

Ségolène Royal aura très vite réagi à la nouvelle situation politique créée à l'issue du 1er tour et qu'on peut rapidement et simplement résumer ainsi: la gauche ne peut gagner dans quinze jours que si une partie de l'électorat de Bayrou la rejoint. Simple mais pas facile, d'autant que certains socialistes ont stigmatisé Bayrou et tout rapprochement avec lui.

Notre candidate a hier soir tendu la main, très clairement, à François Bayrou, en lui proposant un débat public sur quelques points où la discussion peut exister entre socialistes et centristes (les nouvelles pratiques politiques, la décentralisation, l'Europe,...). C'est une bonne chose. Le pire aurait été l'indifférence. Cela sera -t-il suffisant? Nous verrons bien. Ce qui me semble à peu près certain, c'est que Bayrou restera dans le registre qui a fait son succès (ni UMP, ni PS), mais participer à un débat télévisé aurait pour lui l'avantage de le remettre au coeur de la campagne alors même qu'il en a été éliminé.

En admettant qu'il réponde positivement, ce débat inédit aura une issue incertaine. Le risque pris par Ségolène est réel mais vaut sans doute la peine d'être tenté: soit elle parvient à ramener vers elle les électeurs de Bayrou en affichant des préoccupations communes, soit Bayrou profite de l'occasion offerte pour cultiver sa différence, montrer sa différence d'avec le PS et favoriser l'abstention de ses partisans.

C'est pourquoi ce débat, s'il a lieu, ne suffira pas. Il faut que les socialistes, d'eux-mêmes, montre clairement qu'ils ont compris le message que leur a adressé une partie de leur électorat au 1er tour en votant Bayrou: s'engager plus loin dans la voie d'une social-démocratie assumée. Ségolène a commencé, il faut poursuivre. Et quoi de plus logique que de faire appel à celui qui incarne le mieux la social-démocratie au Parti socialiste, Dominique Strauss-Kahn?

Entendons-nous bien: il ne s'agit pas de créer un "ticket" ou d'annoncer le nom du prochain Premier ministre. Dans ce blog, ces gadgets ont été dénoncés. Non, il s'agit de rassembler les socialistes pour la bataille finale, et en premier lieu celui qui a oeuvré à la construction d'une ligne social-démocrate, montrer que la candidate est entourée d'une solide équipe. Ni plus, ni moins.

Bonne matinée.

23 avril 2007

Pour une République austère.

La campagne du 1er tour mérite un bilan non pas politique, c'est déjà fait, mais technique, si on peut dire. Discutez autour de vous, bien rare si on n'entend pas que la politique ennuie, qu'on s'en fout, que les français en sont las, que l'individualisme prévaut, etc. Or qu'a-t-on constaté pendant la campagne? Une affluence record dans les meetings les plus traditionnels. Comme quoi il n'y a pas que le "débat participatif " qui attire.

Comment ne pas aussi souligner la participation électorale record d'hier, alors qu'il n'y a pas si longtemps, on se désolait d'un abstentionnisme qui semblait être devenu chronique. En revanche, le militantisme semble avoir pris un sacré coup dans l'aile. Je prend ma ville, Saint-Quentin. Malgré le doublement des effectifs de la section socialiste, il n'y a pas eu progression parallèle du nombre de militants.

Là comme ailleurs, la vie politique doit se moderniser. Jadis, le militant diffusait une parole qui était précieuse parce qu'elle était relativement rare. Le contact du public avec la politique passait quasi exclusivement par le tract ou la discussion avec le militant. Aujourd'hui, nous sommes tous politiquement surinformés. Que nous apprend un papier dans notre boite aux lettres, mêlé à d'autres papiers et à des publicités? A quoi servent les affiches sinon à faire plaisir aux militants dans la guéguerre des "collages"?

A ce propos, j'irai très loin. Il faudrait laisser tomber ces distributions inutiles, coûteuses et gaspilleuses de papier, de même qu'au début des années 1990, grâce à Michel Rocard et à la loi sur le financement des campagnes électorales, les partis ont abandonné les grandes affiches publicitaires, qui étaient pourtant monnaie courante auparavant. La seule lecture qui importe, lecture suffisante si elle est attentive et réfléchie, c'est celle des professions de foi, dans lesquelles les candidats mettent l'essentiel de leur projet. Quoique l'expression religieuse me gêne un peu: pourquoi ne pas les appeler plus simplement projet ou programme?

Bref, je suis partisan d'une République austère, économe et concentrée sur l'essentiel. Les citoyens y gagneraient en clarté et en lisibilité. Mais vous m'avez compris: si la République doit être austère parce que la politique est une chose grave, il n'en va pas de même pour la vie...

Bon et joyeux après-midi.

Un mot pour chacun.

Mes réactions sur chaque candidat et leur score à l'issue de ce 1er tour (dans l'ordre officiel):

Besancenot: chapeau! La LCR s'en tire très bien, après des décennies de domination électorale de LO à l'extrême gauche. Certes, la gauche radicale ne réitère pas ses excellents scores de 2002 mais elle existe. Nous aurions tort de l'oublier. Sa persistance doit conduire les socialistes à affiner et conforter leur projet social.

Buffet: Marchais, Lajoinie, Hue, à chaque fois, le PCF croit et espère qu'il va au moins enrayer son déclin, à chaque fois la chute se poursuit. Les socialistes ne doivent pas s'en réjouir mais s'en inquiéter. Que faire de notre partenaire historique? Ce qui pose aussi le problème de nos alliances, qu'il faudra bien un jour sérieusement aborder.

Schivardi: le plus mauvais score de la présidentielle, mais la dialectique des lambertistes saura probablement nous expliquer que ce résultat n'est pas si mauvais. Le seul candidat de gauche qui n'appelle pas à voter pour la gauche au second tour. Encore un coup de la dialectique?

Bayrou: le candidat de l'UDF peut se réjouir, mais c'est maintenant le proche avenir qui l'attend. Car en politique, il faut savoir ce que l'on fait d'une victoire, qui peut rapidement se transformer en échec si on n'y prend pas garde. Si Bayrou rejoint Sarkozy, il se discrédite. S'il rejoint Royal, et je l'y encourage, il devra faire des choix, ne plus se contenter d'une vague posture ni droite ni gauche. Aura-t-il ce courage et cette lucidité? Nous verrons.

Bové: cette figure populaire et internationalement reconnue de l'altermondialisme n'a pas eu le score qu'elle méritait, en partie par sa faute tactique: ne pas être le candidat unitaire de l'antilibéralisme, c'était se condamner. Il n'empêche que Bové, que je préférais à Besancenot, a développé d'utiles considérations planétaires, à l'âge du mondialisme.

Voynet: le résultat le plus cruel, le plus injuste. Dominique Voynet représente avec intelligence (lisez son interview à Charlie-hebdo de cette semaine) un courant écologiste qui correspond à une sensibilité contemporaine. Alors, que s'est-il passé? Le phénomène Hulot et son pacte signé par beaucoup d'autres candidats lui auront coupé l'herbe sous le pied. C'est dommage, très dommage.

Villiers: son petit résultat est encore beaucoup trop pour un candidat qui porte atteinte aux libertés publiques en voulant interdire le port du voile islamique dans les lieux publics. Un ultra catho qui s'en prend aux musulmans, non merci!

Nihous: la chasse et la pêche sont des sujets fort importants mais qui n'ont pas leur place dans une élection présidentielle. Le chef de l'Etat se préoccupe de l'avenir et de la sécurité de la France, pas des jours d'ouverture de la chasse ou de la taille des poissons pêchés à rejeter à l'eau. Nihous prendra sa décision pour le second tour quand les deux finalistes présenteront leur programme. Comme si aucun de deux ne l'avait pas déjà fait!

Le Pen: sa déception et son amertume doivent provoquer notre joie. Le FN régresse très nettement, enfin. Qu'il continue sur cette pente et la démocratie s'en portera mieux. J'en profite pour rappeler à leur bon souvenir quelques camarades socialistes qui m'annoncaient une extrême droite en progression et une réédition possible du 21 avril 2002. Combien de fois faudra-t-il rappeler que l'histoire ne se répète pas en politique?

Laguiller: son plus mauvais score à une présidentielle ne me gêne guère, je n'ai jamais compris quel débouché politique Arlette espérait pour ses revendications sociales. Je suis en revanche agréablement surpris (et même un peu interloqué) par la rapidité et la clarté avec laquelle elle a appelé hier à voter pour Ségolène Royal. Mais, comme pour Schivardi, j'ai sans doute beaucoup de mal à comprendre le monde de l'extrême gauche!

Royal: bravo, ce n'était pas gagné d'avance, le score est prometteur, la voie pour le second tour s'ouvre. Maintenant, une nouvelle campagne démarre. Plus que jamais, Ségolène devra rester elle-même et développer ce qui a fait son succès, une gauche moderne qui n'hésite pas à revisiter ses fondamentaux. Plus que jamais, face à Sarkozy, les socialistes devront faire du social.

Sarkozy: un adversaire qui sera difficile à battre mais que nous pouvons battre et que nous devons battre, sinon la France subira pendant cinq ans un libéralisme économique tel que nous n'en avons jamais connu.

Bonne journée.

Le 1er tour dans l'Aisne.

Bonjour à toutes et à tous.

Je vous donne les résultats en pourcentage dans l'Aisne:

Participation: 83,61
Besancenot: 5,49
Buffet: 2,03
Schivardi: 0,42
Bayrou: 13,51
Bové: 1,08
Voynet: 1,19
Villiers: 2,61
Nihous: 1,34
Le Pen: 17,28
Laguiller: 2,32
Royal: 23,42
Sarkozy: 29,30

Quelques commentaires: ce qui retient l'attention, c'est le moindre score du PS et de l'UMP au regard des résultats nationaux et a contrario le bon score du FN, et aussi, dans une moindre mesure, celui de Besancenot. A retenir également le résultat moins fort de Bayrou.
L'Aisne est un département déshérité, cruellement touché par la crise depuis longtemps, frappé dans ses villes ouvrières comme dans ses zones rurales. Les partis de gouvernement et les formations modérées y recueillent moins de suffrages, les partis protestataires y rencontrent plus de succès.

Pour la campagne du second tour, il faudra très vite (il y a ce soir une réunion du Comité de campagne à Laon) en tirer les conclusions: à mon sens, il faut se battre sur notre projet social, nous adresser à celles et ceux qui sont confrontés aux difficultés de la vie quotidienne, dénoncer les illusions du programme de Sarkozy.

Une dernière remarque: la vérité d'un scrutin est dans les résultats quartier par quartier. Sur Saint-Quentin, c'est édifiant: les quartiers bourgeois votent massivement Sarkozy, les quartiers populaires soutiennent la gauche. Je le rappelle à tous ceux qui ne croient plus au clivage droite-gauche et à l'opposition entre classes sociales. Autre leçon pour Saint-Quentin: il y a 15 ans, la ville avait un maire communiste. Aujourd'hui, le PCF recueille 1,90%.

Bonne matinée.

22 avril 2007

A chaud.

Mes amis,

Je réagis à chaud à des résultats qui demeurent provisoires. Je me félicite du bon score de Ségolène Royal: 25%, c'est le plancher à partir duquel la victoire est possible au second tour, pourvu que toute la gauche se rassemble et s'élargisse au-delà de son camp, c'est à dire en direction des électeurs de François Bayrou. C'est pourquoi, dans les quinze prochains jours, le rôle de DSK sera particulièrement important, puisqu'il représente la personnalité, social-démocrate, qui peut amener sur la candidate socialiste des voix qui se sont au premier tour portées sur le candidat de l'UDF. En tout cas, soyons heureux que l'humiliation de 2002 ait été ce soir levée.

Deuxième bonne nouvelle de la soirée: les 11% de Le Pen, l'extrême droite en net recul après 23 ans de constante et régulière progression, et alors que beaucoup nous promettaient un score inégalé du Front national. Bien sûr, 11%, c'est encore trop, mais la voie de la régression est à saluer. Le Pen est le grand perdant de cette élection.

Le grand gagnant, reconnaissons le, c'est Bayrou. 18%, c'est énorme pour un candidat centriste, dont la campagne a été faite d'ambiguïtés qu'il faut maintenant dissiper. Bayrou s'est opposé à Sarkozy, qu'il aille jusqu'au bout de cette opposition.

Mes regrets vont aux faibles scores de Voynet, Buffet et Bové, candidatures représentant des sensibilités de gauche estimables, précieuses au camp du progrès. Quant à l'extrême gauche, elle existe mais ne réédite pas ses scores de 2002. Je souhaite de tout coeur qu'elle comprenne que rien ne serait pire que la victoire de la droite.

Le rassemblement est désormais urgent. Laguiller, Besancenot, Voynet, Buffet ont déjà appelé ce soir à battre la droite, à voter Ségolène Royal. Il faut amplifier dans les prochains jours ce rassemblement, en rappelant le programme anti-social de Sarkozy, en soulignant les espoirs que représentera la victoire de Ségolène Royal.

Bon courage à toutes et à tous.

Ma campagne idéale.

Mes amis,

Dans trois heures, nous saurons. Les plus folles rumeurs me parviennent. Chacun échafaude le scenario qui l'arrange. En la circonstance, restons calme, indifférent, imperturbable. Savez-vous ce que faisait François Mitterrand la nuit où la France est entrée en guerre contre l'Irak, lors du premier conflit du Golfe? Il... dormait. J'aurais presque envie de vous inviter à suivre l'exemple, à attendre demain pour nos commentaires!

En attendant 20h00, délaissons un instant la réalité. Je vais m'amuser à vous dire ce qu'aurait été ma campagne idéale. D'abord, cinq candidats auraient suffi. Douze, c'est beaucoup trop, on finit par être embarrassé par le choix (voyez le nombre d'indécis, et combien sont-ils encore à l'heure où j'écris?). Mes cinq correspondraient à des courants politiques positifs (c'est à dire qui apportent intelligemment quelque chose à la vie politique). J'exclus l'extrême droite, dangereuse, inutile et nuisible. Voilà mes candidats idéaux et leurs thématiques:

- Alain Juppé ou le libéralisme éclairé.
- Philippe Seguin ou le gaullisme social.
- DSK ou la social-démocratie assumée.
- Nicolas Hulot ou l'écologie rationnelle.
- José Bové ou la radicalité ouverte.

Mais on ne fait pas de la politique avec de l'idéal. C'est la réalité qui compte. Elle nous attend, dans un peu moins de trois heures. Et nous aussi l'attendons, de pied ferme!

A tout à l'heure.

La République et ses rites.

Bonjour à toutes et à tous.

C'est donc le grand jour, le premier grand jour à l'issue de cette longue campagne, pour laquelle ce blog a été créé, en septembre, initialement pour soutenir la candidature interne de DSK, puis pour soutenir celle que le Parti socialiste s'est donné, et plus largement pour mener une réflexion sur ce que peut être une social-démocratie moderne et française, à partir des travaux de DSK.

J'ai tenu ce matin le bureau de vote Hôtel de Ville, à Saint-Quentin. Dès l'ouverture, nous avons eu une petite dizaine d'électeurs, et l'afflux a été constant depuis. C'est bon signe pour la participation. J'y retourne cet après-midi. J'aime ce moment privilégié de la démocratie, et toutes les personnes que nous pouvoir revoir à cette occasion.

J'en profite pour répondre à Gilbert à propos de la pétition qu'il m'a envoyée, contre le vote électronique. Celui-ci, déjà ancien dans certaines villes, ne me dérange absolument pas. J'ai appris que dans la matinée, allant voter, de Villiers s'est exclamé "machine à voter, machine à frauder". C'est idiot. Avec la technique, les risques de fraudes et surtout d'erreurs sont considérablement réduites. Sans parler de l'efficacité, gain en temps et économie de papier.

Réfléchissons un peu. Il y a 37000 communes qui organisent le vote. Dans la grande majorité, ce sont les employés de mairie qui gèrent les opérations dans la journée. Même dans les villes moyennes et grandes, toutes les formations politiques ne sont pas représentées parmi les assesseurs. Le contrôle est donc très imparfait.

Quant au dépouillement par et sous l'oeil vigilant des citoyens, c'est un trompe-l'oeil, si vous me passez l'expression. Personne ne veut ni ne peut vérifier que ceux qui dépouillent et surveillent n'appartiennent pas au même parti. Attention, mes remarques n'ont pas pour but d'introduire le soupçon. La démocratie fait partie de nos moeurs politiques, il n'y a pas en France, et c'est heureux, de problème de fraudes. Je veux seulement souligner que la triche est incomparablement plus facile avec des papiers qu'avec des touches, que l'être humain a des tentations ou des intentions que la machine n'éprouve pas.

Ce qui me gêne dans cette contestation du vote électronique (un million d'électeurs, tout de même), c'est qu'elle introduit un doute sur la validité des résultats de ce soir. Les mécontents auront beau jeu d'accuser alors la technique. J'espère de tout coeur qu'il n'en sera rien.

Il y a cependant un désavantage, un seul, au vote électronique. Il supprime le rituel et le suspense, la dramaturgie du dépouillement, qui a l'insigne qualité de mettre en scène les citoyens. Or la République a besoin de rites pour montrer ce qu'elle est. L'urne, les bulletins et ce fameux "a voté" que j'ai prononcé tant de fois ce matin et que je prononcerai à nouveau cet après-midi, nous y tenons. A moins d'inventer un rituel nouveau? Je laisse cela à votre imagination.

Bon après-midi.

21 avril 2007

Vote, mode d'emploi.

Il ne suffit pas d'aller voter, il faut savoir voter. J'ai presque envie de dire: voter, ça s'apprend. Cinq principes me semblent indispensables à rappeler:

1- Il ne faut pas voter utile, ça ne veut rien dire. Le vote n'est pas une tactique, c'est un engagement, un choix, un soutien. C'est simple: votez selon vos convictions, intuitions, sentiments, peu importe. Un vote n'est jamais purement rationnel. Mettez y tout de même un maximum de raison!

2- Il ne faut pas voter pour soi, ça n'a pas de sens, mais pour les autres. Jean-Jacques Rousseau, penseur de la démocratie, nous explique que la "volonté générale" n'est jamais la somme (impossible à calculer) des intérêts particuliers. Je le dis autrement: voter n'est pas une démarche individuelle mais collective. Exemple: on ne vote pas pour celui ou celle qui va nous donner personnellement du boulot ou augmenter notre salaire mais pour celui ou celle qui va relancer l'emploi ou améliorer le pouvoir d'achat. La politique, ce n'est pas pour nous, c'est pour tous.

3- Il ne faut pas voter par peur, ça ne peut rien donner de bon. C'est essentiellent l'espoir qui doit motiver notre vote. L'acte démocratique est positif, pas négatif.

4- Pour nuancer le point précédent, il faut ajouter qu'on vote autant contre quelqu'un que pour une autre personne, mais il faut que les deux soient relativement équilibrés. La raison en est qu'aucun choix n'est parfait (sinon il n'y aurait même pas besoin de choisir). Voter, c'est comparer.

5- Quoi qu'il en soit, il y a une vérité de la démocratie. Quels que soient les résultats, nous avons toujours, collectivement, les dirigeants que nous méritons, pour le meilleur ou pour le pire. A vous d'aller chercher le meilleur.

A plus tard.

Un cynisme populaire.

Je lis en ce moment l'essai court, dense et percutant de Jacques Rancière, "La haine de la démocratie". J'y reviendrai, si le temps me le permet, mais déjà quelques mots: Rancière dénonce une "haine de la démocratie" venue de l'élite et de l'institution démocratique elle-même, haine en quelque sorte pour l'expression populaire (je fais bref, c'est plus subtil que cela). Il reste du maoisme chez Rancière, un maoisme démocratique si j'ose dire: la démocratie, c'est la multitude en parole et acte (voir aussi Tony Negri) contre laquelle le pouvoir, nécessairement oligarchique, ne peut que lutter.

Sans doute, mais en cette veille d'élections où le peuple va donner de la voix, et à l'issue de plusieurs semaines de militantisme au contact des "gens" (comme on dit aujourd'hui), je peux vous dire, et ça n'a rien d'original, n'importe qui peut le constater mais rares sont ceux qui osent le dénoncer, qu'il existe un puissant cynisme populaire, une haine tranquille, diffuse et ordinaire de la démocratie, qui passent par deux affirmations aussi fausses l'une que l'autre:

- "Les hommes politiques ne tiennent pas leurs promesses". Donc trahison des politiques, donc déception des électeurs, donc inutilité de la démocratie. Qui ne l'a pas entendu, présenté d'une façon ou d'une autre? Et pourtant, c'est faux, archi faux. Bien sûr, toutes les promesses ne peuvent être tenues, c'est normal quand on dirige un grand pays, qu'il faut composer, faire face à l'imprévu, subir des contraires. Mais en gros, les politiques font ce qu'ils disent. Croyez moi, Sarkozy élu fera à peu près ce qu'il a dit, hélas. Je rêverais à des hommes de droite qui ne feraient pas grand cas de leurs promesses...

- "La droite et la gauche, c'est la même chose". Mensonge qu'on entend beaucoup moins qu'en 2002 mais toujours présent. Bien sûr, la droite et la gauche se ressemblent sur certains points, c'est inévitable (l'une et l'autre vivent dans le même pays, sont confrontées au même problèmes, apportent parfois de mêmes réponses: qui par exemple ne souhaite pas la relance de la croissance économique?). Mais les grandes lignes sont absolument distinctes. Prenez le pouvoir d'achat: Ségolène veut l'augmenter par la hausse du SMIC et une négociation salariale pour les autres niveaux de rémunérations, alors que Sarkozy et Bayrou veulent revaloriser et défiscaliser les heures supplémentaires. Est-ce que c'est la même chose? Non.

Cher Jacques Rancière, la démocratie est exigente, difficile, elle oblige à réfléchir, choisir, s'engager, assumer. Tout cela ne provoque pas un amour spontané mais au contraire une haine naturelle, que nous devons combattre en nous et dénoncer chez les autres. Pensons y et parlons en avant d'aller voter.

Bon après-midi.

L'autre bouclier.

Bonjour à toutes et à tous.

Je vous ai parlé il y a peu du "bouclier fiscal" que propose Nicolas Sarkozy pour permettre à ceux qui paient beaucoup d'impôts, parce qu'ils ont beaucoup d'argent, d'en payer moins et donc d'en avoir plus. Il y a un autre bouclier dans l'actualité, dont j'aimerais vous parler, tout aussi politiquement important même s'il n'a strictement rien à voir avec lui: le bouclier anti-missiles que l'OTAN veut installer en Europe pour se protéger d'une attaque nucléaire iranienne. La Pologne et la République tchèque sont d'accord pour accueillir ce système radar et ses fusées d'interception, la Russie proteste violemment. Mais ce choix ne va pas de soi, ses conséquences politiques sont immenses. Et rien là-dessus pendant la campagne électorale en France!

Les interrogations ne sont pas minces: que devient l'Europe, la construction de sa défense, son indépendance quand c'est l'Amérique qui gére sa sécurité? Et la dissuasion nucléaire française, on en fait quoi, quel est son sens dans cette nouvelle configuration stratégico-militaire? Quelles relations devenons-nous entretenir avec le régime de Poutine, qu'on ne peut ni cautionner ni ignorer? Quelles sont les évolutions nécessaires de l'OTAN, qui ne peut rester ce qu'elle a été durant la "guerre froide"?

Peut-être entre les deux tours, quand il ne s'agira plus de sélectionner mais vraiment de choisir le président de la République, ces questions réapparaitront. Je le souhaite mais je ne me fais pas d'illusions...

Bon appêtit.

20 avril 2007

Sarko = facho?

Bonjour à toutes et à tous.

Sarkozy-Le Pen, même combat? François Hollande a eu raison de rappeler, devant l'emballement des fins de campagne, qu'il n'y avait nul besoin de caricaturer le candidat de l'UMP pour le combattre. La lecture objective de son programme suffit à le condamner. Pour ma part, je ne confonds pas Le Pen et Sarkozy. La différence? Le second est républicain, pas le premier. Et ce n'est pas une mince différence! Entendons-nous bien: Sarkozy est un républicain conservateur, autoritaire, réactionnaire, ultra-libéral, mais quand même un républicain. A la différence de Le Pen, il n'a jamais proposé d'inscrire la discrimination entre français et immigrés dans nos lois, notamment en matière d'aide sociale. Ce n'est pas un "détail", comme dirait l'autre!

Je refuse à me laisser aller au slogan "Sarko facho", dont le danger est de banaliser encore plus le Front national. Combien de fois faudra t-il le dire: Le Pen défend un projet d'apartheid, de séparation entre français et immigrés, qu'il est le seul à promouvoir et dont la philosophie est celle de l'extrême droite anti-républicaine. En aucun cas Sarkozy ne peut être affilié à cette tradition.

Mais si Sarko n'est pas facho, il fait tout pour séduire les fachos, et c'est là où nous devons dénoncer sa stratégie, en rupture avec celle de Chirac, qui a toujours clairement dénoncé le Front national. Sarkozy l'a dit et écrit, pas la peine de lui prêter des intentions cachées: son objectif est de s'adresser à l'électorat FN pour le ramener dans le giron de la droite parlementaire. N'est-ce pas louable, me direz-vous? Non, car s'adresser à l'électorat FN, c'est inévitablement aller dans le sens de son vote, lui faire plaisir en disant ce qu'il a envie d'entendre, par exemple la création cocasse et inquiétante d'un ministère de l'identité nationale et de l'immigration.

Vouloir séduire les électeurs de Le Pen, c'est répandre ses idées dans le corps social, leur donner une légitimité, alors qu'il faudrait les discréditer. Alors, me direz-vous encore, il faut laisser cet électorat à Le Pen? Sûrement pas, il faut au contraire l'arracher à l'extrême droite, non pas dans la séduction mais dans la confrontation, en montrant le danger, le scandale, l'inutilité de l'extrême droite. Et surtout, être soi-même: on ne peut vaincre Le Pen qu'en s'en distinguant, pas en s'en rapprochant. Que la droite soit pleinement gaulliste, si elle le peut encore, que les socialistes mettent en avant un projet social fort, alors les voix qui se portent désespérement sur Le Pen depuis 20 ans nous reviendront.

Bonne matinée.


PS: si j'ai déconseillé la lecture du numéro spécial de Marianne sur Sarkozy il y a quelques jours, je vous conseille en revanche le numéro spécial de Charlie-hebdo qui a l'intelligence de faire le bilan de sa politique. Indispensable avant d'aller voter.

19 avril 2007

L'opinion "bouge".

Il n'y a pas que les procurations qui explosent dans cette campagne, il y a aussi les indécisions, au nombre de 37% dit-on, du jamais vu à trois jours du scrutin. Combien seront-ils le dimanche matin? Peut-être pas moins nombreux...

Je me demande, comme je l'ai déjà fait sur ce blog, s'il ne faudrait pas reconsidérer cette catégorie, les "indécis". D'ailleurs, le sont-ils vraiment, indécis? Le mot renvoie à une faiblesse, une incertitude, un manque, alors que nous avons peut-être affaire à des citoyens très volontaires, dont la force est de ne pas choisir ou de ne choisir qu'à l'ultime instant du choix. A rebours d'une conception de convictions durablement installées, pourquoi n'aurions-nous pas une réflexion qui va jusqu'à son terme, d'un esprit qui garde sa liberté jusque dans l'isoloir? Version certes optimiste du phénomène...

Je suis persuadé que la société contemporaine, sans que personne n'en décide rien, a créé un homme nouveau, une psychologie inédite, et surprenante tant qu'on ne s'efforce pas de la comprendre. Regardons autour de nous, écoutons: la mobilité est devenue une valeur-clé. Il faut "se bouger", entend t-on souvent. Non pas bouger (il n'y a que les morts qui ne bougent pas), mais "se bouger". L'époque est au mouvement permanent: pas de temps morts, mort à l'ennui, agir dans l'instant, dans l'urgence. Pierre-André Taguieff a appelé cette nouvelle idéologie spontanée, le "bougisme".

Il se trouve que la même idée réapparait sous la plume de Claude Arnaud, écrivain et essayiste, dans Le Monde des Débats de mars 2007, sur les intellectuels et la présidentielle, dont je vous recommande la lecture:

" Le bougisme contamine nos esprits jusqu'à leur interdire des choix cohérents; les sondages infusent nos caprices dans les dernières convictions du postulant, lequel en vient à se montrer tout aussi attrape-tout - ses volte face alimentant en retour notre volatilité: le droit d'être autre gagne chacun [c'est moi qui souligne], jusqu'à brouiller les frontières idéologiques et engendrer un gigantesque mouvement brownien. "

Le monde change, la société évolue, l'opinion "bouge". Dimanche soir, tout peut arriver. Je ne sais pas s'il faut s'en réjouir ou s'en plaindre, mais il faut le comprendre.

Bonne nuit.

Citoyenneté à l'épreuve.

Je ne reviens pas sur le scandale des procurations, que personne ne dénonce puisqu'il arrange tout le monde, mais je poursuis mes remarques:

- Un parti recommande sur son site, à ses adhérents, de solliciter des procurations. Vous me direz qu'on a toujours vu, le jour du vote, des militants se montrer empressés d'amener les personnes âgées jusqu'aux bureaux de vote. Oui, mais cette générosité intéressée n'allait pas jusqu'à mettre le bulletin dans l'urne.

- Les demandes de procuration doivent être faites "sur l'honneur", puisque le motif n'est ni vérifiable ni vérifié. L'honneur! On demande à ce qu'une paresse, une facilité, une incivilité soient déclarées "sur l'honneur"!

- Un ami à moi accepte de prendre en charge une procuration, mais il faut que le vote qu'on lui demande de faire soit conforme au sien. La procuration sous condition, en quelque sorte! Et un gentil petit chantage entre amis...

- Une anecdote, du même tonneau, m'est rapportée: quelqu'un fait une procuration et laisse le mandataire choisir le candidat de son choix! Interprétation de cet étrange comportement: j'ai voté, c'est l'essentiel, et peu importe pour qui. En voilà un qui a pris au pied de la lettre, mais dans le mauvais sens, le slogan: "votez pour qui vous voudrez mais votez". Autre interprétation: je vote sans voter, je fais le geste mais je n'accomplis pas l'acte, je serai responsable du vote mais pas du résultat. Façon de se donner bonne conscience tout en refusant d'assumer les conséquences, quelles qu'elles soient (je vote mais je ne choisis pas).

Je sais, vous pouvez me reprocher d'exagérer des anecdotes et qu'il n'y a pas, dans cette affaire des procurations, de quoi fouetter un chat. Il n'empêche que l'explosion des procurations amène à réfléchir sur l'esprit public. Et puis, notre société n'a que le mot de citoyenneté à la bouche. Il serait donc normal qu'elle se montre un peu plus exigeante ce jour-là, où le citoyen est roi, où il n'a pas à déléguer son pouvoir à un autre.

Je vois que le vote électronique suscite ici ou là des oppositions et des contestations. La machine fait peur, on la soupconne de fraude possible. Comme si les opérations manuelles n'étaient pas plus douteuses, même sous le regard attentif des citoyens à l'heure du dépouillement! Quoi qu'il en soit, scandale pour scandale, qu'on s'intéresse d'un peu plus près à celui des votes par procuration.

Bon après-midi.

L'arrogance tranquille.

Bonjour à toutes et à tous.

S'il est élu, François Bayrou nommera un premier ministre "de centre gauche", parce que lui vient "du centre droit". Ah bon? Tout cela sent le gadget. D'abord, le premier ministre est issu de la majorité parlementaire issue des législatives. Que serait une majorité de "centre gauche"? Je ne vois pas. Ce que je connais, ce sont des majorités de droite autour de l'UMP ou de gauche autour du PS.

Ensuite, le "centre gauche", c'est quoi? Classiquement, le centre gauche, c'est le PRG, les radicaux de gauche, alliés encore et depuis toujours des socialistes, et pas de l'UDF. Le seul "radical de gauche" qui à ma connaissance se soit rapproché de la droite, c'est Bernard Tapie, mais pour rallier Sarkozy. Bayrou ne peut donc pas penser à un premier ministre PRG. Alors à qui?

Enfin, quand Bayrou donne des noms pour constituer son fameux gouvernement d'union nationale, il cite Boorlo et DSK. C'est bien gentil mais le petit problème, c'est que ni l'un ni l'autre ne soutiennent Bayrou. Le premier milite pour Sarkozy et le second pour Royal. Faire appel à des gens qui rejettent votre démarche, il fallait y penser!

DSK a remis hier les pendules à l'heure, en s'amusant et s'irritant que Bayrou l'embrigade régulièrement dans des constructions politiques farfelues. Faut-il que le candidat de l'UDF soit à court d'entourage pour qu'il s'en constitue un avec des personnalités qui n'ont rien demandé? Il y a tout de même une hypothèse où DSK pourrait être éventuellement premier ministre de Bayrou, mais oui! Si la gauche l'emportait aux législatives et si nous nous trouvions dans une situation de cohabitation, hypothèse qui n'est évidemment pas à souhaiter.

Une dernière chose sur François Bayrou. Hier à Bercy, il s'en est pris, sans le nommer, à Giscard, tout de même fondateur de l'UDF et chantre en France du centre, mais qui soutient Sarkozy et dénonce, avec raison, les "majorités impuissantes" auxquelles aboutirait la victoire de Bayrou. Celui-ci l'a rangé parmi les "élus épuisés". Je me souviens de la campagne de 2002, des propos tenus en privé (Bayrou, c'est en public, lors d'un meeting!) par Jospin sur Chirac "usé, vieilli" et de la polémique qui s'en suivit. Là, rien, pas un commentaire, pas une indignation.

François Bayrou, narquois, s'en prend à tous, droite, gauche et leurs extrêmes, médias y compris, médias surtout, qui pourtant ne cessent de le mettre en avant. Tous mauvais, tous fautif, sauf lui et quelques uns, quelques rares. Sous des airs bonasses, il y a de l'arrogance tranquille chez cet homme-là.

Bonne matinée.

18 avril 2007

Pourquoi Ségolène.

Article surprenant dans Le Monde sur les magazines spécialisés dans lesquels se sont exprimés les candidats et parmi lesquels, tenez vous bien, figurent une revue de jeu d'échecs et une autre sur les funérariums! On se demande quel rapport entre les présidentielles et ces deux domaines, très peu politiques. Et je vous passe les autres exemples, la liste serait trop longue. A vrai dire, le goût très contemporain pour le concret aboutit à des dérives purement corporatistes qui ne peuvent que dénaturer la fonction présidentielle. A moins que ce ne soit qu'une faiblesse des candidats le temps de la campagne. Il faut l'espérer.

Pour défendre Ségolène, j'insisterai donc sur les grandes lignes qui assureront son succès et que je vous demande de diffuser autour de vous:

1- La méthode des débats participatifs a porté ses fruits. Ségolène Royal est la seule candidate à avoir consulté et impliqué la population avant et afin d'élaborer son projet. Cette démarche inédite la met en phase avec l'opinion.

2- Son projet économique a su remettre en question les postulats du socialisme traditionnel. Avec Ségolène, la gauche a amorcé sa modernisation, pensée depuis longtemps par DSK et quelques autres. Je retiendrai surtout la règle du "gagnant-gagnant", nouvelle pour les socialistes, qui la pratiquaient sans la proclamer.

3- Son projet social distingue entièrement la candidate du PS de celui de l'UMP: hausse du SMIC, des bas salaires et des petites retraites, donc revalorisation généralisée du pouvoir d'achat le plus faible là ou Sarkozy propose des améliorations ponctuelles et incertaines à partir des heures supplémentaires.

4- La défense de "l'ordre juste", la prise de conscience que la société traverse une crise morale, perte des repères, sentiment d'insécurité, peur de l'avenir, à quoi répond Ségolène par une stricte rigueur imposée à tous. Là encore, ce n'était pas évident pour le PS de s'engager dans une perspective pour certains réactionnaire ou moralisatrice. Il n'empêche que les faits sont là, l'opinion a apprécié.

J'aurais aussi voulu parler de l'emploi, mais on ne peut pas tout dire, tout résumer. Je vous renvoie à la profession de foi.

Bonne soirée.

Contre Sarkozy.

A J-4 du scrutin, il faut se concentrer sur l'adversaire principal, Nicolas Sarkozy, et attaquer ses principales propositions en matière économique et sociale, et par contraste mettre en valeur les propositions de Ségolène Royal en ce domaine. Toute autre démarche, aussi valable soit-elle, serait politiquement et électoralement inefficace et même contre-productive.

Rappelons par exemple que le candidat de l'UMP, une fois élu, va supprimer un fonctionnaire sur deux lors des départs en retraite. Objectif: revenir au nombre de fonctionnaires en 1992. Pourquoi 1 sur 2? Pourquoi 1992? Pour alléger les charges de l'Etat, c'est à dire pour réduire les services publics. Croyez-vous que notre société n'aient pas besoin d'infirmières, d'enseignants, de policiers supplémentaires? Avec Sarkozy, ce sera impossible, d'autant qu'il nous promet des réductions importantes d'impôts. Où trouvera-t-on l'argent pour financer les services publics? Nulle part puisque leur développement n'est pas à l'ordre du jour du programme du candidat de droite.

Rappelons aussi que Sarkozy veut installer un "bouclier fiscal". C'est beau, rond, fort et protecteur, un bouclier. Mais pour protéger qui? Ceux qui paient trop d'impôts. Au-delà d'un certain pourcentage, ils cesseront de payer. Pas besoin d'être économiste ou fiscaliste pour comprendre que les bénéficiaires du "bouclier" seront les plus fortunés. Fini la logique de progressivité de l'impôt sur le revenu (plus on est riche, plus on contribue à l'impôt), fini l'impôt de solidarité sur la fortune, qu'on réduira en douceur sans oser le supprimer.

Rappelons enfin que Sarkozy veut supprimer l'impôt sur l'héritage, dont la grande majorité des héritiers sont exonérés, ce qui revient une fois de plus à favoriser les plus fortunés. Comprenez moi bien: je n'ai rien contre les riches, je veux seulement qu'ils participent selon leurs moyens à la solidarité nationale. C'est ce qu'on appelle la justice sociale.

Répétez autour de vous ces arguments jusqu'à samedi.

Bon après-midi.

Mon livre de chevet.

Bonjour à toutes et à tous.

Les meilleures lectures sont celles qu'on fait par hasard. Ainsi j'ai découvert, dans les rayons de la bibliothèque municipale, un ouvrage et un auteur totalement inconnus de moi, "Effondrement", de Jared Diamond, biologiste et géographe. Je vous conseille d'en faire votre livre de chevet tellement sa réflexion est passionnante, érudite et déterminante. Le sous-titre résume la thèse: "comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie". Qu'il faudrait recommander aux candidats les plus sérieux de cette présidentielle.

Diamond s'interroge sur les raisons qui ont conduit à la mort de certaines civilisations. Il nous conduit dans un extraordinaire voyage à travers l'histoire et la planète. Pourquoi les polynésiens, après avoir conquis le Pacifique, vont-ils disparaitre de l'ïle de Pâques? Pourquoi les vikings, colonisant le Groëland, n'y survivront-ils pas alors que les inuits y demeurent? Pourquoi la puissante civilisation maya s'est-elle écroulée? Passionnant, vous dis je.

L'explication passe par le croisement de cinq facteurs: l'impact humain sur l'environnement, le changement climatique, les voisins hostiles, la dépendance commerciale, le choix des valeurs et des réponses que fait une société face aux difficultés. Par exemple, la déforestation et la démographie accélérée sont des vecteurs de déclin. Par exemple encore, les vikings, en refusant d'intégrer le comportement des inuits, vont dépérir, ou les habitants de l'île de Pâques vont s'autodétruire dans des rivalités meurtrières et s'épuiser à ériger leurs fameuses statues.

Je n'hésite pas à le dire, "Effondrement" devrait être LE manifeste de l'écologie humaniste et rationnelle (que j'oppose à l'écologisme naturaliste et quasi religieux). Les sociaux-démocrates doivent aussi en faire leur ouvrage de référence, car la social-démocratie ne peux ignorer la question écologique, au même titre que la "question sociale" au XIXème siècle. Le grand mérite de Diamond, c'est de montrer que les deux questions sont imbriquées, que le traitement de l'environnement passe par des choix de société, et donc par la politique.

Bonne journée.


PS: "Effondrement" est paru en 2006 chez Gallimard NRF Essais (582 pages). Je vais dès aujourd'hui en quête des autres ouvrages de cet important penseur.

17 avril 2007

Le sens des mots.

Bonsoir à toutes et à tous.

François Bayrou a annoncé la formation, en cas de victoire, d'un "Parti démocrate" rassemblant les bonnes volontés de droite et de gauche. Si les mots ont un sens, et ils doivent en avoir un en politique, cette mesure me fait constater un aveu, une confirmation et une contradiction:

- Un aveu puisque Bayrou reconnait une faiblesse. Avec la seule UDF, il ne peut pas gouverner, il lui faut autre chose, d'où ce Parti démocrate. Sauf que la construction d'un parti ne se décide pas du jour au lendemain. Il y a une dimension qu'on ne souligne pas assez chez Bayrou: son aventurisme, sa fragilité politique, sa solitude. Pas d'équipe, pas de personnalités autour de lui.

- Une confirmation puisqu'un Parti démocrate n'est pas un parti social-démocrate. Là encore, les mots ont un sens, ils ne sont pas innocents. La social-démocratie est une branche du mouvement ouvrier, socialiste, essentiellement européen. Le Parti démocrate n'existe que dans un seul pays, les Etats-Unis, où il est le rassemblement des forces progressistes. Les authentiques sociaux-démocrates ne peuvent donc que voter Ségolène Royal, candidate d'un parti socialiste.

- Une contradiction puisque Bayrou fait campagne contre la bipolarité droite-gauche alors que le Parti démocrate, en Amérique, est la formation qui représente à peu près toute la gauche et s'oppose au Parti républicain qui, lui, regroupe les courants de droite. Dans les grandes démocraties contemporaines, le clivage droite-gauche, conservateurs-réformistes, parti de l'ordre et parti du mouvement, structure complètement la vie politique.

Dimanche, pour que votre vote est un sens, il faudra redonner du sens aux mots.

Bonne nuit.

Logique d'une brave dame.

Bonjour à toutes et à tous.

Je vous ai déjà conseillé d'écouter RTL entre 13h00 et 14h30, l'émission Les auditeurs ont la parole, hautement instructive sur l'état de l'opinion et l'esprit de nos concitoyens. Hier, une dame donne son avis sur la présidentielle. Je me permets de décomposer en trois temps son "raisonnement":

- Les candidats sont "tous les mêmes". S'ensuit une critique bien connue de la classe politique. Après tout, pourquoi pas. Cette dame est peut-être anarchiste, rejetant toute forme de pouvoir et d'autorité. A moins qu'elle ne soit d'extrême droite, au nom du "tous pourris" et du rejet de la République.

- La dame a cependant "une grande admiration" pour une candidate. Nous voilà tout de même rassurés. L'auditrice fait un choix et ne se contente pas de renvoyer tout le monde dos-à-dos. Cette candidate, c'est celle qui n'a jamais varié dans son discours, celle qui dit les mêmes choses depuis plus de trente ans, alors que les autres, selon la dame, change tout le temps.

Heureusement que la dame a précisé "la candidate", car j'en connais un autre qui rabâche depuis encore plus longtemps les mêmes insanités, Le Pen bien sûr. Mais la dame, vous vous en doutez, songe à Laguiller. L'animateur lui demande cependant s'il n'y a pas que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. La dame ne se laisse pas démonter par l'argument. Non, la constance des opinions est pour elle une vertu politique.

- L'histoire pourrait s'arrêter là s'il n'y avait une chute, le troisième temps que je vous ai annoncé. A la question pour qui allez-vous voter dimanche, notre brave dame répond sans hésiter: Bayrou. Pardon? Vous avez bien entendu, Bayrou. Et pourquoi? Parce que les autres se chamaillent comme des enfants dans une cour de récréation alors que lui veut rassembler tout le monde (dixit la dame). Nous revenons en quelque sorte à la prémisse du raisonnement qu'on peut ainsi schématiser: tous les mêmes, sauf Arlette, donc Bayrou!

Moralité: la dame choisit de tous les candidats le plus inconstant puisqu'il a rompu avec son propre camp et elle admire, par ailleurs, la constance en politique. Comprenne qui pourra.

Mon maître Jean Macé, fondateur de la Ligue de l'enseignement, a voulu que l'éducation populaire, au XIXème siècle, sorte le citoyen de l'ignorance pour l'amener à la connaissance. Une nouvelle étape reste à franchir: de la connaissance à la cohérence. Car on peut être anarchiste ou antirépublicain, trotskyste, centriste, mais il y a quelque chose qu'on ne peut pas, être les trois ou quatre à la fois.

A tous les indécis, ce message pour dimanche: vous savez tout des candidats, de leur programme, vous êtes même surinformés. Il ne vous reste qu'une étape, un effort, un devoir: au moment de voter, soyez cohérents.

Bon après-midi.

16 avril 2007

5h30, Craonne, Aisne.

Bonsoir à toutes et à tous.

Ce matin, je me suis levé à 03h45 pour être à Craonne à 05h30 et participer à la marche du souvenir. Il y a 90 ans, à cette heure-là, des dizaines de milliers d'hommes sont parties à l'assaut des lignes allemandes, des dizaines de milliers sont morts, pour la France, pour rien, l'ennemi n'ayant pas reculé. L'endroit est plus connu sous un autre nom, terrible et charmant, le Chemin des Dames.

Ils étaient des dizaines de milliers en 1917, nous étions ce matin un bon millier, de toute génération, à nous recueillir en mémoire de cette tragédie, sous la conduite de Noël Genteur, qui n'est pas un guide mais le témoin vivant de cette histoire. Je peux vous dire que l'émotion était présente, en lui et dans cette foule fidèle au passé, non par passéisme ou nostalgie, mais soucieuse d'en méditer les leçons, que Noël a très bien su rappeler: tolérance, humanité, paix.

La nuit, la brume, le matin, les oiseaux, la nature, le ciel: tant d'horreur hier, tant de beauté aujourd'hui. Je me laisse aller: mais de quoi les hommes sont-ils capables? Pourquoi l'absurdité, l'évidente injustice de la guerre? L'offensive ratée, meurtrière du général Nivelle, c'est aussi le XXème siècle qui commence dans ce coin merveilleux de l'Aisne: la mécanisation des conflits, la massification des combats, la fin du monde aristocratique, si bien montrée par Renoir dans "La grande illusion".

1917, l'année où tout bascule, la naissance du nouveau siècle, la grande révolution dans un vieil empire sous la neige, la réalisation d'une utopie à prétention scientifique qui basculera à son tour dans la tragédie. J'arrête là. Noël a terminé la marche en nous demandant de laisser sur place notre mélancolie. Il faut cependant construire le nouveau siècle à l'ombre et à la lumière du précédent.

8h30, nous prenons un café avec les amis du Conseil général et du parti: Michel Lefèvre, René Dosière, Yves Daudigny, Patrick Day, Philippe Mignot et quelques autres, qu'ils m'excusent de ne pas tous les citer. Oui, ce matin, très tôt, nous avons eu une belle et terrible leçon d'histoire politique.

Bonne et douce nuit.

Pas de sensationnalisme.

Quelques amis (socialistes) m'avaient prévenu: il ne faut rater à aucun prix le numéro spécial de Marianne sur Nicolas Sarkozy, il y aura des révélations, du genre de celles que les médias, à la botte du candidat, nous cachent. Cette fois-ci, c'en sera fini de lui. On me promettait l'attaque finale et fatale, à une semaine du premier tour.

J'approuvais, pour ne pas décevoir, et puis, pourquoi ne pas les croire? Sauf que le type de journalisme pratiqué par l'hebdomadaire et sa ligne éditoriale ne m'ont jamais convaincu. Pourtant, j'appréciais beaucoup, il y a 25 ans, Les Nouvelles Littéraires de Jean-François Kahn. Le personnage me plaisait, son indépendance d'esprit, sa vraie réflexion, son positionnement original, progressiste en demeurant critique envers la gauche.

Et puis j'ai changé, lui aussi, même si nous naviguons tous deux dans les eaux de la social-démocratie. Qu'est-ce qui me déplaît dans Marianne? Le sensationnalisme politique, les gros titres accrocheurs qui ne tiennent pas vraiment leur promesse, la protestation facile dans laquelle hélas trop de gens se reconnaissent, de la gauche radicale au nouveau centre-droit. Car la vérité de JFK, c'est... François Bayrou. Ce qui devrait tout de même amener mes camarades socialistes à une certaine prudence.

Prenez ce numéro spécial Sarkozy, lancé avec les grosses ficelles de la presse à sensations, lisez l'éditorial de François Darras, page 4. Qu'est-ce qui fait selon lui le succès de Le Pen et Sarkozy? "Les folies et le laxisme intellectuel de la gauche petite-bourgeoise, immigrationniste et libertaire". Très exactement le ton et le fond que je n'aime pas, que je n'hésite pas à qualifier de démagogique et de populiste.

Le reste du numéro est à l'avenant. Absolument rien qu'on ne sache déjà sur Sarkozy, et la volonté constante de psychologiser. Thèse de l'hebdo: le candidat de l'UMP est faible, grossier, fou et dangereux, voilà pourquoi il ne faut pas voter pour lui. Pratiquement rien sur son programme qui, lui, est réellement dangereux. Le coup de la personnalité faible, instable et autoritaire, on nous l'a fait il y a 30 ans avec Chirac. Cet homme aussi était dangereux, cet homme a hélas présidé la France pendant 12 ans.

A mes amis socialistes, je conseille vivement de faire de la politique, pas de la psychologie, de se battre ces prochains et derniers jours projet contre projet, pas personne contre personne (d'autant qu'il s'agit pour JFK d'opposer le méchant Sarkozy et le brave Bayrou).

Bon après-midi.

Une fausse bonne question.

Bonjour à toutes et à tous.

Ainsi, après Rocard, c'est Kouchner et Allègre qui prônent l'alliance PS-UDF. A ces camarades, je dis qu'ils posent une bonne question, mais très mal, au mauvais moment et à la mauvaise personne:

- Une bonne question parce que le PS doit s'interroger sur ce qu'est devenue la gauche et sur qui elle peut compter, le PCF étant définitivement marginalisé, les écologistes en net recul et la gauche antilibérale incapable de s'unir. Nous avons terminé un cycle commencé en 1965, celui de l'Union de la gauche constituée par deux puissants partis, le PS et le PCF, pour aboutir aujourd'hui à une nouvelle configuration qui reste largement à inventer, un grand parti de nature social-démocrate, trouvant des alliés sur sa gauche et sur sa droite.

- Une question très mal posée parce que le PS ne peut en aucun cas envisager une alliance avec un parti, l'UDF, qui ne souhaite pas rejoindre une majorité de gauche, Bayrou l'a redit ce matin sur France-Inter, un parti dont le projet est contradictoire sur bien des points avec celui du PS, un parti dont le projet est soit illusoire ( une majorité qui ne soit ni de droite ni de gauche est une majorité introuvable) soit trompeur (l'UDF retournera à ses origines, à son histoire, à ses idées, à ses alliances locales, de droite, toujours de droite).

- Une question posée au plus mauvais moment, à la veille d'une élection où tous les efforts des socialistes doivent être tournés dans une seule direction, sans hésitations, questions ou états d'âme: le meilleure score possible pour Ségolène Royal au 1er tour et sa victoire au 2ème tour. Rien ne doit nous distraire de cet objectif, pas même une bonne question, sauf à être politiquement irresponsable. J'ajoute que la question ultérieure et inévitable de nos alliances devra être abordée dans le calme et le sérieux d'une discussion collective.

- Une question posée à la mauvaise personne, puisque ce n'est pas Ségolène Royal qui dans cette affaire doit répondre la première mais François Bayrou. Veut-il, lui qui vient de la droite, s'unir avec le PS pour battre Sarkozy? Sa réponse, nous la connaissons: c'est non. Alors, battons-nous pour le premier tour, pour que la gauche se retrouve derrière la candidate socialiste et ne s'éparpille pas sur des candidatures sans espoir, au premier chef celle de Bayrou.

DSK ce week-end à Toulouse puis en Guadeloupe a ramené le débat à sa juste dimension: entre les deux tours, les cartes seront redistribuées et il sera temps alors de constituer un large front anti Sarkozy. En attendant, il faut réussir le premier tour, car cette élection est la plus importante depuis 1981, elle est porteuse pour le PS et pour la France d'un espoir nouveau, celui d'une gauche moderne répondant aux aspirations de nos concitoyens.

Bonne journée... et bon militantisme.

15 avril 2007

Le syndrome des 48 heures.

Bonjour à toutes et à tous.

Cette campagne électorale aura eu une particularité inédite, systématisant une tendance devenue désormais une règle, que Jean-Louis Bianco a ainsi édictée, pour la regretter: un thème électoral a une durée de vie publique, médiatique et politique de 48 heures. Rappelez-vous l'affaire du drapeau, censée ramener dans la campagne le débat sur les valeurs, les repères, la nation. Terminée. Rappelez-vous les évènements de la Gare du Nord. C'était, enfin ou hélas selon les uns et les autres, le retour du thème de l'insécurité. Il n'en a rien été, nous sommes passés à autre chose, les indemnités des grands patrons, la génétique de la pédophilie, que sais-je encore...

Ce syndrome des 48 heures est alarmant. Il n'y a plus, à proprement parler, de "thèmes de campagne" comme dans les scrutins présidentiels précédents. On se souvient que 2002 avait été dominée par la sécurité, qu'en 1995 Jacques Chirac avait imposé la "fracture sociale", que François Mitterrand avait séduit en 1988 avec sa "France unie", que 1981 avait vu le bilan de Giscard et son rejet au coeur des débats, que 1974 polémiquait largement autour du Programme commun de la gauche. J'arrête là, à ce que me rappelle ma mémoire personnelle. 2007? Tout et rien, aucun sujet spécifique n'émerge durablement.

Certains sociologues parlent de "zapping". Mais comment, dans ces conditions, l'activité politique peut-elle encore exister? Je ne crois pas les hommes politiques responsables de cette situation, mais notre société, ce qu'elle est devenue en ce début de XXI ème siècle. Pour ma part, j'aurais aimé que le travail, sa création et sa rémunération, soient au centre de la campagne. Sarkozy et Royal ont essayé, le système dans lequel nous sommes entrés a été le plus fort.

Il faudra bien s'adapter à ce nouveau principe de réalité, j'ai presque envie de dire: de virtualité, tellement la réalité est devenue instable, fluide, évanescente. Une seule question politique devrait nous guider dans cette "complexité" moderne où un événement en chasse un autre, où plus rien ne fait réellement événement: de quoi souffrent les femmes et les hommes?

Bonne soirée.

14 avril 2007

Rocard intervient.

Bonjour à toutes et à tous.

Michel Rocard préconise une alliance PS-UDF avant le 1er tour, afin de battre Sarkozy. J'apprécie beaucoup Rocard, c'est un proche de DSK, tous les deux oeuvrent à l'avénement en France d'une authentique social-démocratie. Mais je ne partage pas sur ce point sa position, qu'il a parfaitement le droit d'émettre, en homme libre qui n'a plus de responsabilités au Parti socialiste. Idéalement certes, je ne lui donnerais pas tort: derrière Ségolène Royal et pour barrer la route à la droite, tous les bonnes volontés sont les bienvenues, communistes, écologistes, trotskystes, gaullistes de progrès et pourquoi pas... centristes. Cohn-Bendit avait précédé Rocard dans cette proposition.

Mon désaccord vient qu'on ne peut pas poser le problème en ces termes là, que la réalité politique l'emporte sur les bonnes intentions. Que nous dit la réalité politique?

- L'élection présidentielle est une rencontre entre des candidats et le peuple. C'est ainsi. Les partis politiques n'ont pas, dans le principe, de rôle prépondérant. Le PS n'a donc pas à négocier un accord avec qui que ce soit. Entre les deux tours, les perdants font ou non le choix d'appeler à voter pour l'un des deux gagnants. C'est tout. Aux législatives en revanche, les partis politiques retrouvent leur prédominance. Faudrait-il alors que le PS s'accorde avec l'UDF comme il le fait avec le PCF et les Verts?

- L'UDF le souhaite-t-elle? Non. François Bayrou mène toute sa campagne sur le thème: ni UMP, ni PS, mais union nationale des bonnes volontés de droite, de gauche, du centre, de l'écologie, d'ailleurs et de partout, sauf des extrêmes.

- Le PS y a-t-il intérêt? Il faudrait pour cela que les projets socialistes et centristes aient une certaine compatibilité. Est-ce le cas? Non. Sur des points majeurs ( heures supplémentaires, ISF), les deux s'opposent. Pour former une majorité parlementaire cohérente, il ne suffit pas de se retrouver contre Sarkozy, il faut converger politiquement sur des points précis. En l'état, ce n'est pas possible.

Bon samedi.

13 avril 2007

Le paradoxe d'une absence.

Bonjour à toutes et à tous.

Le terrorisme frappe cruellement à quelques centaines de kilomètres de la France, le fanatisme religieux mêlé au nihilisme politique s'attaque de nouveau au peuple algérien et ensanglante le calme Maroc, qu'on croyait à tort préservé de l'extrêmisme. Le monde se rappelle à nous, plongés dans la campagne présidentielle. La France n'est pas une île, les soubresauts de la planète viennent jusqu'à elle.

Pourtant, la nouveauté de cette campagne réside notamment dans la quasi absence de débats autour de la politique étrangère. Alors qu'on ne cesse, avec raison, de nous parler de l'ère nouvelle de la mondialisation, alors que l'Europe n'a jamais été aussi présente dans nos vies, avec par exemple sa monnaie unique.

Vous me direz qu'il en a toujours été ainsi, que les français attendent qu'on leur parle emploi, pouvoir d'achat, sécurité et pas prolifération nucléaire, menace terroriste ou stratégie multilatérale. Erreur. D'abord, l'un n'exclut pas l'autre et si les premiers sont importants, les secondes ne sont pas négligeables. Ensuite, les français savent que nous sommes entrés dans l'ère planétaire car le quotidien nous le rappelle sans cesse. La politique extérieure est devenue largement intérieure.

Quant au campagne précédente, je me souviens de celle de 1981, où Mitterrand et Giscard s'affrontaient sur la guerre en Afghanistan et l'attitude à adopter à l'égard de la puissance soviétique. La révolution iranienne était également dans les débats. Non, l'actuelle absence est inédite, surprenante et inquiétante. La France n'aurait-elle plus rien à dire au monde?

Bonne fin d'après-midi.

12 avril 2007

Salauds de riches!

Bonsoir à toutes et à tous.

Vous vous souvenez de la réplique de Jean Gabin dans "La Traversée de Paris": "salauds de pauvres!" Après les révélations sur les indemnités de départ de quelques grands patrons, dont celui d'Airbus qui a par ailleurs massivement licencié, j'ai l'impression que tout le monde s'exclame: "salauds de riches!" Ce qui me satisfait parce que c'est un vrai sujet de campagne, et en même temps ce qui m'agace. Pour quatre raisons:

- Ces réactions sont plus médiatiques que politiques. Pourquoi attendre une annonce publique, connue d'avance, pour s'offusquer de cette situation? Ces indemnités démesurées n'ont rien de secret, elles sont légales. Ce n'est pas réagir médiatiquement qui est important, c'est agir politiquement.

- Le Pen, Sarkozy et Bayrou se joignent aux protestations. Mais que proposent-ils pour remédier à ce scandale? Et qu'a fait Sarkozy pour lutter contre quand il était au pouvoir?

- Les réactions sont plus morales que sociales. La vraie question que j'aimerais voir abordée, c'est celle de la réduction des inégalités, et pas se contenter de fustiger quelques individus emblèmatiques.

- La vraie question est également économique. Diminuer des indemnités manifestement excessives ne changera pas les conditions de vie de millions de français à la recherche d'un travail ou souffrant d'un faible pouvoir d'achat. Relancer la croissance, l'emploi, le logement, oui, voilà ce qui me semble être l'essentiel.

Bonne soirée.

11 avril 2007

Hier à Saint-Gobain.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je suis allé hier soir à Saint-Gobain, dans l'une de ces réunions politiques comme je les aime parce qu'elles sont le sel de la démocratie. Oh bien sûr ce n'était pas un meeting surchauffé avec une salle interrompant à chaque instant les orateurs par leurs applaudissements. Il n'y avait pas les drapeaux ni les cornes de brume du MJS.

Il y avait mieux que cela: un public raisonnable, attentif, calme, reçu par monsieur le maire dans sa mairie, en compagnie de Gaétan Gorce, député de la Nièvre, sous la présidence de René Dosière, député de la circonscription. Pas d'envolées lyriques mais des interventions précises, informées, et surtout en deuxième partie, le dialogue avec la salle. Car il est bon de laisser la parole à celles et à ceux qu'on fait venir, c'est la moindre des choses.

René a rappelé une bizarrerie de la campagne. Personne ne songe à demander des comptes au candidat de l'UMP, au pouvoir depuis cinq ans, lui et ses amis. La démocratie, c'est projet contre projet, mais c'est aussi bilan de la majorité contre projet de l'opposition. Le silence de Sarkozy sur ce point est éloquent. Il ne dit rien de son bilan, il prend soin de prôner la "rupture" avec lui-même et les gouvernements auxquels il a appartenu parce que ce bilan est mauvais, très mauvais. Il faudra sans cesse le rappeler, ramener Sarkozy à ses responsabilités dans les dix jours qui nous restent.

René a également recentré la campagne sur ce qui devrait être l'essentiel: l'état catastrophique des finances publiques, qui gêne notre marche de manoeuvre et que Sarkozy veut encore plus dégrader en proposant une réduction importante des impôts, c'est à dire autant d'argent de moins pour l'Etat. Ségolène Royal suggère sagement de ne pas baisser cette pression fiscale, d'en conserver le volume mais de la répartir autrement entre les contribuables, ce qui semble être la seule attitude responsable en période de dette galopante.

Puis Gaétan Gorce a énuméré de façon posée les arguments qui empêchaient de voter Bayrou et Sarkozy et pourquoi l'espoir était représenté par Ségolène Royal. La partie questions-réponses était sans doute la plus intéressante. Nous avons abordé tous les problèmes que peut se poser aujourd'hui un citoyen, de la réforme de l'Education nationale au chômage des jeunes en passant par l'intégration des personnes handicapées.

Avec une fin particulièrement riche et... inattendue, bien que la préoccupation soit réelle dans notre société: la question de l'euthanasie. La gauche généralement est pour, au nom de la liberté de notre corps, de notre destin, et de mettre un terme à ses jours quand la souffrance est trop forte. Gorce est plus réservé: accomplir les volontés d'une personne en pleine possession de ses moyens intellectuels, pas de problème. Mais que dire d'une personne tombée dans l'inconscience, même si elle a stipulé, un moment donné, ses dernières volontés? Le débat est lancé, il n'est pas simple, il faudra le reprendre car de nombreuses situations de fin de vie pose le problème de l'euthanasie. Mais comme l'a dit Gaétan en conclusion, reprenant Montesquieu: le législateur doit faire la loi en tremblant, tellement ses conséquences peuvent être dangereuses.

Bonne soirée.

10 avril 2007

Vrai socialiste.

Bonjour à toutes et à tous.

C'est parti pour la campagne officielle à la télévision. Je n'ai plus la télévision mais j'écoute la radio. Ce matin, Gérard Schivardi, soutenu par le Parti des Travailleurs, était sur France-Inter. Curieux bonhomme! Je n'aurais pas grand chose à en dire s'il ne s'était présenté comme "vrai socialiste", ce qui a retenu bien sûr mon attention. Moi qui suis socialiste, ni vrai ni faux, simplement socialiste, et social-démocrate pour être plus précis, je suis intrigué par ce qu'est un "vrai" socialiste. Alors j'écoute, d'autant qu'il ne faut négliger personne dans une élection présidentielle, les dernières nous l'ont appris à notre dépens.

Je ne vais pas vous raconter tout ce qu'a dit le "vrai" socialiste mais une prise de position m'a particulièrement intéressé. Schivardi est favorable à ce que l'Iran ait accès au nucléaire militaire, au nom de la liberté pour chaque pays de se doter de la bombe atomique. Intéressant. Au nom de la liberté, le "candidat de maires" (sic) va-t-il accorder aux patrons le droit de licencier librement? Vous me direz que mon ironie est mal placée, que la liberté d'un pays n'est pas la liberté d'un patron.

Mais c'est quoi la liberté de l'Iran qui préoccupe tant Schivardi? La liberté d'une dictature théocratique qui menace la paix du monde! En tant que "vrai" laïque et "vrai" républicain, je suis fort inquiet de voir ce pays se constituer un arsenal nucléaire et je ne souhaite pas que nous l'aidions dans cette tâche. La liberté, la "vraie" liberté pour un socialiste, ce n'est pas la liberté des Etats, c'est la liberté des individus, qui porte un nom, ancien mais beau, l'émancipation.

Dans les prochaines années et décennies, nous serons confrontés, nous le sommes déjà, à une tragédie, la dissémination de l'arme nucléaire. Tragédie parce qu'il n'y a pas d'exemple d'arme, dans l'histoire de l'humanité, qui n'ait fini par être utilisée. "L'équilibre de la terreur " entre USA et URSS avait sa raison d'être, certes terrible, et la possession de la bombe par quelques démocraties dans un but de pure dissuasion est différente de son utilisation offensive par des régimes fanatiques et parfois terroristes. La bombe pour tous, c'est l'instauration du déséquilibre de la terreur, qui engendrera la plus terrible des guerres que le monde ait connu.

Il me semble qu'un "vrai" socialiste doit se battre pour la paix, limiter les risques de guerre, lutter contre la prolifération nucléaire, distinguer les démocraties des dictatures et dénoncer ces dernières. N'est-ce pas, camarade Schivardi?

Bonne soirée.

09 avril 2007

DSK au CRAN.

Bonjour à toutes et à tous.

DSK s'est rendu samedi devant le CRAN, Conseil représentatif des associations noires, où peu de candidats aux présidentielles ont participé. Je vois bien la raison de cette méfiance: le CRAN est soupconné de "communautarisme", mot très en vogue depuis une quinzaine d'années, sur lequel il faut s'expliquer car il est utilisé à tort et à travers.

Dans la République, il est normal et légitime que des communautés existent, qu'elles s'organisent, qu'elles s'expriment. La République, c'est la liberté, donc la diversité. La société multiraciale, pluriculturelle, je suis pour. Communautés de culture, de religion, de conviction, d'intérêt, de pratiques sexuelles, toutes ont le droit de vivre et de faire vivre la République. Le quartier chinois à Paris, ça ne me gêne pas. Et s'il y en avait un dans toutes les villes de France, j'en serais heureux. Que la République serait triste sans ses couleurs!

Je suis donc parfois gêné quand j'entends dénoncer le "communautarisme" et je demande à voir de quoi il s'agit vraiment. La République n'est pas une figure théorique dans laquelle circuleraient des atomes abstraits qu'on appellerait citoyens, détachés les uns des autres, sans appartenance, mémoire ni traditions. La République est certes la première communauté, politique, celle qui englobe toutes les autres et leur permet d'exister. Elle n'exclut pas les communautés, au contraire elle les inclut.

Ce qui est condamnable, c'est le particularisme, lorsqu'une communauté réclame des privilèges et contrevient de ce fait à l'égalité républicaine. Ce qui est encore plus condamnable, c'est le séparatisme, lorsqu'une communauté se referme sur elle-même, se coupe en quelque sorte de la République.

DSK a eu raison d'approuver les "statistiques de la diversité", comme le demande le CRAN. Il serait normal qu'on puisse connaitre le nombre de personnes noires en France par exemple, afin de pouvoir établir exactement l'état des discriminations et se donner les moyens efficaces de les combattre. S'y refuser au nom de l'égalité républicaine qui ne prend pas en compte la couleur de peau, c'est un beau principe théorique qui empêche de lutter concrètement contre le racisme. Le discours moral et philosophique est une chose, l'action politique et pratique en est une autre.

Avec DSK, je regrette que la lutte contre les discriminations de toute sorte, et plus généralement contre les inégalités, soit si peu présente dans la campagne électorale. Car le coeur de la gauche, c'est là.

Bon appêtit.

08 avril 2007

Le parti des indécis.

Le Parisien d'aujourd'hui nous apprend que 18 millions d'électeurs n'ont pas encore fait leur choix pour la présidentielle. 18 millions! A 15 jours du scrutin! On les appelle les indécis. Ils n'ont jamais été aussi nombreux. Et il y a "indécis de chez indécis", comme disent les jeunes: ceux qui ne se décideront que le dernière jour, dernière heure, dernière minute peut-être, dans l'isoloir. Des spécialistes de l'indécision, en quelque sorte.

Je suis partagé. Tactiquement, le chiffre me réjouit. Il reste de la marge pour Ségolène Royal, de nombreux électeurs peuvent encore être conquis. En même temps, fondamentalement, ce chiffre m'inquiète. Indécis un jour, indécis toujours? Qu'est-ce qui pourra faire changer un indécis dans les deux semaines qui restent? Beaucoup a déjà été dit, les candidats n'ont plus guère à nous apprendre d'eux-mêmes et de leur programme. Emissions, articles, tracts, livres, nous serions plutôt surinformés. Alors?

Alors je crains que les indécis ne mettent fin à leur indécision, au dernier moment, pour une mauvaise raison: un mot de trop, un geste maladroit, un ton inapproprié, une réaction intempestive, un incident quelconque... En Espagne, les socialistes ont gagné alors que les sondages les donnaient largement perdants. L'attentat de l'ETA, le flottement qui a suivi, la bourde qui a consisté à accuser Al Quaida ont suffi à faire basculer l'opinion. Les programmes ont alors perdu de leur importance, seules comptaient l'urgence, l'émotion et l'indignation.

Les indécis ne sont peut-être pas ce qu'on croit. Ils savent mais se décideront volontairement plus tard, préservant ainsi leur liberté. Ou bien ils hésitent parce que leurs convictions ne sont pas solides. Car un électeur socialiste n'a aucune raison d'hésiter: dans cette élection, il n'y a qu'une seule candidate socialiste! Ou bien encore ce sont moins les idées que les personnes qui comptent, plus la forme que le fond. Ce qui explique l'indécision: un programme, on en a vite fait le tour, il suffit de retenir l'esprit général et quelques mesures précises. Mais un homme ou une femme? Chaque être garde son mystère.

Je ne dis pas que la personnalité des candidats est sans importance, mais l'essentiel est dans leurs propositions. Aux uns et aux autres, je demande de se décider en fonction des projets, pas des personnes.

Bonne fin d'après-midi.

La "philosophie" de Sarkozy.

Sarkozy s'exprime dans "Philosophie magazine" et Bayrou lui répond dans "Psychologie". Le débat présidentiel prendrait-il de la hauteur? Pas sûr. Ce que le candidat de l'UDF trouve de "glacant" chez le candidat de l'UMP, c'est qu'il suggère que la pédophilie et le suicide des jeunes pourraient être d'origine génétique. L'archevêque de Paris s'en mêle et va dans le sens de la rébrobation.

Ma première réaction, c'est que Sarkozy ne devrait pas parler de ce qu'il ne connait pas. Plus généralement, il faut laisser certaines questions à la science, en l'occurence à la génétique, la psychologie, et aussi à la philosophie et à la morale. La politique n'a pas à se prononcer sur tout et n'importe quoi. L'économie ou la diplomatie, par exemple, relèvent de son champ de compétence. En d'autres domaines, la prudence s'impose.

Certes, les politiques font des lois qui concernent des sujets qui ne sont pas directement politiques et la pédophilie est un problème de société qu'il est de leur devoir de traiter. Mais la parole et le choix politiques ne peuvent intervenir qu'après des conseils avisés et une délibération d'experts ou de "sages". Ce n'est manifestement pas l'attitude adoptée par Nicolas Sarkozy, sans doute piégé par son propre personnage, l'homme d'action qui a réponse à tout et qui, du coup, peut commettre de grosses gaffes et tenir des propos qui nourrissent la polémique et le scandale.

Ma deuxième réaction est que Nicolas Sarkozy ne commet peut-être pas une gaffe, ne trahit pas son ignorance mais au contraire exprime un point de vue fort inquiétant , qui est constant dans la droite la plus authentique: la justification de certains maux par la biologie. Au XIXème siècle, les penseurs réactionnaires donnent une assise physiologique aux inégalités et à certains comportements. Le fou, le vagabond, le criminel auraient ça "dans le sang". A l'inverse, la gauche et la sociologie naissante s'intéressent au milieu, à l'éducation, à l'influence de la société.

En authentique homme de droite, Sarkozy pense que certaines déviances sont inscrites dans la nature. En homme moderne, il remplace le sang par le gène. Analyse erronée, rien de plus, me direz-vous? Mais les conséquences sont graves, car on sort de la philosophie pour entrer dans la politique. Le point de vue de Sarkozy justifie l'exclusion et la répression: si les tendances pédophiles et suicidaires sont dans les gènes, on ne peut plus grand chose, du moins en termes de prévention et d'éducation. Conception pessimiste et fataliste de la droite sur la nature humaine, à quoi il faut opposer la conception optimiste et progressiste de la gauche, qui pense que rien n'est figé, dans l'individu comme dans la société, que tout peut encore changer, que nous ne sommes pas condamnés au pire, qu'il faut lutter pour le meilleur.

Finalement, ce débat parti d'une polémique peut s'élever à une certaine hauteur de vue!

Bon après-midi.

Au pain et à l'eau.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai animé hier un café philo à Guise sur le thème: l'enfant doit-il être roi? Un participant a évoqué la polémique de la semaine, ces enfants réduits au pain et à l'eau parce que leurs parents n'ont pas payé la cantine. Je m'attendais à ce que l'intervention fustige la dureté de la mesure, souligne l'innocence des enfants, suggère une solution plus décente. Quelle ne fut pas ma surprise! Au contraire, la punition semblait normale, et choquantes les réprobations! Le monde à l'envers, en quelque sorte.

Les arguments du monsieur étaient les suivants: il faut réagir face aux mauvais payeurs, le pain et l'eau ce n'est pas si grave, que ces enfants s'estiment heureux d'avoir eu de quoi manger, il y a tant d'enfants à travers le monde qui rêvent d'un peu de pain et d'eau... L'assistance n'a pas désapprouvé ces propos tout de même surprenants.
J'ai essayé, c'est mon boulot d'animateur, de nuancer timidement la dureté du jugement, de laisser entrevoir que donner du pain et de l'eau à des enfants devant d'autres enfants qui, eux, mangent normalement n'était peut-être pas le meilleur exemple dans une cantine scolaire. Non, rien n'y a fait. Je me suis même vu répondre que les enfants gâchaient énormément, que ça ne pouvait pas leur faire de mal de se mettre un jour au pain et à l'eau!

Les gens du café philo sont de braves gens, gentils, ouverts, généreux, souvent progressistes. Mais ils sont aussi capables d'exprimer de telles "idées". Ce qui confirme ce que je pense depuis longtemps et qui me semble évident: la conversion de toute une partie de la population aux valeurs d'ordre et d'autorité, c'est à dire sa droitisation, y compris chez des personnes qui ont une culture de gauche. Attention, les lecteurs de ce blog le savent: le respect et l'application de la loi (que je défends) n'a rien à voir avec le désir d'ordre et d'autorité (que je condamne).

Mes amis, il nous reste quinze jours avant le 1er tour. Il nous faut résister à cette tentation illusoire de l'ordre et de l'autorité qui a gagné notre propre camp, une partie de nos électeurs. Battons nous sur les questions économiques et sociales, là où nous sommes les plus forts. Nous avons une bonne candidate, qui a compris les évolutions de notre société, qui a entrepris de moderniser la gauche. Très bien. Maintenant, il faut gagner. Amis, ce ne sera pas facile, le vent qui souffle ne va pas toujours dans notre direction. Mais c'est possible. Les indécis sont nombreux. Chacun d'entre vous en connait au moins un ou deux. Alors, allons y, gentillement et fermement. Le 22 avril, il n'y a qu'un seul vote: Ségolène Royal.

Bon week-end de Pâques.

07 avril 2007

Bové et Tapie.

Bonsoir à toutes et à tous.

François Bayrou a proposé de supprimer l'ENA, vous vous souvenez. José Bosé suggère, lui, de supprimer le ministère de la Justice. Avec un argument théoriquement implacable: la justice devant être indépendante, elle n'a pas besoin de ministère. La République sans la Justice? José y va un peu fort... Pourquoi pas supprimer le ministère de la Culture, puisque la culture n'a pas à être subordonnée à l'Etat? Bref, il faut se méfier des raisonnements un peu trop théoriques.

Bernard Tapie a rallié Nicolas Sarkozy. C'était prévisible mais guère risible. L'ancien ministre de François Mitterrand qui soutient le candidat de la droite! Et dire que le PS a soutenu cet aventurier de la politique et de l'économie! Mitterrand, sur ce coup-là, avait des réflexes de bourgeois: la fascination pour le fils de prolos, chanteur de charme puis commercial roublard, qui ose tout et réussit dans la vie.

Moi qui viens du monde ouvrier, je ne marche pas. Et je n'oublie pas que Tapie est celui qui a "plombé" Rocard aux européennes de 1994. Maintenant, il rejoint la droite, sans argument valable. Normal: sa seule logique, c'est de se retrouver du côté du plus fort. Mais qui sera le plus fort? Réponse dans quinze jours.

En attendant, j'espère que nos amis du PRG vont sanctionner comme il se doit ce triste sire qui appartient à leur parti.

Bonne soirée.

CPC n'est pas CPE.

Bonjour à toutes et à tous.

Je ne comprends pas très bien le procès que l'on fait à Ségolène Royal à propos du CPC (Contrat Première Chance). Le rapprochement avec le défunt CPE est faux et perfide. Que reprochait-on au CPE? Les deux années d'essai durant lesquelles vous pouviez être licencié sans motif, proposition scandaleuse et injuste, portant atteinte au droit du travail, véritable aubaine pour le patronat et sans réelle efficacité en matière de création d'emplois.

Le CPC respecte le code du travail. Il est une réponse aux 170000 jeunes qui quittent chaque année le système scolaire sans formation, alors qu'il existe d'importants gisements d'emplois dans les petites entreprises, comme l'a rappelé hier matin sur RTL Dominique Strauss-Kahn. Le CPC est un CDI dont la particularité est que les charges sociales, au lieu d'être supportées par le patronat, le sont par les régions et l'Etat. C'est l'application du fameux "donnant-donnant", que DSK a appelé le "compromis social" durant la campagne interne. Le CPC est signé pour un an. Si le patron se sépare du jeune durant cette période, il rembourse la somme dont il a bénéficiée.

Cette mesure fait beaucoup pensé aux emplois-jeunes de 1997 imaginés par... DSK, du moins en ce qui concerne l'esprit et l'objectif: le volontarisme de l'Etat, la lutte contre le chômage des jeunes. La différence, c'est que le CPC concerne le secteur privé. Je me souviens des critiques lancées alors contre les emplois-jeunes. Les mêmes aujourd'hui s'en prennent au CPC! Mais que proposent-ils, eux, pour répondre aux attentes de jeunes?

Bon samedi.

06 avril 2007

Un matin à Argenteuil.

Bonsoir à toutes et à tous.

La "dalle d'Argenteuil" deviendrait-elle un haut lieu de la politique française? Le Pen s'y est rendu ce matin, à l'heure où il n'y a pas grand monde. Courageux mais pas téméraire, le grand chef de l'extrême droite! Sarkozy était venu, avait tenu des propos mémorables qui ne furent pas pour rien dans le déclenchement des émeutes de novembre 2005. Depuis, le chef de la droite ne se risque plus en banlieue.

Cessons de plaisanter, tout cela est ignoble. La banlieue est prise en otage par des candidats sans scrupule qui veulent faire des voix sur le dos des plus pauvres. Ce cirque médiatique sur la dalle d'Argenteuil est indécent. Quand on entend Le Pen lancer un appel aux habitants et conspuer "les politiciens français" (sic), c'est carrément surréaliste. Et le bonhomme a l'audace de dire que sa "préférence nationale" ne doit pas effaroucher les immigrés alors qu'il veut, sous ce slogan, les priver des allocations que leur verse la République, en vertu de l'égalité des droits entre tous les citoyens!

Sarkozy, Le Pen, ne touchez pas à ceux que vous excluez, ne les manipulez pas. Argenteuil, ce n'est pas, ce ne sera jamais votre monde.

Bonne soirée.

05 avril 2007

Les 12000.

Bonsoir à toutes et à tous.

Le PCF a réussi à réunir 12000 personnes ce dimanche dans une salle parisienne très enthousiaste. 12000! Le meeting était certes national, mais peu de partis ont les moyens et l'organisation pour réaliser cette performance. Et pourtant, Marie-Georges Buffet stagne à 2 ou 3% dans les sondages et prend le risque de faire encore moins que Robert Hue en 2002 (un peu plus de 3%).

Je me souviens de la campagne de 1981, les stades archi combles pour écouter Georges Marchais, les émissions de télévision où le candidat communiste faisait des scores d'audimat impressionnants. Et pourtant, le résultat a été un désastre c'est à dire... 15%, un chiffre qui serait aujourd'hui un miracle. Mais c'était la première fois dans son histoire que le PCF subissait un tel recul, alors que son poids électoral était jugé à environ 20%.

Cette année-là, le PCF a amorcé un déclin que rien n'a depuis stoppé ni même freiné. La chute du mur de Berlin, l'effondrement du communisme dans le monde ont bien sûr participé à ce déclin. Les socialistes n'ont jamais vraiment tiré les conséquences de cette évolution majeure du paysage politique français. L'union de la gauche était autant stratégique que programmatique. Que doit-elle être aujourd'hui? Comment le PCF peut-il être autre chose qu'une force d'appoint pour le PS? Le PS est en voie de social-démocratisation: quelles sont les conséquences sur son alliance avec les communistes?

Les 12000 ne doivent pas nous voiler la face. On peut mobiliser puissamment et échouer électoralement. Au PS, Ségolène Royal l'a emporté sans disposer de relais militants. L'appareil a suivi après coup. A droite, François Bayrou crée la surprise alors que la petite UDF n'a guère de troupes. La politique a beaucoup changé depuis vingt ans. L'engouement est réel, les livres se vendent bien, les émissions sont suivies, l'internet est actif, les réunions sont fréquentées mais les partis politiques ont du mal à trouver des militants pour coller et tracter. Il faudra que le PS en tire toutes les conséquences et poursuive l'évolution que Michel Rocard avait initiée au début des années 90.

Bonne soirée.

Devoir de citoyen.

Bonjour à toutes et à tous.

Je ne sais pas s'il vous arrive la même chose qu'à moi mais je suis énormément sollicité pour des votes par procuration. Heureusement que la loi n'autorise qu'une seule procuration par personne! J'ai l'impression, sinon, que je passerais une bonne partie du dimanche présidentiel à voter!

Normal me direz-vous: les deux tours tombent en période de vacances scolaires et le droit au vote par procuration s'est assoupli. Avant, il n'y a pas si longtemps, il fallait de bonnes raisons pour en bénéficier, des cas réels d'incapacité à voter ce jour-là. Aujourd'hui, comme l'a dit sans gêne un auditeur sur une radio, "on aurait tort de ne pas en profiter".

Eh bien je ne trouve pas ça normal du tout. Ce n'est pas la première fois que des élections tombent pendant des vacances. Tout le monde ne part pas en vacances. Surtout (désolé de jouer les rabat-joie), je crois qu'il faut se faire une haute idée du vote. Cet acte mérite qu'on diffère, retarde, raccourcisse, interrompt ou même annule ses vacances. Des vacances, il y en aura d'autres, et dans peu de temps... Le vote qui commencera dans trois semaines est unique et c'est le destin de notre pays qui est en jeu, pas celui de notre petite vie le temps des vacances!

Je n'irai pas jusqu'à dire que voter est sacré (rien n'est sacré en République, pas même la loi qu'on peut toujours changer) et qu'il faut tout sacrifier pour le jour du vote. Mais le geste mérite le respect. Accepter systématiquement et sans raisons sérieuses les procurations, c'est banaliser ce geste puisqu'un autre, n'importe qui, peut l'effectuer à votre place. Le vote devrait rester une démarche solennelle, personnelle, unique qui ne se partage avec personne d'autre.

J'ajoute que la facilité de la procuration porte atteinte à un principe majeur du suffrage, le secret du vote. Et aussi à sa sincérité: même si l'ami qui vote pour vous est honnête et respecte votre choix, la confiance repose sur la subjectivité. Le vote doit reposer intégralement sur des principes, dont celui-ci: "un homme, une voix" et pas, sauf exceptions rigoureusement définies, "un homme, deux voix".

Je n'ai pas la nostalgie de l'époque où l'on venait "endimanché" dans le bureau de vote, avant la messe ou après la partie de pêche, et en famille pour montrer l'exemple aux enfants. Je ne veux pas passer pour un républicain à la romaine, citoyen austère et quelque peu stoïcien. Mais il y a des choses du passé, lointain et récent, sur lesquelles on peut méditer.

Bon après-midi (et bonne méditation).


PS: voter n'est pas essentiellement un droit comme un autre, c'est un devoir.