L'Aisne avec DSK

30 décembre 2008

Fermeture provisoire.

Comme je vous l'ai annoncé la semaine dernière, je vous quitte pour quelques jours, je serai précisément de retour samedi. Ca ira, jusque là? Où je serai, il ne me sera pas possible de vous joindre. Vous savez pourtant les efforts que je fais en pareille situation. Mais là, non, ce ne sera vraiment pas possible. Ne vous inquiétez pas, je ne vais ni en enfer ni au paradis, ni en prison ni dans un monastère. Ce ne sont cependant pas les seuls lieux au monde où les contacts ne passent pas.

Passez une bonne fin d'année.

A samedi prochain.

Rétro monde.

Bonjour à toutes et à tous.

Quels sont les événements mondiaux qui marqueront 2008? En premier lieu, je mettrai bien sûr la crise financière. Pourtant, ce n'est pas l'événement de l'année, puisqu'elle avait très largement commencé en 2007, sans que la France s'en rende compte. Je me souviens, lors des vacances de Noël d'il y a un an, avoir rédigé un billet sur les subprimes, qui n'intéressaient alors quasiment personne. C'est dire à quel point notre pays vit parfois replié sur lui-même, sourd et aveugle à la "rumeur du monde", pour reprendre le titre de l'émission de France-Culture (très bon, le samedi, 12h45-13h30).

Autant la crise a été invisible chez nous pendant six mois, autant elle a donné lieu ensuite à de folles conjectures, ceci venant probablement compenser et rattraper cela. Toujours est-il que cette crise financière devrait, en toute logique, sonner le glas de la pensée libérale et réactiver l'analyse socialiste. Sera-ce le cas? Je l'espère mais je n'en suis pas complètement sûr.

En deuxième lieu, comment ne pas faire figurer l'élection de Barack Obama à la présidence américaine? Un noir à la tête de la première puissance du monde, dans un pays profondément marqué par l'esclavagisme et le racisme, c'est un renversement. Et pour le monde, c'est l'espoir d'une rupture avec les années Bush, l'enlisement en Irak et, on l'oublie trop souvent, l'incapacité à arrêter Ben Laden. Mais comme pour la crise financière, je reste prudent, j'attends de voir. Que cette élection soit un événement américain, c'est certain. Mais que va-t-elle vraiment changer pour le monde?

J'ai été irrité, vous le savez, par l'obamania, surtout lorsqu'elle venait des franges les plus à gauche de la gauche (alors qu'Obama ne fait pas partie de la gauche du Parti Démocrate). Bref, j'ai senti dans cet engouement quelque chose de factice, de bobo, une sorte de bonne conscience de gauche ne reposant sur pas grand-chose. Et puis, quand je vois le ridicule de nos hommes politiques français qui ne savent plus maintenant terminer un discours sans ânonner "Yes, we can", je me dis que la France manque décidément d'imagination!

Finalement, le troisième événement de portée mondiale en 2008 est certainement, à mes yeux, le plus authentique, le plus grave aussi. Mais à la différence des subprimes et d'Obama, tout le monde l'a probablement oublié. Subprime, Obama, les mots claquent, on les retient, ils sont flashis. Mais si je vous dis Géorgie, vous me répondrez sûrement: hein? Quoi? C'est où ça? Bin oui, la Géorgie, c'était cet été, quand la France était sur ses plages et qu'une guerre se déclenchait là bas, on ne sait où puisqu'on situe parfaitement les Etats-Unis mais très mal la Géorgie.

L'armée russe profite de l'ouverture des Jeux Olympiques chez les ex-camarades chinois et d'une embrouille du président géorgien pour envahir le nord du pays. Une règle élémentaire du droit international, la souveraineté d'une nation, est bafouée. La Russie invoque un argument de triste mémoire: la défense des russophones de Géorgie (c'est avec un tel raisonnement qu'Hitler a mené, pour les germanophones, sa politique d'annexion).

Sarkozy, qui aime pourtant jouer les cow-boys, adopte en la circonstance une prudence de Sioux. L'affaire va se prolonger quelques semaines, puis les Russes vont refluer. Il n'empêche que cette violation des frontières par une grande puissance mondiale que rien ne menaçait est un événement considérable. Car la Russie n'était pas comme aujourd'hui Israël face à la bande de Gaza, repaire de terroristes s'en prenant à l'Etat Hébreu.

La crise financière passera, Obama on verra ce qu'il fera. Mais la Géorgie dont on ne parle plus mérite qu'on ne l'oublie pas.


Bonne matinée.

29 décembre 2008

Mots et maux.

Je suis passionné par les mots. C'est normal quand on aime écrire. C'est même obligatoire quand on fait de la politique. Les mots précèdent les actes. Si les uns sont faux, les autres ne seront pas justes. Un mot, entendu aujourd'hui (mais pas complètement nouveau!), a retenu mon attention et suscité ma perplexité. Il me semble l'avoir déjà évoqué, en plus de deux ans d'existence de ce blog. C'est le mot de "maraude". Vous connaissez?

C'est un mot assez joli à prononcer et agréable à entendre (aimer les mots, c'est aussi aimer leur sonorité). C'est un mot désuet, qu'on utilise presque jamais. Sauf en ce moment, quand il fait très froid. Pourquoi? Parce qu'il désigne l'assistance qu'on porte aux SDF quand on les invite à rejoindre un centre d'accueil. Et alors, me direz-vous? Où est l'intérêt? Quel est le problème?

Celui-ci: le mot de maraude a initialement un tout autre sens, totalement différent, sans aucun rapport, puisqu'il signifie un vol, généralement dans un jardin. Un maraudeur est un voleur des champs, un cambrioleur un voleur des villes, si j'ose dire. Ce rapprochement indirect entre le vol et les vagabonds, dans un retournement inattendu de sens, est troublant.

Maraude, qui est un terme ancien, est devenu à l'époque moderne la recherche par un taxi de clients. Là, on comprend un peu mieux. Les véhicules des associations circulent dans les rues pour repérer et offrir leur aide aux nécessiteux. Il n'empêche que l'analogie avec les taxis est singulière, étrange, et si je voulais pinailler, mal adaptée.

Que faut-il conclure de tout ça? Je ne sais pas, je m'interroge. J'ai l'impression que notre société se sert des mots non pour dire des vérités mais pour les atténuer, parfois les masquer. Comme si la réalité faisait peur, que les mots faisaient office de baume. Marauder? Je dirais plutôt: rechercher des SDF afin de les aider. C'est trop long? C'est plus précis, plus vrai.

Mais derrière les mots, quelle est la réalité? 360 SDF décédés cette année, 200 l'an dernier. Avec les chiffres, on ne peut pas jouer, enjoliver. La vérité, c'est que d'un hiver sur l'autre, rien ne change, et notre société n'a que sa bonne ou mauvaise conscience pour répondre au scandale de la grande pauvreté. Les Don Quichotte menacent de revenir avec leurs tentes oranges, comme il y a deux ans. Contre quels moulins à vent? Là aussi, les mots sont révélateurs...

Un dernier mot, cette fois sur le froid. Avez-vous remarqué autour de vous? Beaucoup de gens s'étonnent du grand froid (pas si grand que ça, d'ailleurs). Pourtant, c'est normal, c'est l'hiver, il fait froid. C'est ce que les météorologues appellent "les normales saisonnières". Voilà une expression qui devrait rassurer. A écouter les commentaires, on a l'impression (fausse) que ce froid serait exceptionnel. A la limite, on aurait presque envie de s'en plaindre, de protester. Non au froid! L'hiver serait "exceptionnellement doux" comme on dit parfois, on trouverait ça, pour le coup, normal. Comme si notre société de confort (sauf pour les SDF...) attendait du climat qu'il se conforme, lui aussi, à notre demande de confort.


Bonne fin d'après-midi,
et ne maraudez pas,
il fait trop froid.

Quelle cause palestinienne?

Aux heures sombres de l'attaque aérienne d'Israël sur la bande de Gaza, alors qu'une intervention terrestre semble imminente, le soutien à la "cause palestinienne" est une fois de plus posé. La politique, nationale ou internationale, repose d'abord sur des mots, auxquels il est très simple de leur faire dire ce qu'on veut.

C'est pourquoi nous devons être exigeants et précis avec les termes employés. De quoi parle-t-on quand on évoque et invoque la "cause palestinienne"? A quoi se rallie exactement quand on utilise cette expression? D'autant qu'on ne cite jamais une quelconque "cause israélienne", qui elle aussi mériterait peut-être qu'on s'en réclame. Alors quoi?

Le mieux avec les mots, et l'idéal en politique, c'est d'être clair, une qualité hélas qui se perd. Si la "cause palestinienne", c'est le soutien politique et pacifique aux droits du peuple palestinien à disposer d'une terre et d'un Etat, je suis le premier défenseur de la "cause palestinienne". Et c'est pourquoi, bien qu'étant le soutien et l'admirateur d'Israël, je critique fortement sa politique militaire, telle que l'actualité de ces dernières heures vient de nous la montrer.

Mais si la "cause palestinienne" désigne un nationalisme, un antisionisme (le sionisme étant l'expression légitime du patriotisme israélien), un antisémitisme, un terrorisme, je suis le premier à condamner cette "cause". Où est, maintenant, la vérité? Comme toujours, un peu partout. La "cause palestinienne" a ses ombres et ses lumières. L'essentiel est d'en avoir conscience.


Bon après-midi.

Du Zénith à Gaza.

Bonjour à toutes et à tous.

Je trouve que l'odieux spectacle donné par Dieudonné-Faurisson vendredi soir (voir mon précédent billet) n'a pas soulevé la forte réprobation que j'espérais. 5 000 personnes qui applaudissent un négationniste, ça ne s'est jamais vu en France. Certes, le public venait pour autre chose, mais il est resté, il a ovationné, je n'ai pas entendu dire que Faurisson avait été sifflé ou hué.

Certes, comme l'a remarqué Klarsfeld ce matin sur RTL, aucun propos négationniste n'a été tenu. Mais nul besoin de parler: l'apparition de Faurisson et c'est toute l'idéologie négationniste qui s'impose. La référence se passe de tout discours. Bref, j'attends des poursuites judiciaires, seule façon de marquer le coup. Il paraît que le MRAP y serait prêt.

Ironie du sort, pure coïncidence, c'est samedi que l'armée israélienne bombardait la bande de Gaza, faisant 300 victimes. Si les réactions à la saloperie fasciste de Dieudonné-Faurisson n'ont pas été à la hauteur de la gravité de l'événement, c'est peut-être, simple hypothèse de ma part, parce qu'un autre événement, celui du Proche-Orient, a occulté le premier. Peut-être même que certains se sont sentis gênés de condamner Dieudonné pour antisémitisme alors qu'Israël lançait une opération militaire elle aussi condamnable. D'autant que personne ne meurt au Zénith, mais à Gaza oui.

Eh bien non, c'est mal penser quand on pense ainsi. Je condamne ce qui s'est passé au Zénith, parce que la référence antisémite est évidente, je réprouve ce qui se passe à Gaza, parce que l'intervention israélienne est disproportionnée, parce qu'elle ne règle rien, parce que des innocents sont tués, parce qu'un pays n'a pas à en bombarder un autre. Mais en aucun cas je n'assimile les deux condamnations, qui sont entièrement indépendantes l'une de l'autre.

Je condamne totalement Dieudonné, qui n'a aucune excuse, aucune circonstance atténuante. Son geste est gratuit, provocateur. Je ne suis pas l'ami de Dieudonné et de ses proches. Mais je suis l'ami d'Israël, d'une amitié parfois douloureuse, d'une fidélité parfois difficile. Surtout, je n'oublie pas la complexité de la situation israélienne (alors que l'affaire Dieudonné est claire comme de l'eau de roche). Et j'ai tout de même à l'esprit quelques données très simples:

- La bande de Gaza, longtemps occupée par Israël, a été laissée aux Palestiniens. Israël n'est donc pas l'absolu colonisateur qu'on voudrait nous faire croire.

- Ce territoire est contrôlé par le Hamas, organisation politique et terroriste, qui n'a jamais vraiment abandonné l'idée de supprimer l'Etat israélien.

- Cette organisation envoie régulièrement des roquettes sur le territoire israélien.

Ces faits ne justifient pas les bombardements israéliens du week-end. Ils relativisent simplement ce qui se passe. Quant aux manifestations qui ont eu lieu hier, en France et dans le monde, je n'y participerai pas, tant que je verrai brandir des slogans odieux assimilant Israël au terrorisme et au génocide. Car de ce fait, partant de Gaza, nous voilà revenus à la scandaleuse inversion et perversion des valeurs auxquelles s'est livrée vendredi soir la salle du Zénith.


Bonne matinée.

28 décembre 2008

La saloperie fasciste.

Bonsoir à toutes et à tous.

Un meeting fasciste en plein Paris, 5 000 personnes qui applaudissent un vieillard très éloquent qui nie le génocide juif, des représentants éminents de l'extrême droite dans la salle: sommes-nous en 1942? Non, nous sommes à quelques jours du 1er janvier 2009, cette saloperie s'est déroulée vendredi soir au Zénith, à la fin du spectacle de Dieudonné, "J'ai fait le con".

Oh, ce n'est pas un meeting fasciste comme il y a 65 ans. Le fascisme lui aussi s'est adapté, il est devenu rigolo, il revendique la liberté d'expression (c'est-à-dire la liberté d'exprimer ses saloperies), il défend les droits des Palestiniens opprimés (vous devinez pourquoi). Ce néofascisme fait mentir le slogan de Canada Dry: ça a la couleur du fascisme, le goût du fascisme, et malgré les dénégations, c'est bien du fascisme.

En quoi consiste la saloperie? Dieudonné a fait monter sur scène Robert Faurisson, l'homme qui depuis un demi-siècle conteste la réalité de la plus grande abomination du XXème siècle, l'extermination du peuple juif par les nazis. Il lui a donné la parole et demandé qu'on l'ovationne. Dans le public, Le Pen et fifille, Alain de Benoist, l'intello de la "nouvelle droite" (c'était en 1979, et cette droite était très ancienne et très extrême).

Et pour comble de la saloperie, Dieudonné fait décerner le "prix de l'infréquentabilité et de l'insolence" (sic) à Faurisson par un technicien déguisé en déporté juif, avec étoile jaune, accoutrement que le soi-disant humoriste qualifie d' "habit de lumière". Voilà ce qui est possible, en France, de nos jours. J'attends que des poursuites judiciaires soient engagées et que les autorités politiques s'expriment et condamnent.

Ceci me conduit à cela: depuis quelques jours, des rumeurs annoncent à Chauny la descente de skinheads néonazis. La police surveille, rien ne se passe. Il y a quelques semaines, à Saint-Quentin, même rumeur: des hordes de skins devaient déferler dans le quartier Europe. Rien. L'ami Pierre m'a fait parvenir, dans l'après-midi, une liste de blogs sensés venir de Chauny, où je lis surtout des propos débiles à peine compréhensibles. Tout ça pour vous dire qu'il faut bien cibler le danger: il est au Zénith, pas à Chauny, il est dans une réalité, pas dans une psychose, il est dans 5000 personnes qui applaudissent un négationniste, pas dans quelques paumés tarés. Ne pas se tromper d'ennemi, règle d'or en politique.


Bonne soirée.

Esprit es-tu là?

J'ai envie, en cette fin d'année, de me mettre au spiritisme, d'interroger les tables tournantes. C'est une blague, évidemment, mais avec une question sérieuse: esprit de gauche, es-tu là? Pourquoi je me le demande? Parce que je remarque que l'esprit de gauche, autour de moi, est souvent absent, même là où il devrait être présent.

Qu'est-ce que j'appelle "l'esprit de gauche"? Une culture, une psychologie, des valeurs, des réflexes quasi innés, presque inconscients, qui font qu'on se "sent" de gauche avant même de s'en réclamer ou d'y militer. Si ce soubassement mental n'existe plus ou est érodé, notre électorat ne peut que s'effondrer. Or, je constate des signes d'usure, dans trois circonstances cette semaine:

1- Comme beaucoup, je suis invité chez les uns et les autres en cette période de fêtes. Les conversations de table, c'est le meilleur sondage sur l'état de l'opinion. Convié à déjeuner chez une amie, de gauche depuis toujours, nous en venons à discuter des dépenses de Noël. Elle m'explique (je résume) que les pauvres gaspillent l'argent que l'Etat leur verse, qu'ils devraient apprendre à être économes. Et les riches? lui dis-je. Eux, me répond-elle, ils n'auront jamais de problèmes, donc ce n'est pas la peine de les interpeller là-dessus.

Eh bien moi, j'en vois un, de problème. On montre du doigt les pauvres, on leur fait la morale, on veut les soumettre à la "bonne" éducation, tandis que les riches sont libres de faire ce qu'ils veulent, au prétexte qu'ils en ont les moyens. Etre de gauche, c'est exactement inverser les termes du problème. Ce sont les riches qu'il faut montrer du doigt, ce sont eux qui font fonctionner un système dont les pauvres sont les victimes consentantes, c'est à eux, les riches, parce qu'ils sont riches et responsables, qu'il faut demander des comptes, pas aux pauvres, qui n'y sont pour rien dans la logique de consommation, qui ne font que la subir passivement.

2- Autre repas des fêtes, chez un copain cette fois, de gauche lui aussi, et avec lequel je discute d'un tout autre sujet: Xavier Bertrand et le premier livre qui lui est consacré, "Le Chouchou". Mon copain dit qu'il ne l'a pas acheté, à quoi je réponds qu'il a bien tort, que l'ouvrage est passionnant, que le tableau fait du ministre est fort juste, que je peux lui prêter mon exemplaire (si j'avais su, j'aurai même pu lui apporter en cadeau!).

Mon copain de gauche fait une moue dubitative, ne semble pas emballé par mes propos et laisse tomber un "les auteurs ne l'aiment pas". Ca me cisaille les pattes! Voilà des journalistes professionnels, l'un du Monde, l'autre de la Chaîne parlementaire, et mon copain ne trouve pas mieux à me répondre que "ils ne l'aiment pas". C'est précisément ce que dit le chouchou pour discréditer le travail pourtant sérieux qui a été fait sur lui.

Du coup, je me dis que les 27 exemples de l'ouvrage vendus chez Cognet sont de mauvais augure pour la gauche. Ce bouquin, qu'on devrait s'arracher comme des petits pains à Saint-Quentin, est boudé parce qu'on ne veut pas, même dans l'intimité de la lecture, porter atteinte à la réputation du grand homme. Misère!

3- J'ai consacré une partie de la semaine à corriger des dissertations de philosophie. Au programme: le travail contribue-t-il à unir ou à diviser les hommes? Inévitablement, les élèves en viennent à parler des inégalités causées par les différences de statuts, de responsabilités, de rémunérations dans le travail. Très bien.

Mais à quoi attribue-t-il, bien souvent, la division, le désordre, la contestation naissant de cette situation sociale? De la jalousie entre les êtres humains. Très peu évoquent le sentiment d'injustice pour expliquer les tensions dans le travail. Bref, la psychologie l'emporte sur la politique. C'est symptomatique d'un état d'esprit: là où l'esprit de gauche décrit une perturbation par le système collectif, l'esprit de droite la renvoie à une réaction purement individuelle.

Esprit de gauche, es-tu là? De moins en moins. A moi, à nous, à d'autres de le réactiver.


Bon après-midi.

Rétro droite à St Qu.

Bonjour à toutes et à tous.

Après ma rétro de la gauche saint-quentinoise hier soir, au tour ce matin de la droite, avec toujours trois faits marquants que j'ai sélectionnés (ou qui plutôt s'imposent à l'observateur):

1- La victoire de Pierre André aux élections municipales. Comment ne pas commencer par là! Un homme de droite dans une ville de gauche, un ancien président de la Chambre de Commerce et d'Industrie à la tête d'une cité prolétarienne, réélu pour le troisième mandat consécutif, avec 60% des suffrages, ça force le respect et ça laisse ses adversaires, dont je suis, dubitatifs. Ce n'est pas une victoire de la droite à proprement parler (ou alors ça serait à ne plus rien y comprendre!) mais bien la victoire d'un homme, d'un personnage, qui a su se faire apprécier et aimer de la population. André est déjà entré dans l'histoire locale, et il faudra s'accrocher pour faire désormais aussi bien que lui en matière électorale.

Que lui reste-t-il à réussir? Peut-être le plus difficile en politique: préparer sa succession. Elle est pourtant toute prête, elle s'appelle Bertrand. Mais attention: la politique n'est pas un simple passage de relais. Trop facile. Bertrand n'est pas André: autre homme, autre style, autre ambition. Surtout, les équipes ne seront pas les mêmes. 2014 sera l'année du renouvellement à droite, du changement de générations. Il faudra réussir la jointure. Quand on a l'envergure d'André et Bertrand, on peut penser que tout se passera bien. Pas certain. J'attends de voir.

2- La politique d'ouverture. Elle a eu ceci de remarquable à Saint-Quentin que le sénateur-maire l'avait pratiquée avant tout le monde, en 2001, incluant les élus radicaux de gauche à sa liste. En 2008, il a poursuivi et plutôt bien réussi l'opération. On ne pouvait pas faire mieux que ce qu'il a fait. Il ne lui restait plus que deux pions à damer, Vatin et moi. Mais on ne peut pas réussir à tous les coups. Ce que je retiens surtout, dix mois après cette politique d'ouverture en direction du PS, c'est l'usage qui est fait des élus d'ouverture: ils sont très largement mis en avant, alors que Pierre André aurait pu les cantonner dans de la figuration purement électorale. Ils sont même parfois plus politiquement visibles que les élus de droite.

Freddy Grzeziczak porte toujours aussi beau dans la presse, mais cette fois dans le costume de maire-adjoint aux affaires sociales (pour un homme de gauche, André a compris que ça s'imposait, et pas adjoint aux sports, comme le répétaient les ignorants). Avec les journalistes, l'ex MRC a un bon feeling, ça passe et ça se voit. Bernard Lebrun va jouer un rôle majeur, à la tête de l'opération la plus grandiose, dans le cadre des 500 ans de l'Hôtel de Ville, un anniversaire qui promet d'être fastueux, et qui sera bien entendu politique au bon sens du terme. Karim Saïdi a lancé en grandes pompes son guide contre les discriminations. Ca ne chôme pas de ce côté-là.

3- Le fabuleux destin de Xavier Bertrand. Oui, je reprends le sous-titre du "Chouchou", l'ouvrage de Jakubyszyn et Pleynet (achetez-le pour les Fêtes, offrez-le!). Saint-Quentin est désormais liée à la trajectoire politique de Bertrand. Pour la gauche, ce doit être l'adversaire absolu, parce que c'est celui qui est le plus dangereux et celui qui est promis au plus grand avenir.

Et puis, il faut bien l'admettre: Bertrand plaît, y compris à gauche. On ne peut pas lutter contre ça, c'est la nature humaine: un homme qui réussit à peu près tout ce qu'il entreprend, un homme qui accède aussi rapidement au pouvoir, un homme qui a les plus hautes ambitions ne peut que plaire, séduire et même fasciner. Pas moi évidemment. Mais je ne suis vraiment pas représentatif de l'opinion générale!

Parce que Bertrand est dans cette situation, parce qu'il jouit à Saint-Quentin d'une supériorité absolue, parce que rien ne semble pouvoir entraver son irrésistible ascension, nous avons le devoir d'en faire un adversaire absolu. Il y faudra du temps, de la patience, de l'unité, de l'intelligence et même des sacrifices, mais il faudra vouloir et faire cela. Sinon, en 2018 et en 2028, je ferai exactement la même rétrospective que cette année, en pire pour la gauche, en mieux pour la droite.


Bonne matinée.

27 décembre 2008

Rétro gauche à St Qu.

Je poursuis mes rétrospectives de l'année. Après la gauche en France, ce soir la gauche à Saint-Quentin. Quels auront été les événements marquants de 2008? Je me limite à trois, arbitrairement, pour donner un cadre précis à l'exercice.

1- D'abord, il y a, excusez-moi de commencer par là mais on n'est jamais si bien servi que par soi-même, mon échec aux municipales. Pourtant, je croyais dur comme fer à ma capacité de réussir. La page Grzegrzulka se tournait, il fallait passer à autre chose, c'était inévitable, et une seule stratégie s'imposait à mes yeux: le rassemblement de toutes les composantes de la section, le rejet du rapport de force destructeur entre les courants, la composition d'une liste axée sur les compétences plus que sur les appartenances claniques, une union de la gauche au second tour seulement, basée sur la représentativité réelle des uns et des autres, le refus de toute alliance avec l'extrême gauche, une démarche de projet plus que de rejet à l'égard de la droite locale.

Rien de tout cela n'a fonctionné, c'est le contraire qui a marché. Pourquoi? Je ne sais pas et peu importe. Ce qui compte, c'est ce qui s'est passé. De fait, une ligne réformiste, social-démocrate, une fois de plus, a échoué. Définitivement? Je ne crois pas. Mon analyse est juste, mes propositions sont pertinentes, l'avenir me donnera raison. C'est présomptueux? Non, c'est la croyance sincère et forte en des convictions dont je suis persuadé qu'elles finiront par l'emporter.

2- Le retour de Jean-Pierre Lançon. S'il y avait à décerner le titre de "l'homme de l'année", il le remporterait haut la main. Exclu pendant 10 ans du PS, rejeté sous Grzegrzulka par ceux-là même qui aujourd'hui l'ont mis en avant, désigné tête de liste alors qu'il était minoritaire, élu sans même avoir de combat à mener, chapeau l'artiste! Et puis, le bétonnage de la section, du travail de pro qui lui a permis, en quelques mois seulement, de devenir chef du PS et leader de la gauche saint-quentinoise. Excusez du peu! Et tout ça à travers un parcours très classique: s'intégrer à un courant, soutenir une élue et attendre son heure, en levant le doigt quand on a besoin de quelqu'un et que personne veut y aller. Bravo. Lançon, c'est le contraire de ce que je suis, de ce que j'ai fait et de ce qui m'est arrivé. Lui a gagné, moi j'ai perdu. La gauche saint-quentinoise y a -t-elle gagné au change? Seul l'avenir le dira.

3- La victoire de l'extrême gauche. Sur Saint-Quentin, ces dernières décennies, elle n'était rien, n'avait jamais eu aucun élu, s'activait dans les luttes syndicales, militait fortement sur le terrain, mais sans aucune reconnaissance politique. Aux différentes élections, l'extrême gauche ne dépassait pas les 5%. Bref, elle était marginale. En 2008, elle est entrée en fanfare au conseil municipal, a largement inspiré le programme de la gauche, a fait campagne à ses côtés, n'aurait jamais eu un seul élu si elle ne s'était alliée aux socialistes, qu'elle soutient localement, qu'elle attaque nationalement. C'est la grande gagnante de cette année politique. Elle a désormais six ans devant elle pour se développer, prospérer, se servir du conseil municipal comme d'une tribune pour faire passer ses idées. Quant à ses ennemis sociaux-démocrates (qui sont pires pour elle que la droite), ils ont été marginalisés (Denis Lefèvre), exclus (Maurice Vatin), récupérés (Karim Saïdi) ou phagocytés (moi). Pour l'extrême gauche saint-quentinoise, l'année est faste et la vie est belle! Jusqu'à quand?


Bonne nuit.

Galilée ou la vérité.

Bonsoir à toutes et à tous.

Marre d'Hitler, Mesrine et Spaggiari, qui ont inspiré mes derniers billets... Un magnifique téléfilm, cet après-midi sur France3, m'a réconcilié avec l'humanité. La dernière fois, sur la même chaîne, c'était cet été, en juillet, en regardant "Saint-Germain ou la négociation". Là, c'est "Galilée ou l'amour de Dieu". Magnifique!

En cette fin 2008, faites la petite expérience suivante, amusez-vous à citer un grand savant contemporain, aucun nom ne vous viendra spontanément à l'esprit. Et pour cause, il n'y en a pas! Einstein, c'est fini! Paradoxal: jamais notre société n'a poussé aussi loin les frontières de la science, et pourtant aucun grand nom ne s'impose. Ne me demandez pas pourquoi, je ne sais pas, je constate. Des scientifiques excellents pédagogues, oui, il en existe, mais pas un savant qui aujourd'hui, en mathématiques, physique, chimie, astronomie ou biologie, aurait par sa théorie ébranlé le monde.

C'est ce qu'a fait Galilée au XVIIème siècle, c'est ce qui l'a conduit devant le tribunal de l'Inquisition, c'est pourquoi il a été obligé d'abjurer ses écrits, c'est ce qui a précipité ses ouvrages au bûcher. Nous n'avons plus de Galilée aujourd'hui à admirer, nous n'avons même plus aujourd'hui de Galilée qui ferait peur à nos institutions. Il ne faut peut-être pas s'en désoler, la vie, la société et le monde il y a quatre siècles étaient sous bien des aspects inférieurs à ce que nous connaissons aujourd'hui, en matière de confort, de tolérance et de progrès. Mais plus de Galilée!

Qu'est-ce que nous apprend le grand savant? Que rien n'est supérieur à la vérité, qu'il va pourtant renier, pour sauver sa peau des flammes de l'Inquisition. La vérité, qu'en faisons-nous aujourd'hui, dans nos sociétés modernes? Nous préoccupe-t-elle? Elle devrait, pourtant. Galilée n'est pas un fanatique de la vérité. Devant ses juges, il explique qu'il ne propose que des hypothèses, qu'il expose des théories en vertu de leur cohérence et de leur "élégance" (mais oui!), qu'il n'impose rien à personne.

De plus, et c'est ce qui justifie le titre du téléfilm, Galilée ne cesse de s'affirmer bon catholique, qu'il est manifestement. Pour lui, ce n'est pas blasphémer que mettre le Soleil au centre et faire tourner la Terre autour de lui et sur elle-même. Bien au contraire, explique-t-il: Dieu a mis la lumière au coeur de sa Création, pas les hommes, puisque ceux-ci sont imparfaits, en vertu du péché originel. Mais quand une vérité est représentée par une institution, portée par un pouvoir (Eglise, Etat, Parti), elle ne reconnaît rien d'autre qu'elle-même. Malheur alors à celui qui ose donner, même très modestement, sa vérité!


Bonne soirée,
ami(e)s de la vérité.

Spaggiari et Mesrine.

Bonjour à toutes et à tous.

Après Hitler hier, je vais vous parler ce samedi matin de Mesrine et Spaggiari. C'est vrai, mes centres d'intérêts ne sont pas très évangéliques, en cette semaine de Noël. Et alors? J'ai vu les films consacrés aux deux gangsters des années 70. Du bon cinoche, même si ça n'est pas du grand cinéma. En tout cas, voilà deux grandes figures du banditisme contemporain qui méritent quelques réflexions, et d'abord leurs points communs, au nombre de trois:

1- Fantaisistes. Oui, ils le sont tous les deux, chacun à sa façon, fantaisistes. Ce ne sont pas des voyous comme les autres. Spaggiari, qui n'a rien d'un hippy, inscrit cette formule très peace and love sur les murs de la Société Générale qu'il cambriole (en creusant un tunnel par les égouts!): "Ni haine, ni violence et sans armes". Généralement, un voyou de cette envergure est tout le contraire: haineux, violent et bien sûr armé. Mesrine, lui aussi, est un fêlé, prenant d'assaut une prison au Canada, parce qu'il s'en est évadé et qu'il a promis à ses codétenus qu'il viendrait les libérer! Si Spaggiari c'est un peu Arsène Lupin, Mesrine c'est plutôt Rambo.

2- Médiatiques. Un vrai voyou, un gangster de haute volée, c'est quelqu'un d'extrêmement discret, qui sait qu'il peut facilement tomber en se montrant imprudent et trop voyant. Les mafieux, qui forment l'élite du métier, en quelque sorte les agrégés de la grande délinquance, le savent et le répètent, c'est le b-a ba de la profession. Mesrine et Spaggiari, tout à l'inverse, se montrent, s'exhibent, jouent aux vedettes, soignent leur image médiatique. Leur rêve: faire la couverture de Paris-Match! Et ils réussiront à marquer leur époque, à entrer dans une sorte de légende noire: Spaggiari, ce sera "le casse du siècle", Mesrine, "l'ennemi public n°1".

3- Politiques. Le gangstérisme, c'est évidemment le degré zéro de la politique: on sert d'abord ses intérêts personnels, au détriment du bien commun, on est sans foi ni loi. Spaggiari et Mesrine veulent faire mentir ça. Oh très légèrement, mais l'intention est là. Spaggiari est un homme de droite, un ancien d'Indo, un petit photographe qui joue à l'aristo anar et qui n'aime pas trop les gauchistes. Mesrine est un petit bourgeois qui se rebelle contre la société, la prison, la Justice et qui va tenter de prendre des contacts avec l'extrême gauche la plus dure. L'un et l'autre n'ont pas voulu s'enfermer dans l'image du voyou, ils ont essayé d'y mettre autre chose, un peu de convictions (sans que ce soit très convaincant!).

Spaggiari et Mesrine, à travers ces deux films, c'est aussi la nostalgie d'une époque qui s'exprime, les années 70. Ce sont finalement, pour reprendre une thèse qui m'est chère, les derniers héros d'une société sans héros. En un temps où toutes les grandes figures institutionnelles sont décriées (le politique, le syndicaliste, le savant, ... ), il ne reste plus à contempler que des personnages fantaisistes, médiatisés, décalés, Mesrine et Spaggiari, les héros pitoyables d'un monde qui ne croit plus aux héros.


Bonne matinée.

26 décembre 2008

Rétro à gauche.

Bonsoir à toutes et à tous.

Nous entrons, à quelques jours du Nouvel An, dans la période des rétrospectives. C'est un exercice intéressant: choisir les événements qui vous semblent marquants. On en apprend ainsi autant sur l'année que sur son commentateur. Je veux commencer cette première rétro par la gauche en 2008. Trois faits me paraissent remarquables (mais à chacun sa rétro!):

1- La naissance du NPA. Incontestablement, l'extrême gauche s'installe durablement dans notre paysage politique. Besancenot n'a pas été un feu de paille médiatique, son courant s'inscrit dans la durée. Et à la différence de l'extrême gauche traditionnelle d'Arlette, très dogmatique, il s'ouvre, il séduit, il attire une partie de l'électorat de gauche. Celle-ci, plus que jamais, doit marquer son territoire, définir rigoureusement son identité. Unions ponctuelles et provisoires avec l'extrême gauche oui, pourquoi pas, mais pas d'alliances politiques, y compris aux élections municipales.

2- Les municipales, justement, parlons-en. Pour le PS et la gauche, le scrutin aura été l'occasion d'une remontée (depuis oubliée, c'est bien dommage). On pouvait penser, moins d'un an après l'élection de Sarkozy, que la droite allait confirmer sa victoire. Faux. Ce qui prouve non seulement que la gauche existe mais qu'elle a un avenir, pour peu qu'elle sache s'unir, s'organiser et se moderniser.

3- Ce triple objectif, le congrès du PS a tenté de le réaliser. On ne peut pas dire que ça a été complètement réussi. Mais il y a eu une belle victoire, celle d'une stratégie qui faisait beaucoup douter d'elle tout au long de l'année: les Reconstructeurs, cette volonté de dépasser les anciens clivages, notamment entre strauss-kahniens et fabiusiens. Pari difficile, pari réussi, pari je crois porteur d'avenir.

NPA, municipales, congrès socialiste, voilà ma rétrospective à gauche. Vous confirmez mes choix?


Bonne nuit.

Banal et abominable.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai passé mon Noël à lire un ouvrage sur "Hitler". Oui, je sais, ce n'est pas une lecture de circonstance, mais c'est instructif quand même. Sous-titre du bouquin: "Essai sur le charisme en politique". Auteur: l'historien Ian Kershaw. Pour moi, la réflexion sur Hitler est inhérente à tout engagement politique. En gros, la question à mon avis fondamentale est la suivante: comment l'hitlérisme a-t-il été possible? En cette journée de Noël, j'avais deux choix: méditer sur le bien, méditer sur le mal. J'ai opté pour le second.

De cette lecture, j'ai retenu quatre enseignements;

1- L'homme improbable. S'il est un leader politique qui ne pouvait pas, qui ne devait pas émerger, c'était bien lui, c'était Adolf Hitler. En matière de charisme, il n'avait rien pour lui, tout plutôt contre lui: les origines, la vie, le physique, l'intelligence, la psychologie, rien, mais absolument rien ne le prédisposait à assumer le pouvoir suprême, à fasciner des dizaines de millions de personnes et à en effrayer autant. Un marginal, un minable, un malade, voilà l'homme qui va devenir tyran charismatique. Pourquoi? La réponse est effrayante: il a été le produit d'une situation, d'un accouchement monstrueux.

2- L'anarchie autoritaire. On parle souvent de totalitarisme à propos de l'hitlérisme, on imagine un système global, une machine bien huilée, une société impitoyablement homogène, un ordre absolu. C'est totalement faux: le IIIème Reich était anarchique, désordonné, l'organisation normale de la société avait été détruite, on y donnait des ordres la plupart du temps illogiques et les lois n'avaient plus aucun sens. Ce régime chaotique a prolongé hors de lui, par la guerre, son chaos. Cet univers n'avait que l'apparence de la rationalité. Sa nature profonde, c'était la folie, non seulement meurtrière, mais ordinairement burlesque, surréaliste (en plein conflit mondial, Hitler et les siens discutent plusieurs mois pour savoir s'il faut ou non interdire les courses de chevaux en Allemagne!).

3- La répression ciblée. On croit souvent que l'hitlérisme a posé une chape de plomb sur la société allemande, victime alors d'une répression tout azimut (d'où le concept de "totalitarisme"). Ce n'est pas exact. Beaucoup d'Allemands, pas nécessairement enthousiastes envers le nazisme, n'ont nullement été inquiétés. Exemple les églises, catholiques et protestantes. Leur philosophie n'était pas en adéquation avec ce paganisme barbare que représentait l'hitlérisme. Pourtant, elles n'ont pas été persécutées, aucun évêque ne s'est retrouvé en camp de concentration. Les victimes du nazisme sont très ciblées, ce sont des minorités: juifs, francs-maçons, militants communistes, sociaux-démocrates, homosexuels, témoins de Jéhova, vagabonds, prostituées, handicapés, tziganes, ... Ca fait du monde mais ça ne fait pas non plus des masses. N'oublions pas: l'hitlérisme a pris et s'est maintenu parce que la majorité ne se sentait pas concernée ni touchée par ses crimes.

4- L'adhésion populaire. Au départ, elle n'était pas garantie. On a vu combien Hitler n'avait rien d'un séducteur. Le personnage n'éprouvait aucun amour pour son peuple. Jamais il n'a visité une ville bombardée, jamais il n'a manifesté son attention, sa compassion, sa solidarité pour ses concitoyens dans le malheur de la guerre. Le peuple allemand, il a même, à la fin, souhaité sa destruction, indigne qu'il était du projet du Führer. Et pourtant, ce peuple, jusqu'à la fin, a aimé, admiré, adulé un homme qui ne méritait que la haine et la mort qu'il répandait autour de lui.

Pour quiconque aujourd'hui fait de la politique, la réflexion sur la terrible énigme qu'a été Adolf Hitler devrait être obligatoire. Car l'humanité, avec toutes ses ressources, avec tous ses trésors, n'aurait jamais dû engendrer une telle créature, un tel homme, à la fois banal et abominable.


Bonne soirée.

25 décembre 2008

Et mon cadeau?

Je suppose que le Père Noël vous a déposé quelques cadeaux, au pied du sapin ou de la cheminée. J'ai chez moi deux cheminées et un sapin miniature (sur ma table de séjour, c'est vous dire s'il est petit!). Eh bien, rien, pas de cadeau. Pas de cadeau politique, je veux dire (le reste, c'est ma vie privée, je n'en parle jamais). Mais j'attendais quel cadeau politique? A vrai dire aucun! Ma commande, je l'ai passée l'an dernier (une tête de liste unanimement choisie pour les municipales, pas d'alliance avec l'extrême gauche, une ligne réformiste et pas radicale), elle n'a pas été honorée, que le Père Noël aille se faire foutre!

Bon, ce n'était qu'une entrée en matière, pour vous relater une discussion que j'ai eue dernièrement avec un journaliste local, rencontré pour tout autre chose que la politique, mais où nous avons inévitablement parlé de politique:

- Vous auriez dû vous présenter aux municipales. Combien de fois va-t-il falloir que je le répète? (toute ma vie s'il le faut!) Se présenter à une élection, c'est du sérieux. Il faut le faire seulement si on est en phase avec ses camarades. Je ne l'étais pas, je n'aurais jamais été désigné. Et si j'avais malgré tout, par magouille, par opportunisme, accédé à la tête de liste, cela aurait été préjudiciable et à moi, et à mon Parti. On ne devient pas leader par malentendu, dans l'ambiguïté. La suite aurait alors été terrible, n'étant pas les uns et les autres sur la même ligne politique.

- Votre exposition médiatique vous a finalement desservi. Oh que oui! C'est là où je me suis complètement planté dans mes calculs. J'aurais fait, depuis des années, profil bas, je me serais fondu dans une honnête médiocrité, ma candidature passait comme dans du beurre (en tout cas un peu plus facilement). En politique, il ne faut pas faire d'ombre en se prenant pour le soleil. J'ai cru qu'en étant connu, identifié, présent, représentatif de quelque chose, ça ne pouvait que marcher, presque naturellement. Je me suis totalement trompé. C'est l'inverse qui s'est produit! Attention, je ne regrette rien, je suis comme je suis. Mais je dois bien admettre que j'ai tout raté précisément là où je croyais tout réussir (ne me demandez pas de vous expliquer pourquoi, la page est tournée, je n'y reviens pas).

- Comment va la section maintenant? Très bien, je ne l'ai même jamais si bien vu se porter (il faut remonter à Odette avant l'échec de 2001 pour retrouver une telle harmonie). Nous sommes unis, organisés, les contestataires dans mon genre sont neutralisés, phagocytés. C'est normal: cela faisait plusieurs années que le PS n'avait pas de patron, il en a désormais un, et qui s'appuie sur une ligne politique précise, soutenue par une large majorité. Pas de secret: c'est ça qui fait que tout va bien. Même si je rêvais d'un autre patron et d'une autre ligne, je me félicite de ce qui arrive. Le pire en politique, c'est la division. Et le meilleur, c'est la victoire. Pour ça, il reste encore beaucoup de travail à faire. Mais ce 25 décembre, pour une fois, j'ai envie de croire au Père Noël.


Bonne nuit.

Le débat ne fait que commencer.

Bonsoir à toutes et à tous.

Dans toute réflexion, il faut commencer par écarter les mots ou les références qui polluent le débat. Prenez la vidéo-surveillance. Si vous partez de l'image orwellienne de "Big Brother", il n'est plus possible de penser au problème (quelle que soit la réponse), puisqu'une condamnation arrête d'emblée toute analyse. Il en va de même avec l'euthanasie. Le mot, dans sa consonance et son histoire, renvoie à l'eugénisme nazi. A partir de là, comment voulez-vous qu'un débat s'instaure?

La démocratie est faite d'affrontements, de points de vue irréconciliables qui sont tranchés non par les protagonistes mais par les citoyens, le corps électoral. Mais il doit y avoir confrontation, échange, argumentation. C'est à l'arrivée, pas au départ, que les oppositions sont tracées, et aussi les éventuels et indispensables compromis (la démocratie, c'est même l'art du compromis).

Il faut également, dans une discussion, pour qu'il y ait discussion, savoir de quoi l'on parle. L'étymologie peut être, de ce point de vue (mais pas toujours), un précieux apport. Euthanasie, en grec, signifie "bonne mort", c'est-à-dire mourir dans de bonnes conditions. Le partisan de l'euthanasie que je suis ne cherche rien d'autre: une mort qui ne soit plus laissée à sa sauvagerie naturelle mais traitée dans de bonnes conditions. Humaniser, civiliser la mort, si vous préférez.

Mais l'étymologie, utile, n'est pas suffisante. Historiquement, sous l'Antiquité et au Moyen Age, on réserve le mot et l'acte aux agonisants: mettre fin à leur vie pour abréger leur souffrance. Ce qui signifie que l'euthanasie se distingue du suicide (je ne suis pas favorable à ce qu'on aide les gens à se suicider, qu'ils le fassent eux-mêmes s'ils en ont envie!).

L'euthanasie n'est pas non plus un accompagnement du mourant à travers une médication qui atténuerait sa souffrance (c'est la définition du soin palliatif). Laisser mourir n'est pas mettre fin à une vie. De ce point de vue, la notion d'euthanasie passive me semble hypocrite ou très incertaine. L'euthanasie ne peut qu'être active.

Evidemment, mais les évidences méritent souvent d'être rappelées (la preuve!), l'euthanasie n'a rien à voir avec l'eugénisme nazi, qui est un crime. Là, on ne donne pas la mort pour abréger la souffrance de quelqu'un qui agonise, on supprime ceux qui n'entrent pas dans une certaine norme (les handicapés mentaux, par exemple). On produit de la souffrance au lieu de la faire disparaître.

Le mot et le débat qu'il provoque sont modernes. La question s'est posée à partir du moment où la durée de vie a été prolongée et où les progrès de la science ont permis de maintenir en vie dans des conditions qui ne sont plus guère humaines (l'acharnement thérapeutique). Avant, et pendant des siècles, on passait très vite de vie à trépas et les moyens techniques de durer un peu plus n'existaient pas. Le débat sur l'euthanasie rejoint les réflexions contemporaines sur la bioéthique.

C'est un débat qui est inévitablement difficile et qui ne peut pas se réduire à des oppositions tranchées entre les bons et les méchants. C'est un débat délicat, puisqu'il est question de vie et de mort. C'est un débat complexe (médical, juridique, religieux, moral, philosophique), que je voudrais illustrer par deux exemples: le serment d'Hippocrate demande de jurer que "je ne prolongerai pas abusivement les agonies", mais aussi que "je ne provoquerai jamais la mort délibérément". La Suisse interdit l'euthanasie et autorise le "suicide assisté". Pas facile, tout ça. Mais si cela l'était, aurions-nous besoin d'y réfléchir?


Bonne soirée.

Les adversaires des Droits.

Je suis allé un peu vite en besogne ce matin en présentant les Droits de l'Homme comme faisant l'objet d'un "consensus". En apparence oui, car on ose rarement contesté de façon directe ce qui est juste et vrai. Mais la contestation de ce principe est au fond toujours présente, même si elle a changé d'orientation. Historiquement, c'est l'extrême droite qui s'en prend à ce concept issu de la Révolution française et du Siècle des Lumières. Aujourd'hui, la critique vient plutôt de l'extrême gauche, sous quatre formes:

1- D'abord le communisme traditionnel, qui depuis le début assimile les Droits de l'Homme au libéralisme politique et à la démocratie bourgeoise. Il n'a d'ailleurs pas tort. Mais il n'en résulte pas que le concept ne soit pas progressiste. Cependant, dans l'approche radicale qui est celle de l'extrême gauche, tout ce qui est compatible avec la droite, même républicaine, est à rejeter. Vu comme ça... A quoi s'ajoute l'idée, dans ce courant communiste, que les Droits de l'Homme seraient purement "formels" et dépourvus de toute dimension sociale, ce qui est faux, comme je l'ai rappelé dans mon précédent billet.

2- Ensuite le tiers-mondisme, qui voit dans les Droits de l'Homme une invention de l'Occident à visée coloniale. Dans cette perspective, les droits des peuples sont considérés comme plus importants que les Droits de l'Homme. L'universalité est discréditée, au profit de la différence culturelle. Je ne nie pas les particularités, mais ce que les hommes partagent en commun me semble supérieur.

3- Et puis le néo-gauchisme (appelons-le ainsi), de loin le plus influent, le plus subtil et le plus récent dans la critique des Droits de l'Homme. Pourquoi subtil (je dirais même pernicieux)? Parce qu'il opère par touches, propose des nuances: parler de "droits humains" plutôt que de "Droits de l'Homme". Ca ne mange pas de pain? Ca ne change pas grand-chose? Oh que si! Quand on prend soin de changer un mot, c'est qu'on a une idée derrière la tête. Laquelle?

C'est assez simple: le néo-gauchisme a en commun avec le communisme traditionnel une analyse dépréciative des Droits de l'Homme. Sauf qu'il est plus moderne et plus malin: il conserve le concept en le modifiant rien qu'un peu. Mais ça change tout. Un droit humain appartient à l'humanité en général. Les majuscules qui solennisent les Droits, le substantif qui élève l'Homme, l'Individu à la valeur supérieure, tout cela disparaît, au profit des simples droits d'une vague humanité dans laquelle la personne humaine n'a plus de reconnaissance spécifique.

Ce qui est paradoxal et amusant, c'est que les néo-gauchistes vont chercher leur inspiration dans le monde anglo-saxon qu'ils détestent tant, en traduisant littéralement l'expression "human rights".

4- Enfin l'écologie radicale, l'influence la plus minoritaire mais non négligeable. Elle privilégie les droits de la nature aux Droits de l'Homme, qu'elle accuse d'anthropocentrisme. L'environnement, les plantes, les animaux auraient au moins autant de droits que les êtres humains, sinon plus puisque les uns sont les victimes des autres. C'est l'égalité poussée à l'extrême, jusqu'à l'absurdité. Les bêtes n'ont pour moi aucuns droits, mais les hommes ont des devoirs à leur égard.

Le combat pour les Droits de l'Homme est donc loin d'être gagné, politiquement c'est une évidence, mais intellectuellement aussi, tant une partie de la gauche n'y adhère pas vraiment. Seul le socialisme démocratique, réformiste, s'y reconnaît vraiment.


Bon après-midi.

Notre étoile du Berger.

Bonjour à toutes et à tous,

Et Joyeux Noël, puisqu'il est de tradition. Quoi vous dire en ce matin sensé célébrer la paix dans le monde? Peut-être vous conseiller la lecture et la méditation d'un article, paru dans Philosophie-Magazine de ce mois (n°25, pp. 16 et 17), consacré aux Droits de l'Homme. Nous fêtions en décembre le 60ème anniversaire de leur proclamation par l'ONU (le 10 décembre 1948), et nous l'avons bien mal, trop modestement célébrée.

Bien sûr, il y a eu l'appel historique contre l'homophobie (voir mon billet du 20 décembre "Homo=humain"). Mais à part ça, rien. Des raisons profondes l'expliquent: la droite a toujours été méfiante envers ces Droits de l'Homme qui bousculaient les traditions, la gauche, au nom de l'idéal révolutionnaire, a critiqué leur libéralisme bourgeois.

Pourtant, s'il y a un corpus idéologique qui fait aujourd'hui consensus, un socle commun, un levier d'Archimède qui permet de faire bouger le monde, ce sont bien les Droits de l'Homme. Le socialisme et le libéralisme ont connu des aventures tragiques, le texte des Droits de l'Homme est demeuré intact, pur de toute compromission ou déviance. C'est notre étoile du Berger.

Mais il faut le lire, car comme tout ce qu'on croit connaître bien, on ne le connaît pas assez. Ce n'est pas de la morale, contrairement à ce qu'on pense, c'est de la grande et forte politique. Un pouvoir ne craint pas la morale, parce qu'elle est une affaire privée. Les Droits de l'Homme affirment, depuis deux siècles, de puissantes libertés publiques. C'est de l'idéologie et du concret. Lisez le rapport d'Amnesty International 2008, vous comprendrez (http://thereport.amnesty.org).

Dans Philo-Mag, j'apprends qu'il y a 60 ans, une petite minorité d'Etats ont refusé de signer ce grand texte. Je les cite et les laisse à votre réflexion: l'Afrique du Sud, le Yémen, l'Arabie saoudite, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, l'URSS. Bref la conjonction de l'apartheid, de l'islamisme et du communisme. J'apprends aussi (ou j'avais oublié!) que la Déclaration n'est pas un texte figé (un catéchisme) mais des principes qui s'enrichissent, qui sont complétés. En 1976, les droits économiques, sociaux et culturels vont être ajoutés.

Nous avons de quoi être fiers: la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen est née chez nous, en France. De 1789 à 1948, il y a eu une longue lutte qui a conduit à universaliser ce texte. Je crois qu'aujourd'hui l'Europe, son berceau d'origine, devrait en faire son socle identitaire.

Voilà, c'était mon message de Noël, ma profession de foi laïque.


Bonne matinée,
Bonne Fête de Noël.

L'Amérique bombe le torse.

Rien de telle que la nuit de Noël pour vous soumettre une petite réflexion politique. Puisque nous sommes sur le net, ce sera l'objet de ma pensée: qu'est-ce qui fait vibrer la toile en cette nuit de la Nativité, et depuis plusieurs heures? Les photos d'Obama torse nu sur une plage d'Hawaï. C'est, vous me direz, une information qui ne mérite aucun commentaire et qui relève plutôt d'un gentil divertissement. Pas d'accord: des images qui circulent à travers le monde, une information universellement reprise, aussi anodine soit-elle, cesse alors de l'être.

A travers ce buzz, c'est quelque chose qui s'exprime et qui mérite l'analyse: le culte de la jeunesse (surtout chez quelqu'un qui, à 47 ans, n'est plus vraiment jeune), le culte du corps, le culte de la beauté, le culte du sport. En se transmettant massivement ces images, les sociétés contemporaines nous rappellent à quelles valeurs elles adhèrent, qui n'ont d'ailleurs rien de déshonorantes, mais qui sont très éloignées du message primitif de Noël.

Les pectoraux et le ventre plat d'Obama, c'est aussi la fascination qu'exerce à travers le monde l'Amérique, qui s'offre ainsi une cure de rajeunissement, une thalassothéraphie politique. C'est aussi, hélas, la politique ramenée à ce qu'elle a de plus superficiel, de plus trompeur. Tout a commencé, déjà, là-bas, il y a 50 ans, avec Kennedy, le beau gosse, gendre parfait et idéaliste généreux.

La vérité, nous la connaissons aujourd'hui: Kennedy était un malade sexuel, un ambitieux prêt à tout et un piètre politique, ne réglant rien à la question du Vietnam, ratant lamentablement le débarquement de la Baie des Cochons. Sa seule grande décision politique, c'est la conquête de la Lune. Et pourtant, Nixon, qui a sorti son pays du bourbier vietnamien, est resté dans l'opinion un Mickey à sale gueule, le mythe Kennedy, complètement artificiel, continuant à opérer longtemps après sa disparition.

Pendant longtemps, en France, nous avons échappé à la politique-spectacle. En 1965, Jean Lecanuet, voulant jouer au Kennedy français, a hérité du surnom de "dents blanches". Qui aujourd'hui oserait se moquer d'Obama montrant ses muscles? Et ne me dites pas que ce sont des photos volées: nous vivons une époque où le faux est criant de vérité. Il suffit de se demander à qui profite l'information.

Il y a deux ans, le Premier ministre Villepin avait lui aussi joué les maîtres-nageurs à la sortie du bain, pour montrer qu'il n'avait aucune graisse. Mais où va la politique? De Gaulle, qui avait désobéi à l'Etat français, s'était affronté à la puissance allemande, avait échappé à plusieurs attentats, ne ressentait pas le besoin de se montrer en maillot de bain! Pauvre monde, triste époque, qui s'extasient devant le corps de l'homme le plus puissant du monde, ceci expliquant cela!


Bonne nuit de Noël.

24 décembre 2008

Noël ailleurs.

Voyageons un peu en cette veille de Noël. L'un de mes frères (biologiques) m'a envoyé ce matin un courriel de... Malaisie. C'est où? Vaguement en Asie, et on pense à Bornéo quand on entend le mot. Si mon frère n'y était pas, je n'en saurais pas plus que ça (et on se moque des Américains qui ne connaissent pas leur géographie!). Bref, mon frère s'apprête à fêter Noël là-bas... en travaillant.

Non, rien à voir avec le débat français sur le travail dominical: il est dans la restauration, le réveillon est donc pour lui un jour presque comme un autre, pire qu'un autre côté boulot. Sa fonction? Executive assistant manager, en anglais, que je vous laisse traduire, parce que non seulement je suis mauvais en géo mais très mauvais en langues! L'établissement où il exerce, c'est le Mandarin Oriental, un cinq étoiles dans la capital Kuala Lumpur (le décor se met en place: vous commencez à rêver? C'est fait pour ça...).

Que m'apprend mon frère, qui puisse nourrir une toute petite réflexion politique à quelques heures de Noël? Qu'il fait en Malaisie 34 degrés, que ce pays musulman va néanmoins célébrer la très chrétienne nuit dans ses hôtels de luxe, avec des dindes halal et, m'écrit-il, de l'alcool qui va couler à flot, "comme partout". A part ça, le gouvernement vient d'adopter, paraît-il, une loi interdisant la pratique du yoga! Islam contre hindouisme?

C'est l'ambiguïté de cette sainte nuit: chrétienne, païenne, les deux à la fois ou quelque chose d'autre? Je ne veux pas vous embêter avec mes questions alors que vous n'avez peut-être pas terminé d'acheter vos cadeaux, mais quand même: pourquoi fête-t-on Noël? Le Jour de l'An, c'est clair et net, le passage du temps, confettis, serpentins et chapeaux pointus. Mais Noël?

Je retourne en Malaisie, par l'esprit: mon frère me dit qu'un million de personnes seront au rendez-vous du premier janvier minuit, devant les tours jumelles Petronas, parmi les plus grandes d'Asie, avec comme à Saint-Quentin et ailleurs un magnifique feu d'artifice.

En attendant, en épicurien de stricte obédience, tirant un infini plaisir des choses les plus simples, je me contenterai sagement ce soir de quelques cacahuètes et d'un bon bout de camembert.


Bon réveillon à toutes et à tous,
en Occident ou en Orient.


PS: j'avais annoncé, il y a quelques billets de cela, ma probable fuite de Saint-Quentin la semaine prochaine. Mais pas de malentendu: ce ne sera ni le Berry... ni la Malaisie.

Saint Bertrand.

Bonjour à toutes et à tous.

C'était hier la saint Armand. Pourtant, en lisant la presse locale, j'ai cru un instant que nous étions à la saint Bertrand. Le Courrier Picard a consacré une enquête à Xavier Bertrand et à son image auprès des Saint-Quentinois: "Que pensent de lui ses concitoyens? Plutôt du bien, en général". Aïe, ça tombe mal pour moi, qui en dit plutôt du mal, en général. Mais écoutons quelques témoignages:

Cécile Jaffary, la patronne de la librairie Cognet, avoue ne pas avoir lu "Le Chouchou" (ça commence pas très bien...). L'ouvrage se vend-il? 27 exemplaires achetés (dont le mien) depuis sa sortie, ça ne casse pas la baraque.

Charles Aïyssi est le deuxième intervenant, doué d'une originalité: c'est le témoin de mariage de Xavier Bertrand! A votre avis, va-t-il en dire du bien ou du mal? Ne souriez pas, le monsieur s'efforce d'être honnête et lucide: "C'est difficile de parler d'un ami parce qu'on n'a pas l'air d'être objectif". Non sans blague?

Et puis, il y a ce jugement intéressant: "Il faut avoir des gens qui n'ont pas de certitudes, qui comprennent la société et évoluent avec elle". Tu parles Charles! Bertrand sans certitudes ni convictions, qui évolue au fil de l'opinion des autres, oui c'est vrai, et c'est bien ce qu'on lui reproche quand on daigne un peu, rien qu'un peu, le critiquer.

Un peu plus loin, c'est un serveur du restaurant "Chez Mario" qui ose, d'un silence et d'un regard, émettre une sorte de réprobation, que le journaliste interprète ainsi: "Un manque de générosité du ministre pour les pourboires. Mais rien ne le prouve!" Ouf, l'audace est vite freinée par l'absence de preuve...

Pourtant, n'y aurait-il pas, derrière tout ça, anguille sous roche? C'est ce que laisse penser l'article: "Trop d'hommages appuyés finissent par lasser! Nous cherchons la faille chez l'incontestable "chouchou' des Saint-Quentinois". Alors, cette faille, a-t-elle été trouvé? Il semble, un tout petit peu, du côté de trois jeunes chômeurs, qui confient: "Si Bertrand pouvait faire quelque chose pour nous, ce serait pas mal". Et l'article de conclure: "Les emplois tardent à venir. Ce qui relativise la portée fonctionnelle d'un ministre en ville". Relativiser la portée fonctionnelle? C'est joliment dit.

Dans L'Aisne Nouvelle, Xavier Bertrand est suivi lors de sa visite à la maison de retraite de Guise. On le voit à table, souriant, entouré d'hommes de gauche, souriants, un député, un maire, un conseiller général, un conseiller régional. Le texte d'accompagnement, intitulé "De sympathiques rencontres", est une peinture hagiographique où saint Bertrand devient saint Vincent de Paul. Lisez plutôt:

"Il discuta comme on peut le voir avec une dame âgée qui eut les larmes aux yeux quand il lui dit être le ministre du Travail". Et puis: "La maison de retraite de Guise (...) est désormais pour lui une seconde famille". C'est émouvant, vous ne trouvez pas?

Mais l'image de la sainteté contrarie celle de la virilité, à laquelle tient tout grand homme qui se respecte. Il ne suffit pas d'être bon avec les bons, il faut se montrer méchant avec les méchants. C'est l'objectif (la portée fonctionnelle?) d'un autre article de L'Aisne Nouvelle, intitulé: "Xavier Bertrand déclare la guerre aux voyous". Moine à Guise, guerrier à Saint-Quentin, bref moine-soldat, à trois jours de Noël! C'est que notre ville a connu une série de cambriolages, braquages et agressions ces derniers temps. Bertrand le proclame donc haut et fort: "Nous ne resterons pas les bras croisés". Sous la photo de quatre policiers en vadrouille, le commentaire est éloquent: "Xavier Bertrand, ministre du Travail, promet de mener la vie dure aux délinquants".

Doux avec les faibles, dur avec les brigands, c'est notre bon saint Bertrand, c'est beau comme un conte de Noël.


Bonne matinée.

23 décembre 2008

Entre la vie et la mort.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je reprends ce soir l'analyse engagée hier des propos de Marie de Hennezel, une psychologue réputée pour son combat en faveur des soins palliatifs, qui cache et qui justifie son refus de l'euthanasie, selon moi infondé, et je veux continuer à vous dire pourquoi. J'ai lu attentivement sa conférence donné le 12 octobre de l'an dernier, à Nantes, devant les Amis de La Vie (le magazine catholique).

J'ai pioché ici ou là quelques expressions, qu'on prendrait pour d'aimables banalités si on n'y prenait garde, si on ne repérait pas, derrière un discours bienveillant et compatissant, des présupposés discutables. C'est ce dont je veux précisément discuter, bien sûr dans le respect des opinions de chacun:

- "Le devoir d'accompagnement": on se situe d'emblée dans une approche morale (le devoir), et pas proprement psychologique. Accompagner un mourant, je ne sais pas ce que ça signifie. Dans l'accompagnement, il y a un compagnonnage, un rapport d'égalité entre deux êtres. Entre le vivant et le mourant, il n'y a pas de compagnonnage possible, parce que la promenade est, pour l'un des deux, involontaire, tragique et sans retour.

- "Aider à mourir": c'est du même tonneau que l'expression précédente, qui ne mange pas de pain mais n'a pas de sens. La mort hélas n'a pas besoin d'être aidée. Elle se débrouille très bien toute seule dans ses oeuvres. Si on devait m'aider, ce serait à ne pas mourir, mais je crains que ce ne soit impossible. Ou alors, m'aider à mourir, ce serait, précisément, me donner la mort parce que je n'en peux plus de souffrir, parce que j'en ai assez de vivre cette vie de mourant. Là oui. Mais c'est cette euthanasie que rejette Marie de Hennezel (François Mitterrand, qui a préfacé son ouvrage "La mort intime", n'a d'ailleurs fait appel ni à elle, ni à quiconque, à ce qu'on en sait, dans ses derniers moments).

- "Restituer son caractère naturel à la mort": c'est l'appel au naturalisme, contre l'artifice de la technique, c'est la soumission au corps que les religions astreignent souvent à une ascèse bien peu naturelle, sauf au moment de la mort, où celui-ci est renvoyé à sa naturalité. Je ne conçois ainsi ni la mort, ni la vie, et les hommes ne doivent honorer aucune "nature" mais inventer une culture qui nous rende meilleurs. Car pourquoi ne pas "restituer son caractère naturel" à la souffrance, tant qu'on y est, c'est-à-dire ne plus la faire disparaître sous les doses de morphine? Il est certes naturel de mourir, mais je veux l'échéance la plus lointaine possible, grâce à cet artifice que n'a cessé d'être la médecine. Et au moment de mourir, je souhaite là encore une mort la moins naturelle possible, adoucie par exemple par d'apaisantes drogues.

- "S'abandonner avec confiance au mystère de la mort": quoi, quel mystère? Rien n'est moins mystérieux que la mort. C'est la conséquence inéluctable d'un processus biologique qui se déclenche dès la naissance, qu'on peut expliquer, qu'on peut décrire. L'amour est mystérieux, oui: on ne sait pas pourquoi on aime, ni pourquoi on cesse d'aimer. Mais la mort, non: tout est su, tout est connu, rien d'imprévisible avec elle, sinon le jour et l'heure. Quant à "s'abandonner avec confiance" en elle, sûrement pas: j'ai le droit de voir la mort comme une ennemie, devant laquelle je plie quand je ne peux plus faire autrement. Il n'y a que les bras de Morphée dans lesquels je m'abandonne avec confiance.

- "Entrer vivant dans la mort": c'est une formule absurde, contradictoire, à moins qu'on ne suppose une vie après la mort. C'est ce qui parcourt la pensée officiellement psychologique de Marie de Hennezel, c'est cela le seul mystère dont elle refuse de nous entretenir ouvertement. Quoique le christianisme latent qui est le sien (inconscient ou pas, car j'ignore si elle a la foi) est singulièrement faussé: "Il faut laisser les morts enterrer les morts", disait le Christ. Sa foi s'intéressait aux vivants et à la vie, pas aux mourants et à la mort.

- "On rêve d'une mort rapide, indolore, discrète": Hennezel le constate pour le déplorer. Mais que veut-elle? Une mort lente, douloureuse et devant les siens, parfois les voisins, comme on mourait autrefois? Merci, pas moi. Je veux ce qui est refusé: une mort rapide, indolore,discrète, voilà au fond l'aspiration de l'homme moderne, et il a bien raison.


Bonne soirée.


PS: le texte de la conférence de Marie de Hennezel, dont j'ai tiré les expressions commentées, est facilement retrouvable sur internet.

La peur du flicage.

Bonjour à toutes et à tous.

Je reviens à la vidéo-surveillance. Si le débat provoque des réactions épidermiques d'hostilité envers ce système, c'est qu'il dérange et provoque toute une tradition de gauche, dans laquelle je ne me reconnais pas et que je qualifierais d'anarchisante. Pour elle, le pouvoir, les lois, l'Etat, la police, l'armée ne peuvent être que suspects, voire mauvais. Par une sorte de basisme, tout ce qui vient d'en haut est contesté. Toute autorité est considérée comme autoritaire, sinon totalitaire.

Les CRS sont vilipendées (on a en tête le fameux et pour le moins excessif "CRS-SS"), tout ce qui porte uniforme est rejeté. Etat policier, dérive fascisante, militarisation de la société, voilà les hantises de cette gauche anarchisante, dont la culture déborde largement les groupes spécifiquement anarchistes pour influencer toute l'extrême gauche, une partie du PCF et jusque dans certaines marges du PS.

A cette gauche anarchisante, j'oppose la gauche républicaine, qui dénonce les abus de pouvoir mais ne stigmatise pas toute forme de pouvoir. Il y a des lois, une autorité et une police républicaines, qui sont à défendre et non pas à attaquer. Je vais même plus loin: sans loi, sans autorité, sans police, pas de liberté, pas de progrès, pas de justice. Si je vous dis tout ça, c'est parce que je suis persuadé que le rejet de la vidéo-surveillance est le produit de cette culture anarchisante.

Combien de fois ai-je entendu des amis de gauche inquiets devant le "flicage" de la société contemporaine! J'avoue ne pas partager cette peur. Récemment, organisant une conférence de presse consacrée aux difficultés que rencontrent les associations complémentaires de l'Ecole Publique, un agent des Renseignements Généraux était là. Ca ne m'a pas gêné, je ne me suis pas senti "fliqué". Je ne dis pas que les RG sont ma tasse de thé, je vous fais seulement part de mon indifférence à leur égard, je ne crois pas que leur présence, d'ailleurs très largement inutile, mette en péril la démocratie.

Autre exemple: le pouvoir, notamment le ministre de l'Education Nationale, ont décidé de surveiller l'internet, les sites, les blogs. On appelle, joliment et hypocritement, la "veille". Certains enseignants se sont émus, ont fait appel, comme toujours en pareille occurrence, à l'image de Big Brother. J'ai deux blogs, un politique et un professionnel, je me moque éperdument qu'ils soient surveillés, répertoriés par l'Etat. Au contraire, plus j'ai de lecteurs, plus je suis heureux! Je ne me révolterais que si ma vie privée était observée.

De la peur du gendarme (qui était, affirmait-on, le commencement de la sagesse), on est passé à la peur du flicage (le commencement de la paranoïa?). Avec tout de même quelques raisons objectives: le fichier Edvige du ministère de l'Intérieur ou la base-élèves du ministère de l'Education Nationale en sont des exemples, pour le coup très inquiétants. De là à mettre toute forme de contrôle et de surveillance dans le sac de la répression, je dis non.


Bon après-midi.

22 décembre 2008

Marie de Hennezel.

Bonsoir à toutes et à tous.

Mes deux gros sujets de réflexion de ces vacances, ce sont, vous le savez, la vidéo-surveillance et l'euthanasie, des sujets politiques l'un et l'autre. L'euthanasie, je vous l'ai déjà dit, est discréditée par l'idéologie de la fin de vie, dont Marie de Hennezel est une militante très médiatique et très influente. L'un de ses ouvrages a été préfacé par François Mitterrand, dont on connaissait l'intérêt pour la mort (la fascination?), et qui a donné en quelque sorte une caution progressiste à une pensée qui l'est beaucoup moins. Je veux ce soir commencer à vous en parler, car l'obstacle quasi éthique à l'euthanasie est de ce côté-là, et il faut le démonter.

Je voudrais d'abord commenter, de manière critique, les titres des ouvrages de Marie de Hennezel, car ils contiennent, très condensée, l'idéologie implicite que je veux rendre explicite et contester:

- La mort intime (1995): un titre contradictoire avec la réflexion développée, puisque l'auteur veut que la mort soit "accompagnée", qu'elle cesse d'être un événement purement personnel qui ne concerne que soi, et personne d'autre (sauf si on le souhaite). Mais je ne suis même pas certain qu'on puisse parler d'une "intimité" de la mort, car celle-ci, la mort, n'appartient qu'à mon corps et à son inéluctable déclin biologique. La véritable intimité, c'est l'intériorité, ça ne peut que concerner l'esprit.

- L'art de mourir (1997): comment cette expression ne pourrait-elle pas nous choquer? Autant je crois en un art de vivre, autant je ne crois pas en un art de mourir. L'art exige la mobilisation de nos talents et l'exercice de notre volonté. La mort, nous la subissons, nous ne la voulons pas, nous nous en passerions volontiers. La mort n'a rien d'artiste ou d'artistique. Il n'y a pas d'art de mourir (sinon sous forme d'un mauvais romantisme), mais il y a un acte de mourir, un choix de mourir, et c'est l'euthanasie.

- Mourir les yeux ouverts (2005): quelle effrayante formule! Je veux mourir les yeux fermés, parce que je n'attends rien de la mort, parce que j'ai le sentiment qu'elle ne peut rien me montrer, rien m'apprendre, rien m'apporter. La mort, c'est la nuit, où il n'y a rien à voir. Encore s'agit-il d'une métaphore inexacte (comme toutes les métaphores): la mort, c'est rien, même pas un néant, mais le rien, et pour les autres, une disparition, une absence. Les sages de l'Antiquité le savaient et le disaient: "Il y a deux choses qu'on ne peut pas regarder en face, le soleil et la mort".

- Nous ne nous sommes pas dit au revoir (2006): il n'y a pas d'au revoir dans la mort, il y a un adieu. Pourquoi Marie de Hennezel ne le dit-elle pas? L'au revoir, c'est l'espoir du christianisme, infiniment respectable, et même séducteur. Mais pourquoi n'en parle-t-elle pas? Hennezel est-elle chrétienne? Autant le dire ou le démentir, pour la clarté du débat.

Ce que je reproche finalement à Marie de Hennezel? Une sorte de sentimentalité qu'il paraît malséant de contredire, une moralité qui dissimule des présupposés philosophiques parfaitement contestables pourvu qu'on les mette à jour, comme j'ai essayé de le faire.


Bonne soirée.

La Grèce en France.

Qu'est-ce qui se passe en Grèce? Bien malin qui peut savoir... Ca ressemble un peu, du moins à l'origine, aux émeutes de 2005 en France. Un jeune tué dans un incident avec la police, et tout s'embrasse. Avec là-bas la dimension ethnique en moins. Mais l'explication n'en reste pas moins incertaine. On parle beaucoup d'anarchistes, donnant à la révolte une dimension politique. Mais qu'en est-il vraiment?

Ca me fait penser aux "anarcho-autonomes" s'en prenant au réseau TGV, arrêtés il y a quelques semaines: que sont réellement ces prétendues fauteurs d'insurrection? J'ai plutôt l'impression qu'on nage... La vérité est ailleurs et plus grave: dans un malaise de la société, de sa jeunesse, une perte d'espoir, une impuissance devant la crise, les injustices. On dit souvent que les trentenaires ont un rôle moteur, qu'ils se sentent sacrifiés.

En tout cas, le mal est profond, pour que la droite française s'en soit inquiétée, pour qu'elle ait reporté la réforme du lycée, craignant une contagion européenne du mouvement grec. Ca ressemble à Mai 68: quelque chose d'incontrôlable, d'insaisissable, mais qui vient, qui monte, dont on sent la puissance. Pour déboucher sur quoi? Tout le problème est là, et toute l'inquiétude. Je vous conseille la lecture de Charlie-Hebdo de cette semaine, pages 2 et 3, l'article de Anne-Sophie Mercier. C'est très éclairant.

Attardez-vous surtout sur l'encadré grisé, page 3. Comme en France aujourd'hui, comme en France en 1968, la gauche grecque n'est pas prête. Or, la solution politique, s'il doit y en avoir une, est de son côté. Mais puisqu'il n'y en a pas, c'est le désespoir. Cette gauche est divisée: les socialistes demandent des élections mais ce sont les communistes qui l'emportent dans l'opinion, la gauche radicale séduit la jeunesse mais ne veut pas s'allier avec les socialistes, les communistes eux-mêmes se méfient de cette gauche radicale.

Voilà qui nous fait songer à notre PS affaibli par ses divisions, notre PCF tenant à son autonomie (mais sans l'influence de ses camarades grecs), notre extrême gauche revigorée électoralement et médiatiquement. On comprend aussi pourquoi Sarkozy semble craindre comme la peste que la Grèce ne s'invite en France. Je n'y crois cependant pas trop. Mais nous verrons en janvier. Quand notre président s'entendra souhaiter une bonne année, ces voeux auront pour lui une résonance toute particulière.


Bonne année... pardon,
bonne fin d'après-midi.

Week-end de crise.

Un extra-terrestre qui aurait survolé la France ce week-end se serait interrogé: mais où est la terrible crise économique dont on nous parle depuis quelques mois et qui devrait sévir encore plus dans les prochains mois? Des millions de Français sont partis en vacances d'hiver, comme si de rien n'était. Les chiffres défilent, impressionnants, de fréquentation des gares, aéroports, routes et grands magasins.

Il ne se porte pas si mal que ça, ce fameux pouvoir d'achat en berne. Il y aura, nous le savons bien, dans les jours qui viennent, avalanche de ripailles et de cadeaux. Moi-même, qui m'était promis de rester cloîtré, comme chaque année, avec mes bouquins, mes projets, mon blog et vous, je crois que je vais partir, je ne vous dis pas où, continuez à me lire, vous aurez la surprise (ne cherchez pas, ce n'est pas le Berry!).

L'Union de samedi, pour qualifier ce grand rush, a titré "L'enfer des vacances", prenant soin d'utiliser les guillemets. Même avec cette précaution, l'expression est exagérée. Cet enfer-là ressemble quand même beaucoup à un paradis, et nombreux sont ceux, à travers le monde, qui voudraient être ainsi damnés.

Mais une vision d'extra-terrestre vaut ce qu'elle vaut. Quand on cesse de survoler, qu'on se rapproche de notre société, c'est moins joli-joli. Les illuminations peinent à cacher des zones très sombres, qui justifient qu'existe et que milite une gauche active:

1- D'abord la misère qui frappe une minorité et que ne compense pas le relatif bien-être de la grande majorité. Au contraire, il est scandaleux qu'une société riche tolère des dizaines de milliers de pauvres (au moins). Je ne parle même pas, ici, des gens modestes, précaires, confrontés à des difficultés, mais des SDF.

2- Ensuite le chômage, qui touche deux millions de personnes, qui ne recule pas depuis un quart de siècle, qui est un mal autant sinon plus psychologique que matériel. Et notre président, qui a fait de la "valeur travail" l'alpha et l'oméga de l'existence n'a pas arrangé les choses, en portant le soupçon sur celui qui ne travaille pas, en le culpabilisant. Un toit, un travail, ça devrait être le minimum que vous accorde la société. Pour beaucoup de nos concitoyens, on en est loin.

3- Enfin et surtout les inégalités, qui se sont considérablement accrues ces vingt dernières années, que rien ne justifie, et pas cette "valeur travail" dont nous barbe Sarkozy. Des millions de travailleurs ont beau travailler plus, éventuellement pour gagner un peu plus, ils sont encore à une distance sidérale de ce que gagne la caste des rentiers et des spéculateurs.

La droite est sensible à la misère et veut la réduction du chômage, je n'en doute pas. Mais les inégalités, elle ne voit nulle raison de les réduire, parce qu'elles sont, pour elle, naturelles, et parce que ceux qui en profitent la financent ou militent dans ses rangs. C'est pourquoi ce dernier combat est spécifiquement de gauche, à la différence des deux premiers.

Des collectivités locales, en ces jours de festivités, ont choisi de moins pavoiser, d'économiser. C'est heureux. Je n'ai jamais compris qu'on puisse recevoir des cartes de voeux grandes comme un menu de restaurant qui serait imprimé sur papier glacé. Je ne comprends pas non plus que le champagne coule à flot et qu'on croule sous des montagnes d'amuse-gueule et petits fours lors des réceptions de fin d'année. Je le dis sans démagogie ni puritanisme: il faudrait peut-être songer à limiter ces mondanités de pacotille. La crise nous y invite, tant mieux.

Encore mieux est la décision de la municipalité d'Angers, que j'ai retenue puisque j'ai bien connu la ville, en 1983-1984, ayant travaillé et vécu là-bas: elle a gelé les tarifs des services publics pour six mois (le prix d'entrée de la piscine, par exemple), alors que le début d'année est l'occasion des traditionnelles augmentations. Très bien. Angers est conservatrice, mais son maire est de gauche. Tout le contraire de Saint-Quentin!


Bon après-midi.

Sauver le soldat Dray?

Bonjour à toutes et à tous.

La première fois où j'ai croisé Julien Dray, c'était à Paris, lors d'une manif, en 1984-1985, je ne sais plus exactement. A l'époque, je n'étais pas encore au PS mais je militais à SOS-Racisme, la petite main jaune, qui venait de se créer. Son leader était médiatique, charismatique, avec un nom fait pour ça: Harlem Désir. Dans l'ombre, à ses côtés, le conseiller, l'organisateur, l'intello de service, pas médiatique du tout lui, bougon: Julien Dray. Avec le temps, le second va devenir plus connu et plus influent que le premier. Tous les deux sont grosso modo de ma génération, autour de la cinquantaine.

Remarquez bien qu'après un quart de siècle de militantisme politique et associatif plutôt réussi, l'un et l'autre restent, au PS, des lieutenants plus que des généraux. C'est notre problème, reconnu par tous. Nous organisons très mal notre promotion interne. L'avancement se fait encore à l'ancienneté, pas vraiment au mérite.

Donc, Julien Dray a vécu un week-end d'enfer, avec l'accusation qui fait la plus mal quand on est socialiste: corruption, détournement d'argent, enrichissement personnel. A droite, on peut exhiber des signes extérieurs de richesse, c'est naturel, c'est normal, c'est bien vu. A gauche, il est interdit d'aimer les belles montres, les petites voitures de collection et les appareils-photos. Ou alors il faut se cacher. Si vous êtes découvert, on vous le reproche toute votre vie, on vous affuble de l'étiquette ironique et infamante de "gauche caviar", même quand vous ne faites que vous offrir un cassoulet un peu supérieur à la moyenne. Et quand on pense qu'une certaine gauche entre dans ce petit jeu-là!

Je lis que Juju serait un acheteur compulsif et, à ses heures, joueur de poker. Et alors? Quel est ce puritanisme qui nous assaille (et qui est très sélectif dans ses cibles)? Je suis mal placé pour juger de tout cela: je ne porte jamais de montre (j'en ai une vieille au fond de mon cartable, pour mes cours), je ne fais pas les boutiques et j'ai horreur du jeu. Je suis un anti-consommateur par excellence (mais pas anti-consommation, chacun fait ce qu'il veut). Mais je sais qu'il n'y a pas de mal à ça.

Et les accusations de fraude? Pitié, respectons la Justice et les lois! Aucun fait n'est avéré, il n'y a même pas mise en examen. Un soupçon n'est pas une vérité, une accusation n'est pas une preuve. Julien Dray est innocent tant qu'il n'a pas été reconnu coupable, j'en reste là, c'est une question de principe. En attendant, on jette aux chiens un nom, un homme, une réputation, comme Mitterrand l'avait dit de Bérégovoy. Et c'est dégueulasse.

Y-t-il complot politique, en cette période de turbulences lycéennes, dont Juju est expert? Je ne crois pas, je n'ai pas le tempérament "complotiste". J'accuse plutôt l'emballement médiatique, le couple pervers de la justice et de sa mise en spectacle. Le PS n'a -t-il pas manqué de solidarité, en ne proclamant pas officiellement, au plus haut niveau, son soutien à Dray? Pitié, là encore. Cambadélis l'a très bien dit ce matin sur France-Inter: l'aurions-nous fait qu'on nous aurait soupçonné de protéger l'un des nôtres au mépris de la Justice, on nous aurait reproché un réflexe clanique. Encore une fois, il suffit de respecter la loi, c'est-à-dire la présomption d'innocence, qui n'a pas besoin de l'affichage ostentatoire et donc suspect d'une solidarité. Et puis, la vie n'existe pas qu'à la radio ou à la télévision. On peut soutenir autrement, tranquillement, discrètement le soldat Dray.


Bonne matinée.

21 décembre 2008

1984 en 2009?

Hasard de l'actualité: la radio m'apprend que le responsable de la communauté musulmane de Lyon, dont la mosquée a été victime hier d'un attentat, demandait l'installation d'une caméra-vidéo pour protéger le bâtiment. Je reprends donc mes réflexions de ce matin sur la vidéo-surveillance, et la question primordiale, que j'ai voulu traiter à part, des libertés. Car c'est la plus grave accusation qu'on puisse porter contre ce système: il serait liberticide, dictatoriale, totalitaire. C'est pourquoi on lui colle ce nom, qui veut tout dire: Big Brother!

Il faut regarder ça de près, puisqu'ici la République est en jeu, et pour certains en danger. Est-ce vrai? Coûteux et inefficace, c'est embêtant, mais antidémocratique, c'est scandaleux, si ce jugement est avéré. L'est-il? "Big Brother", le terme est évidemment déplacé. Cette expression, comme chacun sait, est employé par l'écrivain anarchiste Orwell dans son roman à succès "1984", qui décrit un régime inspiré par les expériences stalinienne et nazie. Big Brother est un leader omniprésent, omnipotent et tyrannique. Vous pouvez multiplier les caméras dans notre société démocratique, vous n'en ferez pas un univers à la Big Brother, même avec beaucoup d'imagination.

Même si on admet que la formule est métaphorique, elle est inopérante parce que totalement inadaptée. Elle se retourne contre ses utilisateurs, tout ce qui est excessif étant insignifiant. La vidéo-surveillance est scrupuleusement soumise aux lois et aux autorités de la République. Je ne vois vraiment pas comment elle nous ferait plonger dans le fascisme. Et si, par malheur, notre société basculait de ce côté-là, nul besoin de la vidéo-surveillance pour que s'installe le totalitarisme; les seules forces policières et militaires suffiraient largement à cela, on l'a vu avec le régime de Vichy. Va-t-on pour autant critiquer et refuser la police et l'armée?

Une fois écartée la littérature, revenons à la politique et à la réalité, et reposons la question: la vidéo-surveillance, sans être totalitaire, menace-t-elle néanmoins nos libertés? Je réponds tout de suite: le risque existe. Dans L'Aisne Nouvelle de jeudi, deux arguments discutables sont avancés par des Saint-Quentinois:

1- "Si on n'a rien à se reprocher, on se fiche d'être filmé". Non, je ne partage pas ce point de vue. D'abord, nous avons tous quelque chose à nous reprocher, des péchés vénielles, des rencontres discrètes, des activités intimes, des petites choses qu'on ne veut pas montrer, encore moins filmer, qui ne regardent que nous. Si j'ai envie de réaliser le fantasme de l'amour sous une porte cochère, je n'apprécierai guère que la scène s'inscrive sur un écran, même au nom de la sécurité nationale.

Ensuite, même quand on n'a absolument rien à se reprocher (admettons que ce soit possible), on ne se fiche pas nécessairement d'être filmé. Je connais des gens qui refusent qu'on les photographie. Ils ne sont fautifs de rien, simplement ils n'aiment pas ça. Il y a un droit moral à l'intimité et à la protection de la vie privée. Il n'est donc pas question, à mes yeux, d'installer des caméras partout et n'importe où. Le lieu surveillé est déterminant en matière de liberté. Personne ne pense que la liberté est menacée parce qu'on met des caméras dans une grande gare parisienne.

2- "De toute façon, on est déjà filmé un peu partout". A nouveau, je conteste. D'abord, il est faux de dire cela. Les caméras existent dans des endroits précis, après autorisation préfectorale et obligation de signaler leur présence. Qu'une caméra me filme dans une pharmacie, ça ne me dérange pas, parce que ce n'est pas devant un étalage de médicaments que je vais fixer mes éventuels rendez-vous galants. Mais si une caméra balaie un large champ d'un parc public, il y a alors interrogation sur le respect des libertés.

Plus généralement, il y a une différence, qui me semble fondamentale, entre la surveillance ciblée d'un endroit précis (l'intérieur d'un magasin) et la surveillance indistincte d'un espace public, une place ou une rue, par exemple. Et puis, même s'il était vrai que nous étions filmés un peu partout, ce ne serait pas un argument pour l'être encore plus.

Bref, le comité d'éthique a du pain sur la planche. Car une fois adopté le système de vidéo-surveillance, le vrai débat politique ne fait que commencer: tout dépend de ce qu'on va faire de ce système. Je ne suis pas hostile au principe, vous l'avez compris en lisant mon billet de ce matin. Mais je pourrais être très hostile à la façon dont on va le mettre en place. Parce que le risque d'une atteinte aux libertés est possible, même s'il n'est pas inéluctable.


Bonne fin d'après-midi.


PS: comme ce matin, et comme toujours sur ce blog, j'expose des réflexions à l'état brut, toujours révisables, vos commentaires servant à cela.

2009 ne passera pas!!!

Chaque année, depuis 2006, à l'approche de la journée fatidique du 31 décembre, un groupe d'opposants au changement de calendrier se manifestent bruyamment, au cri de: "non à la nouvelle année". Ils revendiquent l'arrêt du temps, non sans une solide argumentation: si on avait suivi leur conseil, si on avait satisfait à leur demande, tous les malheurs de l'année auraient été évités. Que voulez-vous répondre à ça? Allez voir sur www.fonacon.net

C'est loufoque, mais il paraît que le mouvement prend, qu'ils sont de plus en plus nombreux à se ranger derrière ce Front contre la Nouvelle Année. Pourquoi vous en parler? D'abord parce que le phénomène est curieux, bizarre, intriguant et, à ce titre, intéressant. Ensuite parce que je m'y reconnais un peu: je n'aime pas particulièrement le sapin de Noël, la dinde aux marrons et les voeux de nouvel an. J'ajoute que les huîtres me rendent malade: une allergie foudroyante me transforme en elephant man à chaque fois que j'en avale une.

Enfin et surtout, il y a, sous une forme grotesque, quelque chose de politique là-dedans, que je m'explique mal mais que je sens. Le militantisme surréaliste, d'inspiration anarchiste, a toujours existé et exercé sur moi sa séduction. Il y a des moments, des situations où la dérision est plus puissante, plus efficace que la raison, où rire est préférable à réfléchir. Je ne suis absolument pas anarchiste politique, mais peut-être un peu un anarchiste du quotidien. Par exemple, dans la même veine que le Front contre la Nouvelle Année, il y a le Front de Libération des Nains de Jardins, qui sévit lui-aussi depuis quelques années, dans la contestation de la petite bourgeoisie pavillonnaire, et qui me plaît bien.

Finalement, dans le social-démocrate que je suis sommeille un anti-conformiste vaguement anarchisant. Allez vous étonner après ça que je ne réussisse pas en politique! Mais cette opposition au 1er janvier, quelle sens a-t-elle, que veut-elle nous dire? Peut-être que l'acte de revendiquer, qui appartenait jadis à la classe ouvrière, s'est développé, généralisé, dénaturé, édulcoré, qu'il a perdu son fondement progressiste.

Regardez les réactions de notre société face aux premières neiges, aux routes bloquées, à l'électricité coupée, aux trains stoppés, toutes choses normales quand il neige. Ecoutez ce qui ce dit, autour de vous, à la radio, à la télé: le froid est critiqué, accusé, on le maudit, on est à deux doigts de manifester contre lui, comme on voit de plus en plus s'organiser des "marches" qui n'ont plus grand-chose à voir avec les traditionnels défilés politiques et syndicaux. Alors, pendant qu'on y est, pourquoi pas dire stop à 2009!


Bon après-midi,
et ne craignez rien
pour vos nains de jardin.

VS: premières réflexions.

Bonjour à toutes et à tous.

Je ne suis pas encore entré dans le dossier "vidéo-surveillance", assez épais, mais je vous livre quelques réflexions préalables, à partir de l'article consacré à ce sujet par Karine Perocheau dans L'Aisne Nouvelle de jeudi dernier. Sa conclusion est que les Saint-Quentinois ne craignent pas les caméras et que les commerçants sont demandeurs. C'est pourquoi, je crois, la gauche doit se saisir de ce thème avec discernement, ne pas se laisser enfermer dans la caricature d'elle-même, que la droite ne manquera pas de faire (n'est-ce pas déjà commencé?).

Je vois quatre questions fondamentales (et une cinquième que j'aborderai dans un billet suivant):

1- L'insécurité à Saint-Quentin est-elle une réalité à traiter ou un sentiment infondé, exagéré? Personnellement, je me sens en sécurité dans notre ville. Mais quand je vivais à Paris, d'abord à Pantin puis dans le XIXème, je me sentais déjà en sécurité. J'ai énormément utilisé le métro, tard le soir, je n'ai jamais eu peur ni rencontré de problèmes.

Sauf qu'on ne fait pas de la politique seulement avec une expérience personnelle mais à partir d'un vécu collectif. Que je ne partage pas ce sentiment d'insécurité qu'éprouvent nombre de mes concitoyens, tout le monde s'en fout. Ce qui compte, ce sur quoi il faut s'interroger, ce à quoi il faut répondre, c'est à ce sentiment d'insécurité.

Celui-ci est-il complètement irréel, fantasmé? Je ne crois pas. Je pense même qu'il est une véritable inquiétude, assez répandue, et parfois une souffrance, quand on devient victime. La gauche doit-elle s'en désintéresser en le vidant de toute légitimité? Ce serait une grave erreur, qui nous rendrait incompréhensibles et inaudibles. Une certaine droite exaspère le sentiment d'insécurité, une certaine gauche nie sa réalité. Nous devons échapper à ce dilemme. Jospin, sur ce point, avait montré la bonne direction. C'est la mienne sur le dossier de la vidéo-surveillance.

2- A quoi doit servir la vidéo-surveillance? Si c'est pour surveiller la population, je suis contre, archi contre. En démocratie, l'Etat n'a pas à surveiller les citoyens, car c'est le principe inverse qui s'applique: les citoyens doivent surveiller l'Etat. Je trouve personnellement insupportable qu'on surveille mes faits et gestes. C'est la fin de mon intimité et de ma vie privée si elles sont filmées et conservées sur des bandes, même inexploitées.

Mais est-ce l'objectif de la vidéo-surveillance? Il ne me semble pas, sinon les caméras seraient installées n'importe où et partout. 60 objectifs dans Saint-Quentin n'y suffiraient pas. Juridiquement, les images ne sont même pas des preuves légales en cas d'actes délictueux. A ce que je peux en savoir (pour le moment), il y a deux utilités à la vidéo-surveillance: elle dissuade la petite délinquance dans les lieux où elle est censée s'exercer (son rôle est donc préventif); elle contribue à donner des indices à la police en cas de délits.

3- La vidéo-surveillance, dans la prévention et la collection d'indices, est-elle efficace? Je crois que tout le monde peut au moins s'accorder que ce système ne se suffit pas à lui-même, que c'est un complément dans une politique plus vaste. Peut-on aller jusqu'à soutenir que la présence des caméras ne sert absolument à rien? Cette position est trop radicale. Et l'argument se retourne contre lui-même: si la vidéo-surveillance n'est qu'un joujou pour cow-boys, il n'y a rien à en craindre, il suffit de sourire aux caméras.

Quant au reproche d'un déplacement de la délinquance, il ne tient pas non plus. Mettez un gendarme, édictez une règle, vous ne réglez rien, une partie de la délinquance contourne la difficulté. Nous sommes bien d'accord que c'est l'éducateur, pas le surveillant, quel qu'il soit, qui transforme les individus. En attendant, je n'en conclus pas que les règles et les gendarmes n'ont aucune utilité.

4- Le coût de la vidéo-surveillance est-il trop élevé? C'est sans doute la question la plus pertinente. Avec cet argent, ne pourrait-on pas faire plus, mieux ou autre chose? Mais la réponse ne peut être convaincante que si on dit quoi et comment. Sinon, on est dans la critique facile.

Voilà pour mes premières réflexions, qui ne demandent qu'à être corrigées ou complétées. La réflexion est faite pour ça. Je parlerai ultérieurement de la cinquième grosse question à propos de la vidéo-surveillance: liberticide ou pas?


Bonne matinée.

20 décembre 2008

Géographie et histoire.

Bonsoir à toutes et à tous.

Il y a parfois des questions toute simples dont nous n'avons pas tout de suite les réponses. Je me suis interrogé, dernièrement, sur l'euthanasie, soulignant que plusieurs pays européens l'avaient inscrite dans leur législation, me demandant alors: pourquoi pas nous, pourquoi pas en France? Mais combien de pays l'ont fait? Le savez-vous? Je ne le savais pas. Maintenant je le sais: deux seulement, la Belgique et les Pays-Bas, et un troisième depuis quelques jours, le Luxembourg. Ce n'est pas beaucoup. Ce qui prouve que ce débat n'a rien d'évident.

Que les Pays-Bas aient adopté l'euthanasie, nous pouvons mettre ça sur le compte séculaire de leur tradition libérale. En revanche, la Belgique connaît un fort courant conservateur et le Luxembourg n'est pas particulièrement réputé en matière d'avancement des moeurs. Comme quoi...

Autre sujet que j'ai récemment abordé, en phase avec l'actualité: le travail le dimanche. Lui aussi exige de passer par une simple question dont on a rarement la réponse: depuis quand ce jour est-il férié? On croit généralement que le repos dominical est très ancien, moyen-âgeux. C'est faux et vrai. Il y a eu en réalité interruption. La loi date du 13 juillet 1906. C'est loin, un siècle, mais pas tant que ça. A l'époque, il fallait calmer une importante grève des mineurs, après le coup de grisou de Courrières (1 099 morts).

Avant, il faut remonter à la loi du 12 juillet 1880, qui abolit le repos dominical, qui avait été décrété... sous la Restauration. Les Républicains ne voulaient pas entendre parler du "jour du Seigneur", ils laissaient au patron le soin de décider quel jour de la semaine serait vaqué. Comme quoi il est bon de se référer un peu, rien qu'un peu, à la géographie et à l'histoire pour faire de la politique.


Bonne soirée.