L'Aisne avec DSK

31 décembre 2007

Mes voeux.

Je ne suis pas très tradition; ce soir, je ne fais donc rien de spécial. Mais avant d'aller me coucher, d'avoir l'immense plaisir de m'endormir alors que la plupart vont boire, manger, crier, danser, s'agiter, je vous présente quelques voeux pour l'année qui commencera dans une demi-heure:

- Pour la France, qu'elle retrouve le chemin de la justice sociale, à laquelle la politique de Sarkozy tourne le dos.

- Pour l'Europe, qu'elle poursuive malgré tout sa construction, en adoptant le modeste mais utile traité qu'on lui propose, à défaut d'une vraie Constitution.

- Pour le monde, que la paix soit sa première préoccupation, en mémoire de Bénazir Butho.

- Pour mes camarades socialistes, qu'ils se redressent à l'occasion des élections municipales et qu'ils se rénovent au moment de leur congrès.

- Pour mes camarades socialistes saint-quentinois, qu'ils renoncent aux rapports de force, qu'ils acceptent de se parler, qu'ils cherchent à s'unir, qu'ils aient la volonté et l'ambition de gagner.

- Pour ce blog, une longue vie, et quelques prochains aménagements.

- Pour vous qui me lisez, que vous ayez en 2008 la force d'agir et de croire en ce que vous ferez, car je ne connais rien de plus grand et de plus beau.


Bonne première nuit 2008,
à demain.

Les voeux de Sarkozy.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je viens de regarder Sarkozy à la télé, dans ses voeux aux français. On annonçait du nouveau. A part le direct, je n'ai rien vu de nouveau. J'ai eu l'impression qu'il récitait. Y avait-il un prompteur? Sur le fond, ce diable d'homme a été bon, très bon, habile, très habile, comme à son habitude. Avec même une apparence de profondeur, c'est vous dire, quand il a parlé d'une "politique de civilisation", opposée à la pure et simple gestion. Pas mal trouvé. Il y a eu bien sûr l'indispensable couplet sur l'ouverture, à destination de l'électorat de gauche complètement déboussolé, et des mots de compassion, valeur très à la mode. Voilà, pas grand chose, mais bien dire, à l'aise, et avec beaucoup de conviction.

Que voulez-vous que je vous dise? Si la gauche ne se redresse pas très rapidement, et elle a du boulot devant elle, elle sera mangée par Sarkozy, c'est mon intuition ce soir, et ma crainte depuis longtemps. Pour les municipales et le congrès, il faudrait que les socialistes arrêtent les conneries (disputaillerie, incapacité à se rénover, retour des vieilles barbes, pitié, plus de ça!).

Car pendant ce temps-là, la droite continue à faire de la politique, et bien à droite, croyez-moi. Rien qu'aujourd'hui, nous apprenons par Hortefeux la constitution du fichier des étrangers expulsables, et par Bertrand, les 41,5 années de cotisations pour la retraite en 2020. Ca ne chôme pas au gouvernement, même la veille du Jour de l'An. Socialistes de Saint-Quentin et d'ailleurs, réveillez-vous, la gauche vous regarde, attend, compte sur vous!


Bon réveillon.

T'as du feu?

On ne parle que de ça, et on a un peu tort. Je préfèrerai qu'on critique, par exemple, les franchises médicales. Donc, je vais à mon tour en parler, ou plutôt en reparler: de la loi qui va interdire à minuit le tabac dans les cafés, restaurants, discothèques et casinos. Je l'ai dit, celle loi, je l'approuve, mais l'application, je la discute. Quelques remarques à ce propos:

1- L'interdiction en 2007 dans les lieux de travail ou de transport a été acceptée assez facilement parce qu'on ne choisit pas son travail ou son transport, qu'on ne peut pas faire autrement, qu'il faut donc que chacun y soit respecté, et ne pas enfumer le collègue de travail ou le compagnon de transport. En revanche, les lieux de loisirs, c'est autre chose, personne n'est obligé d'y aller, on peut choisir, et ce sont des lieux consacrés au plaisir, dont fumer fait partie.

2- Ce n'est pas fondamentalement une loi sanitaire (lutter contre les méfaits du tabac) mais une loi morale (le respect de la liberté du non fumeur), et à ce titre, je m'en réjouis. Si c'était une loi sanitaire, si le tabac "tuait", il faudrait immédiatement l'interdire, démanteler son commerce, ce que personne ne songe à faire. C'est l'abus qui est néfaste (tout comme l'alcool), pas le tabac en lui-même. Notre société, libérale à tout point de vue, ne supporterait guère un interdit s'il ne renforçait pas une liberté.

3- Si cette loi est faite pour la liberté, celle du non fumeur, elle devrait aussi, en vertu de ce principe de liberté , garantir celle du fumeur. C'est là où ça coince un peu: le fumeur, qui fait l'effort, la loi aidant, de respecter le non fumeur, aimerait qu'on le respecte aussi. Respect, respect, maître mot de la morale contemporaine! Le fumeur a le sentiment de devenir maudit ...

4- Une dérive n'est pas impossible, celle de la privatisation de la convivialité, la réduction de l'espace social que représentait le bistrot, la multiplication des clubs privés, des cercles fermés, des salons sélects, où cigares et cigarettes ne seront pas interdits.

5- Autre possibilité: que la loi se révèle inapplicable dans les milliers de débits de boissons qui font le charme de la France, une belle loi qui aura servi à presque rien, un peu comme le décret du 4 décembre 1793 (si vous ne savez pas de quoi il s'agit, reportez-vous à un billet précédent!).

6- Une autre solution que la présente loi était-elle envisageable? Je ne sais pas trop, mais notre société de liberté aurait pu trouver une mesure plus libérale, créer un label "établissement non fumeur", encourager son acquisition par des incitations fiscales, et laisser chaque citoyen décider dans quel endroit il souhaitait prendre un verre, avec ou sans fumée.


Bon après-midi.

L'image de la France.

Bonjour à toutes et à tous.

A quelques heures de la traditionnelle allocution télévisée du président de la République, je veux revenir sur l'image que Nicolas Sarkozy donne de la France au monde. Rappeler d'abord que faire de la politique, c'est être en représentation, d'un électorat qui vous mandate, d'une population qui vous accepte, de convictions qui justifient votre action. La représentation, c'est la preuve qu'on ne fait pas de la politique pour soi mais pour les autres. Ce n'est pas un vague et superficiel protocole, c'est un principe politique. De ce point de vue, un responsable politique, et encore plus le chef de l'Etat, n'est pas un citoyen comme un autre. Il a des devoirs d'Etat, des exigences de représentation.

Ce préambule me permet de reparler de l'équipée (sauvage!) de Sarkozy à Rome, flanqué de Jean-Marie Bigard, Guy Gilbert et Max Gallo. On a rigolé de ce barnum circus, un comique du genre pipi caca, un curé blouson noir et un ancien socialiste converti au catholicisme. Quand je vous disais, il y a quelques jours, que Sarkozy et Carla en lunettes noires sous le soleil d'Egypte semblaient sortir tout droit d'un film de Jean-Pierre Mocky, j'ai la même impression avec l'échappée au Vatican.

Soyons clairs: j'apprécie Bigard, que j'aimerais voir en spectacle, je ris en écoutant ses sketches; Guy Gilbert a une forte parole, des convictions solides et une action sociale utile; Max Gallo est un auteur dont j'apprécie les ouvrages de vulgarisation (j'ai été passionné par sa vie de Napoléon). Je ne porte donc pas de jugement sur ces trois personnes, et si j'avais à le faire, ce serait un jugement positif. Mais la question n'est pas là. Elle est dans l'utilisation que Sarkozy fait de ces trois personnes, de l'image qu'elles ont auprès du public, de l'image qu'elles donnent de la France en acceptant l'invitation du chef de l'Etat. Car la représentation, c'est une affaire d'image.

Or, la constitution de la délégation française auprès du pape était, au sens propre du terme, "déplacée", pour quatre raisons:

1- Le choix des trois "personnalités" était manifestement commandé par leur influence médiatique. Si Guy Gilbert a été retenu, c'est moins pour ce qu'il fait (ils sont nombreux à le faire) que pour son profil très médiatique. Je ne pense pas qu'il soit bon, juste et utile que le pouvoir politique se soumette à la logique des médias, que je respecte, qui a sa raison d'être mais qu'il ne faut pas mêler aux affaires de l'Etat.

2- Bigard l'a dit, Gilbert aussi: Sarkozy, c'est un "pote", et c'est aussi pour ça, l'amitié, qu'ils se sont trouvés du voyage. Non, la République, ce n'est pas une bande de "copains" qui se retrouvent pour une virée, même vaticane. Et c'est vrai à tous les étages de la République, y compris quand on constitue une liste municipale (suivez mon regard ...).

3- Sarkozy n'a pas fait une visite privée. Il est reçu en tant que chef d'Etat, sa délégation est en représentation, ses "invités" portent l'image de la France. Autant les blagues au ras des couilles de Bigard me font bien marrer devant ma télé, autant je suis gêné de le voir associé au pouvoir, dans un rôle de représentation, auprès de la papauté. Le grotesque de la situation n'a échappé à personne, sauf à Sarkozy, manifestement.

4- Nos trois Pieds Nickelés sont connus, et même populaires en France. Mais à l'étranger, ils ne disent rien à personne. Leur présence ne parle qu'aux français. N'est-ce pas là l'image d'un pays qui a renoncé à s'adresser au monde, à se faire entendre et comprendre par lui? N'y a-t-il plus en France un scientifique de renom, un écrivain illustre, un artiste de génie, un philosophe d'envergure, un explorateur remarquable, pour que le président de la République s'entoure de Bigard, Gilbert et Gallo?


Bonne dernière journée 2007.

30 décembre 2007

Bonne année 2008?

A mi-parcours des vacances, je me souviens de ce que je vous annonçais au premier jour: il n'y aura pas, à Saint-Quentin ou ailleurs, de trêve des confiseurs. Avec Sarkozy, la politique ne s'arrête pas, comme le soleil ne se couchait jamais sur l'Empire britannique. Et j'ai l'impression que les français en redemandent ... Chers camarades, là aussi, il va falloir nous adapter, sinon la droite l'emportera encore, la prochaine fois. Cette semaine de Noël a été très politique, et celle du Jour de l'An le sera encore plus, vous verrez, avec les voeux du président, demain pour la première fois en direct, et les cérémonies qui vont suivre. Les vacances du président en Egypte ont été politiques, puisque rendues publiques. Et je ne suis pas certain que ça déplaise fondamentalement à nos concitoyens, la société étant ce qu'elle est devenue, qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore. Donc, j'avais prévenu, il fallait s'y attendre.

Mais ce n'est pas tant de l'Egypte que de Paris, ce n'est pas tant de Sarkozy que de Fillon, une fois n'est pas coutume, que l'offensive politique est venue. Jamais, avec les autres présidents, de droite comme de gauche, il n'aurait été question d'une annonce politique fondamentale en plein coeur des fêtes de fin d'année. N'oubliez pas: "Avec Sarkozy, tout est possible." Même ça! De quoi s'agit-il? Je vous en ai déjà parlé, j'y reviens tellement c'est crucial: rien moins que la fin définitive des 35 heures, via la suppression de la durée légale du temps de travail, avec l'ultimatum de fin mars. Ca devient une technique gouvernementale, éprouvée avec la suppression des régimes spéciaux de retraite: ok, on négocie, mais avec une date-buttoir, c'est-à-dire un revolver sur la table.

Et puis, il y a ce reniement de la parole de Sarkozy: on ne touche pas aux 35 heures, "acquis social", on se concentre sur la revalorisation du pouvoir d'achat grâce à la revalorisation des heures supplémentaires. Sauf que Fillon, en proposant d'augmenter par la négociation le temps de travail, supprime du coup les heures supp. Voilà la très mauvaise nouvelle que les salariés viennent d'apprendre. Attention, cette année, le Père Noël fait des cadeaux piégés!

Il n'y a pas que le coup des heures supp, il y a aussi la hausse du gaz. Bon, à la limite, j'accepte, même si chez moi, je me chauffe et cuisine au gaz. Au 1er janvier, tout augmente, c'est bien connu. Il y a aussi cette loi un peu puritaine mais aussi sanitaire qui interdit de fumer dans les tabacs et autre lieu public. Admirez le vice: on ne peut pas fumer dans les endroits où on peut acheter de quoi fumer. On doit cette trouvaille de génie à Xavier Bertrand. Ceci dit, il a raison sur le fond, mais il faudrait aménager la loi. D'ailleurs, c'est ce qui vient de se passer, puisque le Jour de l'An sera soumis à tolérance. J'ai envie d'en profiter, rien que pour embêter Bertrand, fumer un de ces petits cigares que j'aime tant, et puis crier: vive la liberté! Jacques, ton bar est-il ouvert mardi? Si oui, j'arrive!

En revanche, il y a deux mesures, qui vont s'appliquer dès demain minuit, et que je refuse totalement, et là encore, Xavier Bertrand en est à l'origine:

1- Le service minimum dans les transports publics en cas de grève. Il y avait mieux à faire que dissuader de faire grève. Le droit de grève, en République, c'est fondamental, on n'y touche pas. Favoriser la négociation pour éviter de recourir à la grève, ok, tant que vous voudrez. Mais contourner le droit de grève, le vider de son impact par l'instauration d'un service minimum par ailleurs impossible à mettre en place (on le constatera dès la prochaine grève), non, non et non.

2- Les franchises médicales, rupture avec le principe de gratuité et de remboursement de la Sécurité sociale. Désormais, il faudra payer quand on achètera des médicaments. Mais certains seront exonérés, mais le prix n'est pas très élevé! s'écriera Bertrand. Je veux bien, mais il faudra quand même payer: vous êtes malade, vous devez payer, voilà la nouvelle logique gouvernementale. Payer sans avoir l'impression de payer, puisque, en réalité, vous serez moins bien remboursés.

2008, une bonne année? Pas si sûr ...


Bonne dernière nuit 2007.

Adieu 2007.

Bonsoir à toutes et à tous.

Le compte à rebours a commencé. Nous vivons les dernières 24 heures de l'année 2007. Tant pis (on aimerait ne pas vieillir d'une année) et tant mieux (une page se tourne, on passe à autre chose). Car politiquement, à Saint-Quentin, 2007 n'aura pas été faste, ni pour la gauche, ni pour moi. Il y a eu d'abord la défaite aux législatives d'Odette, précédée de divisions puisque Anne s'était portée, elle aussi, candidate à la candidature. C'est autorisé par les statuts! vont s'écrier certains lecteurs. Et la bêtise, et la division, et la défaite, c'est autorisé par les statuts?
Défaite de la gauche et victoire historique de la droite puisque, pour la première fois, son député Xavier Bertrand est réélu dès le premier tour, dans une circonscription qui envoyait il n'y a pas si longtemps un communiste à l'Assemblée nationale! Répétition terrible des municipales de 2001, où la gauche pourtant unie avait été éliminée au premier tour.

2007, c'est encore la répétition de la division, quelques mois plus tard, dans la désignation de la tête de liste pour les élections municipales. Et pour moi un échec personnel: ce scrutin, je m'y étais préparé, psychologiquement, politiquement, y compris matériellement (la campagne, l'équipe, le financement, le projet, la tactique, les slogans). J'avais annoncé mes intentions longtemps à l'avance, les avais couchées sur le papier pendant l'été, m'étais rapproché de ceux qui voulaient bien me prêter attention. A la réunion de section de septembre, mes analyses et propositions n'ont soulevé aucune objection. La presse jugeait crédible cette candidature, des personnes extérieures au PS m'avaient transmis leurs encouragements. Tout se passait bien. J'y croyais, prudemment, raisonnablement, mais j'y croyais.
Vous connaissez la suite, d'abord décevante (les soutiens à l'intérieur de la section n'ont pas été au rendez vous) puis lamentable (la confusion, la division et l'absurdité d'une candidature minoritaire, contraire à tous les principes que j'avais au départ posés et que j'avais crus partagés par tous). C'est maintenant mars 2008 qui jugera de ce qui s'est passé à l'automne 2007.

Quelles leçons j'en tire? Qu'il ne faut rien attendre des camarades qui reproduisent les réflexes de la division, qui sont culturellement pris dans la logique de courant; qu'il faut beaucoup espérer des camarades qui ont compris que le PS devait changer, que nos pratiques devaient se rénover, que l'avenir se préparait dès aujourd'hui. De ce point de vue, j'attends énormément de 2008. Mais rien ne pourra effacer cette amertume et cette rage de n'avoir pas su, collectivement, ouvrir à Saint-Quentin un cycle nouveau pour les socialistes, tel que le souhaitait notre secrétaire de section. Pourtant, quand je vois les scores obtenus dans la circonscription par Ségolène Royal à l'élection présidentielle, il est flagrant que la gauche est là, qu'elle existe électoralement, malgré la puissance de la droite locale, malgré la popularité du ministre du Travail. Mais elle n'a pas de traduction politique: pas de leader, pas de section forte et rassemblée, pas de présence sur le terrain, pas d'opposition municipale, pas de relais médiatique. 2008, viens vite!


Bonne soirée.

La droite bling bling.

Avant-dernier jour de l'année, c'est l'heure des bilans, des rétrospectives et des anticipations. On parle d'un remaniement ministériel après les élections municipales de mars. Bonne année? Pas pour tout le monde! Les ministres, avec en tête le premier d'entre eux, ont du mal à exister. Quelqu'un me demandait il y a peu le nom du ministre de la Culture. D'emblée, son nom ne m'est pas revenu. Mais il y a ceux qu'on retient, qui font parler d'eux et qui feront partie à nouveau du prochain gouvernement. Evoquons les, car ils sont emblématiques de la droite au pouvoir depuis la victoire de Sarkozy. Il y en a cinq:

- Rachida Dati: la protégée du président, brutale et exhibitionniste, arriviste depuis toujours (et elle a fini par arriver à force d'arrivisme), la copie conforme de Sarkozy au féminin. Elle méprise les élites de la magistrature. Sa mission: détruire les principes actuels et anciens de la Justice.

- Brice Hortefeux: l'ami politique de toujours, récompensé par le grotesque et dangereux ministère de l'identité nationale, chargé de traquer les clandestins, adultes et enfants. Sa mission: garder dans le giron sarkozien les voix de l'extrême droite.

- Jean-Louis Borloo: le plus sympa de tous, un peu gaffeur mais très malin, il a réussi un beau coup avec le "Grenelle de l'environnement". Sa mission: rassurer le centre gauche, attirer les écolos, élargir l'assise électorale de la droite en rénovant le parti radical-valoisien.

- Xavier Darcos: il est chargé de supprimer la carte scolaire, de réduire les effectifs de l'Education nationale et d'abolir le collège unique. Sa mission pour y parvenir: séduire les enseignants avec des discours flatteurs et des heures supplémentaires.

- Xavier Bertrand: se vante régulièrement de dormir très peu et est fier de se montrer sans cravate. Il sourit souvent aux syndicalistes et aux salariés, pour réaliser sa mission: détruire les principes actuels et anciens qui régissent le travail et la protection sociale.

Voilà le club des cinq qui fait les beaux jours de la sarkozie. Chacun se rêve un bel avenir, Matignon pour commencer, et plus si possibilités.

Cette droite au pouvoir, je l'ai dénommée dans un billet, il y a quelques jours, "droite kéké". Je voulais faire mon malin, montrer que je connaissais les mots à la mode. A ce petit jeu, on se fait vite rattraper. J'apprends, dans Le Parisien d'aujourd'hui, qu'il faut parler de "bling bling" à propos de cette tribu de "Attention, c'est moi que v'là" qui pratique le "tape-à-l'oeil" et dont Nicolas Sarkozy serait la figure la plus notoire. Bling bling parce que c'est le bruit que font les bijoux, montres, chaînes et autres signes ostentatoires de richesse qu'elle aime exhiber. Kéké ou bling bling, en tout cas, cette droite joue avec cette image qu'elle croit être populaire, comme en témoignent deux récentes et très étonnantes déclarations:

Nicolas Sarkozy: "Je ne suis pas un intellectuel" (Paris-Match du 20 décembre).

Xavier Bertrand: "Pour moi, plouc, c'est un compliment" (Le Point du 20 décembre).

L'un est peut-être bling bling et l'autre kéké. Mais à tous les deux, j'ai envie de dire, comme certains soupirent "pauvre France": pauvre droite ...


Kékés, bling bling et les autres, bon dimanche.

La foi et le doute.

Bonjour à toutes et à tous.

Je suis allé peut-être vite en besogne, hier soir, en faisant reposer l'engagement politique sur une sorte de foi. Si j'en restais là, ce serait la voie ouverte au fanatisme, dans quoi basculent souvent la religion ... et la politique. Dans ce dernier cas, le fanatisme n'a rien de spectaculaire ou de sacrificiel. Il porte un nom qui le définit bien: la bêtise. Oui, la bêtise est une forme de fanatisme au quotidien. On devient fana de quelque chose ou de quelqu'un, et donc complétement bête. La foi, il en faut en politique, à condition qu'elle s'accompagne du doute. Dans la bêtise, le doute est absent. La foi et le doute ne sont pas incompatibles. Au contraire, je crois qu'ils se nourrissent l'un l'autre. Le Christ de Pasolini a la foi et il doute, notamment sur la Croix.

Je reviens à la politique. Elle a besoin de foi, pour sortir de la routine, du quotidien. Pourquoi la grande majorité des gens ne font pas de politique? Pourquoi a-t-on de plus en plus de mal à trouver des militants? Parce que la vie ordinaire de la plupart, c'est travail, famille, amis, et voilà tout. Là, on ne doute pas trop: le travail, il en faut pour vivre, la famille, c'est dans l'ordre des choses, les amis, ils nous font oublier un peu le travail et la famille. Hormis cela, le reste peut sembler vain, très aléatoire. J'ai la foi en ce que je fais, FOL, Rencontre Citoy'Aisne, PS, ce blog, ça me prend beaucoup de temps, ça ne me rapporte rien sinon des ennuis et des inimitiés, mais j'y crois. En même temps, je doute, constamment, et j'ai presque envie de vous dire: de plus en plus. Et c'est inévitable. Donner du sens à mes actions, les relier dans une forme d'unité, espérer une finalité, c'est tout sauf évident. Dans toute foi, il y a de la douleur et de la solitude, parce qu'il y a aussi du doute.

Prenez la politique saint-quentinoise. Je lisais hier, dans Le Courrier Picard, un recensement des "bides" locaux de l'année, et je tombe sur cette ligne:

"Autre cafouillage, celui qui règne dans les rangs du Parti socialiste en cette fin d'année à propos de la désignation du candidat socialiste aux municipales de 2008. Après l'échec aux législatives, on attendait mieux."

Et moi donc! Nous voilà repartis pour six années d'opposition, c'est quasi certain, avec une tête de liste qui nous ramène douze ans en arrière, lorsqu'il était déjà conseiller municipal d'opposition et principal opposant à Pierre André. Qu'est-ce que ça a donné? Ca ne donnera rien de mieux avec l'estampille officielle "Parti socialiste", d'autant que c'est de la pure procédure, comme vous le savez, puisque le candidat n'a que le soutien d'un courant localement et nationalement minoritaire. Il en faut, de la foi, pour continuer au milieu de tout cela, pour ne pas lâcher prise. Il y a toujours une petite musique qui me dit, en moi, qu'il faut arrêter, rompre avec tout ça qui visiblement ne mène à rien. D'autant que je n'ai pas besoin de la politique pour remplir ma vie. J'ai au moins trois autres tentations:

- La philosophie, qui est plus qu'un métier, une vocation, que je pourrais prolonger, approfondir, à travers des études, des recherches universitaires, une thèse de doctorat, la rédaction d'un livre.

- La littérature, qui m'a toujours tenté, que je pratique régulièrement, en dehors de l'écriture de ce blog.

- Le bouddhisme, qui m'a toujours intéressé, depuis une vingtaine d'année, dans sa doctrine et son exercice, un travail sur soi même qui me semble parfois la chose la plus importante au monde, à côté de quoi une réunion politique (et surtout celles que je fréquente depuis plusieurs années!) est inutile et dérisoire.

Je pourrais tourner la page, passer à autre chose, à ces trois choses-là, plus fortement, plus intensément, abandonner PS, FOL, café philo et tout le reste, et ce blog aussi. Je pourrais mais je n'y arrive pas encore, peut-être jamais. La foi, c'est ça, et le doute, c'est ça aussi.


Bonne matinée.

29 décembre 2007

Avoir la foi.

J'ai regardé cet après-midi un magnifique DVD, un film que j'avais vu il y a très longtemps, à la télévision, qui m'avait un peu rebuté (mais c'était il y a longtemps!) et que j'ai revu avec plaisir, et plus que du plaisir, de l'émotion et de l'admiration: je veux parler du film de Pasolini, "L'Evangile selon saint Matthieu". Une vie de Jésus au cinéma, c'est toujours un exercice casse-gueule. Ce film-là, c'est le plus beau et le plus réussi dans le genre. Et il a fallu un athée et un marxiste comme Pasolini pour nous faire une oeuvre profondément mystique! Enfin un Christ qui n'est pas ce blondinet efféminé aux yeux bleus délavés et cheveux au vent, sorte de hippie dégénéré qu'on voit dans de trop nombreux films. Jésus est brun, le regard noir, fixe, la parole violente, le comportement dur, sec. On s'attend toujours à ce que le film sombre dans le ridicule, notamment quand il est question des miracles. Et bien non, le réalisme est le plus fort.

Qu'est-ce qui m'intéresse dans ce film, moi qui n'adhère pas aux dogmes du catholicisme? Qu'est-ce qui mérite que je vous en parle sur ce blog politique? Ce film ne porte pas essentiellement sur la religion. Ce qui me frappe, c'est le portrait et la vie d'un homme de foi. Ce qui est admirable, fascinant, c'est cela. Que nous montre Jésus? Que la chose la plus importante dans la vie, c'est de croire en quelque chose. A partir de là, tout devient possible, soulever les montagnes ou triompher de la mort. Peu importe ce en quoi on croit. La foi peut être religieuse, sentimentale, professionnelle, croire en Dieu, croire en l'amour, croire en ce qu'on fait. Croire en soi, aussi. Et puis, la foi peut être politique. Elle porte alors un nom précis: la conviction. La politique, ce n'est pas qu'une affaire d'adhésion intellectuelle. Il faut aussi, il faut surtout y croire. C'est cela qui fait agir. Croire en ses idées, et croire en soi quand on veut jouer un rôle actif dans l'application de ses idées.

Qu'est-ce qui manque aux socialistes qui m'entourent pour qu'ils gagnent? Ils ne sont tout de même pas dans la situation des chrétiens d'il y a 2000 ans! Justement. Le confort intellectuel, l'habitude du pouvoir, la recherche des places, les compromis médiocres, le désenchantement un peu snob, tout ça a diminué la foi, la ferveur, le dynamisme, l'énergie. Il faudrait des militants, il n'y a plus que des notables, des apparatchiks ou des aspirants à ces deux situations. Quand je regarde ou que j'écoute quelqu'un, et plus encore un camarade, je saisis immédiatemment s'il a la foi en ce qu'il dit ou s'il récite ce qu'on lui a appris. Nous vaincrons quand nous aurons avec nous, à notre tête, des hommes ou des femmes de foi, pas des récitants. Je vais aller plus loin: il faut vivre un peu dans son existence le socialisme, sinon on ne trouve pas la force qui permet de le communiquer aux autres. Un homme de foi est invincible. Les échecs passent sur lui. Rien ne peut l'atteindre.

Qu'est-ce que la foi, quand elle ne désigne pas la croyance religieuse? Je dirais que c'est la volonté portée très loin, très haut, et le sentiment d'avoir en soi une certaine vérité. Ca n'a rien de proprement intellectuel. Ceux qui attendent des raisons pour agir n'agissent jamais, parce qu'ils trouvent toujours de bonnes raisons pour ne pas agir. Des comme ça, il y en a pas mal en politique: ils attendent, ils suivent. Non, il faut agir, avoir la foi.


Bonne nuit.

Au nom de la loi.

Bonsoir à toutes et à tous.

Vous le savez, Nicolas Sarkozy s'est fait élire sur le thème de la "valeur travail". C'est donc sur ce thème qu'il faut le surveiller de très près et le juger. Le reste n'est qu'amusement ou diversion. Ce que le président et son ministre du Travail ont en tête, c'est de détruire les actuelles règles du travail et les remplacer par de nouvelles, dont il faut aller chercher les principes du côté du Medef. Charlie-Hebdo de cette semaine, en pages 2 et 3, résume parfaitement la pensée Xarkozy-Bertrand-Parisot, sous les plumes d'Anne-Sophie Mercier et Oncle Bernard:

" Un marché du travail moderne est un marché où:
1) la contrainte sur la durée du travail n'est plus effective.
2) la rupture du contrat de travail se fait à l'amiable.
3) la négociation ne se fait plus au niveau de la branche ou au niveau national, en présence de l'Etat, mais face à face, entre adultes, dans l'entreprise - c'est la négo du salarié et du patron.
4) l'on redéfinit la représentativité syndicale et le financement syndical. "

Jusqu'à maintenant, le travail était, en gros, une organisation, économique , juridique, sociale. La droite ne veut plus en faire une organisation (trop lourd, trop vaste, trop peu maniable) mais un marché (souple, malléable, adaptable). Avant, on parlait du "marché du travail", mais c'était une image, une métaphore. Désormais, la droite veut en faire une réalité. Je suis pour le marché quand il s'agit des fruits et légumes, des boîtes de conserve ou des automobiles. Pour le gaz et l'électricité, ça se discute, je ne suis pas contre. Mais pour les êtres humains, non. Le patron ne peut pas faire son marché d'employés comme la ménagère va faire son marché d'artichauts. La droite veut pourtant nous amener à ça. Et les sourires du bon Xavier Bertrand n'y pourront rien. A une époque, à l'extrême gauche, c'était la pensée Mao qui dominait. Aujourd'hui, à droite, c'est la pensée Medef. C'est moins meurtrier sans doute, mais aussi peu intelligent.

Il va donc falloir se battre, résister. Sur la durée légale du travail, il faut défendre la loi française qui l'impose. Mais la droite va prendre son inspiration dans certains pays européens où elle n'existe pas. Sur la rupture du contrat de travail à l'amiable, Charlie-Hebdo rappelle que, là aussi, elle "se heurte au droit du travail français, qui stipule qu'un salarié ne peut refuser son droit d'aller devant les tribunaux." L'avantage, c'est que la Convention européenne des droits de l'homme stipule la même chose. Quant à la négociation au niveau de l'entreprise, "la loi actuelle est que le droit des salarié est défini par la loi, mais que des accords de branche peuvent améliorer la situation des travailleurs. Pour l'instant, les accords d'entreprise ne peuvent déroger aux accords de branches, sauf sur la durée du travail, mais pas sur les salaires."

Bref, nous savons ce qu'il nous reste à faire: au nom de la loi, rejeter la pensée Medef. En attendant que le PS propose aux français un nouveau projet politique, car la résistance n'a qu'un temps. Si elle n'est pas relayée par une alternative politique, elle finira par céder. Ne cédons pas, préparons l'alternative politique.


Bonne soirée.

USA = SS?

Parmi mes découvertes littéraires de la semaine, il y a le roman d'un des plus grands écrivains américains contemporains, Philippe Roth, "Le complot contre l'Amérique", paru en 2004, qui est un incroyable docu-fiction sur une Amérique devenue ... pro nazie. Inattendu parce que les Etats-Unis semblent être, quels que soient leurs défauts, étrangers à tout fascisme. Etonnant parce que l'auteur enracine son récit dans des faits réels, qui entrainent le roman vers l'oeuvre politique. Mais comment la croix gammée pouvait-elle flotter sur la Maison Blanche?

Le point de départ (véridique), c'est un héros américain, le plus grand d'entre tous dans la première moitié du siècle, Charles Lindberg, qui a fait de l'aviation la grande aventure (victorieuse) des temps modernes. Mais ce profil à la Kennedy avant l'heure a des sympathies pour le régime hitlérien. Un autre culte des héros? Et puis, il n'aime pas les juifs, le dit publiquement, prend fait et cause pour la paix, le non engagement américain dans la guerre. Il a pour ami un autre héros américain, mais de l'industrie celui-là, le génial et très antisémite, lui aussi, Henri Ford. A cela s'ajoute l'image du père martyr, puisque Lindberg a perdu son enfant, kidnappé puis tué. En 1941, pour la présidentielle, certains ont poussé Lindberg à se présenter, tellement sa popularité était grande. Il aurait pu, puisqu'il défendait des positions politiques très précises, mais il n'a pas franchi le pas.

C'est là qu'intervient Philip Roth. C'est le privilège de l'écrivain de pouvoir faire franchir ce pas, et de se poser la question, littéraire et politique: que se serait-il passé? Pas de doute, Lindberg, avec son aura, sa jeunesse, son héroïsme, son pacificisme, aurait été élu président des Etats-Unis d'Amérique, battant Roosevelt. Et qu'aurait-il fait? Ce qu'il a promis. D'abord un pacte de non agression avec les puissances fascistes, ensuite une politique d'assimilation des juifs à la nation américaine (c'est-à-dire de discrimination à leur égard). Du coup, un climat d'antisémitisme se développe dans la plus grande, la plus ancienne et la plus solide démocratie au monde. Invraisemblable? Pas plus que la patrie des Droits de l'Homme, la République française, inventant son propre fascisme sous couvert de pétainisme. Mais pour de vrai cette fois.

Finalement, Lindberg va disparaitre dans un accident d'avion au bout d'un an de mandat et les nouvelles élections vont amener cette fois Roosevelt à la présidence, l'Histoire reprenant le cours qu'on lui connait. Cette parenthèse fasciste, aussi fictive soit-elle, nous fait réfléchir sur le destin d'un pays, sur les germes réellement présents qui peuvent ou non se développer et conduire au pire. Bien sûr, Lindberg et Ford, ces deux grands américains, n'étaient pas idéologiquement des nazis. Mais ils étaient notoirement antisémites, et prêts à tout au nom du pacifisme. Pétain non plus n'était pas idéologiquement nazi. Il avait combattu les allemands et ne se montrait pas hostile à la République. On a vu comment tout cela a fini.


Bon après-midi.

14 frimaire an II.

Bonjour à toutes et à tous.

Puisque les livres passionnants sont trop nombreux, qu'il faudrait plusieurs vies pour les lire, j'ai décidé de me fier au hasard, celui du rayon "nouveautés" de ma bibliothèque municipale. Cette semaine, je n'ai pas été déçu. L'ouvrage fait 170 pages (j'en ai marre des thèses quasi universitaires de 500 pages!), son auteur est un historien que je ne connaissais pas (Raynald Abad), le titre est mystérieux ("La conjuration contre les carpes", chez Fayard, 2006), le contenu est passionnant, je vous le raconte:

Le 14 frimaire de l'an II (4 décembre 1793), dans la période la plus radicale de la Révolution française, la Convention adopte un décret passé inaperçu, et pourtant surprenant, à la fois banalement technique et terriblement révolutionnaire: assécher tous les étangs de France (environ 15000) et les cultiver pour les ensemencer. Pour défendre l'adoption de ce décret, Danton s'est exclamé: "Nous sommes tous de la conjuration contre les carpes, et nous aimons mieux le règne des moutons." Ce bouquin, c'est l'histoire de ce décret, et je le répète, c'est passionnant, au-delà de la bizarrerie du sujet. Précisons que ce décret ne sera jamais appliqué parce qu'il était ... inappliquable. Comment la Grande Révolution en est-elle arrivée là?

1- Il y a d'abord des raisons historiques à ce décret. Sous l'Ancien Régime, les étangs sont au centre de toute une économie florissante, la pisciculture, techniquement très élaborée: on creuse des étangs, on les remplit d'eau pour élever essentiellement des carpes (poissons résistants), on les vide pour récupérer le poisson, le transporter vivant (dans des tonneaux puis dans des bateaux aménagés) et en faire commerce. Certains étangs, après avoir été vidés, sont ensemencés (le fond limoneux est très fertile) puis à nouveau noyés après la récolte!

2- Mais la tradition n'empêche pas que des raisons économiques conduisent à discuter de l'utilité des étangs, dans les dernières décennies de la monarchie. La pisciculture, dans la mesure où elle exige une organisation relativement complexe, parait trop compliquée, fragile dans ses résultats, peu rentable. La majorité de la population ne mange pas de poissons, au prix trop onéreux. La mode économique de l'époque (la physiocratie) est au développement de l'agriculture. Pour beaucoup, il est absurde et irrationnel d'inonder volontairement des terres, de les soustraire au travail beaucoup plus productif du labour ou de l'élevage. Alors, les étangs renvoient au Moyen Age obscurantiste.

3- Pourtant, les adversaires des étangs basculent aussi parfois dans l'obscurantisme quand ils ajoutent des raisons médicales à leur hostilité. Selon eux, les étangs et leur environnement sont nocifs, l'air qui s'en dégage est malsain, la vase et les brouillards générent des maladies, les populations, les bêtes et les paysages sont affectés. Ces préjugés viennent en partie de la confusion entre étang, construction humaine à visée économique et commerciale, et marais, dont l'utilité et la salubrité posent en effet question.

4- En 1793, les révolutionnaires avancent des raisons politiques: c'est la guerre, il faut sauver la République, mobiliser toute la population pour nourrir la France, les étangs doivent donc être asséchés et travaillés.

5- Mais le décret ne peut se comprendre entièrement sans des raisons idéologiques: l'étang est un symbole de la propriété féodale ou monacale. Sans doute moins que le château, il représente lui aussi l'Ancien Régime contesté. Des paysans vont vider des étangs comme ils brûleront des châteaux. Encore aujourd'hui, dans mon Berry natal, c'est le bourgeois qui détient "son" étang. En 1793, la carpe, et c'est le sens de la formule de Danton, va devenir un animal contre-révolutionnaire parce que sa consommation appartenait aux tables raffinées de la noblesse ou bien aux périodes d'abstinence des moines.

Comme quoi un obscur décret d'apparence technique, et jamais appliqué, peut donner lieu à une très riche réflexion, historique, économique, physiologique, politique et idéologique!


Bonne journée.

28 décembre 2007

Nouvelles municipales.

Quelques nouvelles, pour finir la journée, sur le front des élections municipales:

1- L'UMP a annoncé 500 candidats d'ouverture dans toute la France, recrutés au PS et au MoDem, pour les villes de plus de 30000 habitants (soit 280 localités). Un beau coup pour la droite, incontestablement, qui précise que ces candidats auront droit à la 2ème ou 3ème place sur les listes, donc en position éligible. Je suis curieux de savoir qui à Saint-Quentin seront les "heureux" élus de gauche sur la liste de droite. Car il y en aura, c'est certain. Pierre André l'a dit, il l'a déjà fait, il le fera encore, l'occasion est trop belle avec le candidat que les socialistes se sont par défaut donnés.

2- Quintinus sur son blog prétend que d'anciens socialistes iront avec la droite, "écoeurés par ce qui se passe au sein de la question." Je veux bien le croire, je sais qu'il est très informé. Mais pourquoi d'anciens? D'actuels aussi, je le crains. La rumeur veut que le MRC, interloqué par le choix de la tête de liste socialiste, rallie finalement Pierre André. Info ou intox, je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est que la gauche locale est malade, que personne n'a envie de figurer sur la liste qui se prépare, et qu'il est donc sage de se tenir à l'écart de cette folie qui va déboucher sur un retentissant échec. Il faut attendre des jours meilleurs et les préparer activement.

3- Dans quelques jours se terminera l'inscription sur les listes électorales. Les socialistes saint-quentinois ont-ils milité afin de favoriser ces inscriptions? Je ne pense pas. Folie encore, ou plutôt insouciance, négligence, sans doute défaitisme. Pourtant, s'il y a un public à qui s'adresser, en priorité, ce sont les abstentionnistes. Ce sont eux qui peuvent nous permettre de grapiller quelques voix. Pour le reste, la droite aura ses partisans, et ils sont très nombreux.

4- J'apprends cette chose assez incroyable: les comptes des municipalités sont désormais consultables sur internet, grâce au ministère du Budget (aller sur son site). Formidable, les campagnes municipales vont pouvoir s'appuyer sur des données chiffrées, des informations fiables. Un programme municipal se rédige sur deux colonnes: des idées et des financements. On peut donc critiquer la politique locale en connaissance de cause et élaborer un projet en toute crédibilité.

5- La presse locale a informé de la restructuration du MoDem dans l'Aisne, avec les noms des "référents" pour les grandes villes. Pour Saint-Quentin, c'est Paul Gironde, qui aura du travail puisque les centristes de Monique Ryo, d'abord derrière Bayrou, ont ensuite rallié André, Bertrand et l'UMP. Quintinus ne va-t-il pas trop loin en laissant entendre que le MoDem préparerait une liste centriste sur Saint-Quentin? Si cela était, il faudrait l'observer avec attention.


Bonne nuit.

Vers les 48 heures?

Bonsoir à toutes et à tous.

En lisant Le Courrier Picard de ce jour, je me demande si nous approchons du 1er janvier ou du ... 1er avril. Un article est intitulé: "François Fillon aimerait passer à la semaine de 48 heures." Je sais bien qu'avec Nicolas Sarkozy "tout est possible" (son slogan de campagne), je n'oublie pas que les 35 heures sont la bête noire de la droite. Mais de là à passer à 48 heures! La lecture de l'article corrige la première réaction mais n'efface pas mon inquiétude.

En fait, le Premier ministre, profitant de la période des fêtes et de l'éloignement du président, pour faire un peu parler de lui, a envoyé un courrier aux syndicats pour discuter avec eux, d'ici fin mars, d'une durée du temps de travail qui ne passerait plus par la loi mais par le contrat, soit individuel, soit d'entreprise. L'idée est d'assouplir la législation du travail, de la faire correspondre beaucoup mieux aux aspirations personnelles ou collectives des salariés et aux besoins des entreprises. Avec le sempiternel argument du pouvoir d'achat que les salariés pourraient augmenter si on leur en laissait le droit, donc s'ils pouvaient travailler plus.

Tout cela est en apparence très joli, séduisant même, sauf que c'est complétement théorique et extrêmement dangereux. Les 48 heures du titre de l'article, c'est quoi? La durée maximale de travail, érigée au niveau européen, au-delà de laquelle il est interdit de travailler (hebdomadairement, bien sûr). François Fillon aimerait ne garder que cette "contrainte" et laisser, en decà de ces 48 heures, la liberté d'une durée négociée du travail. Mais le choix n'est pas entre 35 heures ou 48 heures. Les 35 heures sont une durée minimale légale, qui n'empêche aucunement de travailler au-delà. D'ailleurs, les heures supplémentaires sont faites pour ça. Le gros mensonge de la droite est de laisser croire que les 35 heures interdisent de travailler à ceux qui en auraient envie et qui voudraient ainsi, légitimitement, accroître leur pouvoir d'achat. Faux, archi-faux. Les 35 heures n'ont jamais pénalisé le travail. Au contraire, elles l'ont revalorisé en le partageant, en rémunérant en règle générale 35 heures au tarif de 39 heures et en rétribuant le travail en heure supplémentaire (plus 25%) dès la 36ème heure. Les 35 heures ont donc renforcé le pouvoir d'achat, sauf pondération salariale après négociation avec les syndicats.

Mais comme l'a dit DSK, la question des 35 heures est derrière nous, venons en au projet de la droite: abolir la durée légale (minimale) du temps de travail, ne garder que la durée maximale (obligatoire, sauf à se mettre à dos toute l'Europe!), laisser le contrat décider de la durée de travail. Conséquence (c'est le plus important et c'est le moins acceptable): le verrou de la 36ème heure va sauter, les heures supplémentaires redeviendront normales, perdront leur rémunération à 25%, le tour sera joué, au nom du travail, au nom de la liberté, au nom du pouvoir d'achat. Du travail en plus pour le salarié, oui. De la liberté, non, parce que c'est le patron qui décidera, les syndicats n'étant pas assez puissants dans bien des entreprises pour contrebalancer le pouvoir patronal. Du pouvoir d'achat, non plus, puisque les heures supplémentaires vont baisser à la mesure de l'augmentation contractualisée de la durée du travail.

L'imposture est parfaite, et elle signe la véritable intention du gouvernement, qui n'est pas de permettre aux français de faire plus d'heures supplémentaires s'ils le souhaitent (la loi l'a toujours autorisé, même si les patrons ne le veulent pas nécessairement) mais de supprimer la durée légale du travail, et donc d'en finir vraiment, cette fois-ci, avec les 35 heures. Bien sûr, le débat entre la part accordée au contrat et la part accordée à l'Etat dans l'organisation de la société est légitime, et la gauche a souvent péché par une méfiance excessive envers la contractualisation. Mais le contrat est fécond dans une société où les partenaires sociaux sont puissants, ce qui n'est pas exactement le cas en France, où la force est plutôt du côté du patronat. Dans un monde idéal, les individus pourraient négocier entre eux, le patron et le salarié décider autour d'un table, à l'amiable parce qu'à égalité, de la durée du travail. Mais laissons la théorie et restons dans la réalité: la loi protège le faible, et tant qu'il y aura des faibles, il faudra des lois, dont celle qui définit la durée du travail. Car pourquoi alors, dans cette logique que nous propose la droite, ne pas abolir le SMIC, qui lui aussi est un minimum légal?


Bonne soirée.

Génération d'après.

J'évoquais à midi les élections américaines. Je les suivrais avec autant d'attention que les élections municipales en France. D'abord parce que toute élection m'intéresse, ensuite parce que la vie politique américaine m'intéresse. Là-bas, c'est la fin de l'ère Bush, très impopulaire. Il n'y a plus que Sarkozy pour aimer se faire photographier à ses côtés. L'heure des démocrates est-elle arrivée? Je le souhaite. Deux fortes personnalités se partagent les voix des progressistes américains, ce qui est déjà un point positif, le Parti démocrate n'ayant pas toujours eu par le passé des candidats de poids. Hillary Clinton part auréolée du prestige de la double présidence de son mari, de son combat pour réformer le système de santé et, bien sûr, de son image de femme, possible première présidente de l'Etat le plus puissant du monde. Barack Obama représente la jeunesse (bien qu'il ait 46 ans) et surtout la minorité noire, et par delà, l'ensemble des minorités qui constituent ce grand pays d'immigration. Une femme ou un afro-américain à la Maison Blanche, dans l'un ou l'autre cas, ce serait une révolution pour l'Amérique et par conséquent pour le monde!

Et puisque je parle de révolution, je vous recommande le numéro spécial de Courrier international de décembre 2007, consacré au thème sur lequel je travaille pendant ces vacances, en vue de la commémoration que vous savez: "Que reste-t-il de 68?" Le 40ème anniversaire s'annonce particulièrement riche, la presse internationale en parle. Car 68 est un évènement mondial, qui passe par San Francisco, Prague ou le Japon. Ce que je regrette vivement dans ce magazine, c'est que la date de parution des articles cités n'apparaisse pas précisément. Parmi ces articles, un a retenu spécialement mon attention puisqu'il est consacré au match entre Hillary Clinton et Barack Obama sous un angle particulier, la différence des générations, les années 60 pour Hillary, les années 70 pour Barack. Extrait:

"La génération des années 1960 avait fait des vagues. La génération d'après a suivi un parcours relativement lisse. La génération des années 1960 avait dû se colleter à la complexité morale de la guerre du Vietnam. La génération d'après a observé d'un oeil goguenard l'invasion américaine de la Grenade [fin octobre 1983]. La génération des années 1960 avait fait du volontariat dans le Peace Corps [organisme d'aide au développement des pays du tiers-monde]. La génération d'après a rejoint les entreprises et les cabinets d'avocats. La génération des années 1960 s'est battue pour obtenir des droits. La génération d'après est partie du principe qu'ils étaient acquis. La génération d'après n'a pas d'histoires à raconter ... ni sur le Vietnam, ni sur les trips à l'acide, ni sur les manifs pour la paix, ni sur l'amour libre, et j'en passe ... Pis, nous n'avons même pas de musique dont nous pourrions être fiers. La génération des années 1960 avait les Beatles, Bob Dylan, Janis Joplin, Marvin Gave. La génération d'après a eu le disco."

Je vous ai cité cet extrait désenchanté parce que j'appartiens à cette "génération d'après" qui est redevable aux grands frères de 1968 et que je me reconnais dans ce désenchantement. En Mai, j'avais 8 ans et je n'ai pas eu conscience de l'évènement. En 1979, quand je suis étudiant dans la très gauchiste université de Vincennes, les slogans sur les murs sont fanés. Au début des années 80, Le Nouvel Observateur titre sur "la bof génération", Bernard Tapie devient une vedette et en 1984, c'est la fin de tout: je coupe mes cheveux qui flottaient fièrement sur mes épaules depuis 7 ans. Il n'y a que la création de SOS-Racisme en 1985, à laquelle je participe, qui redonne un goût de 1968. Pire que n'avoir pas connu 1968, être né à la politique juste après 1968! Mais pas de nostalgie: ce que sera peut-être Barack Obama, le premier noir président des Etats-Unis, il le devra à Hillary Clinton, celle qui sera peut-être la première femme présidente des Etats-Unis.


Good afternoon.

Le sens de la laïcité.

Bonjour à toutes et à tous.

BHL, à nouveau, nous fait un très bel article dans la page "Rebonds" de Libération, où il explique que "ces nouveaux fascistes que sont les jihadistes" ont assassiné hier Benazir Bhutto aussi parce qu'elle était "une femme belle", qui avait fait de son visage découvert le symbole de la résistance à l'obscurantisme et au fanatisme islamistes. Ayons ce visage à l'esprit en cette fin d'année. Le philosophe fait une proposition, pour que cette mort ne soit pas vaine, pour que le dernier mot ne revienne pas aux barbares d'une "religion devenue folle": que les chefs d'Etat des pays de démocratie et de tolérance soient présents aux funérailles, qu'ils en fassent une manifestation solennelle pour la paix et la liberté. Nicolas Sarkazo, très prompt à accourir un peu partout, aurait là une noble raison de se précipiter, fût-il le seul à le faire. Sarkozy, que BHL tacle au passage pour son discours de Latran: "l'espérance des peuples est moins dans la foi que dans la démocratie et le droit."

Ce discours de Latran, justement, n'en finit pas de faire des vagues. Après Bayrou avant hier, Le Figaro donne aujourd'hui la parole à Jean-Pierre Raffarin, qui est visiblement en service commandé, l'Elysée ayant mal supporté la sévère critique du leader du MoDem. Un centriste, ancien Premier ministre, qui répond à un autre centriste, on sent la tactique de Sarkozy derrière tout ça, qu'on imagine donnant ses ordres au portable entre deux visites de tombeaux égyptiens et un baiser à Carla Bruni. Donc, Raffarin bon soldat vole au secours du chef de la droite, et il en rajoute, comme il se doit, en y mettant tout de même sa touche personnelle. "Laïcité positive"? Il parle de "laïcité partagée", l'adjectif étant à la mode, pourquoi s'en priver? Ca ne veut pas dire grand chose, puisque la laïcité, principe de la République, est nécessairement "partagée" par tous. A moins qu'il ne faille y déceler un lapsus, "partagée" comme saint Martin a partagé à Amiens son manteau avec un pauvre, c'est-à-dire que la laïcité est dépecée ...

Pas de lapsus possible mais une très grande clarté dans les propos de Raffarin qui suivent: "les religions sont, en amont, des sources pour les normes de la morale publique." C'est la négation philosophique de la laïcité, car celle-ci soustrait la "morale publique" à toute influence religieuse, laissant la morale personnelle se ressourcer où chacun le souhaite, y compris dans une religion, mais pas nécessairement. Emmanuel Kant et plusieurs philosophes des Lumières, tout en respectant la religion, démontrent que la morale peut trouver ses sources ailleurs, dans la conscience humaine. Je n'ai pas besoin d'adhérer à une religion pour adopter un comportement moral. Et j'ajouterai que la grandeur de la religion ne réside pas dans sa dimension morale, plutôt banale, mais dans ses mystères métaphysiques.

Raffarin demande à la laïcité de "sortir du carcan historique dans lequel elle est enfermée." Quel "carcan historique"? Je connais, quant à moi, le cadre historique dans lequel la laïcité est née et s'est développée: la République. Je ne peux pas croire que c'est ce qui gêne Raffarin. Etrange et contradictoire aussi que demander à la morale de se ressourcer dans la religion et de reprocher à la laïcité de se référer à son histoire, qui est considérée comme un "carcan". Mais non, si la laïcité veut garder tout son sens, elle doit s'inspirer de ses origines.

Et pour finir, le pompon, si j'ose dire. Le journaliste pose à Raffarin la question qui tue: "est-ce le rôle du politique de se mêler de questions spirituelles?" N'importe quel citoyen d'une République laïque répondrait sans hésiter: "évidemment non." Que répond l'ancien Premier ministre? "Bien sûr." Et il a beau soutenir qu'il ne voit "pas utile de remettre en cause les fondements de la loi de 1905" (encore heureux!), ses déclarations au Figaro prouvent la déliquescence intellectuelle de la droite à l'égard du concept de laïcité.

Je ne souhaite vraiment pas que Sarkozy, tout à son objectif d'américaniser les moeurs de notre pays, ne veuille aussi le faire dans les rapports entre les autorités publiques et les religions. Quand je vois ce qui se passe en ce moment aux Etats-Unis, où la bataille pour les prochaines présidentielles bat son plein, je suis très inquiet. Ce n'est pas la situation économique ou la guerre en Irak qui sont au coeur des débats, mais les questions religieuses! Il faut dire que parmi les candidats républicains, il y a un mormon et un évangéliste, qui s'affrontent sur la résurrection du Christ. L'Amérique est un grand pays, mais ne l'imitons pas en toute chose.


Bonne journée.

27 décembre 2007

Explication de texte.

Bonsoir à toutes et à tous.

Les discours de Nicolas Sarkozy, sous la dictée de l'idéologue du régime Henri Guaino, mériteraient une anthologie critique, avec en bonne place trois oeuvres majeures: le discours de campagne contre l'héritage de Mai 68, le discours sur la colonisation et l'Afrique "hors de l'Histoire", le discours tout récent sur la "laïcité positive" au palais de Latran, qui lui aussi fera date, et participera comme les deux autres à un profil idéologique très précis, une doctrine de droite "décomplexée", selon le terme à la mode. Je vais vous proposer une petite explication de texte, en ces heures sombres où les évènements tragiques qui se déroulent au Pakistan prouvent plus que jamais combien le concept de laïcité est des plus précieux pour la France et pour le monde.

D'abord, je vous préviens: j'ai été enfant de choeur, je peux réciter sans me tromper le Credo, je m'intéresse à la théologie en tant que prof de philo, j'ai des amis chrétiens que j'apprécie, je suis lecteur de saint Augustin et saint Thomas d'Aquin, je suis ébloui par l'église Saint-Jean-de-Latran, ses extérieurs avec les immenses statues de son sommet qu'on dirait habiter le ciel, son intérieur avec ses prodigieuses dorures et peintures, alors, pas de faux procès, je ne suis pas ce qu'on appelle (l'expression est bizarre mais elle n'est pas de moi) un "laïquard". Laïque me suffit, simplement mais fermement. J'en viens maintenant à Sarkozy et aux déclarations les plus contestables de son discours, qui sont pires que ce que Bayrou en disait hier dans Le Figaro:

1- "C'est par le baptême de Clovis que la France est devenue Fille aînée de l'Eglise. Les faits sont là." Sarkozy en déduit une longue complicité entre notre pays, notre culture et le catholicisme. Mais il oublie que la France d'avant Clovis était païenne et qu'à partir du XVème siècle l'humanisme est à l'origine de la société moderne. La "Fille aînée de l'Eglise" n'est pas un "fait", c'est un concept. La France n'est pas devenue chrétienne avec Clovis. Sarkozy nous impose une lecture idéologique de l'Histoire, qui instrumentalise le catholicisme, car un croyant authentique n'a pas besoin de cette référence à Clovis pour témoigner de sa foi.

2- "Tout autant que le baptême de Clovis, la laïcité est également un fait incontournable dans notre pays." Sarkozy est décidément positiviste, il en tient pour les "faits"! Mettre sur un pied d'égalité le baptême de Clovis, référence ancienne, plus théocratique que théologique, et le principe de laïcité, cadre actuel de la République, est faux et inacceptable.

3- "L'interprétation de la loi de 1905 comme un texte de liberté, de tolérance, de neutralité est en partie une reconstruction rétrospective du passé." Oui, vous avez bien lu, le président de la République met en doute la sincérité d'un texte fondateur de la République, en soupçonnant ses vertus de n'être qu'une "reconstruction rétrospective"! A ma connaissance, c'est du jamais vu dans la bouche d'un chef d'Etat français. Le comble, c'est que Sarkozy estime que le baptême de Clovis serait un "fait historique" tandis que la loi de séparation des églises et de l'Etat relèverait, elle, d'une "reconstruction rétrospective". Jamais un président de droite n'avait osé de tels propos.

4-"La laïcité ne saurait être la négation du passé. Elle n'a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n'aurait pas dû." Quelques mots plus loin, Sarkozy parle de "crime contre la culture". Là encore, nous avons affaire à une lecture idéologique et dépréciative de la laïcité. Que des minorités antichrétiennes existent chez les laïques, sans doute (les fameux "bouffeurs de curés", plus humoristiques que méchants, d'ailleurs), mais tout autant qu'à l'extrême droite (la "nouvelle droite" d'Alain de Benoît se réclame du paganisme) ou chez les libéraux (lorsque les plus radicaux prônent des valeurs en contradiction avec le christianisme). Mais la laïcité la plus profonde est neutre, ni anti, ni pro chrétienne, et sûrement pas "criminelle"!

5- "Assumer les racines chrétiennes de la France, et même les valoriser [sic] (...) Longtemps la République laïque a sous-estimé l'importance de l'aspiration spirituelle." Non, la République n'a pas "sous-estimé" parce qu'elle n'a pas à "estimer" la spiritualité, qui relève d'une démarche personnelle, qui enrichit certains et dont les autres peuvent parfaitement se passer. Sarkozy engage la France vis-à-vis de la religion, alors que la laïcité dégage la République et les citoyens de toute obligation religieuse.

6- "La désaffection progressive des paroisses rurales, le désert spirituel des banlieues, la disparition des patronages, la pénurie des prêtres, n'ont pas rendu les français plus heureux. C'est une évidence." Après nous avoir administré des "faits", Sarkozy nous impose maintenant "une évidence", alors que la vérité, c'est qu'il enchaîne des points de vue subjectifs, critiques à l'égard de la laïcité et indignes de figurer dans un discours présidentiel. Les français se sentaient-ils plus heureux durant les siècles où l'Eglise dominait largement la société? A mon tour de vous soumette une "évidence": non.

7- "La morale laïque risque toujours de s'épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n'est pas adossée à une espérance qui comble l'aspiration à l'infini." Alors là, il fallait oser le retournement dialectique (du Guaino tout craché, tout comme lorsque celui-ci affirme que l'ultralibéralisme, c'est la faute à Mai 68!). D'où vient le fanatisme sinon d'une "espérance qui comble l'aspiration à l'infini", car elle seule peut conduire des "fous de Dieu" à sacrifier leur vie ... et la vie des autres (voir ce qui se passe en ce moment au Pakistan). La morale laïque, parce qu'elle ne dépasse jamais les limites de la simple humanité, parce qu'elle ne vise pas l'absolu, ne sombre pas dans le fanatisme.

8- "Nous avons au moins une chose en commun [Sarkozy s'adresse aux hommes d'Eglise]: la vocation. On n'est pas prêtre à moitié, on l'est dans toutes les dimensions de sa vie. Croyez bien qu'on n'est pas non plus Président de la République à moitié (...) Je comprends les sacrifices que vous faites pour répondre à votre vocation parce que moi-même je sais ceux que j'ai faits pour réaliser la mienne." Alors là, mes amis, nous sommes dans ce kéké dont je vous parlais dans mon billet de ce matin, mais un kéké sublime et grotesque: Sarkozy se compare aux hommes de Dieu, pourquoi pas directement au pape tant qu'il y est? Cet homme dévoré par l'ambition, assoiffé de pouvoir, hyperactif et narcissique (et il faut un peu de tout ça pour faire de la politique, je ne juge pas) ose se comparer à ceux qui vivent une expérience de foi, de dépouillement, d'abandon, de méditation! Si j'étais chrétien, je lui cracherais à la figure pour dénaturer, offenser ainsi ma religion, comme le Christ a foutu une torgnole aux marchands du Temple ...

9- "L'instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s'il est important qu'il s'en approche ..." La boucle est bouclée, la laïcité est infériorisée, sa figure magistrale et historique, l'instituteur, est en deçà d'une figure autrement éminente pour Sarkozy, le clerc. C'est donc un nouveau cléricalisme qui est instauré. L'ancien était politique, celui-ci est culturel. Pour le laïque que je suis, il n'y a pas à établir une hiérarchie, de prééminence ou d'allégence, entre l'instituteur et le curé, chacun est dans sa sphère, dans sa différence: l'instituteur est au service de la République, le curé est au service de Dieu, la laïcité consiste à les dissocier, à ne pas les inscrire dans un rapport hiérarchique l'un par rapport à l'autre, quel que soit l'ordre de ce rapport.

Je voudrais terminer mon explication de texte, en bon élève, par une citation (les vacances, c'est la période où un enseignant peut redevenir un élève!):

"En tenant ce discours dans une société plurireligieuse, on prépare les conditions d'un affrontement entre les différentes religions." (François Bayrou, Le Figaro d'hier)


Bonne soirée.

Un crime de religion.

Alors que Jean-Claude, que je remercie, venait de m'adresser le texte intégral du discours de Sarkozy sur la laïcité à Saint-Jean-de-Latran, alors que j'étais en train de décortiquer et d'annoter ce texte, j'apprends l'assassinat de Benazir Bhutto. Ainsi la fin de l'année n'aura pas connu de trêve pour la violence. Ainsi cet évènement tragique entre en concordance terrible avec ce que je lis de la prose de Sarkozy, l'éloge qu'il fait de "la radicalité du sacrifice de sa vie", qui ne peut que renvoyer dans mon esprit, maintenant, à l'attentat suicide qui vient de tuer, perpétré probablement par les ennemis de l'ex Premier ministre du Pakistan, les fondamentalistes islamistes. Quand notre président s'inquiéte d'un "fanatisme", ce n'est pas du côté de la religion qu'il le craint mais de la laïcité, ce qui est un comble.

J'apprends aussi que des affrontements se déroulent en ce moment dans les grandes villes du Pakistan, à la suite de l'attentat qui a fait une quinzaine de morts. Je sais bien qu'il y a, malheureusement, mille et une raisons pour que les hommes s'entretuent, depuis que le monde est monde, et que rien ne les arrête, ni les lendemains de Noël, ni l'approche d'une nouvelle année où l'on fait des voeux de paix. Mais je constate, présentement, que la religion est l'arme mentale du crime. Bien sûr, je ne fais pas l'offense à des centaines de millions de personnes et de familles, à travers le monde et à travers de nombreuses religions, de les assimiler au fanatisme et au terrorisme. Mais je constate que les "guerres de religions" sont les plus terribles qui existent, précisément parce que la plupart des religions prêchent autre chose que la guerre, l'amour du prochain par exemple. Au moins, avec l'idéologie ou l'économie, les choses sont à peu près claires, il n'y a pas contradiction, ce qui ne rend pas la réalité plus tolérable.

Sur le site de Libération, je parcours une première analyse de Bernard-Henry Lévy, qui connaît très bien ce Pakistan que nous connaissons très peu, il dénonce cette dictature militaire, ce régime terroriste, cette puissance politique à capacité nucléaire, ce pays étrangement soutenu par les Etats-Unis. BHL joue un peu les prophètes d'apocalypse, mais c'est son style, et je crois sérieusement que nous devons être très attentifs à ce qu'il dénonce. L'avenir du monde se décide peut-être là bas, en cette fin d'année.

Et puis, comment ne pas songer, moi qui suis bien au chaud devant mon ordinateur, sans autre souci fondamental que de me préoccuper du proche avenir des socialistes saint-quentinois, comment ne pas se dire que mes pensées sont dérisoires, que la politique, dans bien des pays sur cette planète, ne se fait pas en rédigeant un blog ou en composant une liste municipale, mais en risquant sa vie et en vivant quotidiennement la violence, jusqu'à en mourir?


Bonne fin d'après-midi.

Troisième aéroport.

Je vous ai parlé mardi du Center Parcs de l'Aisne, qui créera 700 emplois. Dans notre région picarde fortement touchée par le chômage, il faut aller vers ce genre de projets, de "grands travaux", qui seuls relanceront significativement l'emploi. Mais ça ne s'invente pas, si j'ose dire. Il y a un projet qui traîne dans les cartons depuis quelques années et pour lequel il ne faut pas relâcher le combat: la construction d'un troisième aéroport international dans le secteur de Chaulnes. Je défends cette cause en participant à l'association pour l'envol de la Picardie, dirigée essentiellement par des élus de droite de Saint-Quentin, mais peu importe, l'essentiel, c'est l'utilité du combat. On trouve aussi dans ses rangs des personnes de gauche, notamment communistes, tel Maxime Gremetz.

Maxime, justement, a relancé la semaine dernière le projet en annonçant devant le Conseil régional de Picardie que le dossier avait été déposé sur le bureau du ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire, Jean-Louis Borloo. Ce qu'a confirmé au Courrier Picard de samedi Vincent Savelli, le président de l'association, qui rappelle les arguments en faveur de l'aéroport:

"Il y a une augmentation constante du nombre de passagers de 4,8% par an en moyenne. Elle va s'accroître avec l'arrivée de touristes de pays émergents comme la Chine et l'Inde. Les agences de tourisme prévoient un marché de 100 millions de chinois."

J'ajoute que pour 2007, la progression mondiale des passagers est de 6%, avec 2,2 milliards de personnes!

Maxime Gremetz précise, lui, que le projet est pour l'instant bloqué par les lobbies agricoles (à Chaulnes, il n'y a pas grand monde mais il y a des terres!) et que sa réalisation permettrait la création de 40000 emplois directs et autant d'indirects. J'avais il y a quelques années, pour l'association, fait un travail assez précis sur ce sujet, dont je rappelle qu'il a été voulu par le gouvernement Jospin et abandonné par le gouvernement Raffarin. C'est pourquoi les socialistes saint-quentinois auraient dû et peuvent encore, il n'est jamais trop tard pour bien faire, s'emparer de ce dossier et se battre en sa faveur, au lieu de laisser le terrain à la droite. Chaulnes est à trente kilomètres de Saint-Quentin, qui est donc la ville qui bénéficierait la première des retombées de l'aéroport. Il faut que les élections municipales soient l'occasion pour la gauche de se positionner clairement là-dessus.

Et si je le demande, c'est parce que j'ai quelques craintes. Je me souviens d'une réunion de section, en 2002 ou 2003, où j'avais soumis au vote de mes camarades (j'étais secrétaire de section à l'époque) une motion réclamant ce troisième aéroport. Résultat: une majorité ... d'abstentions. Où était le problème? Indifférence pour le projet? Méconnaissance du dossier? Absence de courage politique? Volonté de ne pas contrarier les Verts? Discrétion des élus socialistes sur ce sujet? Je ne sais pas, peut-être un peu de tout ça.

Mais à droite, on ne fait pas mieux, même si on fait en plus hypocrite. Xavier Bertrand est membre de l'association pour l'envol de la Picardie, très bien. Mais, si j'en crois Le Courrier Picard, le ministre se conforme aux décisions du "Grenelle de l'environnement", qui préconise de développer les aéroports régionaux déjà existants pour faire face à l'afflux de passagers. Bref, il appartient à l'association mais défend le contraire de ce qu'elle demande. Pour lui (mais pas pour moi!), c'est sans doute cela qu'on appelle "faire de la politique."


Bon après-midi.

La droite kéké.

Bonjour à toutes et à tous.

Je me demande souvent quelle est la nature du sarkozysme, de quoi est-il l'émanation et la représentation? Droite néolibérale, bonapartiste, populiste? J'ai eu la réponse en écoutant ce matin la revue de presse de France-Inter: Sarkozy, c'est la droite kéké! Non, ce n'est pas une plaisanterie d'entre Noël et le Jour de l'An, c'est une remarque sérieuse. Je suis allé voir dans le dictionnaire (électronique) ce que signifiait "kéké": le mot désigne un individu qui cherche à impressionner par son comportement. Populairement: se la péter ou rouler des mécaniques. Synonymes: cacou, crâneur, frimeur, m'as-tu-vu. Le kéké n'est pas culturellement très éloigné de celui qu'on appelait il y a quelques années le beauf.

Nicolas Sarkozy en vacances au soleil, descendant de l'avion privé qu'on lui a prêté, chemise blanche ouverte sur chaînette en argent, Ray-Ban sur le nez, Rollex au poignet, Carla Bruni à la main, saluant les quelques badauds, c'est le parfait kéké. En voyant la photo, j'ai irrésistiblement pensé à une scène (imaginaire) dans un film de Mocky. Nicolas avec Johnny et Doc Gynéco, Nicolas sur un yacht, Nicolas en survêtement, Nicolas et ses vacances américaines, Nicolas et ses amours, Nicolas et les marins-pêcheurs, on n'en finirait pas de feuilleter les pages d'un album d'une vie de kéké.

Mais il n'y a pas que le chef de la droite qui soit kéké. Son gouvernement est partiellement touché par cette "philosophie" de l'existence transformée en doctrine politique. Il y a du kéké chez Jean-Louis Borloo, l'un des hommes les plus populaires de la droite. Mais un fond de timidité l'empêche d'être totalement kéké. Une femme, bien sûr, peut être kéké. Roseline Bachelot en est, avec son rouge à lèvre provocant et son rire tonitruant. Ce n'est pas un hasard si c'est Patrick Balkany, kéké depuis très longtemps, qui a justifié l'utilisation de l'avion privé de Bolloré par le président de la République.

Soyons honnêtes, il y a des kékés à gauche, par exemple Georges Frêche, maire socialiste (mais exclu il y a peu) de Montpellier et président de région. Le PS a même connu une forte tentation kéké dans les années 90, en faisant ministre et homme politique Bernard Tapie. Une gauche kéké a tenté de naître, heureusement avortée. Depuis, avec Bertrand Delanoë et Ségolène Royal, c'est une gauche bobo qui l'a emporté. Or, il n'y a pas plus dissemblables, pas pires ennemis que kékés et bobos. Droite kéké contre gauche bobo, la nouvelle alternative?

Sociologiquement, les kékés représentent les couches populaires qui ont adopté, en les caricaturant involontairement, les comportements de la bourgeoisie fortunée, des nouveaux riches. Leur ralliement à la droite a permis la victoire de Sarkozy, qui leur doit bien cette reconnaissance symbolique par son comportement. La droite du passé s'enracinait autrement dans les couches sociales et la représentation métaphorique: de Gaulle incarnait l'aristocratie traditionnelle, Giscard la grande bourgeoisie moderne, Chirac le monde agricole pragmatique. Sarkozy, c'est les kékés. La gauche a connu elle aussi une forte évolution au regard de son histoire, en ralliant une partie de la moyenne bourgeoisie devenue progressiste, les bobos. Si le PS conquiert des villes en mars prochain, par exemple Rouen, Caen, Périgueux et surtout Bordeaux, ce sera grâce aux bobos.


Kékés, bobos et vous tous, bonne journée.

26 décembre 2007

Laïque Bayrou.

Faut-il maintenant lire Le Figaro (d'aujourd'hui) pour découvrir une charge anti-Sarkozy que je n'ai vu nulle part ailleurs? Faut-il écouter un démocrate-chrétien, en l'occurrence François Bayrou, pour entendre s'exprimer un républicain laïque? C'est tout de même un comble! Si ça continue, je vais adhérer au MoDem (non, je plaisante!). Mais admettez qu'il y a de quoi être surpris. Moi-même, pourtant président de la Fédération des Oeuvres Laïques de l'Aisne, soucieux de ces choses-là, je n'avais pas prêté attention aux propos de Sarkozy, que Bayrou à ma connaissance est le seul à dénoncer, et avec beaucoup de virulence.

Bien sûr, j'avais entendu le président parler de "laïcité positive" (comme s'il y avait une laïcité négative!), mais je n'avais pas relevé outre mesure le discours, dont Bayrou m'apprend des éléments beaucoup plus inquiétants. Bien sûr, j'avais souri à l'équipée de Sarkozy à Saint-Jean-de-Latran, recevoir des mains du pape son titre de chanoine d'honneur, aucun président avant lui n'ayant fait le déplacement. Et la compagnie de Jean-Marie Bigard, Guy Gilbert et Max Gallo était tellement risible, et je n'en doute pas très sincère, que je n'étais pas allé au-delà. Merci Bayrou, merci Le Figaro. Je devrais citer tout l'entretien, tellement la pensée laïque y est claire, cohérente, argumentée. Je vous cite quelques extraits essentiels:

"Quand on a besoin d'un adjectif [laïcité "positive"], c'est qu'on veut changer le sens du mot. Il y a dans le discours prononcé à Saint-Jean-de-Latran quelque chose de profond, passé à peu près inaperçu, une remise en cause de la laïcité républicaine autour de laquelle, depuis la Libération, la France s'est construite. S'exprimant comme président de la République, il introduit la notion de "racines essentiellement chrétiennes" de la France, oubliant le grand mouvement d'émancipation des Lumières. Il affirme que la religion a "intérêt" à compter beaucoup de croyants. Il demande aux religions, toujours dans "l'intérêt" de la République, de fonder la morale du pays. C'est le retour, qu'on croyait impossible en France, du mélange des genres entre l'Etat et la religion."

Et lisez encore ceci:

"La République n'a pas à sous-traiter l'espérance aux religions. La République est en charge de réaliser un monde meilleur, et pas d'inviter à attendre (...) L'espérance civique et l'espérance religieuse ne sont pas de même nature."

Et ce n'est pas fini:

"Quand Nicolas Sarkozy dit que le "jamais l'instituteur ne pourra remplacer le pasteur ou le curé" dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, parce qu'il lui "manquera toujours la radicalité du sacrifice de la vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance", il exprime exactement le contraire du message de Jules Ferry. La morale de l'instituteur n'est pas inférieure à celle du prêtre."

J'ajouterai que le "sacrifice de la vie" n'est pas un critère moral: le fanatique lui aussi sacrifie sa vie. On peut faire de grandes choses, moralement très élevées, dans le respect de la vie et de sa vie, dans la modestie de l'action. Le charisme, je ne sais pas trop ce que ça veut dire et ça me semble plutôt dangereux.

Allez, encore un extrait avant de se quitter:

"C'est un paradoxe troublant que celui d'un pouvoir qui affiche chaque fois qu'il le peut sa complaisance avec le matérialisme financier et, en même temps, souhaite faire de la religion une autorité dans l'espace public."

J'ai hâte de retrouver et de lire l'intégralité du discours de Saint-Jean-de-Latran.


Bonne nuit.

Un drame financier.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je vais vous parler de quelque chose qui devait mobiliser la réflexion de tous les socialistes ces derniers mois: la crise dite des "subprimes", c'est-à-dire une crise financière, dont l'origine est immobilière, qui a frappé durement certaines banques américaines en juillet dernier, et qui progressivement, depuis, se répand à travers tout le système financier mondial. Nous socialistes, qui prétendons avec raison jeter un regard critique sur le capitalisme dans un monde qui n'a d'yeux que pour ce système économique, voilà une occasion d'exercer notre réflexion critique et de mettre, par comparaison, en relief une approche socialiste du monde de l'économie.

Que se passe-t-il de si menaçant depuis cet été dans les réseaux financiers mondiaux? C'est un peu complexe parce que ce système, qui devrait être aussi clair que peut et doit l'être une comptabilité, est extrêmement opaque. Au départ, il y a de banales crédits immobiliers accordés à des familles américaines dont les garanties de solvabilité n'ont pas été strictement vérifiées. C'est l'acte 1 de ce drame financier. Les riches, pour s'enrichir encore plus, ne s'adressent plus aux riches mais aux pauvres à qui on promet monts et merveilles grâce au crédit. Celui-ci a un taux variable (une "subprime") qui augmente brusquement et dangereusement, les mensualités ne peuvent plus alors être honorées, il faut revendre la maison, le prix de l'immobilier chute. J'ai moi-même acheté une maison il y a un an (mais en France!) avec un taux de crédit variable selon les cours du marché de l'immobilier, mais ce crédit est encadré, je suis solvable, donc pas de mauvaise surprise (sauf deux ou trois ans de mensualités supplémentaires à régler au bout de mes 25 ans de crédit si les évolutions du marché me sont défavorables). Il n'y a donc pas de comparaison possible avec le système américain.

Donc, les particuliers américains sont floués et l'immobilier s'effondre. C'est là qu'intervient l'acte 2 du drame financier. Les banques, non contentes d'accorder des crédits hypothécaires à risques par le biais de leurs organismes de crédit, ont émis des titres obligataires indexés sur ces crédits, promis à des rémunérations élevées, selon une procédure financière nouvelle, la "titrisation" (le monde de la finance emploie des concepts aussi abstraits et obscurs que celui de la philosophie, c'est pourquoi leur pratique intellectuelle porte un même nom: la spéculation). Ces titres sont dispersés à travers le système bancaire, ils se mêlent à d'autres crédits, personne ne sait plus très bien qui a acheté quoi, la finance est prise dans le vertige d'un monde qui tourne sur lui-même et qui se détache de la réalité.

Mais chassez le réel, il revient au galop, et l'origine de tout ça se rappelle à vos bons souvenirs: ces titres adossés à des crédits immobiliers qui s'effondrent ne trouvent plus d'acheteurs, ne valent plus grand chose, et les banques en pâtissent, ne pouvant plus s'en débarrasser. En cette fin d'année civile où l'on fait ses comptes, certaines banques françaises, pourtant beaucoup mieux protégées du laxisme financier que les banques américaines ou anglaises, comprennent leur douleur. Le Crédit Agricole perd 1,6 milliard d'euros, presque autant que la Banque Populaire et la Caisse d'Epargne. Ma banque, la BNP, est relativement épargnée (301 millions d'euros), ainsi que la Société Générale (401 millions d'euros).

Lever de rideau sur l'acte 3: les banques ont besoin de liquidités, sinon le drame tournera à la tragédie. Les banques centrales viennent à leur aide, dont la BCE traditionnellement décriée par la gauche, qui injecte en quinze jours pas moins de 348 milliards d'euros dans les circuits financiers! Et l'opération sauvetage ne s'arrête pas là: des "fonds souverains", c'est-à-dire des organismes d'investissement appartenant à des Etats étrangers, Abu Dhabi, Singapour, Koweit, offrent leurs services, qui ne sont pas grâcieux, particulièrement opaques et souvent non réciproques. Mais ils ont énormément d'actifs, 3000 milliards de dollars dit-on, et 10000 à l'horizon 2012. Le vertige continue.

Que sera l'acte 4 de ce drame financier? Nul ne le sait, mais ces spéculations vertigineuses finissent toujours par avoir des retombées dans la réalité, en matière de croissance et d'emploi. Un socialiste doit en tirer à son profit, si j'ose dire, quelques bonnes leçons:

1- Le marché financier livré à lui même, sans règle ni contrôle suffisant, est extrêmement dangereux et interdit d'être un libéral pur et dur.

2- Le marché financier ne peut pas se contenter de sa propre rationalité. Le crédit ne doit pas être une simple opération financière, il doit s'accompagner du sentiment de confiance que produit une entière transparence, et ce n'est pas un hasard si un même mot, crédit, désigne un mécanisme et un état d'esprit.

3- Le marché financier est menacé par sa virtualité progressive, son irréalité croissante qui le font basculer dans l'irrationnel. Ce n'est pas tant le crédit qui est fautif, car lui au moins renvoie à des réalités (la propriété d'une maison, une rémunération issue d'un travail), mais ces titres financiers qui renvoient à des crédits évaporés c'est-à-dire à rien, des titres qui eux-mêmes s'évaporent dans le système financier mondial, qui le contaminent et le menacent de mort. Ce marché financier est d'autant plus vulnérable qu'il est interdépendant, ce qui favorise la transmission du virus.

4- Des solutions à court et à moyen terme: sortir les produits financiers douteux des bilans bancaires, les repérer, les isoler; revoir le rôle des trois agences de notation de crédit (qui toutes les trois sont américaines!).

Voilà pour le moment à propos de cette crise financière dont les implications économiques, politiques et même philosophiques sont gigantesques, et sur laquelle je reviendrai durant les vacances.


Bonne soirée.

Time is politics.

Bonjour à toutes et à tous.

Je suis de mauvaise humeur, très irrité, avec un sentiment d'impuissance fort désagréable. Tout ça parce qu'en relisant le dernier numéro de L'Aisne Nouvelle, je découvre que le maire de Roupy, 260 habitants, près de Saint-Quentin, va laisser sa place en mars prochain au profit de Quentin Bardet. Et qui est Quentin Bardet? Un responsable des jeunes UMP de l'Aisne (Jeunes Pop, comme ils se dénomment), chargé de mission au ministère du Travail. Pourquoi suis-je en colère pour si peu? Ne voyez-vous pas que Xavier Bertrand est en train de placer ses pions pour les prochaines parties électorales, ou ses soldats pour les futures batailles politiques, si vous préférez la métaphore militaire?

La droite anticipe, se prépare, pousse les siens, et la gauche saint-quentinoise, pendant ce temps-là, se divise, écarte et attend la dernière minute pour sortir du chapeau un candidat désigné par surprise, dans des circonstances grotesques. Bardet pour les municipales demain, et après-demain pour la conquête du canton de Vermand, voilà le plan de la droite, damer les pions de la gauche les uns après les autres et tenter de s'emparer du conseil général de l'Aisne en 2011, où la tendance lui sera plus favorable qu'en 2008. La droite locale a un atout puissant que nous ignorons complétement: la durée. La gauche, elle, est spécialiste, je le redis et le déplore, de la dernière minute, comme le choix pour les municipales à Saint-Quentin le prouve malheureusement.

Notre espoir, c'est le canton Saint-Quentin sud, renouvelable en mars, normalement acquis à la gauche, où Michel Garand devrait l'emporter, ce qui donnerait enfin une victoire socialiste dans le saint-quentinois. Mais méfions nous de la droite, qui parait-il pourrait présenter Alain Gibout, maire-adjoint aux finances et à la vie associative de Saint-Quentin, qui cultive habilement une image apolitique et sait se faire apprécier de tous. Si Michel gagne, l'espoir renaitra dans nos rangs, l'avenir pourra être envisagé dans une perspective un peu plus positive. Mais quelle stupidité, une fois de plus, que deux candidats à la candidature socialiste soient sur les rangs! Saint-Quentin sud, ce n'est tout de même pas un enjeu de courants! Hélas si, voilà où nous entraine l'aveuglement et le sectarisme de courant.

Saint-Quentin centre sera renouvelable en 2011, comme Saint-Quentin nord. Si nous avions un peu d'intelligence politique, nous mettrions sur la liste municipale, en position éligible, les socialistes aptes à se présenter ensuite aux cantonales, en vertu du principe, bien assimilé à droite, qu'une élection en prépare une autre. Vous savez qu'il n'en sera rien, que la liste sera constituée en vertu de la fidélité, pour ne pas dire de la soumission passive au courant qui composera la liste. Ce qui signifie que dans les cantons centre et nord, comme aujourd'hui pour le canton sud, il y aura bagarre entre courants pour obtenir la candidature, et que les candidats potentiels prendront soin de se dévoiler "à la dernière minute", puisque c'est la seule règle que les socialistes saint-quentinois sont capables de pratiquer.

Pourtant, le canton centre n'est pas imprenable, il a déjà élu des conseillers généraux de gauche. Mais sans anticipation ni préparation, c'est fichu, car l'actuelle conseillère générale, Colette Blériot, est très présente sur le terrain, bosse pas mal, a le contact facile et sait se faire aimer. La battre ne sera pas facile. S'y prendre au dernier moment, comme hélas c'est prévisible, rendra impossible une éventuelle victoire. Dans le canton nord, où j'avais été candidat en 2004, il y a incontestablement une carte à jouer, mais dès maintenant, pas en 2011, à quelques semaines du scrutin! Le conseiller général UMP, Jérôme Lavrilleux, est handicapé par le fait qu'il est directeur de cabinet de Jean-François Copé ... à Meaux. Saint-Quentin et la ville de Meaux, ce n'est tout de même pas la même chose! Mais là encore, que les socialistes ne se fassent pas d'illusions: Lavrilleux est présent au bon moment et les week-ends, il ne faut pas trop compter sur son éloignement pour s'emparer du canton (qui a toujours été détenu par la droite), mais sur notre capacité à lancer dès maintenant un bon candidat, moi ou un autre, peu importe, à la conquête du canton.

En 2009, il y aura les élections régionales, et celles là aussi, il faut y songer bien avant 2009. Xavier Bertrand se prépare à monter à l'assaut, il nous faudra une liste politiquement solide pour résister. Je n'avais pas aimé la façon dont a été composé la liste régionale en 2004, pour la même raison que je n'aime pas la façon dont va se constituer la liste municipale à Saint-Quentin, la règle prioritaire, sinon exclusive, de la représentation des courants. J'ai vu ainsi éliminer des militants de valeur, des conseillers régionaux sortants aguerris tels que Bernadette Bourdat et Maurice Vatin, dont la pugnacité et l'expérience nous seraient bien utiles aujourd'hui, au moment où le bateau de la Région Picardie tangue un peu.

Et puis, last but not least, il y aura les municipales saint-quentinoises de 2015, avec la consécration attendue de Xavier Bertrand en premier magistrat de la ville. Vous allez me trouver bizarre d'évoquer 2015 alors que mars 2008 n'est pas encore là. Mais je le fais parce que la droite le fait, parce qu'elle a en tête ce qui ne vient à l'esprit de la gauche que bien des années plus tard, quand l'urgence impose de désigner des candidats. Tout cela, notre incapacité à anticiper nos choix longtemps à l'avance, me préoccupe au plus haut point. Je vous ai parlé, la semaine dernière, de l'UMP Serge Vinçon: il est devenu maire de Saint-Amand Montrond en 1983 et est resté près d'un quart de siècle dans son fauteuil de maire. Seule la mort l'en a délogé. Qui ne voit pas qu'à Saint-Quentin, nous prenons la même voie, la mort en moins, car il ne faut la souhaiter à personne. Time is money, dit la formule. Peut-être, mais j'ai aussi envie de dire: time is politics. Si le temps n'est pas en politique notre allié, si nous avons pour seule règle celle de la dernière minute, nous sommes fichus. Vous comprenez mieux ma mauvaise humeur en ces vacances de Noël?


Bonne journée.

25 décembre 2007

Daudigny et l'Aisne.

Il y a une formule journalistique que j'aime bien, lorsque les deux journaux locaux, L'Aisne Nouvelle et L'Union, se réunissent autour d'une personnalité qu'ils laissent interroger par quelques lecteurs. C'est très libre, vivant, toujours intéressant. Le dernier à se soumettre à cet exercice, c'était la semaine dernière Yves Daudigny, président (socialiste) du conseil général de l'Aisne. L'Aisne Nouvelle a donné comme titre à la rencontre cette phrase du président: "Nous devons avoir de l'ambition", tandis que L'Union retenait cette autre phrase: "Non au défaitisme!"

Les deux journaux ne se sont évidemment pas concertés, ils restent libres de leur titre, mais il est significatif qu'ils ont ressenti identiquement le message d'Yves Daudigny: lutter contre un certain fatalisme qui est ancré dans les mentalités du département, que je mesure souvent à la difficulté que j'ai à mettre en place des activités nouvelles (la nouveauté soulève le scepticisme alors qu'elle devrait provoquer l'enthousiasme) ou à faire travailler ensemble des personnes ou des organismes différents (le poids des habitudes est puissant et pesant, les cloisements sont très étanches).

Certains milieux de gauche eux-mêmes, alors qu'ils devraient incarner le mouvement, sont atteints, presque ankylosés, paralysés par ce conservatisme pépère, tranquille, presque bon enfant, qui ne comprend pas qu'on veuille le remettre en question. Le conseil général est de ces institutions qui essaient de faire bouger les choses, et je comprends et me félicite que Daudigny ait mis l'accent là-dessus et que la presse ait perçu son état d'esprit.

Pour illustrer ce "défaitisme" axonais, parfois mâtiné de mauvaise foi ou de contestation stérile, je vais prendre un exemple tiré de l'interview, une remarque un peu perfide d'une lectrice, Marie-Jo Caura, à propos du plus grand chantier de ces dernières décennies dans le département, le Center Parcs près de Laon:

"Nous ne voyons pas pourquoi les collectivités ont financé Center Parcs. Ce projet ne profitera pas aux Axonais, ne génère que quelques emplois et son accès n'est pas à la portée de tous. Qu'attendez-vous d'un projet aussi peu social?"

Yves Daudigny a un formidable atout, c'est quelqu'un d'extraordinairement calme. Et il en faut, du calme, pour affronter ce genre de remarque, fausse question qui dissimule à peine une réprobation! Je le dis parce que le Center Parcs est une extraordinaire opportunité de développement pour le département, comme le serait au niveau de la région la création d'un aéroport international à Chaulnes, dans la Somme. Eh bien, dans les deux cas, vous trouvez des gens, y compris de gauche, y compris socialistes, pour critiquer, comme si critiquer était chez eux une seconde nature. Bon, place maintenant aux arguments rationnels de Daudigny:

1- Un projet qui ne profitera pas aux Axonais? 700 emplois de créés, vous connaissez beaucoup de projets dans le département qui offrent un tel gisement d'emplois? Non. Alors que le chômage dans l'Aisne est de 3 points supérieur à la moyenne nationale, il faudrait être fou ou irresponsable pour ne pas accepter l'installation d'un Center Parcs.

2- L'emploi n'est pas le seul indicateur de développement, bien sûr. Il y a le tourisme. Avec 300000 visiteurs par an, le Center Parcs double le nombre de nuitées commerciales pour atteindre les 3 millions.

3- Il y a aussi le gain en matière de communication, qui est fondamental pour un département, l'Aisne, qui souffre d'un déficit de notoriété. Qui sait situer le département, approximativement, sur la carte de France? Nous aurions de désagréables surprises si nous soumettions les français à ce petit jeu. Bref, l'Aisne doit se faire connaitre, le conseil général s'y emploie largement et génialement (voir sa publicité nationale dont je vous ai déjà parlé il y a quelques mois). Le fait que le "Center Parcs de l'Aisne" porte le nom du département (après des négociations serrées, la direction de Pierre et Vacances, qui gère la structure, voulait une autre dénomination) est un vecteur important de promotion. Dans une société de communication comme la nôtre, c'est un élément essentiel.

4- L'argent public est venu en aide au Center Parcs? Réponse de Daudigny: "on n'a pas fait cadeau du site de l'Ailette à un opérateur privé. Ce dernier nous paie une redevance dans le cadre d'une délégation de service public." De plus, les retombées économiques seront de 15 à 20 millions d'euros.

Voilà ce que commande la raison. Et tant pis pour mes camarades socialistes anticapitalistes qui voient d'un mauvais oeil tout ça! Demandez leur où ils vont en vacances, vous serez parfois surpris. C'est un peu comme ces socialistes, laïques fervents, qui envoient leurs enfants à l'école privée et vous administrent, bien sûr, des leçons de socialisme et de laïcité. Allez Yves, vas y, on te soutient, et vive le Center Parcs et le conseil général de l'Aisne!


Bonne nuit.