L'Aisne avec DSK

31 juillet 2009

A H1N1.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je suis à Carnas, village de 400 habitants, entre Nîmes et Montpellier. Comme partout où je m'installe, je rends mes premières visites au cimetière et à l'église de la commune. L'endroit est charmant, je vais m'y plaire, c'est sûr. Et j'ai un ordi à ma disposition ! Mais je n'en abuserai pas, c'est tout de même les vacances. Ne vous offusquez donc pas si je ne réponds pas, ou moins, ou plus tard à vos commentaires. Mais vous êtes intarissables, cela ne vous empêchera pas de continuer à vous épancher, j'en suis certain.

Après la carte postale, passons à l'actualité : c'est incontestablement la découverte du premier décès lié au virus A H1N1 (même si le rapport direct n'est pas assuré). Cette histoire de grippe va devenir, je le sens, le feuilleton catastrophe de l'été (chaque année, il en faut un, très médiatisé, pour pimenter nos vacances ; l'an dernier, c'était le scandale des bébés qui mouraient dans les voitures au soleil, reportez-vous aux archives de ce blog).

Sur le virus A H1N1 ("grippe porcine", c'était inexact et ça ne faisait pas très sérieux), je vois trois réflexions possibles :

1- Nous sommes incontestablement dans une psychose sociale, trahie par des rumeurs toutes plus fausses les unes que les autres. Tout a commencé il y a 15 ans avec le syndrome de la "vache folle", puis théorisé à travers un concept (ça fait toujours très sérieux), le "principe de précaution". En vérité, il s'agit, sous ce terme, d'un sentiment qui a envahi la société contemporaine : la trouille, la bonne vieille peur, qui n'est d'ailleurs pas si bonne que ça. L'obsession de l'opinion pour les questions de sécurité est le marqueur social le plus flagrant de cette situation d'apeurement généralisé.

2- L'opinion publique, comme jamais par le passé, réclame en toutes circonstances la "vérité". C'est évidemment le cas pour le virus A H1N1 : comment va-t-il se développer ? Combien y aura-t-il de victimes ? Que faire pour s'en protéger ? C'est très bien, on appelle ça la "prévention". Sauf que la vérité n'est pas toujours de ce monde, encore moins en matière de science et de médecine, où les ignorances, les limites, les incertitudes, les contradictions sont nombreuses. Que répondre alors à une opinion qui exige une vérité qu'on ne peut pas lui donner, sinon sous forme d'hypothèses ou de probabilités ?

3- Le pouvoir politique, les autorités administratives sont sur le pied de guerre. Ils savent qu'il vaut mieux parler ("communiquer") que ne rien dire (pourtant, dans le doute, ne faudrait-il pas s'abstenir de tout commentaire inévitablement contestable ?). Ils ont à l'esprit le sang contaminé, la canicule de 2003, ils ont peur eux aussi que des têtes tombent, les leurs. Car un gouvernement, un élu, un responsable peuvent rapidement se transformer en boucs émissaires s'ils ne savent pas rassurer l'opinion, donner l'impression qu'ils connaissent l'entière vérité et dominent totalement la situation.

Si nous étions tous de sages citoyens, nous prendrions dans la discrétion les précautions élémentaires qui s'imposent comme pour n'importe quelle autre grippe, nous laisserions les autorités sanitaires faire leur travail sans rien exiger d'elles, nous profiterions de nos vacances pour penser à tout autre chose, à la politique par exemple. Et surtout, nous cesserions d'avoir peur.

Mais peut-être que la démocratie n'exige pas toujours des citoyens qu'ils soient sages, de même que les citoyens, en retour, ne doivent pas demander à leur démocratie d'être idéale ou parfaite.


Bonne soirée.

28 juillet 2009

La police de la langue.

Bonsoir à toutes et à tous.

Même dans le Berry où je suis, il n'est pas interdit de lire Charlie Hebdo, d'autant que le numéro de cette semaine contient un excellent article sur un nouveau phénomène de société : le "délit verbal". Désormais, pour un oui ou pour un nom, pour un mot de trop ou de pas assez, vous vous retrouvez devant les tribunaux et sanctionnés. Avant, c'était la police de la pensée. Aujourd'hui, c'est la police de la langue. Il faut dorénavant soupeser chacun de ses mots, faire attention à tout ce qu'on dit.

Ce phénomène de société frappe toute la société. Relisez bien des commentaires sur ce blog en réaction à mes billets. Que me reproche-t-on ? Moins mes idées, somme toute banalement social-démocrates, que mon style, mon vocabulaire, ma façon de m'exprimer. On fustige alors mon "narcissisme", mon "mépris", ma "haine", mon "agressivité", mon goût pour l' "insulte". Mes lecteurs fidèles et honnêtes savent bien, c'est évident, que tout cela est faux. Mais d'autres se sentent sincèrement et subjectivement agressés par mes propos.

D'où vient cette hypersensibilité, cette susceptibilité à fleur de peau (et de cerveau), ce puritanisme langagier ? A mon avis, de deux réalités contemporaines : d'abord l'effondrement des grandes idéologies favorise les querelles de mots plus que les débats d'idées ; enfin l'influence de la télévision promeut un type de débat lisse, pauvre, stéréotypé qui s'est étendu à la plupart des esprits.

Sachons résister à la novlangue moderne, luttons contre la police du langage, les petits flics du vocabulaire qui prolifèrent sur Internet ! Parlons, écrivons comme bon nous semble, authentiquement, vertement, cruellement.


Bonne soirée.

27 juillet 2009

Avertissement.

Dans les prochaines semaines, je serai loin de mon ordinateur mais, ne vous inquiétez pas, toujours présent. Avec simplement un peu moins de régularité dans les billets. Ne vous en étonnez pas, ne soyez pas préoccupés, je ferai de mon mieux pour ne pas trop vous quitter.

Un malaise médiatisé.

Bonsoir à toutes et à tous.

Notre président est à "La Lanterne", les médias ont précisé qu'il avait quitté l'hôpital "à pied", en "costume bleu" et "très souriant". Donc nous voilà rassurés. Hier, les "experts" parlaient d'un "malaise vagal", un mot un peu bizarre, pas très fréquent, mais qui signifie, et c'est l'essentiel, que ce n'est pas trop grave. Aujourd'hui, le terme médical a disparu, remplacé par un autre, tout aussi étrange (mais la médecine est ainsi, elle aime le vocabulaire compliqué) : un "malaise lipothymique". Qui peut m'expliquer la différence ?

Depuis l'accident, c'est le branle-bas médiatique. Autrefois, on était discret, secret en la circonstance, y compris pour plus grave que ça. Là, on sent que la communication a mis les bouchées doubles. C'est sans doute la première fois sous la Vème République qu'un problème de santé très mineur déclenche de telles réactions. La difficulté avec la communication, c'est qu'il faut en faire sans trop en faire. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, n'a pas su faire. En évoquant inexactement un "accident cardiaque", il a voulu manifestement susciter la compassion, permettre l'identification de l'opinion à une situation assez répandue, l'accident cardio-vasculaire léger mais préoccupant.

Patrick Balkany, hier sur RTL, a voulu lui aussi bien faire, en montrant toute l'affection qu'il pouvait avoir pour son ami, soulignant qu'à 54 ans il ne faut pas trop forcer sur le sport, dévoilant au passage que le président suivait un régime, conseillant le repos à l'hyperactif. C'est là où le message dérape, et on l'a bien senti toute cette journée en écoutant les interventions chargées de le corriger : Nicolas Sarkozy a bâti de lui une image d'homme d'action, quelqu'un de très physique, increvable. Si un simple jogging le fait tomber dans les pommes, le symbole est écorné. C'est pourquoi les communicants ont tout fait pour que Nicolas Sarkozy sorte de cet accident minime aussi fort, aussi actif et énergique qu'avant. Pour cet homme, les voeux de repos et de vacances qu'on serait tenté de lui adresser ne peuvent être que des humiliations, des insultes. C'est pourquoi ce malaise a été médiatiquement très contrôlé, avec les aléas inhérents à ce type de stratégie.


Bonne soirée.

26 juillet 2009

Malaise d'Etat.

Bonsoir à toutes et à tous.

Un président de la République hospitalisé, même pour un malaise vagal c'est à dire bénin, c'est toujours une petite affaire d'Etat. D'abord parce qu'il y a une sorte de vacance du pouvoir et que l'Etat n'est jamais complètement à l'aise quand il perd, même pour quelques heures, son chef. Ensuite parce que la santé est une chose fragile, qui cache plus qu'elle ne dévoile, et qu'on ne peut s'empêcher de se demander si notre président va bien, si ça n'est pas plus grave.

Et puis, la classe politique, pour un instant, est soudée dans les voeux de prompt rétablissement qu'elle adresse au premier magistrat du pays. C'est une saine et républicaine coutume. L'homme est supérieur alors à la politique, qui très vite cependant retrouvera ses droits. Mais c'est ça aussi la démocratie. Tout de même, l'Etat est une construction fragile pour que la santé d'un homme paraisse ébranler légèrement quelques heures le système, du moins dans l'opinion publique. Car nos institutions sont solidement assises.

Les circonstances du petit accident de Nicolas Sarkozy prêtent aussi à réflexion : c'est le premier président de la Vème République qui soit ouvertement sportif. Même Giscard, un peu plus jeune, n'était pas aussi démonstratif. Notre président s'affiche en homme moderne : il veille à sa ligne, il veut être bien dans sa peau, il fait donc du sport, cette religion profane dans laquelle tout le monde aujourd'hui communie ou fait semblant. Nicolas Sarkozy en fait-il trop, force-t-il ce corps qui n'est plus celui d'un jeune homme ? En tout cas, sa mésaventure de ce dimanche est en phase avec les préoccupations prosaïques des Français, qui ne peuvent que se reconnaître ici en lui.

Je me souviens de la maladie de Pompidou, de l'hospitalisation de Mitterrand. Il y avait du secret, du mystère, du drame, la mort qui rôdait. Avec Nicolas Sarkozy, tout est plus simple, plus clair, plus ordinaire. Malgré tout, quand le président a un problème de santé, aussi minime soit-il, ça reste impressionnant, on retient son souffle, on s'informe, comme s'il s'agissait du voisin dont on verrait une ambulance le prendre à la maison. Sauf qu'on a le sentiment que le destin de la nation est un petit peu en jeu. Dans quelques jours, il n'en restera sans doute plus rien, à moins qu'il n'y ait complication. Mais nous retiendrons ce dimanche exceptionnel où l'évanouissement d'un jogger pas comme les autres aura retenu l'attention de millions de citoyens.


Bonne soirée.

25 juillet 2009

L'avenir d'Anne.

Bonjour à toutes et à tous.

Pas de trêve dans la vie politique locale, comme je vous l'avais dit, puisque L'Aisne Nouvelle d'aujourd'hui lui consacre une pleine page, un grand article sur la nouvelle députée européenne et un plus petit sur l'ancienne. Mais l'intérêt ne se mesure pas à la taille : Pascale Gruny décrit sans surprise son installation au Parlement européen, Anne Ferreira lâche mine de rien un petit scoop, son intention de "tenter d'autres mandats sur le Saint-Quentinois, les législatives ou la mairie de Saint-Quentin par exemple". Le titre de l'article est sans équivoque : "Anne Ferreira : objectif Saint-Quentin".

Je m'en réjouis, ça met un peu d'air frais sur la gauche saint-quentinoise. Ces dix dernières années, nous avons eu deux élus d'importance, toutes deux députées, l'une nationale (Odette), l'autre européenne (Anne). Le PS étant ce qu'il est et la politique ayant ses exigences, un avenir n'est possible qu'en s'appuyant sur des visages connus, des élus d'envergure, qui ont la capacité de rassembler. Après Odette (qui nous a quittés en 2007, à la suite de sa défaite aux législatives), il restait Anne, c'est son tour.

Cette éventualité d'une candidature à la mairie de Saint-Quentin me réjouit pour une autre raison, dont vous savez qu'elle me tient à coeur : Anne chef de file de l'opposition en 2014 ne pourra sans doute pas rééditer l'alliance avec l'extrême gauche (je vois mal les lambertistes l'accepter), qui n'a pu se faire que dans des circonstances tristement exceptionnelles qu'on ne retrouvera heureusement pas (Anne Ferreira n'était d'ailleurs pas candidate sur la liste PS-extrême gauche). Libéré de ce poids électoralement handicapant, le PS pourra se rassembler, s'ouvrir plus largement et envisager une possible victoire aujourd'hui interdite.

Quant aux législatives, la circonscription a été jusqu'à maintenant réservée par le PS à une femme, ce qui n'a pas lieu de changer. La candidature d'Anne Ferreira est donc naturellement pressentie. Contre Xavier Bertrand, ce sera un rude combat, où nous n'avons de chances de l'emporter que s'il est préparé très tôt et très minutieusement. Il faut absolument acquérir ce qui nous a tellement manqué par le passé : la capacité d'anticipation. Candidatures à la dernière minute, alliances surprises, fluctuations dans la stratégie, tout ça n'est pas bon, tout ça doit être abandonné.

Mais 2014, c'est encore loin, même s'il faut l'envisager dès à présent. Auparavant, il y a tout de même des élections intermédiaires localement très importantes. D'abord les régionales : c'est l'an prochain, Anne Ferreira est vice-présidente, la droite est en campagne, je suis surpris que le journal n'en parle pas. Il faut bien sûr qu'Anne soit sur la liste, en position éligible, afin d'y représenter le Saint-Quentinois. La droite nous a piqué une conseillère générale, une députée européenne, il ne faudrait pas qu'elle nous pique aussi une vice-présidente du Conseil Régional !

Surtout, il y a les élections cantonales en 2011, cantons nord et centre, qui lanceront pour toutes les forces politiques locales la campagne d'après, la municipale, deux ans plus tard. Ces cantonales, je ne sais pas si nous pouvons les gagner, mais nous n'avons pas le droit de les rater (certains fidèles lecteurs me feront peut-être remarquer que j'écrivais la même chose avant et pour les municipales : oui et alors ?). Le PS devra cette fois être uni, désigner ses candidats en dehors de tous rapports de forces, inscrire ses choix dans une stratégie concertée collectivement, globale et durable.

"J'ai envie que la mairie et la circonscription passent à gauche", termine Anne Ferreira. Oh que oui, moi aussi !


Bonne soirée*


* Venez faire ce soir un tour à Roupy, c'est la Nuit des Etoiles, on parlera de la conquête de la Lune, qui est tout de même plus difficile que la conquête de la mairie de Saint-Quentin !

24 juillet 2009

Exploités, exclus, déclassés.

Bonsoir à toutes et à tous.

J'ai montré ce matin que la crise que traversait le PS n'était pas de leadership mais de projet. Je voudrais ce soir préciser ma pensée. Un projet, ça ne se trouve pas sous les sabots d'un cheval. Il faut du temps, de la réflexion mais surtout, et le PS doit commencer par cette question, il faut savoir à qui l'on s'adresse. Un projet politique n'est pas une belle construction en l'air (sinon ça se casse la gueule !), il a nécessairement une assise sociologique qui commande tout le reste.

Regardez la droite, rappelez-vous son "paquet fiscal", qui a été la première mesure politique de Sarkozy : son assise, c'est évident, c'est la bourgeoisie. Et la gauche ? Historiquement, nous avons le soutien des classes populaires. Le PCF, notre allié, nous assurait la fidélité de la classe ouvrière et nous, socialistes, nous rassemblions les suffrages d'une partie des classes moyennes, des fonctionnaires, de la petite bourgeoisie.

Ce schéma a volé en éclats ces dernières années, et c'est l'une des raisons de la crise qui nous affecte. Le PCF s'est écroulé, le vote ouvrier s'est dispersé, une partie soutient la droite quand ce n'est pas l'extrême droite, les classes moyennes sont séduites par le MoDem, le NPA et récemment les Verts. Le PS dans tout ça a du mal à retrouver ses petits (électeurs). Que faut-il faire ? A mon avis, nous devons trancher une question : l'électorat socialiste (et donc notre projet) doit-il se constituer à partir des classes moyennes ou à partir des classes populaires ?

La droite, fidèle à son histoire, a un noyau électoral puissant, un gros noyau de pêche que représente la bourgeoisie, à partir de quoi elle s'élargit jusqu'aux classes populaires. Mais nous, que doit être notre coeur de cible, pour parler comme les publicitaires ? Je vous donne brutalement mon point de vue : nous devons d'abord reconquérir les classes populaires, auxquelles doit s'adresser en priorité notre projet. C'est dans cette direction, ouvriers et employés, que nos efforts de réflexion doivent porter.

Pourquoi ? Parce que c'est notre histoire, notre raison d'être. Mais aussi parce que les classes moyennes sont par nature infidèles. Elles vont du côté où les emporte la dynamique politique et sociale du moment. Aujourd'hui, elles pratiquent volontiers l'anti-socialisme, souvent par dépit. Demain elles nous soutiendront si nous savons être forts et sûrs de nous. Le problème, c'est que nous autres militants socialistes sommes en général issus de ces classes moyennes, et rarement des classes populaires (sinon en remontant les générations).

Nous avons eu le tort, ces dernières années, de nous battre trop exclusivement pour les catégories dont nous étions issus, la petite bourgeoisie (ce n'est pas mon cas personnel, je viens de la classe ouvrière d'une petite ville de province, sensiblement différente des ouvriers des grandes villes et de la grosse industrie). La gauche a ainsi, presque imperceptiblement, subi une dérive : dans les années 60-70, elle défendait classiquement les exploités ; dans les années 80-90, elle s'est mise au service des exclus ; aujourd'hui, elle vise les déclassés.

Qui sont-ils ? La frange de la classe moyenne qui se sent aspirée vers le bas, qui craint la "prolétarisation", peur évidemment exagérée. Le PS vit sous l'emprise de cette idéologie, sécrétée par les classes moyennes, et dont un récent rapport (voir Le Monde du 7 juillet) vient de faire l'analyse. Une idéologie trahit toujours un écart plus ou moins important avec la réalité. Celle des classes moyennes n'échappe pas à la règle : selon ce rapport, leur niveau de vie a objectivement presque doublé en une génération et elles ressentent au contraire subjectivement une forte baisse de leur pouvoir d'achat.

Toute idéologie repose sur un mythe : celui des classes moyennes, c'est le mythe des Trente Glorieuses, elles n'ont que cette expression à la bouche et que ce rêve en tête. Normal, c'est leur âge d'or, celui de leur élévation sociale, leur référence historique absolue. Sauf que dans la même période, les classes populaires continuaient à être exploitées et n'avaient pas complètement, malgré quelques progrès, l'occasion de se réjouir. La société de consommation a été un vrai bonheur pour les classes moyennes, mais les classes populaires, avec le surendettement, n'en ont pas toujours profité.

Le PS devra faire un gros effort sur lui-même pour se décrasser de cette idéologie des classes moyennes qui pollue ses modes de pensée. Nous devons retourner vers les classes populaires qui sont désormais séduites par la droite. A Saint-Quentin, ville ouvrière, c'est flagrant. Parmi les huit conseillers municipaux d'opposition, six sont des fonctionnaires, des enseignants. Je les aime beaucoup, c'est mon milieu professionnel. Mais les catégories populaires ne peuvent pas se reconnaître en eux. Et cela, à Saint-Quentin comme ailleurs, est à la source de bien de nos déboires électoraux.

Le Parti socialiste doit d'abord venir en aide aux exploités, ouvriers et employés. Il ne doit pas oublier les exclus (sur lesquels Jospin s'était concentré, ce que les classes populaires lui ont reproché) ni les déclassés (qui ont eu plutôt les faveurs de Ségolène Royal), mais ceux-ci suivront la dynamique que nous saurons enclencher à partir de la défense des intérêts des classes populaires. J'ajouterais que la vieille social-démocratie n'a jamais agi autrement.


Bonne soirée.

Leadership.

Bonjour à toutes et à tous.

J'entends dire ces jours-ci que le tumulte qui secoue le Parti socialiste viendrait d'une crise de leadership. Je crois que c'est entièrement faux. Notre problème réside dans notre déficit de projet, pas de leadership. Quatre remarques à ce sujet :

1- Nous avons un leader, il s'appelle Martine Aubry, il a été démocratiquement et majoritairement désigné lors de notre dernier congrès. Quand on est de gauche, on considère qu'un leader ne s'impose pas de lui-même mais procède d'un vote majoritaire, même avec une très courte majorité (tout camarade qui accède au leadership par la grâce de la procédure tout en étant porté par une minorité n'aura jamais à mes yeux la valeur politique d'un leader, même s'il l'est de fait, administrativement, cela se voit dans certains sections).

2- On se plaint parfois que ce leader ne soit pas à la hauteur de Sarkozy, c'est à dire présidentiable. Je crois au contraire que c'est une excellente chose, et c'est pourquoi j'ai choisi Martine Aubry à la tête du Parti. Mais pour 2012, j'ai quelqu'un d'autre en tête, dont vous connaissez le nom. Quand on est de gauche et républicain, on applique partout, y compris chez soi, le principe de la séparation des pouvoirs : c'est une chose d'être premier secrétaire du Parti socialiste, c'en est une autre d'être président de la République. Et puis nous serions tactiquement maladroit de faire maintenant un choix pour dans trois ans.

3- On rêve d'un leader "charismatique", qui mobiliserait autant l'opinion que Sarkozy. Halte-là : que veut dire "charismatique" ? Pour moi, ce mot n'a aucun sens. En politique, on est en situation ou pas. L'individu le plus terne peut devenir "charismatique" si les circonstances l'y conduisent, l'individu le plus brillant peut de même se faire marginaliser. C'est un fait constant dans l'Histoire. Et puis, le "charisme" renvoie à l'Ancien Régime, ce n'est pas une conception de gauche du leadership.

4- Qu'est-ce qui fait qu'on exerce un pouvoir sur une ville, une collectivité, un pays, un parti, une population, qu'est-ce qui explique qu'on ait de l'influence ? That is the big question ! Ce n'est pas l'intelligence, la personnalité, les relations, la réputation, c'est, et Martine Aubry l'a très bien dit face à ses contradicteurs, le travail, d'abord et essentiellement le travail. Faire de la politique, c'est quoi, au bout du compte ? C'est faire. Mais quoi ? Peu importe quoi, la politique c'est agir.

On parle parfois de "leader naturel", on n'a pas tort : celui qui agit s'impose naturellement en politique, celui qui n'agit pas est écarté du jeu. Tout l'art en politique est d'agir. Tant qu'on agit, on est politiquement vivant. Pas nécessairement gagnant, mais vivant. Et c'est déjà énorme, tellement les morts sont nombreux en politique, qui croient pourtant être encore vivants.

Cette réflexion m'amène à une lecture actuelle, celle de Jean-Claude Milner dans son ouvrage "L'arrogance du présent" (Grasset, 2009) où il raconte sa jeunesse gauchiste. Je retiens de lui cette phrase, en page 57 : "Le gouvernant est actif, le gouverné est passif ; réciproquement, être actif, ne serait-ce que pour un instant, c'est gouverner ; être passif, ne serait-ce que pour un instant, c'est être gouverné". On peut être au pouvoir et ne rien en faire, n'avoir donc aucun pouvoir. On peut à l'inverse ne pas être au pouvoir et exercer par son action une grande influence. A méditer pour tous ceux qui font ou veulent faire de la politique.


Bonne journée.

Libellés :

23 juillet 2009

Net Politique.



Bonsoir à toutes et à tous.
Je suis passionné par la lecture de la presse en général et de la presse locale en particulier, surtout pendant les vacances d'été. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas grand-chose à dire et que les journalistes arrivent toujours à dégoter des sujets intéressants. Ce n'est pas facile, c'est un art. Je suis tombé aujourd'hui, dans le Courrier Picard, sur un article que je vous recommande (je ne reproduis ici qu'un extrait), consacré aux sites et blogs saint-quentinois. Bien sûr le thème a déjà été traité, mais cette fois de façon très complète.
En ce qui concerne les sites et blogs politiques, c'est très exhaustif, personne à ma connaissance n'a été oublié. J'en tire cinq enseignements :
1- La créativité est rarement au rendez-vous. On a souvent affaire à du copier-coller plus ou moins indigeste. La Toile répète, reproduit, elle n'innove pas toujours. C'est plus une chambre d'échos que d'expression.
2- Plusieurs sites ou blogs sont figés dans le temps, à plusieurs mois d'aujourd'hui. C'est la négation même du Net, qui implique, surtout le blog, un suivi sinon quotidien (c'est l'idéal) du moins régulier.
3- Dommage que le journal ne se soit pas penché sur le degré de réactivité des sites. L'Internet ne fonctionne bien que s'il y a échanges, débats, commentaires, parfois polémiques. La qualité n'est certes pas toujours de mise, mais l'important est que ce soit vivant.
4- Où est XB ? Lui qui se pique de pratiquer les technologies de pointe, pas de site, pas blog. A la différence de Fillon, c'est un faux geek !
5- Il est aussi question de Facebook, qui ne me plaît pas du tout : j'y suis sans jamais m'être inscrit, des tas de gens que je ne connais pas (et que je n'ai pas envie de connaître !) affirment être mes "ami(e)s" et me souhaitent parfois mon anniversaire. Je constate qu'on se complaît surtout, sur Facebook, à exhiber des photos personnelles. Bref, un narcissisme que je n'apprécie pas. Mais peut-être que je ne pratique pas assez ce nouveau mode de communication.
Bonne soirée,
sur le Net
bien sûr.

22 juillet 2009

Les increvables.

Bonjour à toutes et à tous.

Je vous expliquais récemment que la politique ne prenait pas de vacances, que c'était même à ça qu'on reconnaissait les vrais politiques. Il m'arrive d'exagérer, de pousser un peu loin le bouchon. Là, je ne croyais pas si bien dire. En lisant la presse d'hier, j'ai eu la confirmation :

Le Courrier Picard nous apprend que Caroline Cayeux, qui a débuté sur les chapeaux de roues sa campagne pour les régionales (elle est tête de liste UMP pour la Picardie), investit puissamment la Toile : "Sur Internet, elle est omniprésente, utilisant tous les outils à sa disposition". Il se dit que Xavier Bertrand, qui aimerait bien que sa région passe à droite, l'appuie fortement. Mais il se dit tellement de choses ...

Tenez, côté socialiste, il se dit que Claude Gewerc pourrait ne pas être candidat, mais à sa place sa vice-présidente Laurence Rossignol. Pas parce que Claude aurait fait du mauvais boulot, mais parce que là comme ailleurs, il faut réserver des postes aux femmes, parité oblige. Alors pourquoi pas Laurence ? A mon petit niveau, je n'ai rien entendu de tel. Mais c'est un petit niveau ...

Chez nos amis Verts picards, on se tâte pour savoir si on fait alliance ou pas avec le PS. Des rencontres sont envisagées avec le MoDem et les autres écolos. Nos partenaires voient large. Pourquoi pas, pourvu qu'ils ne prennent pas ... le large et restent à gauche. Arnaud Caron, leur leader régional, a réussite le concours d'entrée à l'ENA. Bravo pour lui, mais il risque de s'éloigner de la Picardie et de la politique. Ce serait une perte pour la gauche, c'est un bon élément.

Un qui prend à coup sûr le large, c'est Maxime Gremetz, qui prépare sa liste "Colère et Espoir", avec beaucoup de colère contre les socialistes. Où va-t-il comme ça ? Sa popularité personnelle réelle, sa gouaille, son enracinement ne suffisent pas à créer une alternative politique. Il va dans le mur, c'est sûr.

Saint-Quentin n'est pas épargnée par le labeur des politiques. C'est L'Aisne Nouvelle cette fois-ci qui nous apprend que Vincent Savelli et son nouveau parti (le REV, Rassemblement européen des valeurs, créé par lui-même) font campagne pour l'Europe, avec cravate et ceinture aux couleurs de l'Union. C'est pas les tongs de l'UMP, mais on s'en rapproche.

Freddy Grzeziczak, maire-adjoint aux affaires sociales, MRC passé chez Dupont-Aignan, frappe un grand coup en s'offrant une pleine page intitulée "Pas de vacances pour l'action sociale", illustrée par quatre photos où l'on voit Freddy en pleine action, auprès des défavorisés, des personnes âgées ... Dans le corps de l'article, il redit qu'il ne serait rien sans Pierre André. Bonne recrue pour le sénateur-maire ...

Mais quand vont-ils tous vraiment partir en vacances, loin de Saint-Quentin, loin de la Picardie ? Moi ce sera dans une semaine. Mais eux ? Ces bêtes-là sont encore capables de faire de la politique en août. Ils sont increvables ...


Bon après-midi.

21 juillet 2009

Le feuilleton de l'été.

Bonsoir à toutes et à tous.

Le titre que j'ai donné à ce billet est une façon de conjurer le mauvais sort, de procéder à un exorcisme : je cite pour que ça ne se produise pas. Quel est donc ce "feuilleton de l'été" que j'aimerais voir vite fini ? La crise à répétitions au sein du PS. A chaque jour son lot de critiques et de ripostes aux critiques. Heureusement, il y a quelques éléments positifs dans tous ses soubresauts.

Jean-Marc Ayrault parle d' "attitudes morbides". C'est exagéré. Jack Lang évoque "un arbre sec" pour qualifier son Parti. C'est une image. Mais je ne suis pas d'accord avec ce qu'il propose pour ramener la sève : la baisse du prix des cotisations. J'aimerais pourtant tellement que tout ça ne soit qu'une histoire de fric ! Ce n'est hélas pas le cas. Là où Lang a raison, c'est de remarquer que Sarkozy s'est emparé de "l'imaginaire collectif" et que nous, socialistes, nous l'avons laissé filer. Je serai plus précis et plus grave : la droite a conquis l'imaginaire populaire.

Alain Bergougnioux suggère que le congrès socialiste, prévu en 2011, pourrait être avancé. Je ne sais pas si ça peut régler nos problèmes. Manuel Valls, dans le Financial Times, poursuit ses critiques, faisant fi de l'avertissement de Martine Aubry. Sur le fond, il dit vrai : nous n'avons pas su adapter notre projet aux deux réalités contemporaines, l'individualisation et la mondialisation. Mais je ne l'approuve pas sur la forme, dans sa démarche : Manuel joue trop perso. Ce n'est pas en créant un nouveau courant, "moderniste", qu'on parviendra à mieux moderniser notre Parti.

Les bonnes nouvelles, les voici : 200 députés socialistes demandent, dans un texte commun et public, de cesser la guéguerre médiatique. Surtout, Ségolène Royal a pris fait et cause pour Martine Aubry. Sage et courageuse décision. Je vais le dire avec des termes que je n'affectionne pas trop mais qui, en la circonstance, sont adéquats : il nous faut un chef, un patron, et que tout le monde se rassemble autour de lui. Pour que le feuilleton de l'été ne dure, au pire, que le temps d'un été.


Bonne soirée.

20 juillet 2009

SOS camarades.

Pas facile d'être socialiste par les temps qui courent. Mais si c'était facile, est-ce que ce serait intéressant ? Et est-ce que ça n'a pas toujours été difficile d'être de gauche ? Etre de droite, c'est un peu plus simple, il suffit de se laisser aller ...

Bertrand Delanoë, ce matin sur RTL, a eu comme souvent les mots justes : soutien à Martine Aubry, regret de constater ce "gâchis de talents" (manifestement une spécialité socialiste), souhait d'un retour à "l'ordre", "la cohésion", "l'autorité". Ce sont des termes que la gauche craint à tort d'employer. Mais qui ne voit que c'est ce dont nous avons le plus besoin ?

Sur le mot "socialiste", il trouve, contrairement à Manuel Valls, qu'il n'est pas "daté", et il a parfaitement raison. Si nous l'abandonnions, ce sont nos électeurs qui seraient perdus. Mais Bertrand précise que le socialisme doit mettre en avant "le combat pour la liberté". C'est une petite revanche sur le mauvais procès qu'on lui a fait il y a un an, quand il s'était affirmé "libéral".

Arnaud Montebourg, lui, pense que nous sommes "dans le formol". L'image n'est pas très joli mais pas fausse. Il demande à ce que le PS "change de nature" en s'ouvrant à d'autres sensibilités de gauche. Dans ce cas, "il ne pourra pas être et rester le Parti socialiste". Arnaud comme Valls remet donc en question, implicitement, le nom de notre Parti. J'avoue que cette question m'indiffère. Pour les Français, c'est plus simple de garder un nom qu'il connaisse bien et qu'il situe à peu près. Mais s'il fallait changer, je n'en ferais pas non plus un drame. Il y a plus grave que ça.

Laurent Fabius, hier dans Le Parisien, a le chic pour remonter le moral. Sarkozy battu en 2012, il y croit. J'aimerais tellement ! Mais pourquoi ? Parce que son bilan n'est pas bon. C'est vrai, mais comment le battre ? Toute la question est là ...

Merci camarades, j'y vois un peu plus clair, je me mets à espérer. Mais il faut que ça continue ...


Bon après-midi.

Les leçons d'Aix.

Bonjour à toutes et à tous.

Je tire trois leçons du résultat de l'élection municipale d'Aix-en-Provence :

1- Dans cette ville plutôt de droite, l'UMP l'a emporté de justesse. Pas de quoi pavoiser. Le PS, dont tout le monde annonçait la mort ce week-end, a quand même de beaux restes. Des moribonds comme ça, on en redemande.

2- Les socialistes se sont alliés au 1er tour avec le MoDem et au second avec les Verts et le PRG. C'est la stratégie qui a ma préférence, que je souhaite très fort pour Saint-Quentin et qu'on devrait généraliser. Elle est valable pour des élections locales et pourquoi pas régionales. Mais pour un scrutin national non, je ne vois pas le PS avec le MoDem, tant que celui-ci n'aura pas clarifié sa position.

3- Le PCF, NPA et Parti de Gauche ont fait alliance et n'ont pas appelé à voter pour le PS au second tour. C'est à noter et à ne pas oublier. Cette partie de la gauche, déportée vers l'extrême gauche, a renoncé à la règle du "désistement républicain". Mais je ne pense pas que leurs électeurs soient dupes et se laissent entraîner dans cette radicalisation et la politique du pire.

Voilà de quoi méditer pour notre avenir, aussi bien national que local.


Bonne fin de matinée.

19 juillet 2009

Grand corps malade.

Bonjour à toutes et à tous.

Pauvre PS ! C'est à qui s'acharnera le plus contre lui ... Un homme à terre, les autres se déchaînent, frappent. C'est hélas terriblement humain. Qui s'en prend à plus puissant que soi ? Le pouvoir, à tous les niveaux, y compris le plus modeste, est vénéré. C'est pourquoi le drame en politique, c'est de ne pas avoir le pouvoir. C'est ce qui arrive en ce moment au PS.

Julien Dray, sur son blog (billet daté du 17 juillet), n'y va pas de main morte: il accuse carrément Martine Aubry d' "impuissance", d' "amateurisme" et d' "archaïsme". Et pourquoi ? Parce que les partis de gauche ont refusé la "maison commune" qu'elle leur a proposée, parce qu'elle a demandé à Valls de mettre fin à ses permanentes critiques. Mais que voulait Julien ? Que Martine se désintéresse du rassemblement à gauche, au lendemain d'un scrutin où la division nous a fait perdre ? Qui sont les responsables, les fautifs ? Ceux qui tendent la main pour dialoguer ou ceux qui la refusent parce qu'ils veulent se compter. Le petit jeu des rapports de forces au profit d'intérêts particuliers, partisans, boutiquiers, j'ai connu ça dans ma section, ça conduit droit à la défaite, non merci.

Et pour Manuel Valls, que j'aime bien, comme j'aime Juju et son franc-parler, fallait-il le laisser faire, comme on a laissé faire ceux qui en 2005 ont finalement milité contre le choix majoritaire des adhérents ? Non, je ne veux plus revoir ça. Martine Aubry, dans un contexte très difficile pour toute la gauche, essaie de rassembler, d'impulser un travail collectif, de rénover. C'est un début, il faudra du temps, mais il n'y a pas d'autres solutions ni meilleure première secrétaire dans les conditions actuelles. Elle doit donc être soutenue par tous, y compris par Julien Dray et Manuel Valls, chacun gardant bien sûr la liberté de s'exprimer, comme je le fais, mais en respectant les choix de notre dernier congrès.

Plus positive, et pourtant beaucoup plus dure est la position de Bernard-Henri Lévy, dans le Journal du Dimanche d'aujourd'hui. Je suis moins choqué parce que BHL, n'étant pas adhérent du PS, n'est tenu par aucune discipline particulière. Et puis, son analyse est sincère, conforme à la réflexion qu'il mène depuis longtemps sur la gauche française. Enfin il reconnaît avoir voté socialiste aux européennes, une marque de fidélité qui force le respect quand on sait combien d'adhérents ont trahi par leur vote leur propre parti.

Que nous dit BHL ? Que le PS est une "maison morte", comparable à ce qu'était le PCF à la fin des années 70 (16% à la présidentielle de 1981), qu'il faut le "dissoudre" sans attendre. Bref, c'est une position assez raide, dont je ne partage pas tous les tenants et aboutissants, mais qui a le mérite de réveiller les socialistes, de nous obliger à réagir et à bouger. Et puis, je connais un peu les philosophes et leur lyrisme : ils exagèrent beaucoup, avec eux il faut toujours nuancer.

Sur le fond, BHL a complètement raison, et Martine Aubry en est elle aussi convaincu : ça ne peut plus continuer comme ça, sinon Sarkozy dans trois ans passera haut la main (et ne parlons même pas des régionales de l'an prochain !). On fait quoi alors ? BHL veut "dissoudre" le PS. Mais le PS n'est pas un cachet d'aspirine soluble dans l'eau minérale. C'est une structure, une organisation, des élus, une ligne politique démocratiquement fixée. On ne peut pas tirer un trait de plume sur tout ça. Alors quoi ?

BHL retient l'idée de primaires. Oui, moi aussi. Mais ce ne sera pas dans l'immédiat. A mes yeux, ce qu'il faut tout de suite faire, parce que c'est la source du poison, c'est de casser le système des courants en instaurant un nouveau mode de gouvernance et de délibération du Parti, à quelque niveau que ce soit. Je ne peux parler que de ce que je connais bien, ce qui s'est passé à Saint-Quentin aux dernières municipales : était-il normal que nous n'ayons pas pu, comme je le proposais, organiser entre nous une discussion collective ayant pour but de choisir un candidat rassembleur ? Pourquoi fallait-il en venir nécessairement aux rapports de forces, c'est à dire en venir aux mains, sachant que la division ne pourrait qu'en découler ?

Si les rapports de forces s'établissaient autour de différences idéologiques réelles, je dirais d'accord. Dans les années 70, tout ça avait un sens, entre mitterrandistes, rocardiens, chevénementistes, poperénistes et quelques autres. Mais aujourd'hui, il n'en est rien, ce ne sont que luttes claniques, défense d'élus, intérêts personnels, recherche de strapontins à tout prix. Ce grand corps malade qu'est le PS crève peu à peu de ce système de courants. C'est celui-ci dont il faut absolument se débarrasser.

Attention : je ne dis pas que ça suffit, mais c'est un indispensable début. "Dissoudre" le PS non, mais dissoudre les courants oui. Les strauss-kahniens ont donné l'exemple en se dissolvant il y a plus d'un an. Les strauss-kahniens existent toujours (la preuve j'en suis un !) mais le courant n'existe plus en tant que tel, et c'est très bien. Que crèvent les courants, pour que ne meure pas le PS !


Bonne matinée.

18 juillet 2009

L'adhésion à 5,5%.

Bonjour à toutes et à tous.

Le patron de l'UMP a envoyé un étranger courrier à 120 000 restaurateurs : un bulletin d'adhésion à son parti. Pourquoi à cette éminente corporation et pas à une autre ? Parce que Sarkozy leur a satisfait une très ancienne revendication : la baisse de la TVA à 5,5%. La lettre d'accompagnement, comme dans tout bon courrier commercial, insiste sur l'argument : "engagement pris, promesse tenue". C'est beau comme une pub !

Et alors, qu'est-ce qui me chagrine là-dedans ? Rien de particulier, nous sommes en République, Xavier Bertrand envoie les courriers qu'il veut à qui il veut. Ce qui m'embête, c'est la conception qui en ressort de la politique. Que la droite soit heureuse de mettre en valeur l'une de ses mesures politiques, c'est normal. Mais qu'elle conçoive l'adhésion à un parti politique comme étant le résultat d'un intérêt strictement corporatif, professionnel, non ce n'est pas l'idée que je me fais de la politique. On adhère par conviction, pas par intérêt. C'est l'intérêt général qui prime en politique, pas l'intérêt particulier.

Et puis, ce qui est politiquement intéressant dans cette baisse de la TVA, c'est le nombre de nouveaux emplois qu'elle pourra éventuellement susciter. Sinon, en rester à l'avantage qu'en tirent les restaurateurs, c'est transformer la politique en clientélisme. Et cette clientèle, remarquons-le au passage, ne fait pas partie des catégories les plus défavorisées de la population. Ce à quoi nous assistons avec cette initiative de l'UMP, c'est à une sorte de commercialisation de la vie politique. D'ailleurs, Bertrand aime bien utilisé cette expression, copiée du monde de la grande distribution : le "service après vote".

Imaginez un peu une vie politique complètement parcellisée, dans laquelle Xavier Bertrand enverrait une lettre pour adhésion à tout corps de métier ayant obtenu un gain de la part du gouvernement. Ce serait hallucinant. Imaginez la gauche adressant un courrier rétroactif de félicitations à tout salarié jouissant de journées de RTT ou bien étant parti en retraite à 60 ans au lieu de 65 ans, aux enseignants qui ont bénéficié d'une formation professionnelle au sein des IUFM, aux couples pacsés (voir mon billet d'hier) et les incitant à adhérer au PS, ce serait surréaliste et pour tout dire pas très honnête.


Bonne matinée.

17 juillet 2009

La Socialist Pride.

Bonsoir à toutes et à tous.

Qu'est-ce que je lis dans mon Charlie préféré, numéro de cette semaine, sous la plume de mon non moins préféré Bernard Maris, successeur de Philippe Val dans la boutique ? Ceci qui m'a mis de mauvaise humeur, à la fin de son éditorial :

"Tiens, demandez-vous : quelles sont les grandes réformes que vous leur devez [ aux socialistes] ? J'en vois trois : l'abolition de la peine de mort, le RMI, la CMU. Rien d'autre ? Non, désolé ..."

C'est moi, Bernard, qui suis vraiment désolé, pire navré par une telle réponse à une pourtant excellente question (car les Français ne referont confiance aux socialistes qu'en ayant la mémoire de ce que ceux-ci ont fait pour ceux-là). Je pourrais bien sûr biaiser, ruser, retourner la pique contre vous-même : ces trois réformes que vous citez, s'il n'y avait qu'elles, les socialistes auraient de quoi être fiers, ils se verraient justifiés de leur présence au gouvernement. D'autant que le RMI, la droite vient de nous le supprimer avec son RSA.

Mais je ne veux pas jouer à ça. D'autant que je suis réellement scandalisé. "Rien d'autre ?" Bien sûr que si, les socialistes au pouvoir ont fait plein d'autres réformes, dont certaines ont tellement marqué positivement notre société que la droite hésite à les abroger. Sans forcer ma mémoire, je m'en rappelle d'au moins huit. Huit, ce n'est pas rien tout de même ! Et pas des réformettes. Jugez-en plutôt (je les cite et commente dans le désordre) :

- Les 35h : qu'est-ce qu'on n'a pas dit sur et contre elles, et contre ce pauvre Jospin ! Résultat : aujourd'hui, tout le monde en redemande, tient à ses fameuses RTT, la droite ne touche pas à la durée légale du temps de travail, même si elle essaie de la contourner. Bravo ! La réduction du temps de travail est parmi les fondamentaux de la gauche.

- Le PACS : on le doit aux socialistes, et là encore à Jospin. La droite faisait plutôt la grimace (et pas que Boutin en brandissant la Bible) : légaliser le concubinage, offrir une alternative juridique à la sacro-sainte institution du mariage, ça n'était pas gagné d'avance. Les socialistes l'ont fait, personne ne songe aujourd'hui à le leur reprocher.

- Les IUFM : la réunion dans un même lieu de formation de tous les enseignants, la volonté de leur donner une culture professionnelle (au lieu de les balancer devant des élèves à la sortie de la fac), la revalorisation des personnels du premier degré, oui tout ça était une belle et grande politique. Aujourd'hui, la droite supprime les IUFM.

- Les lois Auroux : elles attribuaient des droits nouveaux aux salariés dans les entreprises. Les oublieux ne s'en souviennent plus. Moi si. Merci la gauche. Et dire que certains ont encore le culot de dire que nous n'avons rien fait pour les ouvriers !

- Les lois Deferre : elle décentralisait notre système politique comme jamais depuis la Révolution. Et ces lois furent, précisément, une vraie révolution dans notre République jacobine et un tantinet napoléonienne. Aujourd'hui, en voulant réformer les collectivités locales, la droite s'inscrit dans cet élan, même si elle lui donne un sens qui n'est pas nécessairement le nôtre.

- La libération des ondes : sous Giscard, quand on voulait bricoler une radio libre chez soi, on avait les CRS à sa porte. Mitterrand a libéralisé les ondes, dessiné le paysage audio-visuel moderne. Fini la radio et la télé de papa !

- La retraite à 60 ans : elle est instaurée en 1981. Avant, on partait à 65 ans. Aujourd'hui, la droite propose 67 ans. Y'a pas photo !

- L'ISF : c'est l'impôt sur la fortune, les riches qui doivent cracher au bassinet. Ça, la droite ne l'a jamais admis. C'est comme si on touchait au Saint-Sacrement pour un catholique.

Alors Bernard Maris, vous persistez à soutenir que la gauche n'aurait fait que trois réformes en quinze ans de pouvoir ? Et vous, camarades d'extrême gauche, vous allez continuer à proférer ce mensonge que les socialistes n'auraient rien fait ? VOUS, en revanche, qu'avez-vous fait pour les salariés de ce pays ? Où est votre bilan politique ? En quoi avez-vous, à l'instar de nous, fait évoluer la société française ?

Quand vous répondrez sérieusement à ces questions, quand vous aurez des propositions crédibles à nous faire, quand vous accepterez de prendre des responsabilités électives, quand vous respecterez la vérité de ce qu'ont fait les gouvernements de gauche, alors oui les socialistes, et moi le premier, pourront songer à s'allier avec vous. Mais pas avant.

En attendant, je rêve d'organiser, à Saint-Quentin ou ailleurs, une marche de la fierté socialiste. Parce que j'en ai tellement marre de tous ces gens qui nous crachent à la gueule ... La droite, c'est normal, c'est le jeu démocratique ; mais ces soi-disant "gens de gauche" qui passent le plus clair de leur temps à critiquer le PS, à nous donner des leçons de socialisme, je ne les supporte pas. Et ceux que je déteste par dessus tout, ce sont ces faux frères que sont les socialistes anti-socialistes (oui, l'espèce animale existe, dans le grand arbre de la vie !). Ce sont des coucous, ils sont dans le nid du Parti socialiste mais pondent des oeufs qui n'ont rien à voir avec lui.

Tiens, je vais proposer ça à Pierre André : une Socialist Pride dans les rues de Saint-Quentin (il ne peut pas me le refuser !). J'imagine fort bien des chars fleuris en l'honneur de chacune des grandes réformes de la gauche. L'objectif serait ludique et pédagogique. Tout adhérent socialiste saint-quentinois serait dans l'obligation de participer et de danser sur un char, sinon sa carte lui serait retirée.

Je propose une date pour monter cette manif : le 3 octobre prochain, date à laquelle tous les socialistes axonais feront leur rentrée fédérale à Saint-Quentin. Il fait encore beau à cette époque-là, ce sera festif. Mais je vous vois venir : ne comptez pas sur moi pour me déguiser en drag queen, même socialiste.


Bonne soirée,
et cultivez votre mémoire.

16 juillet 2009

Le meilleur d'entre nous.

Bonsoir à toutes et à tous.

DSK, une fois de plus, est en tête d'un sondage de popularité, celui de Paris-Match. Il fait jeu égal avec Jacques Chirac, c'est tout dire ! Sauf que celui-ci a son destin national derrière lui, et Strauss devant. Je m'en réjouis, bien sûr. Il va bien falloir que le PS sorte du marasme, cesse avec les chicayas.

Le 9 juillet, dans Libération, Alain Duhamel, qui en a vu d'autres en 40 ans d'observation de la vie politique, a décrit cruellement mais justement la situation actuelle du PS :

"Premier parti de France aux élections locales, le PS s'enlise dans un localisme qui favorise la multiplication de fiefs autonomes parmi lesquels se glissent des copains et des coquins protégés par les solidarités régionales et par les camaraderies de courant. Les hommes d'appareil, toujours les mêmes seconds couteaux depuis vingt ans, se perdent en jeux de pouvoir stériles et malsains".

Bien vu, mais on fait quoi ? Une seule solution : DSK ! C'est lui, Duhamel, qui le dit :

"Reste Dominique Strauss-Kahn. Il détient le privilège de l'éloignement : il est, il sera innocent des échecs, des faux pas, des médiocrités et des lenteurs du PS. Intellectuellement, il n'a pas trois rivaux de ce côté-là. Ses fonctions à la tête du Fonds monétaire international en font l'égal des chefs d'Etat et de gouvernement. Au ministère des Finances comme à Washington, il s'est imposé presque naturellement. "La Flamme et la Cendre" reste le meilleur livre écrit par un socialiste français en exercice".

Pas mal, non ? Il y a quand même des réticences :

"Handicaps : il n'a plus de courant, peu d'alliés et, entravé par ses fonctions flatteuses, doit rester les bras croisés devant l'embourbement du PS. Seule solution : qu'en 2011 un appel lui soit lancé par les plus clairvoyants et les moins masochistes de ses rivaux, ceux qui n'ont pas envie de perdre l'élection présidentielle pour la quatrième fois de suite et de dépérir dans l'opposition".

Là, je ne suis pas trop d'accord (on ne peut pas être d'accord avec tout !) :

1- Pas de courant ? C'est DSK qui l'a voulu, c'est lui qui nous a demandé de nous autodissoudre pour mieux essaimer dans tout le Parti.

2- Peu d'alliés ? Mais quels alliés ? Il y a des alliances qui sont comme des boulets aux pieds. A un certain niveau d'ambition, on entraîne parce qu'on est libre, on ne traîne plus derrière soi des alliés encombrants.

3- L'appel du Parti ? Je n'y crois guère, c'est une tradition du recours qui n'appartient pas à la culture de DSK. Ce qui compte pour lui, ce qui est important en politique, c'est de travailler, de faire des choses, bien ou mal peu importe, mais bien c'est quand même mieux ! On ne gagne pas avec des glandeurs (ah la folie des glandeurs ! ne rien faire et attendre qu'on vienne vous chercher ...)

Ce qui compte aujourd'hui (demain on verra), c'est que DSK soit le meilleur. Car si la politique ne se donne pas les meilleurs, je ne comprends plus la politique ...


Bonne soirée.

15 juillet 2009

L'endroit du pouvoir.

Bonsoir à toutes et à tous.

Où est le pouvoir ? Quelque part. Mais encore ? En un lieu précis. C'est à dire ? Dans un périmètre déterminé. Par exemple ? L'Elysée pour le chef de l'Etat. Ok, mais à quoi veux-je en venir ? Qu'un pouvoir digne de ce nom n'est pas qu'un principe abstrait, une fonction opératoire mais qu'il s'inscrit dans une géographie, un espace qu'on reconnaît, à quoi on l'identifie. C'était Versailles pour Louis XIV. Même Trotsky, qui a voulu abolir l'Etat classique, dirigeait à l'intérieur d'un train blindé. Le pouvoir occupe une place. Etre au pouvoir, c'est être à sa place, et secondairement distribuer des places.

Si je vous dis que cette pensée m'est venue à l'occasion de l'installation de Pascale Gruny, nouvelle députée européenne, dans sa permanence, vous allez me reprocher d'exagérer, d'extrapoler, peut-être de divaguer. De Gruny à Trotsky, tout de même, est-ce bien sérieux ? Oui, désolé. Laissez-moi vous expliquer :

L'inauguration de cette permanence a eu lieu il y a quelques jours, en présence de Pierre André et Xavier Bertrand. Le pouvoir adoube toujours le pouvoir. Comment, en la circonstance, ne pas penser à une autre permanence, désormais vide, 16 rue de la Comédie, celle de l'autre députée européenne, ex et socialiste, Anne Ferreira ? Un pouvoir en chasse un autre. Pascale Gruny, c'est 19 rue du Gouvernement (ça ne s'invente pas !).

Désormais, où est topographiquement la gauche saint-quentinoise ? Où faut-il aller pour la voir (à tous les sens du terme) ? Au 7 rue de la Comédie, au local des élus de l'opposition. Pour un Saint-Quentinois, c'est la seule façon de situer la gauche locale. C'est important pour les citoyens, pas seulement d'un point de vue utilitaire mais symbolique : pouvoir repérer est le pouvoir (car l'opposition exerce elle aussi, en démocratie, un pouvoir, éminent, précieux, indispensable).

La boîte postale pour nous contacter, la salle de café pour assister à nos réunions de section, ce ne sont pas des lieux véritables, des points de chute, c'est du vagabondage. Ce n'est pas pour nous un drame, mais malgré tout un malheur : ne pas avoir, en tant que parti (et parti de gouvernement, merde !), un lieu d'enracinement, c'est embêtant. J'en parle parce que, en tant que secrétaire de section, j'ai été confronté à ce problème : trouver un local pour la section. C'était il y a bientôt dix ans, déjà !

Encore une fois, cette question n'est pas fondamentalement pratique. Un parti peut très bien se débrouiller sans avoir d'endroit à soi. Le problème n'est pas immobilier mais politique. Les communistes ont leur local (rue de la Pomme Rouge, là aussi ça ne s'invente pas), signe de leur gloire passée. Le socialisme saint-quentinois renaîtra quand il sera quelque part (je parle du Parti en tant que tel, pas des élus qui sont dans un local municipal).

Je reviens à ce qui a déclenché cette réflexion, l'ouverture de la permanence de Pascale Gruny, 19 rue du Gouvernement. Dans le même immeuble se retrouvent les permanences du sénateur, du député et de l'UMP. Ainsi l'unité du pouvoir est matérialisée (en plus, je suppose que c'est beaucoup plus pratique comme ça). C'est aussi symboliquement important, puisque l'un des problèmes que rencontre tout pouvoir, c'est celui de sa cohésion.

A gauche, nous n'avons jamais réussi ça. Je me souviens même qu'entre 2001 et 2002 (j'étais encore secrétaire de section), nous avions cinq lieux différents où des socialistes pouvaient se réunir (car il faut bien, j'insiste, se réunir quelque part, la technologie n'est pas jusque là parvenue à délocaliser, à dématérialiser le pouvoir politique, même si elle a commencé ce travail avec le pouvoir économique) : les élus rue de la Comédie , la députée européenne aussi (mais quelques mètres plus loin), la députée de l'Aisne rue Dachery, les militants aussi (mais dans un restaurant), de même rue de Baudreuil (cette fois dans un café). Le pouvoir était littéralement dés-uni, dispersé, éclaté.

Vous connaissez la règle des trois unités dans le théâtre classique : unité de lieu, de temps et d'action. C'est pareil en politique, avec le pouvoir, qui est lui aussi une forme de théâtre. A défaut d'unité, il n'y a pas de pouvoir, seulement un semblant, une apparence, une illusion. Cette unité est humaine et physique. Je crois même que l'unité de lieu prépare, encourage à l'unité d'action. C'est pourquoi la partie de mes camarades qui sont allés courir l'aventure avec l'extrême gauche ne pourront que bien s'entendre avec elle (contrairement à ce que je pouvais croire au départ) : se retrouver ensemble au même endroit, travailler en commun, soudés dans l'opposition à un même adversaire, ça ne peut que lier (hélas de mon point de vue, puisqu'il y a des liens qui sont aussi des strangulations).

Puisque j'examine la géographie du pouvoir, remarquez bien qu'être au pouvoir, c'est tenir sa place ( de nouveau à tous les sens du terme) mais aussi ne pas tenir en place, se déplacer. Un pouvoir qui reste sur place meurt sur pied. Le pouvoir est tout en mouvement puisque son but est la conquête. J'ai cité au début Trotsky et son train blindé, j'aurais pu évoquer, dans un tout autre genre, les chars à boeufs des "rois fainéants" de la dynastie mérovingienne.

A table, l'homme de pouvoir sait où il s'assoie, pas n'importe où, n'importe comment, avec n'importe qui. La place du pouvoir qui se déplace, c'est le problème de son emplacement : à quelle place s'installer ? C'est paradoxal : autant le pouvoir doit se placer quelque part, autant il doit se déplacer partout. L'homme de pouvoir salue tout le monde, ne reste pas avec ses seuls partisans, se met au centre c'est à dire partout et nulle part. Les mines de faux conspirateurs dans un coin de bistro, ce sont les vrais vaincus. On ne réussit pas en politique en restant à un bout de table, entre soi (ça, c'est réservé à l'homme ordinaire, qui n'a aucune raison de quitter ses copains).

Un dernier mot sur ce que je n'ai pas encore abordé, l'unité de temps. A Saint-Quentin, il m'arrive parfois, même si c'est de plus en plus rare, de m'entendre dire : vous êtes encore rue de Théligny ? C'était en effet le local du PS quand je suis arrivé dans cette ville, en 1998. C'était, à sa façon, un lieu de mémoire, car il renvoyait au Cercle Jean-Jaurès, le Nessie du socialisme saint-quentinois (tout le monde en parle, personne ne le voit et certains le dénoncent comme un monstre : moi je n'en sais rien et franchement ça ne m'intéresse pas).

A tort ou à raison (c'est selon la sensibilité politique), nous avons rompu, en 2000, avec ce lieu pourtant bien pratique, car nous avons privilégié alors le message politique, donc symbolique : Théligny incarnait les socialistes exclus qui avaient suivi en 1995 la liste Le Meur, qui préconisaient l'alliance locale ancienne avec les communistes. Nous voulions au contraire signifier, avec et autour de la députée Odette Grzegrzulka, que ce temps-là était révolu, qu'il fallait tourner la page et entrer dans une ère nouvelle.

J'en sais quelque chose, c'est moi qui étais chargé de trouver un autre lieu, finalement rue Faidherbe. Et puis, il y a eu la terrible défaite de 2001, qui a été pour nous le commencement de la fin. Peut-être aujourd'hui allons-nous retourner rue de Théligny. Je ne le souhaite bien sûr pas puisque je reste fidèle à moi-même, à mes choix passés, qui sont plus que jamais d'actualité et qui se résument en une seule question politique : comment faire exister dans la deuxième ville de Picardie un Parti socialiste fort, puissant et indépendant aussi bien des communistes que de l'extrême gauche ? C'est ce que j'ai tenté et raté pour les dernières municipales. Mais la question, elle, je ne cesserai pas de la poser parce qu'elle continuera à se poser.

Le retour à Théligny est dans l'ordre des choses, dans la nature de ce pouvoir que nous constituons désormais avec l'extrême gauche. Je m'en affligerais mais je ne m'y opposerais pas. On ne peut pas lutter contre le sens du vent. Au contraire, il y aurait une forme de pédagogie à montrer clairement où nous mènent les choix que nous avons fait dans la douleur en 2008 : le retour à l'ordre ancien. L'endroit du pouvoir, c'est son envers, c'est sa vérité.


Bonne soirée.

14 juillet 2009

La droite au ciel.

Je suis allé, comme le veut la tradition, au défilé du 14 juillet dans ma bonne ville de Saint-Quentin. Cette année, pour l'équipe municipale, c'était le top. Tout a commencé devant le Monument aux Morts, avec un ciel plus bleu que jamais et une pelouse que je n'avais pas vu aussi verte. Monsieur le Maire, radieux, en costume gris perle, a passé en revue les porte-drapeaux, accompagné par Xavier Bertrand, regard franc et poigne ferme.

Il faisait si beau, si chaud, et beaucoup de monde, un public très populaire, peu habitué aux cérémonies patriotiques. La preuve : certains ont failli applaudir quand la fanfare a terminé son morceau, mais se sont vite ravisés au milieu du silence imposé. Une femme s'est distinguée parmi tous ces hommes classiquement vêtus : Agnès Boutreux-Potel, maire-adjointe, qui a osé un débardeur orange assez sexy sous son écharpe tricolore. C'est le privilège des dames d'ainsi surprendre.

L'opposition est présente en la personne de Nora Ahmed-Ali et Olivier Tournay pour les conseillers municipaux, Jean-Luc Tournay pour le Conseil Régional. Arrivé place du 8 Octobre, tout le monde a les yeux levés vers le ciel et la droite est aux anges, elle attend la Patrouille de France. Je discute avec un adhérent de l'UMP qui me félicite pour ma conférence sur Darwin et me confie, sans que je lui ai rien demandé, que la gauche a quand même permis en France le progrès social ! Quel rapport lointain avec Darwin ? L'idée de "sélection naturelle", impitoyable aux plus faibles, dont j'avais expliqué que le grand savant ne l'appliquait pas aux hommes.

David, du MJS, est là aussi, dans la foule. Il est souvent présent à ce genre de cérémonie. Il aurait fait un bon conseiller municipal. En attendant les avions, on échange les uns avec les autres, Pierre André et Xavier Bertrand font le tour des participants. Et puis un grand bruit, très rapide, les conversations cessent : les voilà ! D'abord les traînées de fumées tricolores qui repeignent le ciel de Saint-Quentin en bleu-blanc-rouge, puis le passage des mirages, suivis des bombardiers, enfin quelques avions qui font des loopings fort appréciés de la foule. Malheur à celui qui sera allé pisser au bistro à ce moment-là : il n'aura rien vu !

Après l'air, tout le monde redescend sur terre, pour le défilé des troupes, maîtres-chiens, gendarmerie et pompiers, comme toujours les plus applaudis. Pour rejoindre l'Hôtel de Ville, je crois original de ne pas prendre cette fois les bus mis à disposition par la municipalité, reconnaissables à leurs petits drapeaux tricolores. Je me rends compte, en remontant la rue d'Isle, que beaucoup ont eu la même idée que moi, notamment le maire au côté du sous-préfet, entraînant une suite d'élus dans leur sillage.

Dans la Salle des Mariage bondée et surchauffée, Pierre André évoque la République, la citoyenneté, en cette année du 500ème anniversaire de l'édifice (c'est pourquoi nous ne sommes pas dans le spacieux Palais de Fervaques). Au rez-de-chaussée, les jeunes de l'Epide, à qui il est revenu d'entonner la Marseillaise, se désaltèrent. Monsieur le Maire récompense les porte-drapeaux de quelques médailles. Il a chaud comme nous tous, il est ravi. Son troisième mandat, c'est aussi le septième ciel pour lui.


Bonne fin d'après-midi.

Le héros du 14 juillet.

Bonjour à toutes et à tous.

Levé de bonne heure, j'ai entendu la radio nous parler bien sûr du 14 juillet et du héros du jour. Qui à votre avis ? Danton, Robespierre, Marat ? Un révolutionnaire d'aujourd'hui ? Non, rien de tout ça, mais quelqu'un que vous ne connaissez sûrement pas, bien que la radio en ait abondamment parlé : Robert Thiel. Oui, c'est lui le héros du 14 juillet, si j'en crois les ondes de ce matin.

Qu'a-t-il fait pour ça ? C'est un chômeur d'une quarantaine d'années qui a décidé d'aller exposer sa situation à Nicolas Sarkozy ... à pied, en parcourant 400 km, de sa Moselle natale jusqu'au Palais de l'Elysée (il a traversé l'Aisne il n'y a pas si longtemps). Et devinez où il est au moment où je vous écris ? Dans la garden-party du président de la République, invité par lui. Voilà ce qui a suffi pour lui valoir quelques heures l'honneur des médias et en faire le héros de ce 14 juillet.

C'est plutôt sympa, cette histoire, vous ne croyez pas ? Alors comment se fait-il que j'en sois, de si bon matin, irrité ? Trois raisons :

1- Ce Thiel a sans doute raison de faire ce qu'il fait, mais sa démarche est purement individualiste. Il met en scène son propre cas, le transforme en symbole, s'offre complaisamment à la médiatisation, mais rien de collectif dans tout ça.

2- Son périple est évidemment fantaisiste. Quelle idée de faire tous ces km à pied, qu'est-ce que ça apporte à la cause qu'il défend, sinon une mise en scène tout à fait personnelle, très éloignée de l'esprit de sérieux que mérite la défense des chômeurs.

3- Robert Thiel ne voit qu'une solution pour sortir du chômage : Nicolas Sarkozy ! (on comprend pourquoi, devant une telle confiance envers le chef de l'Etat, celui-ci l'ait finalement convié à sa garden-party). Il a eu à la radio cette phrase que je trouve terrible : "Si Sarkozy ne me trouve pas de travail, qui pourra m'en trouver ?" Ca en dit long sur un état d'esprit très contestable : comme si l'emploi devait nécessairement venir de l'Etat et de son premier magistrat.

C'est la bonne vieille théorie du "piston" (qui fait marcher la machine, comme chacun sait). Cette idée d'un ultime recours venu d'en haut, d'une providence par les sommets me paraît un mal français particulièrement détestable. Elle fait fi des talents personnels, de la formation de chacun, de la responsabilité de l'économie, des entreprises, des ressources de toute une société. Je n'adhère pas à cette représentation du monde et de la vie qui fait reposer sur le pouvoir d'un seul la solution à nos difficultés.

Tant pis si je suis désagréable avec le sympathique Robert Thiel, mais je ne crois pas qu'il donne le bon exemple de ce que doit faire un chômeur. Il y a une dizaine d'années, les sans-emplois avaient tenté de s'organiser dans des "comités de chômeurs" dont on n'entend plus aujourd'hui parler. C'est bien dommage, parce que ça me semblait une direction intéressante pour que les chômeurs fassent entendre leur voix. Plus intéressante en tout cas que la démarche individualiste, fantaisiste et sarkozyste de Robert Thiel.


Bonne journée.

13 juillet 2009

Vive la liberté !

Bonsoir à toutes et à toutes.

Sur la déprogrammation d'Orelsan aux Francofolies de La Rochelle, je redis ce que j'avais eu l'occasion de dire lors de la polémique autour de sa chanson "Sale pute": c'est un scandale, une inacceptable censure. L'art en République doit être entièrement libre. Vouloir le contrôler, c'est le nier. A quand alors les artistes "officiels", de sinistre mémoire ?

Si certains messieurs et dames sont choqués, trouvent qu'il y a discrimination envers les femmes, c'est fort simple : qu'ils portent plainte, qu'ils s'adressent à la Justice, mais qu'ils ne passent pas par l'abominable censure. Car tout acte de censure, aussi minime soit-il, est odieux. Outre qu'il est toujours ridicule et inefficace, il contrevient au principe de liberté, qui est premier en République.

La droite en profite pour lancer une petite attaque contre Ségolène Royal, qui paraît-il se serait réjouie de cette déprogrammation. Je ne veux pas entrer là-dedans, ça ne m'intéresse pas. Les censeurs, je ne sais pas qui ils sont, mais la censure, je la constate, puisque sa victime, Orelsan, s'en plaint. Cette affaire dépasse très largement le clivage droite-gauche. Encore fois, c'est une question de principe, qui relève de la République, pas des choix partisans.

Depuis plusieurs années, il souffle en France un vent de puritanisme qui nous vient des Etats-Unis et qu'il nous faut combattre. C'est un mélange de morale et de psychologie qui nous invite à nous soumettre à un détestable conformisme. Lisez nombre de commentaires qui s'expriment sur ce blog, vous sentirez l'haleine du puritanisme : on me somme de me convertir à la "modestie", on déplore mon "narcissisme", on me reproche mon "mépris", parfois ma "haine", on me demande d'aimer mon prochain, on m'oblige au "respect", on tance mes "grossièretés", on va jusqu'à soupçonner des pensées "graveleuses" (je n'invente pas, toutes ces accusations ont été portées contre moi, par de courageux anonymes, comme il se doit). Voilà bien des réactions de pasteur, de prêcheur, de moraliste dont je me contrefous absolument.

Orelsan, dont je prends totalement la défense, a écrit une chanson dans laquelle il traite de "sale pute" et menace des pires outrages une femme qu'il a aimée et qui l'a quitté. Et alors ? L'amour, la passion, la folie, la rage génèrent ce genre de violences, nous le savons depuis la nuit des temps. C'est à l'art de nous en parler, de le représenter, et ce n'est surtout pas au pouvoir politique de s'en offusquer et de le censurer. Vive Orelsan, vive la liberté, vive la République, à bas la censure, à bas le puritanisme !


Bonne soirée républicaine,
bon 14 juillet.

Bertrand et sa révolution.

Xavier Bertrand a profité du lancement de la caravane UMP hier à Saint-Quentin pour reparler de la réforme des collectivités territoriales. C'est une sacrée épine dans le pied du PS et une véritable révolution qui s'annonce ! C'est embêtant pour nous parce que dans cette affaire notre attitude est essentiellement réactive, défensive : nous sommes acculés à riposter alors que nous devrions être les promoteurs d'une nouvelle décentralisation.

En mettant le dossier sur la table, la droite nous oblige à nous positionner. Le risque, c'est d'apparaître comme des conservateurs, pire des défenseurs du syndicats des élus (puisque 30 à 50% d'entre eux disparaîtront à l'issue de la réforme). L'opinion veut bien se lever pour la sauvegarde de l'identité picarde, mais pour maintenir les sièges des élus, j'en doute beaucoup (surtout quand la droite promet des économies substantielles à la clé).

Pourtant, le PS devra donner son avis, d'autant que la campagne des régionales est à droite déjà entamée. Le coeur de l'affaire, c'est la création du conseiller territorial, fondant ensemble les anciens conseiller régional et conseiller général. La déflagration atomique est de ce côté-là. Qu'est-ce qu'un conseiller général ? Un notable qui veille à demeurer apolitique, qui distribue des subventions, qui est bien vu de l'opinion. Qu'est-ce qu'un conseiller régional ? Un militant qui doit sa place sur la liste et donc son pouvoir à son parti.

Les deux profils (dont j'ai volontairement forcé le trait) sont complètement différents. Avec la réforme, le notable devra être un militant, savoir faire de la politique dans l'enceinte régionale, s'opposer à ses adversaires, tandis que le militant devra se transformer en notable, faire du terrain, savoir serrer des mains, être en phase avec la population de son canton (si le mode de scrutin reste celui de l'élection cantonale). La vraie révolution à l'intérieur des partis, ce sera celle-là.

Franchement, je n'imagine pas certains conseillers généraux entrer dans la bagarre politique (ils n'en ont pas le peps, l'état d'esprit), je n'imagine pas non plus certains élus sur une liste devoir se faire élire cette fois sur leur nom (la psychologie n'est plus la même). Même si cette réforme s'applique à partir de 2014, elle planera sur le scrutin de l'an prochain. La donne à l'intérieur des partis politiques, la répartition des places, la promotion des hommes en seront complètement bouleversées, j'en suis certain. Tant pis ou tant mieux, c'est selon ...


Bon après-midi.

Malaise dans les luttes.

Bonjour à toutes et à tous.

Le délégué CGT de New Fabris, entreprise de sous-traitance dans l'automobile basée à Châtellerault, a annoncé que des bouteilles de gaz avaient été dissimulées dans l'usine, avec ultimatum au 31 juillet de tout faire sauter si une prime de 30 000 euros n'était pas versée à chacun des 336 employés licenciés. C'est Renault et PSA qui sont sommés de payer la note. Voilà les faits, pour le moins spectaculaires. Que faut-il en penser ? Comment faut-il les qualifier : fait divers, acte criminel, geste révolutionnaire, revendication syndicale, coup médiatique ? Difficile ...

C'est d'abord du jamais vu. Même en 1936, même en 1968, dans des périodes hautement plus révolutionnaires, un tel événement ne s'était produit. Il faut remonter au début du siècle dernier, au temps du syndicalisme révolutionnaire pour constater des faits d'une telle violence. En général, depuis, ce ne sont que des groupuscules d'ultra-gauche qui ont été tentés par de telles initiatives, pas les salariés eux-mêmes, par les délégués syndicaux, et surtout pas ceux de la CGT.

Comment ne pas rattacher ce fait à ce que nous avons connu il y a quelques mois, les séquestrations de patrons ? Vous remarquerez qu'elles ont cessé, qu'on en entend plus parler, comme s'il s'était agi d'une vogue passagère, d'une mode largement médiatisée mais aujourd'hui terminée. Le problème a-t-il pour autant été réglé ? Non, même si les salariés qui ont bloqué le personnel de direction ont obtenu semble-t-il satisfaction, ce ne sont que des gouttes d'eau dans l'océan de la souffrance et de l'injustice sociales. Quelques cas particuliers ont été par ce geste solutionnés, la situation générale n'est reste pas moins la même. Autant ces opérations de séquestrations sont médiatisées, autant elles font illusion.

Il en ressort un incontestable malaise, qui prend plusieurs formes. Cette crise économique dont on nous parle depuis plusieurs mois, qu'on présente comme la plus terrible depuis cinquante ans, demeure largement invisible, latente, souterraine. Comme chaque année, des millions de Français sont partis en vacances, le pays va sombrer pour plusieurs semaines dans une molle insouciance. Où est donc cette crise qui pourtant est là mais qu'on ne voit pas vraiment, sauf sous forme de statistiques de mises en chômage technique ici ou là, inquiétantes mais pas nécessairement parlantes pour tous ?

Malaise aussi de constater qu'un superbe et puissant "mouvement social", en janvier et mars, n'a quasiment débouché sur rien ? Là aussi, c'est inquiétant. Les Français se mobilisent en force ... et rien ne bouge, tout reste immobile. Malaise de voir que le scrutin européen, loin de traduire la colère sociale, a légitimé par les urnes les partis conservateurs et libéraux, infligeant une défaite à ceux qui, quoi qu'on en pense, offrent le seul contrepoids, même modeste, au capitalisme en crise, les sociaux-démocrates européens. C'est à n'y plus rien comprendre.

En France, Sarkozy maîtrise tout, occupe la scène. C'est depuis deux ans comme ça, c'est pire que jamais. Résultat : on évoque la retraite à 67 ans et on généralise le travail le dimanche. Pendant ce temps-là, à New Fabris comme ailleurs, les salariés prennent modèle sur les patrons : vous partez avec de grosses indemnités, pourquoi pas nous ! Mais est-ce une bonne idée ? Combien de bouteilles de gaz faudra-t-il pour affronter l'injustice sociale ? Folie, folie, folie. Voilà ce qu'engendre parfois un malaise. Il faut que la gauche se réveille vite fait, et le Parti socialiste en particulier, si nous ne voulons pas voir ce malaise dégénérer de plus en plus en coups de folie.


Bonne matinée.

12 juillet 2009

Marx contre Lénine.

On se gausse souvent de la social-démocratie, surtout ces temps-ci, après la défaite des européennes, on parle de sa "crise", certains même évoquent sa "mort". Très bien, mais que dit-on du communisme ? Pourquoi n'en parle-t-on pas ? Il ne peut pas, lui, mourir, il n'existe pratiquement plus. Lors du scrutin européen, avez-vous vu dans quelque pays une résurgence du communisme ? Non. Alors que le capitalisme est en crise comme il n'a jamais été en crise ces cinquante dernières années.

A vrai dire, il y a quand même un lieu où l'on examine l'idée communiste ("l'hypothèse", dirait Badiou, dont j'ai encore le dernier ouvrage non lu au pied de mon lit) : c'est Londres, là où le grand Marx avait choisi l'exil, les 13-14-15 mars de cette année, lors d'un colloque intitulé "On the idea of Communism", en présence de quatre stars mondiales : Badiou justement, Zizek que je ne connais pas, Rancière et Negri que j'apprécie assez. Le compte-rendu de cette importante réunion est dans Philosophie Magazine de juillet-août (pages 16 à 19), sous la plume de Jan Sowa, engagé lui aussi dans la gauche radicale (ce qui est utile à savoir pour ce qui va suivre).

Alain Badiou fait du communisme une "idée", pas une analyse de l'histoire, un "événement", pas l'aboutissement d'un processus économique. C'est ce que je n'aime pas chez lui, cet idéalisme qui l'éloigne du marxisme authentique. "Badiou joue Lénine contre Marx", résume Sowa. C'est très vrai, et c'est très mauvais. Lénine a tout pourri. Avec lui, le totalitarisme est dans le fruit (mais ça, Badiou n'en parle pas, puisque ce qui l'intéresse, c'est l'idée, pas la réalité).

Je pense même qu'il y a chez Badiou un déni de réalité, et c'est tout le drame historique du communisme (alors que Marx ne cesse de se confronter à la réalité). J'apprends, en lisant cet article, que Badiou est en train de traduire la République de Platon, en lui donnant ce titre (tenez-vous bien) : "Du Commun(isme)". Ca promet ! Attendons 2010, date de parution. Platon l'idéaliste qui éclaire Marx le matérialiste, c'est tout Badiou, et c'est ce que je lui reproche.

Slavoj Zizek m'a l'air d'être un drôle de bonhomme, psychanalyste, amateur de culture pop et admirateur de Robespierre, Lénine (encore lui !) et Mao. Il y a des intellos qui ne savent plus quoi faire pour qu'on les remarque. Zizek "se fait parfois l'avocat d'une politique de terreur", lis-je dans Philosophie Magazine. Au moins ce gars-là a le mérite de la franchise. Mais merci bien quand même !

Jacques Rancière, c'est autre chose : il a compris qu'on ne pouvait sauver le communisme qu'en approfondissant l'idée de démocratie. C'est intéressant, c'est stimulant, c'est honnête. Badiou, c'est trouble, ambigu et donc intellectuellement dangereux. Zizek, je ne peux pas juger, je ne connais pas assez, mais j'ai l'impression d'un rigolo.

Toni Negri, c'est mon préféré, depuis longtemps, et je lui ai consacré plusieurs billets sur ce blog. Il s'efforce de penser le marxisme en des termes modernes, de lui donner une dimension planétaire. Je vais loin, mais pas tant que ça : je crois que sa pensée est conciliable avec une social-démocratie rénovée (Badiou non, c'est la haine de la social-démocratie, du réformisme). J'aime beaucoup Negri, humainement aussi : c'est un italien gai, enthousiaste, ouvert. Badiou est un homme très cultivé mais il me fout les boules, il a un côté glacé, sa pensée est une lame de guillotine (j'en reparlerai quand j'aurai fini "L'hypothèse communiste").

Jan Sowa, dont je vous rappelle qu'il appartient à la gauche radicale, termine son papier sur le colloque londonien par trois reproches qu'il lui adresse (et je le cite) :

1- "La plus grande insuffisance de ce colloque était l'absence d'analyse approfondie du communisme en tant que régime ayant vraiment existé (...) L'examen des grandes tragédies du siècle passé en Russie ou en Chine semble être un prolégomène indispensable à tout communisme futur. Rien de tel n'a été entrepris à Londres".

2- "Contrairement à Marx, pour qui le capitalisme devait mécaniquement connaître une crise dont devait sortir le communisme, les participants de ce colloque semblaient concevoir le communisme comme un choix que les sociétés pourraient faire en toute liberté".

3- "Aucun effort n'a été déployé pour penser la crise actuelle, ni pour trouver des moyens plus concrets de changer le monde".

J'applaudis et je déplore. Sowa a tout compris des limites intellectuelles de l'extrême gauche, malgré la percée médiatique d'un Badiou (il y a quinze ans, c'était Bourdieu la star). Nous autres, socialistes, sociaux-démocrates, réformistes, il faut tenir bon, passer à l'offensive, sur tous les fronts : électoraux, politiques, intellectuels. Avec un seul mot d'ordre, qui me semble ressortir de cet aréopage londonien : Marx contre Lénine !


Bonne fin d'après-midi.

La politique pendant l'été.

A l'heure où je vous parle, il se déroule à Saint-Quentin un événement national : le lancement de la caravane d'été de l'UMP par Xavier Bertrand, sur la place du Marché. Il n'y a pas si longtemps, seule LO osait importuner les vacanciers sur les plages. Ce qui pose une question : faut-il faire de la politique pendant les vacances ?

C'est un marronnier, un peu comme se demander s'il faut emporter son ordinateur portable sur la plage ou prendre un amant pendant l'été. Pour la politique, certains sont catégoriques : c'est non ! Les Français recherchent la détente, ils ne veulent pas qu'on les embête avec ça. Les mêmes, avec un pareil raisonnement, vous diront qu'il ne faut pas non plus faire de la politique pendant les fêtes parce que les gens ont la tête ailleurs, ni le dimanche parce que c'est le jour du Seigneur et surtout du repos, ni le samedi parce que c'est le jour des courses, ni le mercredi parce qu'il faut s'occuper des enfants, ni le lundi parce que c'est la reprise du travail, ni le vendredi parce que le week-end approche.

A ce compte-là, on ne fait pas non plus de politique le soir parce que les gens rentrent du travail et veulent entendre parler d'autre chose. On ne fait pas non plus, bien sûr, de la politique sur son lieu de travail parce que c'est le lieu de travail. Alors, quand fait-on de la politique ? Les mardi et jeudi, entre 23h00 et 5h00 du matin, je ne vois plus que ces créneaux-là qui restent. Le problème, c'est que la plupart des gens dorment, sinon ils travaillent. Moralité : on ne peut jamais faire de politique ! C'est en tout cas ce que pensent les paresseux. Ma réponse ? De la politique, il faut en faire partout et tout le temps, pourquoi pas, pour l'UMP, ce dimanche après-midi, place du Marché, à Saint-Quentin.

Quel est le slogan retenu pour cette caravane UMP 2009 ? "Changer le monde", rien que ça. Et pourquoi pas "faire la révolution", tant qu'on y est ? On peut en profiter pour se ravitailler en préservatifs. Pourquoi pas en sex toys, ça ferait encore plus branché (allez voir le magazine du Conseil Général) ? Et puis, il y a les fameuses tongs, appelés "goodies", qui laissent l'empreinte UMP partout où l'on passe (il faut que ce soit un sol mou, quand même). Tiens, ça me donne une idée : faire la même chose avec l'empreinte d'Armstrong, le premier homme à avoir foulé le sol de la Lune, il y aura 40 ans le 21 juillet ?

Quoi qu'il en soit, en profondeur ou avec superficialité, il est bon de faire de la politique pendant l'été. Les citoyens ne sont pas alors disponibles ? Croyez-vous qu'ils le soient beaucoup plus pendant l'année ? Moi je crois plutôt que les gens sont plus attentifs à ce qu'on peut leur dire quand leur temps est libre.


Bonnes vacances,
bonne politique.

D'Hénin à Aix.

Bonjour à toutes et à tous.

Hénin la semaine dernière, Aix ce dimanche, des élections partielles, c'est important, à suivre de près. A Hénin-Beaumont, on a tous été contents d'avoir mis la pâtée au FN. Mais pas d'illusion : aucun socialiste n'a été élu, seulement des candidats divers gauche. C'est tout de même préoccupant pour le PS, qui tenait la municipalité depuis une éternité. La faute à quoi ? A la corruption.

Nous avons bien sûr exclu le fautif, le précédent maire. Mais sans doute aurions-nous dû aller plus loin. On peut pardonner beaucoup de choses à des socialistes (la vie politique est tellement difficile), le péché de corruption est impardonnable, le moindre soupçon devrait être disqualifiant pour celui ou celle qui en est atteint. C'est la pire des accusations pour un socialiste, la plus déshonorante : corrompu ! Il ne faut pas faiblir avec ça.

Revenons à Aix-en-Provence. Là, ce n'est pas la corruption qui pose problème à la gauche, c'est la division : les Verts font cavalier seul, le PCF s'allie au NPA et le PS ... au MoDem. C'est politiquement illisible. Il va falloir quand même qu'on tranche un jour ou l'autre, ça ne peut plus durer comme ça : soit le PS s'ouvre à l'extrême gauche comme à Saint-Quentin, soit il s'ouvre au centre gauche comme à Aix. Et je ne crois pas, à la différence de Ségolène Royal, qu'il puisse faire les deux à la fois.

Ce que je constate, c'est qu'il y a deux poids deux mesures, le local où l'alliance avec les centristes est pratiquée et le national où elle est condamnée. Pouvons-nous longtemps continuer comme ça ? De fait, quand il s'agit de vouloir gagner une élection, on se rapproche du MoDem. A-t-on tort de vouloir gagner une élection ? Je ne le pense pas. A Hénin, à Aix, à St Quentin, partout où le PS a la ferme intention de gagner, c'est vers le centre gauche et non l'extrême gauche qu'il doit se tourner.


Bonne matinée.

11 juillet 2009

A côté de la plaque ?

Bonsoir à toutes et à tous.

Je lis avec profit, depuis quelques années, les réflexions de Zaki Laïdi. Je ne sais pas s'il est strauss-kahnien mais il n'en est pas loin. C'est un social-démocrate, un partisan d'une "gauche moderne". Il le réaffirme dans une tribune parue dans Le Monde le 8 juillet dernier, dont la lecture m'a vivement intéressé.

Depuis la défaite de la social-démocratie aux élections européennes, beaucoup dénoncent sa compromission avec le libéralisme, qui expliquerait l'échec électoral. Drôle d'explication ! Les peuples d'Europe auraient sanctionné la social-démocratie pour son libéralisme ... en votant pour les partis conservateurs et libéraux. Non, ça ne va pas, ce n'est pas logique. Pourquoi n'y a-t-il pas eu, lors du scrutin européen, de progression significative des partis communistes et d'extrême gauche ? L'explication par la soumission de la social-démocratie au libéralisme est donc extrêmement limitée.

C'est pourquoi l'analyse de Zaki Laïdi mérite toute notre attention. Elle vise essentiellement le PS français et ses manquements déjà anciens, qui sont au nombre de trois :

1- La chute du mur de Berlin, il y a exactement 20 ans, c'est l'effondrement définitif du communisme, qui aurait dû conduire les socialistes à rompre avec cette idéologie, puisque les peuples eux-mêmes la rejetaient. Or, selon Laïdi, le PS s'est réapproprié la rhétorique communiste au lieu de s'en séparer : "diabolisation sans nuance de la droite, préalable de l'augmentation des moyens à toute réforme, disparition de toute critique de l'Etat, réduction de l'action politique au volontarisme de ce même Etat, refus de voir que la gauche pouvait devenir un parti conservateur défendant avant tout les salariés protégés et négligeant par là même ceux qui souffrent des fortes barrières à l'entrée sur le marché du travail". Je trouve que c'est assez bien vu et assez bien dit.

2- La mondialisation, d'après Zaki Laïdi, a été mal abordée par les socialistes, à qui il reproche d'être restés à la traîne des altermondialistes, en succombant il y a dix ans à la mode Attac (aujourd'hui bien oubliée). Nous avons donné l'impression de refuser la mondialisation alors qu'il aurait fallu socialement l'aménager, nous avons parfois semblé accepter le protectionnisme alors qu'il fallait rendre la France plus compétitive sur le marché mondial.

3- la crise financière de 2008 a réactivé au sein du PS un discours hostile à l'ultra-libéralisme, alors que les gouvernements conservateurs, notamment en France, renonçaient à cette idéologie en adoptant des mesures de soutien au système bancaire, parfois des quasi nationalisations.

Bref, pour Laki Saïdi, le problème du PS, c'est qu'il est à côté de la plaque : il dénonce le libéralisme quand celui-ci n'a plus la cote, il récupère la rhétorique communiste au moment où cette idéologie s'effondre, il critique la social-démocratie de convergences avec la droite quand c'est la droite qui électoralement l'emporte. Je ne sais pas si tout est vrai dans cette analyse assez originale, mais c'est incontestablement un point de vue qui provoque la réflexion.


Bonne soirée.

150.

Ma première lecture de vacances, ce sont les "Carnets noirs 2007-2008" de Gabriel Matzneff, parus en 2009 chez Léo Scheer. Matzneff est l'un de mes écrivains français préférés (parmi les contemporains), je suis depuis bientôt trente ans la publication de son journal intime. Dans sa dernière parution, je tombe sur cette phrase, qui me fait immédiatement réfléchir :

"Un écrivain qui a cent cinquante fidèles et passionnés lecteurs, qu'il soit vivant ou mort, est sauvé" (page 418).

Je ne suis pas un écrivain (je suis incapable d'inventer une histoire, des personnages, un roman), je ne suis qu'un chroniqueur. Je ne sais pas si mes lecteurs sont fidèles et passionnés, mais ils sont tenaces et curieux. Surtout, et c'est cette coïncidence qui m'a fait retenir cette phrase de Matzneff, ils sont à peu près 150 par jour à lire mes billets.

Je dis à peu près parce que c'est en vérité incalculable. Les blogs ont choppé la maladie de notre société moderne : les statistiques qui ne veulent rien dire, qui n'apprennent rien et que chacun peut manipuler à son avantage. L'Aisne avec DSK reçoit environ 300 visites quotidiennes en moyenne, car parfois plus, parfois moins. Mais à vue de pif, si on enlève les visiteurs passagers, les erreurs de manip, les accès hasardeux et les personnes qui m'aiment tellement qu'elles se connectent plusieurs fois par jour, ça fait un noyau dur, un minimum de 150 abonnés journaliers.

Pourquoi je vous dis ça ? Parce qu'il m'est venu à l'esprit que j'étais la seule personnalité de gauche sur la ville à bénéficier d'une telle influence, qui en soi n'est pas considérable mais qui est néanmoins unique. Pensez un peu : 150 personnes qui lisent chaque jour ce que j'écris, cherchez bien, vous ne trouverez pas d'équivalent à Saint-Quentin (à gauche je parle).

Il faut bien sûr nuancer le chiffre par ce que j'appellerais la règle des trois tiers (toujours au pif, à partir des retours que j'en ai) : un tiers des lecteurs sont des institutionnels (élus, journalistes, etc) qui cherchent à s'informer, un tiers sont des sympathisants d'une gauche social-démocrate qui s'intéressent à mes analyses, un tiers sont des adversaires qui espèrent me prendre en défaut (de quoi, je ne sais pas, mais eux non plus ...). J'ai un devoir de gratitude envers ces derniers et leur intelligence involontaire : ils ont été au départ les vrais promoteurs de ce blog, qui sans eux aurait végété, comme l'écrasante majorité des blogs et des sites sur le Net (la plupart n'étant même pas alimenté).

Il faut également demeurer réaliste : être influent ne signifie pas influencer. La notoriété de ce blog ne me sera d'aucune utilité pour la suite en politique. Au contraire, elle peut même me desservir. Si j'étais malin et intéressé, je cesserais immédiatement sa rédaction. En politique, les mieux placé pour l'emporter sont les inconnus aimables, ceux qui ne font de l'ombre à personne parce qu'ils sont déjà l'ombre de quelqu'un plus puissant qu'eux.

Et puisque je vous parle de Matzneff et de littérature, vous savez sans doute (sinon je vous l'apprends) que je consacre chaque été à l'écriture d'un ouvrage. J'ai commencé cette manie à l'été 2001, après notre échec cinglant aux élections municipales, que j'ai raconté par le menu détail sur une bonne centaine de pages. Cette année, j'avais l'intention d'écrire quelque chose sur la conquête de la Lune, 4oème anniversaire oblige. J'avais accumulé pas mal de documentation et puis m'est arrivé ce qui ne m'était jamais arrivé jusqu'à maintenant : j'ai eu une commande, on m'a suggéré un sujet de bouquin.

J'ai accepté, même si le sujet ne me serait jamais venu à l'esprit avant qu'on ne me le demande. Je ne vous en dirais pas plus, ni du commanditaire, je suis là-dessus un peu superstitieux, je ne suis pas certain que le projet aille jusqu'à son terme. Mais il est sur les rails et me prendra pas mal de temps. Dans un an peut-être, vous en entendrez parler. Je crois que ce sera, et pour moi, et pour mon commanditaire, un joli coup, une belle affaire. En attendant, profitez de vos vacances intelligemment et agréablement, lisez les "Carnets noirs" de Gabriel Matzneff !


Bonne fin d'après-midi.

Le vote Tarzan.

Bonjour à toutes et à tous.

Si vous passez par Paris, allez au musée du quai Branly voir l'expo "Tarzan ou Rousseau chez les Waziri". C'est l'événement à ne pas manquer cet été. Je n'y suis pas encore allé mais ça ne saurait tarder. Tarzan, toute mon enfance ! J'ai appris à lire et même à réfléchir en lisant passionnément Edgar Rice Burroughs. C'est un peu après que je suis passé à la BD et enfin aux films. Mais le roman, c'est pour moi le plus important.

Pourquoi ? Parce que Tarzan, c'est la force, la spontanéité, la sauvagerie, mais au service de la justice et d'une forme de raison. C'est ce paradoxe qui plaît. J'aimais aussi ces formules : "le seigneur de la jungle", "l'homme-singe", les noms fantaisistes donnés aux animaux sauvages. Pourtant, le personnage est un peu con : ses dialogues débiles avec Jane, son cri ridicule au cinéma en se frappant bêtement les pectoraux, ses envolées de liane en liane ...

Aujourd'hui encore, j'ai dans ma bibliothèque de vieux romans de Tarzan, que je relis de temps en temps. Burroughs en a écrit des dizaines, certains très étonnants, qui conduisent notre héros dans des endroits improbables, à New-York, au Sahara, dans la Préhistoire. Ces récits continuent de m'enchanter, et je crois qu'au fond de moi, j'aimerais être Tarzan, fort et juste comme lui, et toujours triomphant des fauves. Après tout, la politique, c'est une jungle, non ?

Et puis, il se dégage de la BD et surtout des films un incroyable érotisme, une sensualité qui tourne un peu la tête : un type quasi à poil dans la jungle qui tombe sur une nana elle aussi légèrement vêtue ... Je me demande comment les ligues puritaines d'Amérique ont reçu ça (si vous avez des infos, je suis preneur). Moi Tarzan toi Jane, c'est simple, c'est efficace, c'est l'amour idéal.

Au-delà de mes goûts perso, qu'est-ce qui a fait l'extraordinaire popularité, durable et mondiale, de Tarzan ? A coup sûr le rêve d'une nature bonne, parfaite, d'un sauvage pur, descendant d'aristocrates (Lord Greystoke), dans une société industrialisée, technicienne qui veut renouer avec ses origines. Au XVIIIème siècle c'était le mythe du bon sauvage, du primitif, au XXème siècle, c'est le mythe de Tarzan, cet anti-Robinson Crusoë : chez l'un le triomphe de la nature, chez l'autre le triomphe de la civilisation.

Notre amour des bêtes, notre préoccupation pour l'environnement, les soins que nous prodiguons à notre corps, la mode de la nudité, notre surestimation de la spontanéité, tout ça explique l'engouement pour Tarzan, en est à la fois le signe et le résultat. Finalement, la victoire de Cohn-Bendit aux européennes, c'est la victoire de Tarzan [là, il faudrait pousser le fameux cri, mais je ne sais pas comment on l'écrit].


Bon après-midi.