L'Aisne avec DSK

30 août 2008

Chaud La Rochelle.

Bonjour à toutes et à tous.

Désolé pour le silence d'hier, j'ai été totalement pris par le trajet et l'ouverture de l'université du PS. A La Rochelle, il fait chaud, très chaud, mais ce n'est pas ce que vous croyez, seulement le soleil. L'atmosphère humaine, elle, est calme et studieuse. L'université, c'est surtout deux temps politiquement forts, significatifs. Le vendredi soir et le samedi en fin de matinée, c'est-à-dire les réunions des principaux courants, un peu partout en ville, et le discours du premier secrétaire. A la limite, on peut se passer du reste, sauf quand on est nouvel adhérent et qu'on veut se former, ou qu'on est comme moi accro aux débats politiques.

Hier soir, nous étions, strauss-kahniens et amis de Montebourg, dans une salle bondée et surchauffée, pour décider de la suite et de l'avenir de notre démarche en vue du congrès. Beaucoup d'interrogations (c'est normal) et quelques certitudes:

- La motion, on y va, elle sera déposée, à partir de la contribution et de quelques idées non négociables parce que fondamentalement rénovatrices: l'organisation de conventions thématiques, la préparation des primaires.

- Cette motion sera initialement portée par les courants Moscovici, Montebourg et Aubry, avec vocation à s'élargir à la Ligne claire et au Pôle écologiste. Mais il n'y a pas d'exclusive, notamment à l'égard de Laurent Fabius.

- Le candidat qui a notre "préférence" pour devenir premier secrétaire du Parti est Pierre Moscovici, puisqu'il est le porteur de la contribution et qu'il a été le premier à se déclarer. Mais ce n'est pas un "préalable".

De toutes les interventions, celle qui a retenu mon attention a été l'analyse de Jean-Paul Huchon. Ce rocardien historique n'a pas suivi ses camarades les plus proches auprès de Delanoë. A propos des fabiusiens, qu'il a longtemps combattus, il a montré combien se présentait pour nous une opportunité historique. Ce sont eux qui viennent vers nous, sur une ligne globalement social-démocrate. Avec eux, nous avons la possibilité très sérieuse d'obtenir la majorité. Sans eux, ce sera très difficile, pour ne pas dire hors de portée. Et la conséquence en serait le renforcement de l'aile gauche. Car Laurent, ne pouvant exister en se tournant vers sa droite, s'adressera alors, faute de mieux, sur sa gauche.

En s'ouvrant éventuellement aux fabiusiens, en partant avant tout des idées, avec Moscovici ou Aubry (les personnes sont importantes mais secondaires), les sociaux-démocrates du Parti peuvent être, pour la première fois dans son histoire, l'origine et le pivot d'une majorité. Les strauss-kahniens ont cette responsabilité. Sachons la saisir, le sort du PS en sera transformé, le congrès de Reims sauvé d'une bataille entre présidentiables, l'avenir redeviendra alors un peu plus clément pour la gauche.


Bonne fin d'après-midi.

28 août 2008

L'aile gauche à la peine.

Le PS bat de l'aile gauche. Est-ce la meilleure façon pour s'envoler? Mélenchon et Dolez, les plus à gauche de l'aile gauche, ont annoncé aujourd'hui qu'ils allaient faire motion commune. C'est le premier rassemblement qui s'opère dans ce secteur-là du Parti, et qui le radicalise. Je ne suis pas certain que ce soit pour l'aile gauche une bonne nouvelle. Se recroqueviller n'est pas recommandé quand on veut s'ouvrir. Et quand on aspire à constituer un axe majoritaire, on est bien obligé de s'ouvrir. A moins que l'aile gauche ait renoncé à composer ou influencer la direction, se bornant à la minorité protestataire, ce qui est finalement dans sa nature profonde.

En tout cas, je ne crois pas que ce duo soit une bonne nouvelle pour Benoît Hamon, l'aile droite de l'aile gauche, si vous permettez cette bizarrerie. Le jeune leader du NPS veut échapper à la marginalisation à laquelle le condamne l'union Mélenchon-Dolez. Mais il rejette aussi la solution des Reconstructeurs, à laquelle il s'était pourtant intéressé il y a quelques semaines (comme Fabius, comme Lienemann)... même sous la direction d'Aubry, qui avait un temps sa préférence. Le côté carpes et lapins des Reconstructeurs le rend sceptique. Moi aussi!

Hamon n'a qu'une seule carte dans sa manche: Fabius, avec lequel il accepterait de rédiger un texte commun. Le problème, c'est que Fabius a déjà sa propre carte: Aubry! Drôle de poker à la gauche du Parti...

Mon désaccord avec Hamon, c'est surtout, pour l'heure, sa déclaration au Figaro d'hier: "Si le NPA rompt avec le refus de gouverner, il peut s'insérer dans le rassemblement de la gauche." Je crois que c'est le rêve secret de notre aile gauche. Sauf qu'on ne fait pas de politique avec des rêves mais avec des réalités. Avec des "si", on met Paris en bouteille et Besancenot dans un gouvernement réformiste. Comment un garçon aussi intelligent que Benoît peut-il dire de telles âneries?

D'autant qu'il laisse croire que notre différence avec le NPA serait purement tactique (la participation gouvernementale) alors qu'il est fondamentalement idéologique: quand ce parti propose l'interdiction des licenciements, l'augmentation immédiate du Smic de 300 euros, le retrait des troupes françaises d'Afghanistan, ce n'est pas la ligne politique du PS.

Il n'y a que Filoche qui se retrouve là-dedans, demandant 10 euros de plus pour le Smic horaire et 200 euros pour tous les salaires, pour tout de suite, évidemment. Gérard, lui, pour le congrès, milite pour le rassemblement de toutes les sensibilités de l'aile gauche. C'est très mal parti. Mais qu'en pensent Fabius et Lienemann, sûrement les plus embêtés dans tout ça?


Bonne fin d'après-midi.

Les lignes se creusent.

Ces dernières 48 heures, les lignes se sont creusées au PS. On sent que La Rochelle, c'est demain, et qu'après, rien ne sera plus comme avant.

Fabius est de plus en plus isolé. Delanoë a dit mardi dans Le Monde qu'il n'en voulait pas, Hollande non plus, mercredi à Libération. Pour Laurent, sa dernière carte, c'est Aubry.

Entre Moscovici et Hollande, le rapprochement est sérieusement oblitéré par le rejet des primaires de la part du second (Voir Libé), auxquelles tient beaucoup le premier. Mais un fort point commun: "Le choix du premier secrétaire n'est pas le choix du candidat (pour les présidentielles)". Ca ne suffit cependant pas pour se retrouver.

Delanoë, de son côté, prend soin de dire qu'il n'aborde pas maintenant la présidentielle. Je veux bien le croire, mais qu'il le veuille ou non, il est présidentiable, Mosco non, le refusant clairement, se donnant tout entier à la préparation de notre projet. Un présidentiable à la tête du Parti, c'est la guerre avec les autres prétendants, et le travail sur notre programme sacrifié au profit de postures tacticiennes. Bref la cata.

Autre argument de poids en faveur de Mosco, que l'intéressé a mis ce matin en avant sur France-Inter: il est député, Delanoë et Royal ne le sont pas (Aubry non plus). L'épicentre de la vie politique, c'est l'Assemblée Nationale. Si on veut s'opposer efficacement à Sarkozy, il faut y être.

Les strauss-kahniens delanoïstes (Bergounioux, Soulage, Tasca, Richard, Destot...) ont lancé hier un appel à la réunification de la famille social-démocrate autour de... Delanoë. Je ne dis pas non, mais pour l'instant, le bon candidat, la bonne démarche, c'est Mosco.

Enfin, Hollande, toujours dans Libé de mercredi, et Aubry dans L'Express sorti aujourd'hui, sont très clairs à l'égard du NPA de Besancenot: ce n'est pas dans la protestation qu'on peut construire un projet politique. Les socialistes ne doivent donc pas se laisse séduire pas l'extrême gauche. Que toutes les sections puissent suivre cet avis sage, du moins celles qui n'ont pas encore succombé, c'est-à-dire l'écrasante majorité... sauf la mienne, dans les circonstances que vous savez et que je ne me lasserai pas de dénoncer.


Bon après-midi.

Bravo Sarko!

Bonjour à toutes et à tous.

Non, en lisant le titre de ce billet, vous ne vous êtes pas trompés de blog, vous n'êtes sur "L'Aisne avec l'UMP". J'ai un principe: quand un adversaire a raison, il faut dire qu'il a raison. Dire le contraire, c'est au mieux de la tactique, au pire du cynisme, les deux étant souvent mélangé, et dérogeant à une valeur qui me semble fondamentale: le souci de vérité, de sincérité. Je veux parler, bien sûr, du financement du RSA, revenu de solidarité active, qui a pour objectif d'aider les rmistes à retrouver un emploi sans être perdants en termes de rémunération. Sarkozy a choisi finalement la taxation du capital pour permettre l'élargissement de ce dispositif. Lui, l'homme de droite, il va prendre une mesure de gauche! Pourquoi le refuserais-je?

Certes, une idée doit être toujours vérifiée dans ses modalités d'application. Car le capital, ça commence quand vous avez un peu d'argent sur un compte, que vous n'êtes donc pas nécessairement fortunés. Et puis, la scandaleuse disposition qui consistait à aider les pauvres en faisant payer les pauvres (le reversement de la prime pour l'emploi sur le RSA), va-t-elle être supprimée? Et qu'en sera-t-il des moins de 25 ans, pas concernés pour l'instant? Et va-t-on continuer à faire peser la charge du RSA sur les Conseils généraux? Bref, pas mal de questions restent en suspens. Mais ne boudons pas notre plaisir: ce n'est pas tous les jours que vous m'entendrez dire "bravo Sarko"!

Une partie de la presse, ce matin, estime que cette décision de Sarkozy est une nouvelle victoire pour lui, et un embarras pour la gauche. Est-ce que j'ai l'air d'être embarrassé? Le RSA est une idée de gauche, mise en place par un homme de gauche, Martin Hirsch, et financée par une mesure de gauche, la taxation du capital (regardez les réactions du Medef, vous comprendrez). Et ce ne serait pas une victoire de la gauche? Sarkozy a tergiversé longuement avant d'en arriver là, le RSA a été contesté par une bonne partie de la droite, l'avenir du dispositif était rien moins que certain, et ce ne serait pas une victoire de la gauche? Un peu de sérieux, tout de même. Bravo Sarko, oui, mais vive la gauche!


Bonne matinée.

27 août 2008

La politique me poursuit.

Bonsoir à toutes et à tous.

Vous n'aurez droit qu'à quelques mots de moi aujourd'hui. Normal, j'ai fait ma première grande sortie des vacances, je suis allé à Paris. Il était temps. Dans cinq jours, c'est la rentrée! Mais en attendant, ce sera l'université d'été du PS à La Rochelle. Bref, ce matin, j'ai visité la passionnante exposition sur l'origine de l'Univers et de la matière, à la Cité des Sciences et de l'Industrie. Puis, dans l'après-midi, j'ai fait le plein de bouquins chez Gibert, avec quelques bons titres dont j'aurai l'occasion de vous reparler une fois lus.

La politique bien sûr m'a poursuivi, mais n'est-elle pas partout? En remontant le boulevard Saint-Michel, j'ai croisé une manif de sans papiers, menée par la CGT. Ils ont raison. Les mecs bossent, cotisent et ne sont pas régularisés. Ca ne va pas du tout! Quand on travaille, on doit être reconnu par la société. Ce combat, de plus, est encadré par la CGT, c'est donc syndical, sérieux. Je n'en dirais pas de même quand l'extrême gauche s'en mêle...

Avant de prendre mon train pour Saint-Quentin, qu'est-ce que je croise dans la Gare du Nord? Mon camarade Marc Dolez, le plus à gauche de toute l'aile gauche du PS! Faudra pas que j'oublie de le dire à Régis Lecoyer, son représentant dans l'Aisne...


Bonne nuit.

26 août 2008

Les lignes bougent.

A trois jours de l'université d'été du PS, après un été riche en prises de position diverses, les lignes commencent sérieusement à bouger. Quatre lignes tout au moins:

1- Lienemann l'avait annoncé, Hamon l'a confirmé hier: "Je me mets en situation de préparer l'union de toutes les composantes de la gauche et de Laurent Fabius en vue de faire un texte commun". Ainsi, comme je le souhaitais par souci de clarification et de cohérence, l'aile gauche aura sa motion et probablement son candidat au poste de premier secrétaire. Le rapprochement estival entre Martine Aubry et les strauss-kahniens l'aura finalement dissuadé de se ranger derrière le maire de Lille, qui avait l'avantage de présenter pour elle un profil politique relativement acceptable et surtout de la faire sortir d'une dangereuse marginalisation. Mais Mosco, à ses yeux, c'est trop! Tant mieux, pas d'ambiguïté. Remarquez bien la nuance d'Hamon: "les composantes de la gauche et de Laurent Fabius", qui prouve que Fabius est distingué de la gauche du Parti, ce qui confirme son tournant social-démocrate, que j'ai à plusieurs reprises souligné. Retour aux sources pour Laurent?

2- Bertrand Delanoë a annoncé ce matin le dépôt d'une motion et sa candidature à la tête du Parti. Là, j'avoue ma surprise. Bertrand jusqu'à maintenant avait été le candidat le plus prudent, laissant ouvert beaucoup de possibles, qui viennent brutalement de se refermer. C'est dommage. J'aurai souhaité un rapprochement des réformistes, notamment de Delanoë et Moscovici. La déclaration d'aujourd'hui rend cet objectif plus difficile. Certes, Delanoë prend soin de lancer des ponts, dans un entretien au Monde, en direction d'Aubry, Hollande et Moscovici. Il repousse également l'idée d'une candidature aux présidentielles, du moins pour le moment. Mais qui est dupe? Delanoë, c'est mon candidat, seulement après Moscovici, mais avant Aubry.

3- Martine Aubry, justement: elle fait une rentrée médiatique en force cette semaine, avec la publication d'un ouvrage, un entretien dans un grand magazine et une intervention à la télévision. Je ne sais pas si elle sera candidate mais elle fait tout comme... Je lirai de près son livre (après tout, Delanoë m'avait fait changer d'avis après la lecture de "De l'audace"). Mais j'ai un peu de mal à situer Martine, entre le passé des 35 heures et ce qu'elle défend aujourd'hui, entre un héritage filial européiste et démocrate-chrétien et des accents de gauche plutôt radicaux (qui font que l'aile gauche pense parfois à elle). Ce ne pourrait être ma candidate qu'en dernier recours.

4- Pierre Moscovici a réaffirmé, à Frangy-en-Bresse ce dimanche, sa détermination à être candidat. Ce n'est pas nouveau, il a été le premier à se déclarer, et il fait preuve depuis d'une belle et convaincante constance, dont vous pouvez apprécier la teneur en lisant son blog. Je le soutiens dans cette démarche. Ce ne sera pas simple ni facile pour lui. Les sondages le placent bas, mais on ne fait pas de politique à coup de sondages. Aubry et Delanoë ont incontestablement un poids politique plus fort. La rumeur fait dire que DSK soutiendrait Aubry. Mais que ne fait-on pas dire à la rumeur? Tiens bon Mosco! Notre réunion de courant, vendredi soir à La Rochelle, nous en apprendra plus.

Les lignes bougent au PS, mais pas de la même façon, pas dans la même direction. Hamon, c'est la ligne gauche, l'union de ses composantes. Delanoë, c'est la ligne nouvelle, à suivre de près. Aubry, c'est la ligne incertaine, dont on ne connait pas le débouché. Moscovici, c'est la ligne droite, pas au sens idéologique mais stratégique: la direction est donnée et connue, c'est une ligne stable depuis trois mois et préparée depuis bien des années, la postérité strauss-kahnienne. J'aurais bien voulu l'appeler la ligne claire, si la dénomination n'avait déjà été prise par Collomb, Guérini et Valls. Lesquelles seront des lignes de fuite, des lignes brisées ou des lignes de perspective? Nous verrons bien à La Rochelle et après. Mais ce qui est certain, c'est que les lignes continueront à bouger.


Bonne fin de matinée.

La faute politique de Sarkozy.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai été pour tout dire choqué par les propos tenus par le chef de l'Etat lors de la nécessaire commémoration des victimes de la barbarie nazie à Maillé, en Indre-et-Loire, le 25 août 1944. "La France a commis une faute morale [que] je suis venu reconnaître et réparer aujourd'hui." Cette faute morale, selon Nicolas Sarkozy, serait l'oubli. Et la France en serait coupable! L'affirmation a été prononcée péremptoirement, personne ne l'a commentée ni contestée. Je vais le faire, en précisant bien que ce n'est pas la démarche du président de la République que je remets en cause (elle était salutaire et indispensable) mais les paroles qu'il a tenues.

Pourquoi Oradour, pourquoi pas Maillé, c'est-à-dire pourquoi n'avoir pas retenu dans la mémoire nationale les deux? D'abord parce que nous avons affaire non à de l'historique pur mais essentiellement à du symbolique. Multiplier les symboles, c'est leur faire perdre leur sens. La barbarie nazie devait être représentée et dénoncée à travers UN événement tragique, UN village martyr, et ce fut Oradour. Cela ne signifie pas qu'on oublie les autres, comme le prétend le chef de l'Etat (Maillé avait d'ailleurs sa commémoration, mais pas nationale), mais qu'on en retient UN pour en faire un symbole, précisément le symbole de TOUS les villages martyrs de France. Les propos de Nicolas Sarkozy témoignent d'une incompréhension de la symbolique et de son usage.

L'oubli n'est pas celui de la France mais de Nicolas Sarkozy lui-même, qui oublie son Histoire: chaque région de France a connu, en 1944, ses tragédies, Oradour, Maillé mais bien d'autres endroits. Chez moi, dans le Berry, à Saint-Amand-Montrond, nous avons les crimes des puits de Guerry, qui ont marqué et blessé la mémoire (36 juifs jetés vivants dans des puits de ferme et tués à coup de pierres). Tzevan Todorov en a fait l'analyse dans "Une tragédie française", Le Seuil, Points, 1994. L'époque était pleine d'actes barbares. N'allons pas aujourd'hui, plus de 60 ans après, les mettre en rivalité, dans ce qu'on a coutume d'appeler la "concurrence victimaire", qui me semble détestable.

D'autant que Nicolas Sarkozy se contredit quelque peu, puisqu'il a critiqué, à plusieurs reprises, l'esprit de repentance (il n'avait pas complètement tort), auquel il a recours à Maillé en prétendant "réparer" une faute morale de la France. Et puis, le président devrait avoir un peu plus de considération envers le passé et de modestie à l'égard du présent, en se demandant pourquoi le général de Gaulle, pourquoi les autorités officielles et morales avant lui n'ont pas ressenti le besoin d'élever Maillé au rang de commémoration nationale? Tous oublieux... sauf lui, Sarkozy! C'est très présomptueux.

A ces considérations générales qui expliquent sinon justifient qu'Oradour ait été préféré, si on peut dire, à Maillé, il faut ajouter quatre considérations particulières:

1- A Oradour, il y a eu 664 victimes, la moitié de la population; à Maillé, 124, le quart. L'ampleur du massacre a été plus forte dans le premier village.

2- Le massacre de Maillé a lieu le 25 août, jour de la Libération de Paris, jour de joie, de liesse, de dignité retrouvée. Comment s'étonner alors que la mémoire collective ait retenue l'événement heureux de Paris et non pas d'abord le tragique événement de Maillé?

3- A Oradour, les bourreaux ont été clairement identifiés, une compagnie de la division SS Das Reich. A Maillé, on ne sait pas précisément, une enquête est en cours, initiée par la justice allemande. Un symbole a besoin de précision et de clarté pour être retenu et efficace.

4- A Oradour, la barbarie est d'autant plus horrible et frappante qu'elle est gratuite. Des soudards en fuite décident une pure extermination, au hasard de leur route. A Maillé, l'abomination est précédée par une attaque des FFI, le massacre nazi étant une mesure de représailles (pour ce qu'on en sait).

Quand Jacques Chirac, contrairement à ses prédécesseurs, a reconnu la responsabilité politique de la France dans le régime de Vichy, il a eu raison. De Gaulle et Mitterrand n'avaient pas tort d'affirmer que la République n'était pas impliquée, puisqu'elle avait été abolie de 1940 à 1944. Mais l'Etat français a bel et bien collaboré avec l'occupant. La position théorique, aussi juste soit-elle, des deux anciens présidents n'a pas tenu devant la réalité des faits. Mais Nicolas Sarkozy, en dénonçant une "faute morale" là où il n'y en a pas, commet une faute politique.


Bonne matinée.

25 août 2008

Les mouches de Gricourt.

J'ai commis cet après-midi un meurtre, j'ai tué une mouche. C'était juste avant le début de ma sieste (je dors au moins une heure après le repas). Elle volait et bourdonnait au-dessus de moi, c'était insupportable. Comme je suis un peu bouddhiste, j'épargne normalement tout être vivant, je respecte les insectes et les araignées, je les change seulement de place quand ils m'importunent. Mais là, c'était trop, il fallait que je la tue (faire sortir une mouche par la fenêtre, c'est quasiment impossible). J'ai été rapide, j'ai fait ça d'un coup sec, avec un ancien numéro de "L'Aisne Nouvelle", elle n'a pas eu le temps de souffrir.

Pourquoi je vous raconte ça? Parce que je m'en veux d'avoir souri à la lecture des mésaventures des habitants de Gricourt, charmant petit village à quelques kilomètres de Saint-Quentin, mais depuis 2001 envahi chaque été par des milliers de mouches. Une seule de ces bêtes m'insupporte; vous imaginez des milliers! Et pourquoi des milliers de mouches à Gricourt? Parce qu'il s'y trouve un élevage de 180 000 poules qui donnent des tonnes de fientes. La mouche à merde, ça vous dit quelque chose? Eh bien, c'est le cauchemar de Gricourt.

La vie quotidienne devient tout bonnement impossible, les mouches sont et se posent partout, empoisonnent tout. Un vrai film d'horreur, sauf que ce n'est pas un film. Une association s'est créée, l'Association de lutte contre les mouches, une manifestation a rassemblé cet été une centaine de personnes devant l'entreprise responsable, les autorités locales et préfectorales se sont réunies, les scientifiques ont été appelés à la rescousse, des mesures ont été prises, rien n'y fait, sept ans après, les mouches sont toujours là.

Nous pouvons envoyer des sondes spatiales à l'autre bout de l'Univers mais nous ne savons pas nous débarrasser des mouches de Gricourt. Les moustiquaires sont purement défensives et ne les empêchent nullement de s'infiltrer où elles veulent. La désinsectisation a mobilisé de puissants moyens chimiques pour exterminer les bêtes, en vain pour le moment. S'il y a une issue, ce sera pourtant de ce côté-là. Mais il faut savoir que les insectes sont l'espèce animale la plus tenace (certains survivent à une explosion atomique). Le séchage des fientes n'a rien donné non plus (c'est leur humidité qui attire les mouches).

Partout où il y a des hommes, il y a des mouches. Ce sont nos invisibles compagnes (sauf quand elles sont en nombre!). Notre vocabulaire utilise abondamment et métaphoriquement la mouche. Nous sommes mille fois plus forts qu'elles, et pourtant nous les détestons. Elles sont sales, toujours là, difficiles à chasser ou à tuer. Gricourt nous rappelle ce que nous avons oublié: la nature est très puissante, même sous ses formes les plus faibles, la nature est toujours menaçante, même sous ses formes les plus inoffensives.

Comment ne pas songer aussi à ce formidable film fantastique de David Cronenberg, "La Mouche", sorti en 1986, où le héros, après une expérience scientifique douteuse, se transforme en mouche? Ce qui impressionne, outre la prouesse technique, c'est le sens philosophique: une mouche, simple petite bête ailée, est en réalité un monstre, qui tue tout ce qu'elle approche, parce que c'est une pure puissance, dépourvue de toute conscience et donc de toute moralité. Je conclus brutalement, pour provoquer votre réflexion: la mouche c'est le mal, parce que la nature toute entière c'est le mal.


Bonne fin d'après-midi.

Soyons méchants.

Quatre jeunes de l'Aisne sont morts, vendredi soir, dans un accident de voiture dans le Nord. La presse locale de ces derniers jours nous rappelle combien la route demeure un lieu majeur d'insécurité, de souffrance et de mort, surtout les petites routes départementales. L'autoroute, par comparaison, est un havre de paix.

Dans L'Union du 21 août, édition de Chauny-Soissons, le maire de la petite commune de Ognes, Eric Ficheux, explique sa lutte contre la grande vitesse (car le problème est là): panneaux "stop", zone à 30 km/h, ralentisseurs, présence des gendarmes, tous les moyens sont envisagés. Dans le Courrier Picard du 22 août, même constat, les ravages de la vitesse, avec les élus en première ligne pour faire face au fléau: A Dallon, Seraucourt-le-Grand, Artemps, Crouy, les maires font ce qu'ils peuvent. Les jeunes, souvent montrés du doigt, surtout quand ils viennent d'avoir leur permis, ne sont pourtant pas les seuls coupables: "Il est fréquent de voir des mères de famille ou des personnes d'un certain âge traverser les villages à des vitesses plus qu'excessives".

J'en témoigne: la vitesse de nombreux automobilistes sur les routes départementales est affolantes! Le sentiment d'impunité est puissant, puisqu'il y a peu de contrôles, de gendarmes, de radars, le sentiment de sécurité aussi, puisque l'automobiliste se sent comme chez lui sur une petite route qu'il parcourt souvent. Cette familiarité du trajet émousse la prudence, renforce une dangereuse confiance en soi qui décourage les bons réflexes. Mais que faire?

Je vous ai parlé ce matin de l'automatisation de la société. Eh bien, si on ne peut pas mettre un gendarme à chaque section périlleuse de route, on peut installer, judicieusement, ces machines qu'on appelle radars. Les radars! Quelle rencontre familiale, quelle réunion entre amis, quel échange avec des collègues de travail ne finissent-ils pas par en venir à eux, aux radars! C'est une vraie passion française: discuter de l'utilité et de la nocivité des radars, les maudire, défendre des théories extravagantes sur le radar "pompe à fric", le radar "injuste", le radar "qui ne marche pas". Cette passion peut aller jusqu'à la violence. Nous sommes le seul pays en Europe, peut-être au monde, où des automobilistes s'en prennent physiquement à des radars en cherchant à les détruire! Comme tout le monde, j'ai été inattentif et pressé, j'ai été flashé, j'ai payé mais j'ai fermé ma gueule.

Dans L'Union de samedi dernier, j'apprends qu'à Saint-Quentin un radar a été installé boulevard Gambetta, dans un lieu "accidentogène", nous dit Cécile Leclerq, la journaliste. Et c'est, nous dit-elle, un "radar gentil", parce qu'il prévient de son existence avant de sanctionner. Sur le coup, j'ai trouvé l'expression, "radar gentil", un peu bizarre: un radar doit-il être "gentil"? Mais je me suis dit: c'est une gentille image d'une gentille journaliste... Quelle n'a pas été ma surprise quand j'ai constaté, allant sur le net, que la formule "gentil radar" était fréquemment utilisée et n'était donc pas une trouvaille littéraire ou journalistique de Cécile. "Gentil radar"? Mais qu'est-ce que c'est que ça?

Une machine est froide, neutre, objective, elle n'a pas à adopter ce sentiment humain qu'est la gentillesse. Je sais bien que nous vivons dans une société fort sentimentale, mais de là à impliquer les machines dans ce mouvement! Et puis, s'il y a des "gentils radars", cela sous-entend qu'il y en a des "méchants", cachés, mobiles, actionnés par les hommes, les gendarmes, des radars efficaces, impitoyables, pas gentils du tout.

Gentil, ce n'est pas nécessairement une vertu, une qualité, c'est aussi perçu comme une faiblesse. Etre "trop gentil" est considéré comme un défaut. Allons plus loin: quelqu'un de "bien gentil", c'est un individu un peu simple d'esprit, légèrement bête, pas futé. "Gentil", ça ne veut rien dire, c'est un faux sentiment, à la différence de la bonté, de la générosité ou de l'amour. "Gentil", c'est plat, banal, insipide.

Donc, cette expression ridicule (et pourtant admise) de "gentil radar" est aussi une forme de mépris envers une machine inepte, idiote, normalement chargée de sanctionner et qui ne le fait pas puisqu'elle annonce stupidement sa présence. Et qu'on ne me dise pas que le "gentil radar" a une vertu dissuasive, qu'il fait un beau travail de prévention: pure hypocrisie! Vous et moi, après avoir ralenti en passant dans le champ de la machine, nous reprenons immédiatement la vitesse de notre choix.

Le "gentil radar" mérite bien ce nom humiliant pour lui (un peu comme si on disait d'un prof qu'il est "gentil", c'est-à-dire dans l'incapacité d'exercer son autorité), puisqu'il ne fait pas son métier. Mais trêve de plaisanterie: quatre jeunes qui ne demandaient qu'à vivre sont morts, la route tue, finissons-en avec ces "gentils radars" qui ne servent à rien, qui se moquent de nous autant que nous nous moquons d'eux. Pour être efficaces, pour arrêter le massacre, soyons méchants.


Bon après-midi.

Le poinçonneur des Lilas.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai commencé ma journée d'hier, dimanche matin, devant un café et l'émission de RTL "Stop ou encore", avec un bon début puisque le premier artiste choisi était Gainsbourg, et une bien belle chanson, "Le poinçonneur des Lilas". J'aime beaucoup, c'est jazzy, très alerte, allègre, on est plein d'entrain pour quelques heures. Et puis, j'ai habité longtemps tout près des Lilas, et j'ai abondamment fréquenté la ligne de métro qui conduit jusqu'à Châtelet.

Le poinçonneur des Lilas, pour nous tous, c'est la nostalgie de la France des années 50, d'un certain pittoresque de métiers disparus, de la joie de vivre en ces débuts des Trente Glorieuses, qu'on évoque tant aujourd'hui, sur le ton du regret et de l'envie. C'était tellement mieux en ce temps-là, pas de chômage, pas de précarité, des bonnes payes et l'avenir radieux pour nos enfants!

Sauf que tout ça est faux, du moins déformé, exagéré, embelli. Ecoutez bien la chanson de Gainsbourg, comme je l'ai fait hier en buvant mon café: c'est ATROCE. Les Lilas, fleur ou commune, c'est joli, mais pas la vie de son poinçonneur, que l'artiste décrit comme un "cloaque", la misère, la monotonie, les illusions d'un homme sous terre qui fait "des trous, des p'tits trous, rien que des p'tits trous", dans une société tellement inégalitaire que les wagons de métro comportaient une première et une deuxième classe. Cette chanson est d'une tristesse absolue, tragique, nihiliste, puisque qu'elle se termine sur un appel au suicide, sur la mort. Pas si glorieuses que ça, les Trente Glorieuses...

Pourquoi je vous raconte mon dimanche matin? Parce que, dans mon militantisme politique, en contact avec certains camarades de gauche, je suis toujours surpris qu'ils fassent presque de cette France des années 50 et 60, sinon un modèle, du moins une période enviable. Ils en viennent à regretter la disparition de ces petits métiers, ils aimeraient bien, à la limite, que revienne le poinçonneur des Lilas.

De plus en plus, les caissières de supermarché sont remplacées par des machines. Dans peu de temps, il n'y aura plus de personnel aux péages des autoroutes mais, là encore, des machines. C'est la même logique, qui ira grandissante, l'automatisation de la société moderne, qui a remplacé les poinçonneurs du métro par des machines à composter. Je m'en réjouis, certains amis socialistes s'en désolent, sous deux arguments:

1- On supprime des emplois utiles à ceux qui les assuraient.
2- On déshumanise la société, en substituant la machine à l'homme.

Je récuse ces deux arguments, qui sont plutôt des sentiments, des bons sentiments irréfléchis:

1- Les emplois du type poinçonneur étaient totalement désespérants, et c'est ce que Gainsbourg nous fait sentir dans sa magnifique et terrible chanson. On critique aujourd'hui, avec raison, le "travail précaire". Mais que dire des sales boulots des années 50, avec ou sans casquette? Etre de gauche, c'est défendre non seulement la stabilité du travail, mais aussi sa qualité. Je ne dis pas qu'on ne puisse pas être heureux en étant poinçonneur. J'ai moi-même été très heureux, plusieurs années durant, quand j'étais simple gardien. Mais ce que je sais, c'est que les parents des années 50 ne rêvaient pas pour leurs enfants un emploi de poinçonneur, même sur la ligne Châtelet-Lilas, pas plus qu'aujourd'hui ils ne souhaitent les voir travailler dans le gardiennage!

2- Je ne me sens pas vivre dans un monde inhumain quand mon pompiste, ma caissière, mon guichetier sont des machines (qui, entre nous soit dit, sont moins chiantes que parfois les humains). Vive les machines! C'est ça aussi le progrès. Je préfère des esclaves et des domestiques en métal qu'en chair et en os. Car cette humanisation de la société, à qui profite-t-elle? Pas au travailleur mais au consommateur. Pour l'acheteur et l'automobiliste, c'est sympa d'avoir un sourire et un petit mot à la caisse et au péage, mais pour l'employé, non, ce n'est pas marrant d'être obligé de sourire et de parler à des centaines de personnes qui défilent devant vous et que généralement vous ne reverrez pas.

Adieu donc, poinçonneur des Lilas, employé de péage, caissière de supermarché, pompiste, guichetier, adieu et sans regret.


Bonne matinée.

24 août 2008

Ni ni, et et.

Bonjour à toutes et à tous.

Une déclaration politique est passée quasiment inaperçue cette semaine, elle est pourtant lourde de sens pour l'avenir du PS et son congrès. Son auteur n'est certes pas un dirigeant du Parti, mais un grand élu, puisqu'il s'agit du maire de Lyon, Gérard Collomb. Ce n'est pas une figure médiatique, il n'a rien d'un intellectuel, il ne songe nullement à briguer une haute fonction élective. Cependant, avec Manuel Valls, il a présenté une contribution en vue du congrès de Reims, intitulée "La Ligne clair", qui s'est rapprochée de Moscovici et des Reconstructeurs. Parce que Collomb est libre, parce qu'il n'a rien à gagner, rien à perdre, sa parole est précieuse et doit être écoutée.

Il ne veut pas d'une bagarre entre présidentiables, il se refuse à choisir dès maintenant entre Royal et Delanoë, qui sont les deux candidats potentiels du moment. Nous le savions déjà, c'est la démarche même des Reconstructeurs, je m'y reconnais pleinement. Mais celle-ci a un inconvénient: en se donnant pour priorité la définition de notre futur projet, on retient néanmoins d'elle son double rejet des camarades cités. Ainsi, hélas, la Reconstruction apparaît comme un positionnement tactique alors qu'elle veut privilégier le travail idéologique et programmatique, elle est perçue comme une attitude négative, un "ni ni" de pur refus. Ce n'est pas de cette façon qu'on bâtit un espoir politique.

De plus, les Reconstructeurs peuvent-ils songer, à eux seuls, même élargis, constituer la nouvelle majorité dont le Parti a besoin? Alignons la martingale: Mosco+Aubry+Lebranchu+Collomb-Guérini-Valls+Fabius=? Ca fait du monde, c'est sûr, mais est-ce que ça fait une majorité? Pas sûr. Le congrès peut-il se payer le luxe d'une division, d'une dispersion entre quatre pôles, Royal, Delanoë, les Reconstructeurs, l'aile gauche? Pourquoi pas, le pire étant toujours possible en politique.

Mais je crains que ça ne soit guère lisible pour les adhérents et que cet éclatement, comme toute situation de ce genre, ne favorise l'opportunisme, les arrangements de dernière minute, les conciliabules de couloir, les partages de pouvoir au petit matin des longues commissions nocturnes. Toute une tradition socialiste est friande de ce type d'exercice, qui a ses spécialistes comme n'importe quelle discipline. Il faut y mettre fin.

Quelle serait une offre politique sensée au moment du dépôt des motions? La réponse est dans ces deux évidences:
1- Entre Delanoë, Royal et Moscovici, il y a des différences politiques mais pas de divergences idéologiques fondamentales (je prends un seul exemple, mais crucial: l'Europe, pour laquelle les trois ont une même appréciation).
2- La divergence idéologique flagrante est avec l'aile gauche, surtout son noyau dur, Mélenchon-Filoche-Dolez, mais aussi Hamon-Lienemann.

J'en reviens au camarade Collomb. Que propose-t-il dans cette déclaration à Lyon Mag que peu ont remarquée? Il a lancé "un appel à une alliance des réformistes pour déposer une motion commune", qui réunirait Royal, Delanoë et les Reconstructeurs, sachant que le maire de Lyon se sent "peu de points communs avec l'aile la plus à gauche du PS, rassemblée autour de Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon".

C'est peut-être un projet utopique, je ne sais pas comment Royal et Delanoë vont réagir. Peut-être vont-ils vouloir jouer chacun leur carte, ce serait légitime et nos statuts le permettent. Mais serait-ce politique? Au niveau national comme au niveau local, présenter sa candidature, ce n'est pas une petite chose, une mince affaire, c'est un engagement sérieux, qui implique le Parti et, au-delà, toute la gauche.

Il faut donc y réfléchir à deux fois. On a vu à Saint-Quentin, pour les municipales, ce que pouvait donner que d'oublier cette précaution. C'est pourquoi tout candidat doit avoir cette question à l'esprit: quel est, avant mon intérêt personnel, l'intérêt de mon Parti? L'intérêt du PS, en vue de notre congrès de Reims, c'est "l'alliance des réformistes" prônée par Gérard Collomb. Plutôt que le "ni ni", le "et et": et Royal, et Delanoë.


Bonne matinée.

23 août 2008

Du côté des Verts.

Bonsoir à toutes et à tous.

Deux manifestations politiques dominent ce week-end: l'université de la LCR et celle des Verts. De la première, quand on est un socialiste, il n'y a rien à attendre. La LCR, dont c'est la dernière université d'été après 40 ans d'existence, poursuit sa transformation en NPA, nouveau parti anticapitaliste, jouissant de la popularité grandissante de son leader et disputant l'électorat de gauche aux réformistes. Laissons faire, poussons les camarades séduits dans les bras de Besancenot, forçons-les à la cohérence avec eux-mêmes et portons nos regards ailleurs, du côté des Verts.

Là, il se passe des choses intéressantes pour les socialistes. D'abord, en tant que partenaires traditionnels, nous ne devons jamais les négliger. Ensuite parce que leur message politique, l'écologie, est indispensable à la gauche, tandis que l'idée révolutionnaire défendue par Besancenot, nous avons vu dans quelle impasse et à quelle tragédie elle a conduit. Enfin parce que nous aurions tort, en tant que socialistes, de nous inquiéter d'une remontée des Verts. Leur prospérité électorale sera aussi la nôtre, puisque nous savons tous nous rassembler, nous désister les uns en faveur des autres le moment venu, à la différence de Besancenot, qui lui veut plumer la volaille socialiste (et communiste) et s'opposer aux partis de gauche.

Les Verts, pour les élections européennes de l'an prochain, ont une occasion historique d'échapper à leurs démons, que nous connaissions bien puisque ce sont les nôtres (du moins dans certaines sections...): guerre des courants, querelles de personnes, crispations sectaires, aveuglement électoral, tentation gauchiste, et au bout du bout, quand vous faites l'addition, la défaite aux élections. Les écolos valent mieux que 1 ou 2%. Comment s'en sortir? En appliquant les mêmes bonnes vieilles méthodes gagnantes, celles que moi-même je me suis efforcé de proposer à mes camarades saint-quentinois: le meilleur candidat, une liste de rassemblement, un bon projet.

Le meilleur candidat? Les Verts l'ont, il leur a proposé ses services plusieurs fois par le passé, cette fois sera peut-être la bonne. Avec le score calamiteux des présidentielles, les Verts vont accéder, je l'espère, à une forme de maturité politique. Je crois en la pédagogie de l'échec. De ce point de vue-là, à Saint-Quentin, chez les socialistes, nous sommes gâtés. Mais je n'ai pas le sentiment que nous en tirions encore toutes les leçons. Les Verts, eux, le feront-ils en se donnant Daniel Cohn-Bendit comme tête de liste, puisque c'est de lui dont il s'agit? L'intéressé a dit les choses très clairement, comme il faut toujours le faire en politique: "Je suis à prendre ou à laisser". Pourvu, dans l'intérêt de toute la gauche, qu'ils le prennent!

La liste de rassemblement? Là, c'est plus délicat. Il y a une tendance détestable en politique: celle de l'entre soi, qui se traduit au PS par le narcissisme de courant. Chez les Verts, ce n'est pas mieux, c'est même plus caricatural. S'ouvrir, s'élargir, on craint pour son identité. Et pourtant, on n'arrive à rien quand on reste entre soi. Cohn-Bendit propose donc une liste moitié Verte moitié autre (société civile, monde associatif, courants écolos différents, gauche alternative). Excellente idée, bien sûr (à Saint-Quentin, une liste municipale moitié socialiste moitié société civile aurait pu faire un carton, j'en reste persuadé).

La question, qui devient vite un problème, c'est jusqu'où aller dans l'ouverture: Cohn-Bendit propose sur sa gauche José Bové et sur sa droite Nicolas Hulot. Belle tête d'affiche, si le projet se réalise! Mais pourquoi ne pas continuer plus loin (et là ça grince): impliquer Corinne Lepage, ex-ministre d'un gouvernement de droite, et Jean-Luc Bennhamias, ancien Vert passé au MoDem. Je comprends les réticences, mais je n'en ai pour ma part aucune: quand on est sûr de soi et de son identité politique, quand les clauses du contrat sont claires et précises, on ne doit pas craindre d'aller loin dans l'ouverture, pourvu de demeurer cohérent. A Saint-Quentin, quand nous aurons tourné la page de l'aventure poperéno-lambertiste, il faudra nous aussi nous ouvrir, sortir de la terrible marginalisation dans laquelle nous sommes enfermés.

Le bon projet? Je crois que nos camarades Verts n'auront aucune difficulté à le mettre en place, tellement les questions d'environnement sont au coeur de l'actualité. Les voeux de réussite que j'adresse aux écologistes pour ces élections européennes ne me font bien sûr pas oublier mon Parti, le PS: nous aussi, il faudra proposer un bon projet, bien européen, et axé sur ce qui fait tant défaut aujourd'hui: l'Europe politique.


Bonne soirée.

Weber, néo social-démocrate.

Bonjour à toutes et à tous.

Laurent Fabius a deux proches lieutenants: Bartolone pour la politique, Weber pour l'idéologie. Ce dernier a donné au Monde du 20 août une réflexion sur la social-démocratie, qui a retenu mon attention puisque l'attitude à l'égard de ce courant est un marqueur décisif, un sésame qui vous fait entrer dans l'aile gauche du PS (voir notamment mon billet récent "L'aile gauche light"), en manifestant votre hostilité plus ou moins grande envers la social-démocratie. Le point de vue d'Henri Weber est clair: sa critique de la social-démocratie ne le conduit pas à rompre avec cette inspiration mais à la rénover (chez Hamon, il y a ambiguïté, chez Mélenchon, le rejet est net).

Habituellement, le discrédit porté sur la social-démocratie par la gauche du PS oscille entre deux accusations: le procès d' "accompagnement" du libéralisme, les sociaux-démocrates se laissant entraîner dans un mouvement irrésistible, ou bien la trahison de ses dirigeants, cédant carrément, volontairement au capitalisme. Le premier reproche est politique, le second plutôt moral, tous les deux reprennent plus ou moins, remis au goût du jour, ce que l'extrême gauche a toujours opposé à la social-démocratie. L'analyse de Weber est totalement étrangère à cette anti social-démocratie.

Dans son étude de ce qu'il appelle "le compromis social-démocrate de crise" dans l'Europe des années 90, il repère trois caractéristiques:

1- Une "libéralisation modérée de l'économie". Le compromis était le suivant: baisser le coût du travail, revoir certains acquis sociaux afin de favoriser la spécialisation, l'innovation et l'investissement dans l'économie.

2- La "mutualisation des coûts de la modernisation": l'Etat-providence est allégé mais préservé, recentré mais renforcé, tous les partenaires sociaux sont mobilisés.

3- Le "progressisme sociétal": la libéralisation des moeurs, amorcée dans les années 60, est accélérée dans toutes les sociales-démocraties d'Europe, parité, mariage homosexuel, , euthanasie, écologie. C'est une véritable révolution tranquille, pour cette raison passée trop souvent inaperçue, la synthèse définitive entre la social-démocratie et le courant soixante-huitard.

A travers cette description, il n'y a rien de polémique, la social-démocratie n'est nullement associée au néo-libéralisme comme le fait généralement l'aile gauche, sa pratique du compromis est au contraire remise au coeur de sa démarche. Mais elle débouche sur la critique suivante, que je partage sans difficulté:

"Le compromis social-défensif n'a pu empêcher l'explosion des inégalités, l'essor du travail précaire, la réduction du niveau de protection sociale, l'augmentation des travailleurs pauvres."

Les limites, certains diraient l'échec de la social-démocratie européenne sont là, pas besoin d'aller chercher plus loin. Et pourquoi cet échec? Non pas parce que la social-démocratie aurait eu le tort d'être elle-même, de pratiquer abusivement le compromis comme le lui reproche l'aile gauche, mais parce qu'elle n'a pas été assez européenne. Agissant dans le cadre national au moment où le capital, lui, s'internationalisait plus que jamais, elle n'a pas su faire face à la mondialisation.

La solution? Non pas rompre avec la social-démocratie mais la rénover:

"Si elle veut revenir au pouvoir, la social-démocratie européenne doit proposer une nouvelle offre politique. Celle-ci doit se concevoir à l'échelle de l'Union européenne et incarner, au-delà de ses objectifs économiques, un projet de civilisation."

Conclusion de Weber:

"La crise de la social-démocratie provient, en dernière analyse, de son incapacité à mettre en oeuvre une réponse européenne aux défis de la mondialisation. Son renouveau passe par la relance et la réorientation de l'Europe. Tant il est vrai que la croissance forte et durable, la protection des salariés contre tous les risques sociaux, , la lutte contre le réchauffement climatique, la maîtrise de l'immigration, la régulation du capitalisme mondialisé, exige une Union plus volontaire, plus ambitieuse, plus sociale."

Bref, Henri Weber est devenu un néo social-démocrate. Et Laurent Fabius?


Bonne matinée.

22 août 2008

Le droit au deuil.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je suis ce soir troublé, et j'aimerais que vous m'aidiez à y voir plus clair. Deux décrets sont parus au Journal Officiel, instaurant un "droit au deuil". L'expression m'a d'abord surpris: le deuil n'est pas un "droit", c'est une pratique de civilisation, qui fait qu'on affiche sa tristesse quand l'être aimé meurt. Parler de "droit" dans une circonstance tragique est tout à fait étrange. Un droit est un recours éminemment positif. Le deuil, on aimerait tellement s'en passer! En tout cas, c'est une attitude morale, un comportement éthique et social, qui n'a rien à voir avec le droit, la juridiction. Un droit, c'est quelque chose qu'on réclame: réclamer le deuil, ça n'a pas de sens.

J'ai donc essayé de comprendre, j'ai compris, mais mon trouble, mon inquiétude ne sont pas pour autant dissipés. Le deuil est celui du foetus mort-né entre la 16ème et la 22ème semaine de la conception. Les parents, pour "faire leur deuil", demande la possibilité d'inscrire l'enfant dans le livret de famille, de lui donner un prénom et des funérailles. Ce foetus n'obtient pas pour autant la personnalité juridique, l'avortement (qui se fait jusqu'à la 12ème semaine) n'est pas remis en cause. Ce qui est simplement reconnu, c'est "l'acte d'enfant sans vie". L'intention est bonne, la finalité peut sembler humaniste, et pourtant je demeure inquiet et troublé. Pour six raisons:

1- Je pressens quelque chose de morbide, de macabre là-dedans. Comment peut-on donner un nom à un foetus, qui plus est un foetus mort? Expliquez-moi, je ne comprends pas. Le nom est réservé à la personne vivante. Il est morbide de vouloir nommer les morts.

2- De même, organiser des funérailles pour un foetus me semble une entreprise étrange. Depuis que l'humanité existe, elle enterre ses créatures qui naissent, qui vivent et qui, un jour, meurent. Mais le mort-né n'a pas eu le temps de vivre, sinon d'une vie purement biologique, sans cette dimension spirituelle qui fait la grandeur de l'homme. Nous ne sommes tout de même pas essentiellement un amas de cellules!

3- L'avortement n'est pas remis en cause, soit. Mais qu'est-ce qui empêchera de baisser la limite de la 16ème semaine? Pour un chrétien, l'embryon est une personne. Au nom de quoi "l'acte d'enfant sans vie" serait accordé au foetus et pas à l'embryon?

4- L'argument le plus recevable, c'est la souffrance des parents et cette incapacité qu'ils auraient à "faire leur deuil". Toute souffrance mérite qu'on la respecte, qu'on la comprenne et qu'on la soulage. Mais mon métier, excusez-moi, c'est de me poser des questions: depuis que le monde est monde, il y a eu, et par le passé beaucoup plus qu'aujourd'hui, de nombreux foetus morts-nés. Les mères en souffraient-elles? Simplement comme on peut souffrir d'un drame de la nature, mais sans la douleur contemporaine d'échapper au deuil. La revendication de ce droit étrange n'existait pas. Bref, perdre un enfant faisait partie de la vie, et personne ne s'en offusquait fondamentalement.

5- Et puis, en quoi la souffrance serait-elle un critère de vérité? Faut-il nécessairement accéder aux revendications d'une personne parce qu'elle souffre? Notre société émotive répond que oui, je réponds que non, parce que j'essaie d'être dans une démarche rationnelle et non sentimentale. La souffrance n'est jamais bonne conseillère. On ne devrait pas la suivre. Le remède qu'elle exige est peut-être pire que le mal. Je laisse les spécialistes, les psychologues trancher la question du deuil pour les foetus morts-nés.

6- Enfin, comment ne pas penser que notre société est à la fois celle de l'enfant-roi (qui fait que toute mort d'enfant nous apparaît comme un scandale) et celle de la satisfaction de tous les désirs. Or, l'enfant, et c'est complètement nouveau dans l'histoire de l'humanité, est devenu l'objet d'un désir, alors qu'il était autrefois le résultat, voulu ou non, de la reproduction. "Faire son deuil", en l'occurrence, n'est-ce pas plutôt faire le deuil de son propre désir, qui n'a pas été satisfait, qui n'est pas arrivé à terme? Auquel cas le "droit au deuil" ne serait que la marque du narcissisme contemporain qui n'accepte pas qu'un désir soit contrarié.

Voilà mes interrogations, mes doutes, mes inquiétudes. Mais ce blog est fait pour ça. Et vous, qu'en pensez-vous?


Bonne soirée.

Quelle rentrée sociale?

La rentrée gouvernementale, c'était hier, la rentrée politique, c'est ce week-end avec les premières universités d'été (Verts, LCR), la rentrée parlementaire, c'est dans un peu plus d'une semaine. Et tout le monde attend bien sûr la rentrée sociale! Mais celle-ci est moins officielle que les trois autres. Chaque année, on se demande si elle sera "chaude". Elle est insaisissable, tout dépend du "climat" social, qui est aussi peu prévisible que celui de la météorologie. Des hypothèses, des probabilités, des tendances sont cependant discernables.

Je vous livre le fond de ma pensée: la mobilisation sociale sera difficile, sauf erreur de parcours, toujours possible. Les réformes les plus régressives ont été débattues et adoptées l'an dernier, la riposte n'a pas été suffisante pour faire reculer le gouvernement. Je ne parle même pas de la loi TEPA, plus connue sous le nom de "paquet fiscal", votée pendant l'été 2007, qui est le véritable socle de classe de la majorité. Nicolas Sarkozy venait d'être élu, tout pouvait passer, et l'intéressé l'a bien compris. Mais trois thèmes, emblématiques pour la gauche, ont été traités dès l'automne 2007: la retraite (fin des régimes spéciaux), la grève (son usage limité dans les transports et les écoles), les 35 heures (dénaturées, c'est-à-dire supprimées). Sur ces trois gros dossiers, la droite, dans laquelle Xavier Bertrand a joué un rôle majeur, l'a emporté.

Que nous prépare-t-elle pour la rentrée, en matière sociale? Rien qui ne soit cette fois puissamment symbolique (c'est pourquoi je pense que la mobilisation sera difficile, parce qu'il y aura moins d'aspérités qui donneraient lieu à des prises). Il y a pire: les projets de lois auront une coloration sociale, dont le ministre du Travail se saisira pour peaufiner son image d'homme compétent et "progressiste" (ce n'est qu'une image!). Il sera directement en charge du texte sur les revenus du travail, qui vise à accorder un crédit d'impôt aux entreprises qui intéresseront leurs salariés aux bénéfices. Une aide au transport entre le domicile et le travail est aussi envisagée, pour répondre à la hausse des carburants. Enfin, Martin Hirsch abordera la généralisation du RSA, le revenu de solidarité active.

Trois projets dont on voit mal en quoi il pourrait augurer le début d'une fronde sociale. Seul peut-être le plan de redressement de la Sécurité Sociale, qui va frapper les mutuelles et donc à terme augmenter les cotisations, pourrait susciter des protestations. De là à anticiper un soulèvement généralisé contre la politique gouvernementale, non, je ne crois pas. C'est pourquoi la rentrée sociale 2008 sera plus difficile pour la gauche et les syndicats, qui trouveront moins matière à protestation que l'an dernier. Heureusement que la politique est du domaine de l'imprévisible: c'est ce qui nous permet de ne jamais désespérer.


Bon après-midi.

Matière grise pour la rose.

Bonjour à toutes et à tous.

Je vous avais présenté, en début de vacances, quelques clubs de réflexion, des "think tanks" comme on dit aujourd'hui, qui s'efforce de rénover la social-démocratie. C'est une heureuse perspective en même temps qu'un regret: pourquoi le PS ne serait-il pas apte, en son sein, à organiser cette réflexion? Il est vrai que nous avons beaucoup d'autres choses à faire et que nous ne sommes pas tous sociaux-démocrates... Le Monde du 19 août revient sur ces cercles de pensée et en cite quelques-uns dont je vous avais recommandé la visite: Fondation Jean-Jaurès, Terra Nova (toutes les deux d'inspiration strauss-kahnienne), la République des Idées, Telos, également réformistes.

Deux ajouts cependant: l'Institut Edgar-Quinet, lancé par Vincent Peillon, d'abord tenté par l'aile gauche avec son NPS première manière, converti ensuite au "centrisme" de Ségolène Royal, et La Forge, l'un des rares "think tanks" qui alimente l'aile gauche, ce qui est aussi le signe de son assèchement intellectuel (ajouté à sa prédilection pour les activités partisanes plus que clubistes). De tradition, c'est plutôt la "deuxième gauche", ancêtre français du courant social-démocrate, qui pratique les clubs. La Forge est animée par Benoît Hamon (NPS maintenu) et Noël Mamère.

A côté de ces références, Le Monde nous donne quatre noms d'intellectuels, quadragénaires, qu'il n'hésite pas à présenter comme "les nouveaux penseurs de la gauche". Certains ont déjà fait parler d'eux, d'autres un peu moins, retenez-les, nous en reparlerons à coup sûr: il y a deux littéraires, Marc-Olivier Padis et Thierry Pech, et deux économistes, Philippe Askenazy et Eric Maupin. Bref, de la matière grise pour le Parti de la Rose, qui en a bien besoin.


Bonne matinée.

21 août 2008

Revoilà le mur.

Bonsoir à toutes et à tous.

Ce n'est pas encore le serpent de mer, bien qu'il n'existe pas lui non plus, mais il avait disparu depuis quelques semaines, le dernier conseil municipal n'en avait rien dit, ni la majorité à l'origine du projet, ni l'opposition qui a repris le dossier, et le revoilà, dans la presse, le Courrier Picard plus exactement, en plein mois d'août, mardi dernier: vous avez sans doute deviné, il s'agit du mur du stade Debrésie, premier gros dossier de la nouvelle équipe municipale, première polémique, premier piège. Je résume pour ceux qui viennent d'arriver sur ce blog et les renvoie, pour de plus amples détails, aux archives:

1- Pierre André, maire de Saint-Quentin, projette de construire un mur afin de protéger les joueurs et les spectateurs du stade confrontés aux jets de pierre venant de l'aire d'accueil des gens du voyage.

2- Olivier Tournay, conseiller municipal communiste, qualifie ce projet de "mur de la honte", dans la presse, deux jours avant la réunion du conseil municipal qui doit l'entériner.

3- Carole Berlemont, conseillère municipale socialiste, reprend la thèse de la discrimination lors du conseil.

4- Pierre André, excédé, renonce à faire adopter le projet, qu'il confie... à l'opposition. Celle-ci ne réagit pas, ne refuse pas ce qui apparaît tout de même comme un cadeau empoisonné.

5- Antonio Ribeiro, conseiller municipal MRC, ajoute à la confusion (et au comique de situation) en se déclarant, quelques jours plus tard, partisan de... deux murs.

6- Carole Berlemont se rend sur place en compagnie de France 3 Picardie et confirme son opposition à la construction du mur.

Voilà où nous en étions juste avant les vacances d'été. Qu'y a-t-il de nouveau maintenant?

a- L'aire d'accueil des gens du voyage est fermée, depuis le 25 juillet jusqu'à la mi-septembre, pour travaux. Frédérique Macarez, directrice de cabinet de Pierre André, explique: "Maintenant, nous mettons aux normes, point. Nous n'avons plus envie de faire d'efforts alors qu'il n'y a plus de dialogue possible".

b- Et la construction du mur? La directrice de cabinet en reste à la position du maire en conseil municipal: la balle est dans le camp de l'opposition, Frédérique Macarez attend des propositions... qui ne sont pas encore venues.

c- Côté opposition, le point de vue est différent, selon son chef de file, Jean-Pierre Lançon: "Nous évoquerons la question quand elle sera posée". De fait, elle ne l'a pas été lors du dernier conseil municipal. Mais n'était-ce pas à l'opposition de la poser, puisqu'elle est désormais chargée du dossier?

d- Jean-Pierre Lançon annonce que le problème du mur pourrait être évoqué en "questions diverses", lors du prochain conseil municipal. Sauf que la rubrique "questions diverses" n'existe pas dans le déroulement d'un conseil municipal (j'ai assisté à suffisamment de séances pour affirmer que j'ai rarement vu des "questions diverses" abordées, un conseil municipal n'étant pas un conseil d'administration). Mais c'est au bon vouloir de celui qui préside le conseil, en l'occurrence le maire.

Pierre André laissera-t-il cette occasion à l'opposition? Je n'en sais rien mais j'en doute. Il attendra, à l'instar de sa directrice de cabinet, que les propositions viennent sur son bureau, refusera tactiquement d'en faire un débat public, et conclura que les propositions de l'opposition sont inexistantes et inapplicables, ce qui lui donnera toute légitimité pour entreprendre la construction du mur. Je m'avance beaucoup, je peux me tromper, mais je vous donne mon avis, puisque c'est la règle de ce blog.

e- Pas de propositions? Si, quelques-unes sont avancées par le chef de file de l'opposition: d'abord "reconstruire la palissade existant entre l'aire et le stade". Bref, le mur non, mais la palissade oui. "Ensuite, envisager une médiation avec des animateurs de quartier formés pour ce genre de problème". Pourquoi pas, mais il semble que la solution ait déjà été essayée par la municipalité, sans résultat. Enfin, "une aire de jeu pour les enfants". Ces propositions vont-elles convaincre Pierre André d'abandonner la construction du mur? Réponse sans doute au prochain conseil municipal.


Bonne soirée.

Le devenir de l'OTAN.

Le point commun entre la guerre en Géorgie et en Afghanistan, c'est le rôle que doit désormais avoir l'OTAN. L'organisation politico-militaire n'en finit pas de s'étendre et les anciens pays communistes, telle la Géorgie, rêvent de l'intégrer, pour leur sécurité. Que doit faire la France? Laisser chaque pays se décider sans donner son avis, demeurer spectatrice des évolutions en cours? Encourager l'adhésion alors que la France ne fait pas partie de l'OTAN? La décourager au risque de vulnérabiliser ces pays, à la façon de la Géorgie?

Pour l'Afghanistan, questions différentes mais liées également à l'OTAN: l'organisation nord-atlantique élargit contestablement son action au Moyen-Orient, qui excède sa zone d'intervention. La France participe à la coalition internationale et se retrouve immanquablement dépendante des décisions militaires américaines, alors qu'elle a quitté le commandement intégré de l'OTAN en 1966 pour ne pas être confrontée à cette situation.

Ce problème de la France à l'égard de l'OTAN est aussi celui de l'Europe. Celle-ci n'a pas de défense unifiée, pas d'armée commune, par conséquent aucune ligne précise et claire de politique étrangère. On l'a vu, une fois de plus, par rapport à la Géorgie. Nous pouvons craindre que cette situation ne perdure encore quelques décennies. L'embryon d'armée européenne est bien loin de faire une structure militaire adulte.

Pourtant, d'une certaine façon, l'Europe a une défense organisée, celle de l'OTAN, constituée par 26 pays dont l'écrasante majorité sont européens, mais sous protection américaine. Ainsi est née après la guerre l'OTAN contre la menace soviétique, ainsi continue-t-elle à se déployer malgré l'effondrement de l'idéologie contre laquelle elle se dressait. Que doit faire la France? Pour répondre à la question, il faut considérer trois faits:

1- La France est à la fois dans et hors l'OTAN, membre de son commandement politique, fidèle à l'Alliance atlantique, mais absente de son commandement militaire. Cette distinction n'est-elle pas devenue aujourd'hui, avec la multiplication des interventions militaires internationales (Golfe, Kosovo, Afghanistan) une contradiction?

2- La décision de quitter l'OTAN, prise en 1966 par de Gaulle, n'était pas motivée (je le dis à mes camarades socialistes) par des intentions progressistes, mais par le souci de la grandeur nationale (qui n'est pas précisément une valeur de gauche) et par cohérence avec la stratégie de dissuasion nucléaire (que la gauche a combattue pendant plusieurs années).

3- L'OTAN d'aujourd'hui, de par les évolutions du monde et l'élargissement de l'organisation, n'a plus grand-chose à voir avec l'OTAN de 1966, même si la prédominance américaine demeure problématique pour un Européen (qui plus est un Français!).

A partir de ces différentes considérations, le Parti socialiste aurait tort de ne pas se poser la question de notre réintégration dans la structure militaire de l'OTAN, à la condition que celle-ci s'adapte aux nouvelles normes du monde, qu'elle rompe notamment avec son anti-soviétisme, qu'elle revoit ses missions, qu'elle repense son concept de sécurité internationale, que s'articulent et se précisent les rapports entre l'Europe et l'OTAN.

Ce qui fait, je le conçois, beaucoup de conditions pour répondre à une question dont je ne préjuge nullement la réponse. Mais il n'est pas interdit à un parti politique de se poser des questions, surtout quand il est de gauche et que la droite, sur ce point (comme sur bien d'autres?), l'a fait avant lui, et quand l'actualité la plus tragique y incite fortement.


Bonne fin d'après-midi.

Un jeune homme pressé.

Xavier Bertrand est "un jeune homme pressé". Ce n'est pas moi qui le dit, ni un adversaire politique du ministre, mais le journaliste du Figaro Bruno Jeudy, dans son article de lundi dernier, "Xavier Bertrand dans le grand bain", le bain de la plage de Saint-Quentin, mais surtout le bain de l'ambition politique, à travers quatre rendez-vous, quatre objectifs:

1- Xavier Bertrand présentera à la rentrée, devant le Parlement réuni en session extraordinaire, son texte sur la participation et l'intéressement des salariés. C'est un thème gaullien qui lui permettra de soigner son image "sociale", élément-clé dans sa stratégie de conquête du pouvoir.

2- Deuxième élément-clé de cette stratégie, la conquête du parti: "Le parti, c'est passionnant", avoue Xavier Bertrand. C'est d'ailleurs sa vraie passion, après celle du pouvoir, l'une conduisant à l'autre. Et ce parti dont il est le secrétaire-adjoint, l'UMP, il veut en faire "le parti le plus moderne d'Europe". Mais à Saint-Quentin, chut... Xavier n'est pas un homme d'appareil. A la limite, il serait presque "apolitique", si on le forçait un peu.

3- La priorité donnée au parti, le soin accordé à l'apparence "sociale", ça donne quoi? Un débat à venir dans les rangs de l'UMP sur la rémunération des dirigeants des entreprises, les fameux "parachutes dorés". Et puis un autre débat sur la réforme des échelons territoriaux, qui s'avère délicat: il faut simplifier les structures sans fâcher les élus. Xavier Bertrand a déjà esquissé une direction: plutôt que de supprimer le Conseil général (car tout le problème est là), l'inclure en quelque sorte dans un Conseil régional transformé. Une piste ma foi intéressante, tellement la suppression sèche et brutale de l'échelon départemental semble inconcevable.

4- Une ambition politique digne de ce nom regarde au-delà de nos frontières, cherche la reconnaissance du côté de l'étranger. Xavier Bertrand se rendra donc en Israél, Egypte, Japon... sans oublier l'Auvergne, pour se réconcilier avec Brice Hortefeux! Car si l'ambition politique se mesure au nombre d'ennemis qu'on se fait, elle s'évalue aussi au nombre d'amis qu'on réunit autour de soi.

Bruno Jeudy termine sur une question: "Le méthodique Xavier Bertrand voit loin. Trop loin?" C'est parfois ce qui arrive quand on est "un jeune homme pressé".


Bon après-midi.

L'aile gauche light.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai lu attentivement la contribution socialiste de Benoît Hamon, pour deux raisons: il sera peut-être le prochain leader de l'aile gauche du PS, il peut faire un bon score dans l'Aisne au vu du nombre (inattendu) de ses signataires dans ma fédération. J'ai retenu quelques points significatifs dans son texte:

1- "L'avenir du PS ne peut pas être le passé de la social-démocratie" (p.113). Je peux m'accorder avec ça, mais en précisant: cet avenir sera quand même celui de la social-démocratie. Car son passé, le vieux système distributif national, je suis bien conscient qu'on ne peut pas le reproduire en l'état. Sauf que Hamon n'apporte pas cette précision, ne se situe visiblement pas dans la lignée, même transformée, de la social-démocratie européenne.

2- "Débattons d'abord, nous choisirons ensuite celui qui est le mieux à même de porter nos convictions" (p.114). Accord total: respecter l'ordre le plus logique, qui va du projet au leader, et non l'inverse. Pas de "sauveur suprême" au PS! Accord de même sur la nécessité d'un "Parti de la Gauche" (p.125).

3- "Il ne peut pas y avoir de consensus sur la "réforme" du modèle social" (p.116). L'affirmation est un peu brutale. L'opposition gauche-droite n'est pas un "impératif catégorique", pour reprendre l'expression du philosophe Kant, c'est une contradiction naturelle qui n'a pas besoin d'être forcée. Entre gauche et droite, la conception de la réforme sociale n'est pas la même, il n'y aura jamais consensus global, mais s'il peut y avoir des points précis de consensus, qui ne sont pas à rejeter a priori.

4- La contribution stigmatise à de nombreuses reprises le "libre échange", qui semble remplacer, dans la dialectique de Hamon, le "libéralisme" et le "capitalisme", avec la même ambiguïté: le libre échange est-il synonyme de marché? On peut penser que oui quand il dénonce le "jusqu'au-boutisme libéral de l'Union européenne" et son "culte idolâtre du libre échange" (p.117). Je crains qu'on ne retombe ici dans le débat sur la "concurrence libre et non faussée" qui fit scandale dans la Constitution européenne alors qu'elle est un mécanisme banal de l'économie de marché.

5- Sur la réforme des retraites, qui est un marqueur très fort pour la gauche de la gauche, Hamon est plutôt modéré, ne demandant pas nécessairement le retour à ce qui a existé pendant plusieurs décennies: "A l'instar de la Cour des comptes, nous suggérons de taxer les stock-options", même si je ne suis pas sûr que ce soit suffisant.

6- La contribution propose une extension des services publics en imaginant "de nouvelles socialisations" concernant l'énergie, l'eau, la petite enfance et le logement (p.120-121). Pourquoi pas, c'est à examiner, au cas par cas, je pense notamment à la petite enfance où il me semble qu'il y a urgence. Mais là encore, je redoute le vocabulaire de substitution, "socialisation" renvoyant à "nationalisation", alors que le problème n'est plus entre privatiser ou nationaliser mais dans le choix de l'un ou de l'autre quand la finalité et l'efficacité le réclament.

7- "Les socialistes n'ont pas d'ennemis à gauche" (p.125): dit comme ça, rapidement, je veux bien. Mais quand j'y réfléchis, la phrase veut dire quoi? Qu'avec Besancenot, on pourrait éventuellement s'entendre, alors que je suis persuadé que c'est politiquement impossible. Et puis, des ennemis à gauche, nous en avons, et ce n'est pas nous qui les choisissons, ce sont eux qui nous désignent à leur vindicte. Lisez les brochures d'extrême gauche, vous comprendrez.

8- "Nous affirmons notre refus de tout renversement stratégique des alliances" (p.125). C'est clair, pas d'alliance avec le MoDem (qui d'ailleurs n'exige pas un "renversement stratégique des alliances" mais leur extension). Je ne peux pas approuver cette orientation-là.

Pour résumer, la contribution de Benoît Hamon et Henri Emmanuelli s'ancre incontestablement dans la sensibilité de gauche du Parti et me parait en ce sens difficilement compatible avec la démarche social-démocrate des Reconstructeurs ou la démarche centriste de Ségolène Royal. Mais de tous les textes de l'aile gauche, c'est le plus ouvert, le moins abrupt, certains diraient le plus ambigu. C'est notre aile gauche light.


Bonne matinée.

20 août 2008

La plage en baisse.

Bonsoir à toutes et à tous.

La plage de l'Hôtel de Ville à Saint-Quentin a fermé dimanche soir, avec le bilan très attendu de Xavier Bertrand, la fameuse plage ayant été l'objet de plusieurs polémiques durant l'été (rémunération des animateurs, incivilités des visiteurs, fréquentation en baisse). Qu'en a conclu le maître des lieux, chiffres à l'appui? "C'est un bon cru", voilà ce qu'il faut retenir. Mais entrons un peu dans les détails:

1- 428 400 passages sont comptabilisés. C'est le chiffre-clé, très impressionnant. Vraiment? On a l'impression d'une participation massive, qu'il faut pourtant très fortement nuancer, car il ne s'agit que de "passages", là où on a tendance à voir le nombre des visiteurs. Auquel cas ce serait véritablement impressionnant. Mais ce n'est pas le cas. Si je vais à la plage 10 fois durant l'été, je serai compté pour 10 passages (alors qu'il n'y a qu'une seule et même personne).

2- Mais il y a pire, si j'ose dire. Les "passages" ne sont pas dénombrés à l'entrée de la plage mais pour chaque activité. Si la même personne, avec ses enfants, participent à plusieurs activités, cela multiplie d'autant les "passages". Bref, le chiffre de 428 400 est tout aussi impressionnant (c'est fait pour ça) qu'insignifiant (il ne veut pas dire grand-chose, la seule statistique sérieuse concernerait la fréquentation des visiteurs, pas les passages multiples).

3- Soyons bon prince, admettons le mode de calcul du seigneur des lieux. 428 000 passages cette année contre 447 500 l'an dernier, soit une baisse de 19 500. Ce n'est pas rien, tout de même! C'est même une alerte, un signe un peu inquiétant. Croyez-vous que Xavier Bertrand va l'admettre, éventuellement faire son autocritique? Non, ce n'est pas le genre de la maison. Alors, quelle est son explication?

4- Le temps peu clément, voilà le responsable, le coupable. C'est vrai, le temps a été maussade cet été. Mais l'an dernier, croyez-vous qu'il ait été plus ensoleillé? Non. Je m'en souviens très bien, le mois d'août a été détestable. L'argument de la météo apparait pour ce qu'il est, un mauvais prétexte.

5- Car cette année, pour corser le tout, la plage n'est pas restée ouverte 40 jours comme les années précédentes, mais 51 jours. 11 jours supplémentaires, ce n'est pas, là non plus, rien du tout! Et pourtant les passages sont en baisse très net... Il y a donc un problème quelque part, que Xavier Bertrand ne veut pas reconnaître, un homme aussi compétent ne pouvant pas se tromper.

6- Ce qui est curieux, c'est que l'adjoint à l'animation nous explique que la plage 2009 sera différente, mieux adaptée aux très jeunes enfants, avec une pataugeoire, des "nocturnes", un décor "port de pêche". C'est bien, toutes ces idées. Mais pourquoi ne pas les avoir eu avant? Et puis, n'est-ce pas le signe d'un essoufflement, qu'il faut compenser par de nouvelles attractions?

7- 94,5% des participants sont satisfaits de la plage. Sans doute, mais qu'est-ce que ça prouve? Si ce chiffre se suffisait à lui même, Xavier Bertrand ne chercherait pas à améliorer la plage pour l'an prochain, devant un tel taux de satisfaction. En vérité, ceux qui n'apprécient pas ne reviennent pas et ne sont donc pas là pour dire qu'ils sont mécontents!

8- Derniers chiffres: un tiers seulement des visiteurs ne sont pas Saint-Quentinois et 45% ne partent pas en vacances cet été. Quand Xavier Bertrand proclame "Notre cible, c'est toujours la même: nous voulons offrir des vacances gratuites aux Saint-Quentinois", il ferait mieux de se taire. Quand on reste dans sa ville parce qu'on n'a pas les moyens d'aller ailleurs et qu'on se rend sur la plage de l'Hôtel de Ville, personne ne fera croire que vous partez en "vacances gratuites". Sauf Xavier Bertrand. De qui se moque-t-il? Partir en vacances, c'est aller ailleurs, comme lui en Corse.

9- Une dernier chose: comme Xavier Bertrand est très sympa, il joue au foot, en invitant les animateurs et les journalistes. Sauf que ni les uns et les autres n'ont répondu à la gentille invitation. Je vous laisse deviner pourquoi... Du coup, l'adjoint au maire s'est retourné vers les jeunes de... l'UMP. Bref, une plage cette année en baisse et très politisée.


Bonne soirée.

Rester mais changer.

Mon camarade Gérard Filoche fait circuler une pétition pour demander le retrait immédiat des troupes françaises d'Afghanistan. Je ne signe bien sûr pas. Ce n'est pas au moment où notre pays, à travers son armée, est mortellement attaqué qu'il faut partir. Quel sens aurait ce désengagement pour ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie? Nous sommes là-bas, comme l'a rappelé Nicolas Sarkozy, parce que nous devons marquer politiquement notre solidarité dans la lutte contre le terrorisme, même si nos effectifs sur le terrain sont réduits par rapport à ceux de l'armée américaine. N'oublions pas non plus l'origine de cet engagement, celui de l'OTAN dont nous faisons partie, à la suite des attentats criminels du 11 septembre 2001 sur Manhattan: le mandat accordé par l'ONU afin de renverser le régime terroriste des Talibans.

Le problème (ou la solution) n'est donc pas dans un retrait immédiat mais dans le sens que nous donnons à notre présence en Afghanistan et l'efficacité qui en résulte. Abattre le régime taliban, libérer la population de l'oppression islamiste, instaurer un début de démocratie sont une chose, mais la tournure prise par les événements en est une autre, beaucoup plus contestable. Car une libération qui se prolonge est vite perçue, par le peuple, comme une occupation, même si les autorités afghanes les plus officielles réclament le maintien de cette présence, pour se protéger des Talibans en mal de revanche. Veillons à ce que le remède, avec le temps, ne se transforme en mal. Tout le monde le sait, Nicolas Sarkozy le premier, et il l'a reconnu pendant sa campagne présidentielle: une armée extérieure ne peut pas l'emporter contre un adversaire intérieur.

Cette règle militaire est d'autant plus vraie lorsque l'adversaire n'en est pas vraiment un, que la guerre n'est pas un conflit traditionnel. Le terrorisme islamiste est une nouvelle forme de nihilisme, une haine de la modernité, un rejet du monde tel qu'il est, qui débouche sur une volonté de destruction, d'anéantissement, sans véritable projet politique (et que je distingue totalement de la religion musulmane). Contre un Etat en guerre, on peut négocier. Pas avec des terroristes qui se battent masqués. Ce n'est donc pas une intervention militaire traditionnelle qui peut les vaincre. La grande victoire n'est pas entre les mains de l'US Army dans les montagnes d'Afghanistan mais de la CIA lorsqu'elle trouvera et arrêtera l'insaisissable Ben Laden. Contre le terrorisme, le renseignement est plus puissant que les divisions de chars.

C'est pourquoi le Parti socialiste, en avril dernier, a déposé une motion de censure pour refuser le renforcement du contingent militaire français en Afghanistan de 700 hommes, craignant l'engrenage et l'enlisement. Certes, avec ou sans cette augmentation de nos troupes, l'attentat se serait hélas produit. Mais cette tragédie doit nous donner l'occasion de rediscuter de notre politique dans la région, qui ne peut plus être ce qu'elle était, la situation ayant changé. Cette remarque ne condamne pas toute intervention militaire, pourvu qu'elle soit ponctuelle, provisoire, autorisée par l'ONU et réclamée par les représentants locaux, telle l'intervention au Koweït en 1991.


Bonne fin d'après-midi.


PS: pour les passionnés des questions militaires, je conseille vivement la lecture du blog de Jean-Dominique Merchet, un journaliste de Libé que j'ai croisé il y a une bonne vingtaine d'années... : http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/

Recentrage à gauche.

Bonjour à toutes et à tous.

Marie-Noëlle Lienemann donne un important entretien à Libération ce matin. Important parce qu'il amorce une évolution de la gauche du PS en vue du congrès de Reims. Jusqu'à maintenant, notre aile gauche était dans l'expectative, observatrice plutôt qu'actrice, seuls Mélenchon et Filoche appelant vainement à l'unité.

Pourquoi? Parce que leur grand homme, leur leader présentable, leur présidentiable potentiel, Laurent Fabius, était dans l'attente, "sage actif", comme il se définissait, ce qui ne porte pas vraiment à l'enthousiasme. Aujourd'hui, les choses sont tranchées: Fabius ne songe plus à représenter l'aile gauche depuis qu'il a compris qu'elle ne serait plus jamais majoritaire et qu'il ne fallait pas rêver aux années 70 quand on approche de 2010.

Du coup, l'aile gauche se recentre à gauche. C'est ce qui transparait dans les propos de Lienemann à Libé, avec trois affirmations-clés:

1- L'actuel recomposition au sein du Parti est jugée "sordide". Le mot est très fort, il évoque le dégoût, et c'est sans doute ainsi que Lienmann perçoit les rapprochements dans lesquels la gauche du PS n'a aucune place: entre Hollande et Royal, entre Moscovici et Aubry, Delanoë et Fabius restant attentifs à ces mouvements, mais jamais ne songeant à se tourner vers leur gauche.

2- Lienemann demande que "la gauche du PS soit l'axe de la future majorité". C'est un voeu pieux, mais l'essentiel est dans ce qu'il signifie politiquement: cette gauche se recentre sur elle même, elle ne cherche pas à être un élément à l'intérieur d'une majorité (à la différence des fabiusiens).

3- Pour couronner le tout, pour confirmer mon analyse sur le recentrage de l'aile gauche, Lienemann avance un nom pour être premier secrétaire national, ce n'est pas Fabius, ce n'est pas non plus Aubry, c'est Benoît Hamon, la figure la plus acceptable, la plus ouverte de l'aile gauche, la plus fédératrice.

Il semble donc, à en croire cet entretien, que Marie-Noëlle Lienemann et les néo-poperénistes ont rompu avec la stratégie des Reconstructeurs, à laquelle ils étaient encore associés en juin. Ce n'est pas pour m'étonner... ni pour me déplaîre, car le pire en politique, c'est l'absence de clarté, c'est l'opportunisme à la petite semaine. Franchement, je ne vois pas ensemble, apposant leur signatures au bas d'un même texte, Lienemann et Moscovici.

Nous allons donc, si les évolutions en cours se poursuivent et se confirment, vers l'agrégation des forces entre trois pôles:
- Un rassemblement de centre gauche autour de Royal-Hollande.
- Un rassemblement social-démocrate autour de Moscovici-Aubry.
- Un rassemblement de la gauche socialiste autour de Hamon-Lienemann.

Dans une telle configuration, il est probable que Delanoë et surtout Fabius se rallieront au pôle social-démocrate, pour éviter la marginalisation. A moins que ce pôle ne parvienne pas à s'imposer, que Delanoë soit le plus fort, alors le ralliement se fera en sens inverse. Au final, nous retrouverons ces trois orientations. Mais tout ceci n'est que pure conjecture, qui supposerait qu'il y ait une logique en politique, ce qui est rien moins que certain. Ou plutôt il y a plusieurs logiques, qui parfois se contrarient, et ne triomphe pas nécessairement celle qu'on voudrait.


Bon après-midi.

19 août 2008

Le monde et la mort.

Bonsoir à toutes et à tous.

Les tragédies françaises, depuis plusieurs décennies, depuis que nous sommes entrés dans la société moderne de consommation, ne sont plus que personnelles, domestiques ou naturelles. Nous en avons eu quelques exemples cet été: des enfants morts abandonnés dans les véhicules par leurs parents, une tornade qui dévaste une petite ville du Nord. Nous ne vivons plus de tragédies politiques, depuis que la démocratie a pacifié la lutte pour le pouvoir, que l'élection a remplacé la violence et le crime, que la guerre elle-même a été proscrite, sauf en extrême nécessité.

La société contemporaine est en quelque sorte sortie de l'Histoire, où la violence, le crime, la guerre sont la pâture ordinaire. C'est pourquoi, bien souvent, la politique a perdu de son crédit, ne passe guère pour sérieuse, tombe dans le Clochemerle, parce qu'elle n'a plus ce fond tragique sur lequel elle s'activait et qui faisait sa grandeur... et sa cruauté. Tant qu'on n'a pas un fusil pointé sur soi ou un poignard qui rôde, le militantisme est une activité banale, dérisoire, parfois ridicule. On a beau "se la jouer", et j'en sais quelque chose, ça ne change rien fondamentalement.

Mais si nous avons quitté l'Histoire, nous sommes toujours dans le monde, et plus encore à l'âge de la mondialisation, ce monde qui nous fait peur parce qu'il représente tout ce avec quoi nous avons rompu, tout ce que nous voulons oublier: la violence, la terreur, la mort. Cet été, le monde nous a rappelé son existence, et que nous en faisions complètement partie: tout a commencé avec ce satané Tibet, qui vient gâcher nos chers JO, pour nous dire qu'il n'y a pas que le sport dans la vie, quand un peuple, au Tibet, est écrasé et quand un autre, en Chine, est privé de démocratie. Il y a eu ensuite la Géorgie, et la prise de conscience que le monde était un terrain d'affrontement entre des empires dont les petits pays font les frais, sous le regard d'une Europe désespérément impuissante, tout juste un peu influente.

Enfin, aujourd'hui, le plus tragique dans le tragique puisque la France est directement touchée, la mort de 10 de nos soldats, et 21 blessés, en Afghanistan, où 3 000 Français se battent contre les Talibans. Nous sommes un pays en guerre et nous l'avons oublié, parce que la guerre est loin, parce qu'elle se cache derrière cet euphémisme bien dans l'air du temps: une "intervention militaire", pour ne pas prononcer le mot qui fait peur, la guerre. Nicolas Sarkozy a eu raison de se rendre sans attendre sur place. La même journée, dans d'autres points du monde, la terreur a frappé, en Algérie avec 43 morts, au Pakistan avec 13 morts. Dans les trois attentats, une même logique de terreur, l'islamisme, qui a remplacé, comme puissance de subversion, le nationalisme et le communisme. De la révolution au terrorisme, voilà où nous en sommes, voilà où nous a conduit l'Histoire.

C'est bizarre, depuis quelque temps, j'ai du mal à me remettre à la lecture des contributions socialistes, et j'ose à peine reparler de la fréquentation en baisse de la plage de Saint-Quentin. Il le faudra bien pourtant, demain ou les prochains jours. Sans refouler le monde, la terreur, la souffrance et la mort, en les regardant au contraire bien en face, mais sans non plus leur sacrifier la démocratie dans ce qu'elle a de plus commun (le congrès d'un parti) et de plus dérisoire (la plage de Saint-Quentin).


Bonne soirée.

Un lama très politique.

Le séjour du dalaï lama en France remporte un grand succès. Des milliers d'auditeurs se pressent à ses conférences, même lorsque l'entrée est de 15 euros. Le bouddhisme fait parler de lui, on évoque parfois ses millions d'adeptes français. Il y a pourtant un effet de mode dont il faut se distancier.

Les statistiques ne sont guère sérieuses parce qu'elles n'existent pas vraiment. J'étudie le bouddhisme depuis 22 ans, je dirais que ces adeptes dans notre pays ne sont que quelques dizaines de milliers, en excluant la communauté asiatique, dont la pratique est souvent traditionnelle, ne relevant pas d'une option philosophique ou spirituelle. C'est simple: demandez autour de vous qui connaît un bouddhiste authentique, pratiquant régulier. Vous en trouverez très peu, sinon aucun.

Je vais dire les choses brutalement: le dalaï lama ne m'intéresse pas comme chef religieux, son bouddhisme, vajrayana, n'est pas le mien, theravada. A la rigueur, je peux me sentir proche du zen, que j'ai pratiqué (le soto de Deshimaru, pas le rinzaï), mais le bouddhisme tibétain ne m'a jamais séduit, et parfois il m'inquiète (sûrement à tort, par méconnaissance): trop ritualiste, trop mêlé aux superstitions locales, trop complexe, trop centré sur la personne du gourou.

Et puis, le dalaï lama comme incarnation vivante du Bouddha, qu'on repère enfant, décidément non, je n'accroche pas. Je ne veux pas vous entraîner ce matin dans des querelles théologiques (pour parler à l'occidental), mais le theravada, bouddhisme des origines, me semble plus fidèle au message de l'Eveillé que sa version tibétaine, passablement dégénérée. Ce qui n'enlève rien, soyons clair, à la hauteur spirituelle du bouddhisme tibétain. Simplement, je ne m'y reconnais pas.

En revanche, le dalaï lama m'intéresse en tant que chef politique. D'abord parce qu'il représente le Tibet, qu'il en est la voix la plus autorisée, mondialement écoutée et respectée. Ensuite, et c'est moins connu, parce qu'il tient des propos politiques sur d'autres sujets, comme n'importe quel autre homme politique, et des propos qui ne manquent pas d'originalité, par exemple à Nantes le 15 août:

La violence est-elle concevable face à la Chine? Non, le dalaï lama l'exclut totalement. En séparant la politique et la violence, il rompt avec des millénaires de pratiques politiques, rejoignant ainsi le régime démocratique, qui lui aussi proscrit la violence en politique, sauf que la démocratie n'applique cette règle qu'au niveau national, se réservant le droit de guerre à l'extérieur. Ainsi, le dalaï lama nous demande de fabriquer des logements au lieu de tanks!

Il propose que l'Europe déplace son siège en son centre, la Pologne (ce qui serait en effet logique, ce qui nous rapprocherait de ces peuples de l'Est, profondément européens, mais que les peuples de l'Ouest ont du mal à accepter parmi eux). Quant à la Russie, le dalaï lama suggère qu'elle rejoigne l'OTAN et que l'organisation atlantique se donne pour capitale Moscou. Encore plus fou? Qui aurait dit, il n'y a pas si longtemps, que certains pays ex-communistes adhèreraient au Pacte atlantique? Ne nous moquons donc pas des utopies politiques du dalaï lama. Elles apportent un peu de fraîcheur et ne manquent pas de pertinence, du moins sur l'Europe qui a vocation à se recentrer et sur l'OTAN qui doit s'élargir.


Bon après-midi.

No quad?

Bonjour à toutes et à tous.

Je vous recommande une excellente émission quotidienne, sur France-Culture, de 16h45 à 17h00, intitulée "Mythographies", qui s'efforce d'étudier, comme son nom l'indique, les mythes contemporains, plus précisément les objets qui se sont élevés, dans notre société contemporaine, au rang de "mythe", c'est-à-dire dont l'usage excède la simple utilité pour se hisser jusqu'au symbole. J'aurai l'occasion de vous en reparler, je voudrais seulement, aujourd'hui, souligner que parmi les 25 objets choisis, un au moins manque, le quad.

J'ai une boutique de quads à quelques mètres de chez moi, j'observe la bête, je réfléchis. Il y a 10 000 exemplaires en France, les premiers sont arrivés au cours des années 90, les ventes sont exponentielles, l'objet est incontestablement à la mode. Qu'est-ce qui plaît dans le quad, qu'est-ce qui alimente le succès de cet étrange engin? D'autant que l'interrogation sociologique se double d'une question politique (comme bien souvent, la sociologie annonce la politique): plusieurs associations de défense de l'environnement demandent l'interdiction de ce quad qui pollue, est bruyant, menace les piétons, détruit la faune, la flore et le sol. Pas marrant, le quad... Alors, pourquoi cet engouement? Comme bien d'autres objets contemporains, celui-ci est le produit et le révélateur de notre époque:

1- Avant d'être une chose, le quad commence par être un mot, et l'on sait combien les mots ont leur importance chez les êtres de langage que nous sommes. Quad, ce n'est pas LE mot, mais son diminutif, l'abréviation de quadricycle. Prononcez ce mot, quadricycle: ça ne la fait pas! On pense à tricycle, à une gaminerie. Quad, ça pète, ça fouette, ça flashe, on dirait un terme américain. Plaisir du mot avant celui de la chose, c'est notre époque.

2- A l'origine, le quad est un véhicule utilitaire, qui s'est transformé en objet de loisir à finalité plus ou moins sportive, c'est-à-dire quelque chose d'hybride, d'indéterminé, sans identité précise. Ce passage de l'utilité spécialisée à l'usage polyvalent se retrouve notamment dans le téléphone portable (talkie-walkie des ouvriers et des policiers à l'origine) ou le 4x4 (jeep militaire). La société moderne récupère, transforme et détourne les objets.

3- La pratique du quad est ostentatoire: l'objet, malgré sa taille (à cause de sa taille?), se voit, il est bruyant, son conducteur parade et pétarade, son corps se montre, il chevauche la bête, casqué, les passants se retournent devant ce curieux engin. Comme dans toute ostentation, le ridicule n'est jamais très loin. On sent que le conducteur du quad veut qu'on le voit, lui et son quad, lui sur son quad. Pourtant, ce petit véhicule ramassé sur lui même, avec ses roues énormes, son profil mastoc, son bruit désagréable et insupportable, n'a pas la beauté pour lui. Mais peu importe lorsqu'il s'agit de se montrer. Au contraire, l'incivilité fondamentale du quad est la marque de son narcissisme.

4- Ni sportif, ni esthétique, ni utilitaire, le quad est avant tout ludique. C'est un gros jouet pour adultes, c'est d'ailleurs la première idée qui me vient à l'esprit quand je l'aperçois. C'est un objet de plaisir, un speed toy comme il y a des sex toys (l'un des objets contemporains abordé dans "Mythographies"). Le quad nous rappelle que les citoyens d'aujourd'hui sont aussi de grands enfants, que la pratique du jeu se répand considérablement dans tous les secteurs de notre société.

5- Dernière caractéristique du quad, et comment ne pas y songer: son individualisme foncier, qui fait son succès. Avec cet engin, en ville, on se faufile entre les automobiles qu'on peut narguer, en campagne, le quad fonce et défonce, roule et laboure, sans nul autre critère, nul autre respect que l'excitation du conducteur. Manifestement, le quad a quelque chose de grossier, de barbare, expression de l'individualisme le plus sommaire, se défiant de toute règle, ignorant les parcours balisés, la végétation, les animaux, les piétons. Aux commandes de son quad, chacun se sent un petit Mad Max.

Quad et 4x4 ont de nombreux points communs, ils partagent les mêmes tares, mais le 4x4 est fondamentalement bourgeois, ce qui le distingue du quad, et son urbanité pose un problème politique plus sensible que les nuisances sociales et environnementales du quad. Alors, no quad? Je ne pense pas, je compte sur mes amis de l'UFOLEP, l'une des fédérations sportives qui organisent des courses de quad, pour réguler, encadrer, moraliser, socialiser, bref civiliser cette pratique sauvage.


Bonne matinée.