L'Aisne avec DSK

28 février 2009

Le moment fraternité.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je ne sais pas si on peut dire que le Conseil national du PS a été, aujourd'hui, un "moment fraternité". Mais le nouveau livre de Régis Debray, qui porte ce titre ("Le moment fraternité", NRF, Gallimard), nous invite à y réfléchir. Un bouquin de Debray qui sort, c'est toujours un petit événement pour la gauche, surtout quand celui-ci médite sur une vertu républicaine un peu oubliée: liberté, égalité, ça oui, on en parle; la fraternité, ça fait un peu ringard, un peu curé. A tout prendre, on préfère parler de solidarité, éventuellement de justice. Sauf que ce ne sont pas des synonymes.

Je n'ai pas encore acheté le dernier Debray, mais l'essayiste était hier matin au journal de France-Inter. C'était juste avant que je ne parte pour Crouy, aux obsèques de Sudo. Je me suis dit qu'il pouvait aussi y avoir une fraternité post-mortem. Qu'a dit Régis? Que la fraternité, c'est quand le "nous" prime sur le "je". Mais ce n'est pas pourtant l'amour universel. Quand Ségolène martèle fra-ter-ni-té au Zénith, elle est plus, selon Debray, dans la compassion, l'empathie. "Aimez-vous les uns les autres", c'est christique, ce n'est pas fraternel.

Ce qui signifie que la fraternité a toujours une dimension tragique: le "nous" n'existe que dans l'opposition à "eux", aux "autres". "Combattez les uns avec les autres", voilà comment Debray comprend la fraternité, une notion virile, sans douceur, sans clémence. Il n'y a pas de fraternité entre l'esclave et son maître, entre le salarié et le patron. Bref, la fraternité n'est concevable que dans l'égalité et la liberté. D'où la formule républicaine.

La fraternité n'a rien à voir non plus avec la fratrie, les frères de sang. Même mot, mais idée tout à fait différente, opposée. La fraternité est politique, sociale, idéologique, elle ne peut pas être biologique. Je choisis mon frère, il ne m'est pas imposé. La fraternité convient à des camarades, dans un parti de gauche.

Mais la politique pose un problème: quand il y a du pouvoir, peut-il y avoir de la fraternité? Quand il y a les élus d'un côté et les militants de l'autre, c'est à dire les décideurs et les exécutants, il n'y a plus égalité, donc absence de vraie fraternité. C'est pourquoi on utilise souvent aujourd'hui, dans les partis politiques, ce mot horrible qui ne veut rien dire: "convivialité", qui est la négation de la fraternité. Avec Debray, je crois au charme et à la vérité des anciens mots.


Bonne soirée fraternelle.

Un grand jour.

"C'est un grand jour pour le Parti socialiste", a dit Martine Aubry à l'issue de notre Conseil national de cet après-midi. Je préciserais: une grande semaine. Après des mois, et même des années de division, le PS est parvenu aujourd'hui à ce qu'il y a de plus précieux et de plus difficile en politique: l'unité. Nous étions divisés entre ouiistes et nonistes, nous étions divisés entre ségolénistes et les autres. C'est fini, c'est surmonté.

Tout a commencé en début de semaine, avec l'entrée de 11 ségolénistes dans notre secrétariat national, le "gouvernement" du Parti. Il était inconcevable que les amis de Ségolène, qui représentent tout de même près de la moitié des adhérents, ne soient pas présents dans la direction. Un parti, une fédération, une section, c'est tous ensemble, avec de réelles responsabilités pour les uns et les autres, qu'on avance, qu'on prépare les prochaines victoires.

Puis il y a eu la composition des listes pour les élections européennes. Un vrai casse-tête! Et de quoi s'y casser les dents! Quand on connaît le nombre de paramètres à inclure et le nombre de postulants, on se fait une petite idée de la difficulté. Tout pouvait éclater, partir en vrille. Tout s'est bien passé, chaque courant a été satisfait et l'adoption des listes s'est faite à la quasi unanimité.

Même unité autour du texte programmatique, inspiré du PSE (Parti socialiste européen), qui nous servira de base pour la campagne électorale, et qui a le grand mérite de dépasser le clivage mortel qui s'était installé au PS lors du débat sur la Constitution européenne. Durant cette campagne, Martine Aubry s'entourera de trois porte-paroles, qui symbolisent l'union retrouvée: Peillon, Hamon, Désir.

Il était plus que temps que nous sortions de nos divisions. La crise économique fait rage, les Français ne croient plus en Nicolas Sarkozy, l'alternance se fait attendre. Aujourd'hui, elle apparaît un peu plus clairement. C'est aussi une première victoire politique pour la Première secrétaire, qui a magistralement réussi cet examen de passage qu'est la constitution des listes pour les européennes.

Que la leçon puisse nous inspirer, à tous les échelons du Parti: la réconciliation, en politique, n'est pas dans les discours mais dans les actes, quand des responsabilités sont données à ceux qui en sont écartés, quand des places éligibles sont proposées à toutes les sensibilités. Alors seulement on peut parler d'unité.

Oui, décidément, ce jour aura été "un grand jour" pour le Parti socialiste.


Bonne fin d'après-midi.

La folie, le mal et la mort.

Bonjour à toutes et à soir.

J'ai regardé hier soir, tard, sur France 3, un petit reportage consacré à Richard Durn, le tueur du conseil municipal de Nanterre, en mars 2002. Autant vous dire que j'ai trouvé ce documentaire pas très bon, pas très intéressant, peu approfondi. On n'apprend rien. Simplement, les faits nous sont remis en mémoire. Trois remarques me sont venues en tête:

1- Notre société cartésienne, rationaliste, normalisée est incrédule devant la folie, le mal, la mort. Ces trois termes résument Durn. Nos concitoyens, devant toute affaire comparable, sont choqués, se demandent: pourquoi? comment? Ils veulent des explications là où il n'y a rien à comprendre, parce qu'il n'y a aucune explication à la folie, au mal et à la mort.

Même les psychiatres ont du mal à rendre compte du personnage et de son acte (du coup, l'opinion critique injustement leur incompétence, leur faiblesse). Jadis, c'était la religion qui se chargeait de donner un sens à la folie, au mal et à la mort. Elle n'a plus aujourd'hui cette puissance. Nous sommes nus, dépourvus, scandalisés face au mystère, à la tragédie de la folie, du mal et de la mort.

2- Notre société individualiste a distendu les liens sociaux autrefois très forts, la famille, le métier, le village ou le quartier. Durn n'a pas de boulot, pas de copine, pas d'amis: son seul face à face avec l'autre, c'est sa mère. Il va donc chercher ailleurs, au PS, à la Ligue des Droits de l'Homme, ce qui lui manque, sans résultat. C'est terrible.

Il y aurait toute une étude à faire sur les adhérents des partis politiques, les esprits fragiles, les pauvres têtes, les doux dingues, les fous furieux qui y trouvent refuge. Ce qui est terrible, c'est que cette frange d'individus (tous les militants ne sont pas zinzins, encore heureux!) ne peut être que trompée par le milieu politique, dur, compétitif, manipulateur, tout le contraire de ce qu'ils recherchent, de ce dont ils ont besoin.

3- Le documentaire passe sous silence, et c'est bien dommage, le contexte politique et social dans lequel se déroule la tragédie de Nanterre. Pour la première fois de son histoire, la France a l'impression d'être confrontée à un serial killer, à une tuerie irrationnelle telle qu'il n'en existe qu'aux Etats-Unis. Tout ça sur fond de campagne électorale des présidentielles, où le thème de l'insécurité est exploité par la droite, où une incroyable polémique frappe de plein fouet le Parti socialiste et Lionel Jospin, accusés de mener une politique de droite. La réforme des 35 heures soulève une hostilité et même une haine rarement vues.

Pour ma part, en quinze ans de militantisme, l'année 2002 aura été la plus terrible. Résultat: Jospin très largement battu, la montrée des extrémismes et une partie de la France qui se donne à Le Pen. C'est aussi cette société, qui crache sur la politique, qui ne croit plus au progrès social, qui injurie la gauche, c'est cette société qui engendre Richard Durn, qui l'encourage à passer à l'acte. De simples conseillers municipaux et adjoints de gauche d'une ville de banlieue vont devenir à ses yeux l'incarnation du mal, puisqu'à longueur de journée, il entend dire, à peu près partout, que les hommes politiques sont corrompus et tous les mêmes! Durn aurait pu s'en prendre à des patrons, des magistrats, des journalistes. Non, il choisit de tuer des élus.

Depuis cette tragédie, la France a un peu changé: l'extrême droite a reflué, les 35 heures sont beaucoup moins critiquées, la gauche est à nouveau respectée, la démocratie a repris son cours normal. La folie, le mal et la mort que portait Durn sont aussi en nous, lorsqu'on se met à ne plus aimer la République, ses grandeurs et ses faiblesses. Que plus jamais ne revienne l'année 2002 et un nouveau Richard Durn.


Bonne matinée.

27 février 2009

Salut Sudo.

Bonsoir à toutes et à tous.

Ce matin, nous avons rendu un dernier hommage à Raymond Sudolski. Il y avait beaucoup de monde, dans la petite église de Crouy, beaucoup de camarades et d'amis de gauche. Je cite celles et ceux que j'ai vus, en m'excusant auprès de ceux qui ont échappé à mon attention:

Yves Daudigny, Arnaud Battefort, Alain Sautillet, Patrick Day, Dominique Jourdain, Georges Fourré, Claire Le Flécher, Mireille Tiquet, Bernard Lefranc, Patricia Caron, Pierre Lenoble, Gilbert Collet, Nelly Goujon, Jacques Krabal, Didier Boda, Frédéric Alliot, etc.

En politique, on va plus souvent à des enterrements qu'à des mariages. C'est parce que la mort inspire plus que l'amour. L'homme qui nous quitte est jugé à sa juste valeur. On comprend mieux alors ce qu'il était et ce qu'il a apporté. Un adage affirme que "nul n'est indispensable". Mais si! Chacun d'entre nous est unique et donc indispensable. Personne d'autre ne nous remplace à notre mort.

Et puis, la mort est un événement plus grave, plus profond que l'amour. Un enterrement est pour moi l'occasion de rappeler que la seule valeur qui vaille, au dessus de toutes les autres, c'est la vie. Je ne vois qu'elle qu'on puisse vouloir et aimer, la vie. La mort, elle, est une sale chienne qui n'a pour seule excuse que de donner son sens à la vie. Elle ne mérite pas qu'on en ait peur.

J'ai aimé les paroles de la famille, durant la cérémonie: pas de regrets éternels, pas de chagrins inconsolables, pas de propos convenus, mais le rappel très sobre, très fort, très vivant du parcours d'un homme et d'un militant politique. Il y avait de la douleur, mais ce n'était pas triste.

La mort rapproche aussi les vivants, aujourd'hui, cette fois-ci, la grande famille socialiste. C'est pourquoi il est important d'aller aux enterrements. Je souhaite tout de même que ce soit le moins souvent possible! Après, avec Pierre, nous sommes allés au bistro. Pour parler de quoi à votre avis? De politique! Fédé, courants, européennes. Il fallait que nous soyons à la hauteur de Sudo. Je crois qu'il aurait été fier de nous...


Bonne soirée.

26 février 2009

Rumeur et humeur.

Sur la réforme des collectivités locales, que d'agitation en 24 heures! Le comité Balladur se réunissait hier pour la dernière fois: son rapport est désormais bouclé, il contient 130 pages, 20 propositions et sera présenté au chef de l'Etat la semaine prochaine. Mais on sait à peu près tout de son contenu! C'est d'ailleurs une détestable manie française: les "fuites" avant publication, qui nourrissent toutes les rumeurs, vraies et infondées, alors qu'il serait plus simple et plus sain de dévoiler un texte dès sa rédaction.

Balladur s'est exprimé hier sur TF1 et ce matin sur RTL: c'est clair et net, aucune région ne sera forcée, le redécoupage se fera sur la base du volontariat. André Vallini, membre socialiste de la commission, a qualifié ce matin sur France-Inter de "craques" les affirmations sur la disparition programmée des régions. Il a précisé que la mesure la plus révolutionnaire était la disparition des cantons. Le rapport contiendra une "contribution additionnelle" dans laquelle les socialistes de la commission Balladur (Vallini et Mauroy) soulignent leur désaccord sur certaines des 20 propositions.

Ce que Vallini reproche surtout au rapport, c'est de n'aller pas assez loin en matière de décentralisation. Il se distingue aussi de Pierre Mauroy sur l'avenir des départements: celui-ci n'est pas hostile à leur disparition, Vallini souhaite les conserver. C'est pourquoi j'ai été très surpris à la lecture du Monde de cet après-midi, dans lequel Pierre Mauroy, contre toute attente, se "désolidarise" du rapport Balladur. Est-ce la levée en masse des élus locaux qui l'a fait reculé?

Pourtant, il y aurait beaucoup à dire sur les motivations de cette protestation des provinces contre Paris. Quand je vois chez moi, en Picardie, ceux qui ont hier porté la fronde dans les médias, ça laisse songeur: Caroline Cayeux, maire UMP de Beauvais (qui croit malin de rappeler que son nom en picard veut dire "caillou"!), Jean-Pierre Pernaut sur RTL. Le Courrier Picard d'aujourd'hui croit savoir qu'Elodie Gossuin, UMP, a fait jouer son épais carnet d'adresses. Si vous croyez que tout ce tintouin est le prélude d'un grand soulèvement progressiste, vous vous trompez!

Je veux corriger une injustice que j'ai commise hier, en affirmant que le rapport Balladur ne contenait rien sur l'intercommunalité (mais pourquoi ne serais-je pas, moi aussi, victime de la rumeur!?). Deux propositions, que j'approuve, en traitent: la généralisation de l'interco d'ici 2014, leur élection au suffrage universel direct en même temps que les élus municipaux.

J'aurai l'occasion de revenir sur cet important débat, le plus important de l'année en matière institutionnelle. Le Parlement s'en saisira à l'automne. Je pense faire venir alors à Saint-Quentin un membre de la commission Balladur pour animer un débat sur "l'avenir de la démocratie locale", dans le cadre des 500 ans de l'Hôtel de Ville.


Bonne fin d'après-midi.

Les impôts d'Aurigny.

Bonjour à toutes et à tous.

L'Union d'hier, sous la plume de Cécile Leclercq, consacrait tout un article, grande et belle photo à l'appui, à la feuille d'impôts de Michel Aurigny, conseiller municipal d'opposition, représentant du Parti Ouvrier Indépendant (et pas le Parti des Travailleurs, Cécile! Mais tu es pardonnée: ce parti a changé tellement de fois de nom en 40 ans...). Ma première réaction: je m'en fous des impôts d'Aurigny. Mais c'est un peu bête, comme toute réaction, car la démonstration d'Aurigny se veut politique: montrer que la pression fiscale à Saint-Quentin augmente, contrairement à ce qu'affirme son maire. Là-dessus, j'ai cinq remarques (politiques) à faire:

1- La démarche d'Aurigny a pour origine et justification les propos du maire lors du dernier conseil municipal. Devant l'affirmation par l'opposition d'une hausse des impôts locaux, Pierre André a rétorqué à sa façon, fréquente, par une petite provocation: montrez-moi vos feuilles d'impôts et je vous expliquerai. Sous-entendu: ce que vous dites est faux parce que vous n'y comprenez rien. Aurigny a pris le maire au mot, il montre dans L'Union ses feuilles d'imposition. Pourquoi pas, c'est une façon de faire. Mais au jeu de la provoc, Pierre André sera toujours le plus fort, parce qu'il détient le pouvoir. Entrer dans son jeu ne sert à rien. Ce n'est pas exhiber des feuilles d'impôts qui va le faire reculer.

2- La démarche d'Aurigny est personnelle, alors qu'en conseil municipal il s'était exprimé au nom de toute l'opposition de gauche sur ce dossier. Là, devant les journalistes, il fait cavalier seul. Pourtant, s'il est où il se trouve, au conseil municipal (et je n'y suis pour rien puisque j'étais contre!), c'est grâce aux voix des électeurs socialistes. Je sais bien que son parti et son journal, "Informations Ouvrières", ne considèrent pas le PS comme un parti "socialiste", mais ce n'est pas une raison, à Saint-Quentin, pour faire bande à part.

3- Venons-en maintenant au fond de la démonstration d'Aurigny. Il insiste beaucoup sur l'augmentation de la taxe foncière, +56% de 2001 à 2008, alors que l'inflation, dans le même temps, a été de 12%. Ok, mais n'insistons pas trop non plus: c'est quand même l'impôt des propriétaires, et tous les Saint-Quentinois, loin de là, ne le sont pas. C'est surtout la taxe d'habitation qu'il faut mettre en avant: +29,9%, payée par presque tous (sans parler de son mode de calcul, le plus injuste qui soit). Quant à la taxe sur les ordures ménagères, son chiffre ferait bondir (+1378%) s'il ne fallait le relativiser par le fait que cette taxe est de création récente et les besoins qu'elle couvre sont grandissants.

4- Jusque là, à part des détails et des question de présentation, je peux en gros m'accorder avec Aurigny. Mais là où ça ne va plus du tout, c'est sur le sens politique que prend sa démonstration. Elle se présente comme factuelle, objective, mathématique, à la limite non politique, non polémique. C'est la marque de fabrique lambertiste: dépouiller la démonstration de toute idéologie et s'en tenir aux faits, selon le précepte (de Jaurès, Lénine ou Trotsky, je ne sais plus) "seule la vérité est révolutionnaire". C'est une école de pensée, rigoureuse et vertueuse. Mais comme toute école de pensée, la lambertiste est contestable: un fait par lui-même ne veut rien dire, n'a pas de sens politique. Il faut lui en donner un. Bref, mon école de pensée à moi, nietzchéenne, c'est qu'il n'y a pas de faits mais seulement des interprétations.

Or, quand je lis l'article de L'Union, qu'est-ce que j'en retiens politiquement (et non pas factuellement): c'est que la hausse de la pression fiscale, qui est incontestable, se produit à tous les échelons politiques, commune certes, mais aussi département et région, ces deux dernières collectivités étant détenu en Picardie et dans l'Aisne par la gauche. Aurigny, qui n'interprète rien mais laisse à chacun le soin de le faire, résume en une phrase sa pensée (parce qu'à un moment donné, le calcul doit bien déboucher sur une pensée, un jugement): "Tout le monde a participé: le résultat est là". Leçon de l'histoire: gauche et droite, André et les socialos, c'est du pareil au même.

Les socialistes, c'est même pire, puisque la région augmente la taxe foncière de 24,20%, le département de 31,30% alors que la commune se limite à 10,17%. Et pour la taxe d'habitation, c'est 31,35 pour le Conseil général et 10,13 pour Saint-Quentin. Vous imaginez un peu l'usage politique que peut faire Pierre André de ces données! Car les faits et les chiffres, on peut les retourner comme des crêpes (puisque c'était cette semaine Mardi Gras!). La seule chose qui compte pour moi, c'est le sens politique qu'on leur donne. Et sur ce point, vous n'entendrez jamais Aurigny défendre la politique fiscale du Conseil général ou régional en conseil municipal. Tout le problème est là, et nous (les socialistes) devrons supporter cette contradiction politique pendant encore six ans.

5- Le sens politique de la fiscalité locale (et nationale), c'est l'usage qu'on fait de l'impôt. Que celui-ci augmente, à la limite peu m'importe! Ce que je veux savoir, c'est ce qu'on fait de l'argent du contribuable. La vraie question politique est là, surtout pour un socialiste défenseur de l'impôt. Se plaindre que les impôts augmentent, c'est, nous le savons bien, un argument de droite. Je ne dis pas qu'il est illégitime et qu'il ne faut pas y réfléchir, je rappelle simplement qu'il n'est pas socialiste. Michel Aurigny, si j'ai bien compris, souhaiterait affecter les sommes versées dans la rénovation du quai Gayant au rachat du parking de l'hôpital et à sa mise en gratuité. Je ne vois pas exactement les choses comme ça, mais c'est un débat, pourquoi pas. Quoi qu'il en soit, c'est bien la finalité de l'impôt et non ses modalités (augmentation ou pas) qui est l'enjeu politique.


Bonne matinée.

25 février 2009

Un dernier adieu.

Bonsoir à toutes et à tous.

L'ami Pierre m'informe ce soir que les obsèques de Raymond Sudolski auront lieu ce vendredi, en l'église de Crouy, sa ville natale, à 10h00.

En lisant sa biographie dans L'Union, j'apprends qu'il avait 65 ans et qu'il s'était présenté en candidat indépendant à l'élection cantonale de 1998.

Sacré Sudo!

La ligne rouge.

Jack Lang est à Cuba, en émissaire spécial de Nicolas Sarkozy. Jack ne supporte pas d'être populaire et inutile. Il rêvait d'une mission. La voici. Avoir de bonnes relations avec le régime castriste, je ne suis pas certain que ce soit ce que Jack a fait de mieux dans sa vie politique. Mais que ne ferait-on pas pour servir son pays!

Sarkozy doit être content de son coup. Il y a deux hommes de gauche très appréciés par l'opinion: Kouchner et Lang. Il lui manquait Lang. C'est fait. Sauf que ça n'a rien à voir: l'un assume une politique de droite, ce qui est étrange venant d'un militant de gauche; l'autre accepte une action limitée et provisoire, qui n'implique pas une adhésion à la politique gouvernementale. N'empêche que Sarkozy doit être content: ce qui compte pour lui, c'est de cultiver son image d'ouverture.

Martine Aubry a eu le mot juste, qui tranche avec ces socialistes sectaires qui n'ont que la "trahison" en tête et aux lèvres. Le crypto-stalinisme, ou tout simplement la bêtise ont encore de beaux restes. Notre Première secrétaire a salué Jack et s'est réjouie qu'un homme de talent, socialiste de surcroît, soit utilisé par le président de la République. Je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas un tout petit peu d'ironie dans sa remarque.

Mais ce que j'en retiens, c'est l'intelligence et l'habileté: au lieu de se plaindre de la nouvelle défection d'un des nôtres, elle retourne la difficulté en la transformant en avantage. Je pousse un peu son raisonnement: il faut que notre président soit bien faible et la droite bien pauvre pour qu'ils aillent chercher un émissaire dans le camp adverse! Je ne sais pas si c'est très convaincant, mais du moins est-ce très malin.

Faut-il en vouloir à Jack? L'amour des honneurs, mêlé à la volonté de servir, est en politique un péché véniel et très répandu. Tout le monde ne peut pas être un modèle de vertu et d'orgueil. L'essentiel, c'est que notre camarade n'ait pas franchi et ne franchisse jamais la ligne rouge, la ligne sacrée en République: celle du suffrage universel, c'est à dire se retrouver sur une liste ou dans une équipe de droite élue par le peuple. Pourquoi? Parce qu'il y a alors une confusion coupable entre gauche et droite. Leur distinction est un fondement de la démocratie. Si vous brouillez cette ligne, c'est fini, il n'y a plus de démocratie.

La politique d'ouverture et les hommes qui y participent ne posent pas un problème moral (c'est pourquoi je n'ai jamais crié à la trahison ou à la compromission) mais un problème politique, et c'est beaucoup plus grave! C'est pourquoi je redis qu'il est pour moi inconcevable qu'une personnalité politique de gauche se retrouve à Saint-Quentin dans une équipe de droite. J'insiste parce que je pense que son sénateur-maire n'a pas totalement renoncé à me ramener dans ses filets, aussi par une sorte de jeu entre lui et moi. Mais je ne suis qu'un petit poisson, du genre qui glisse entre les doigts et les mailles. N'est pas né celui qui aura la bonne épuisette!


Bonne pêche,
et bonne fin d'après-midi.

En attendant Balladur.

Sur la réforme des collectivités locales, quelle est la position des socialistes? Chez les militants, les avis sont partagés. Il y a toujours eu une sensibilité jacobine, très départementaliste et étatiste, et une sensibilité girondine, plutôt régionaliste et décentralisatrice. Je me reconnais dans la seconde. Jean-Paul Huchon, par exemple, rocardien, n'est pas hostile à la disparition des départements (il l'a redit sur France-Culture il y a quinze jours). Je suis sur cette ligne. Ça, c'est le débat, légitime, nécessaire, indispensable.

Et puis il y a les intérêts, et dans un parti d'élus comme le PS, les intérêts sont nombreux. Si vous demandez à un conseiller général s'il est d'accord pour qu'on supprime son mandat, vous devinez sa réaction. Si vous suggérez à un conseiller régional qu'il pourrait être pertinent de réaménager sa région, sa réponse sera immédiate: NON! Tout ça est dans l'ordre des choses.


Mais le Parti, lui, a-t-il une position officielle? OUI! Un document a été adopté le 27 janvier, intitulé "Réforme de l'organisation territoriale", que Martine Aubry, à la tête d'une délégation, a présenté le lendemain, devant la commission Balladur. Vous pouvez compléter votre information en vous reportant à l'entretien d'Elisabeth Guigou, secrétaire nationale en charge de la Réforme de l'Etat et des collectivités territoriales, dans L'Hebdo des Socialistes n°514, 17 janvier 2009. Voilà les points essentiels que nous pouvons retenir (c'est moi qui résume):


1- Le PS n'est pas favorable au statu quo, il souhaite une nouvelle étape de la décentralisation qui précise et clarifie les compétences et les responsabilités de chaque échelon.


2- Cette réforme ne peut pas consister en un abandon des missions de l'Etat, qui doit demeurer un "Etat stratège".


3- La décentralisation doit s'accompagner, auprès des collectivités locales, de moyens financiers afférents.


4- Aucun échelon ne doit être supprimé. Il ne faut pas mélanger les scrutins départementaux et régionaux ni fusionner ces deux collectivités.


5- A la région doit revenir la formation, les transports et le développement économique, au département l'action sociale. Quant à la culture, au sport et aux loisirs, il faut désigner un chef de file.


6- L'intercommunalité doit être renforcée.


Je n'ai des réserves que sur le point 4. Ce qu'on sait pour l'instant de la commission Balladur ignore le point 6. Vous remarquerez que le PS ne prend pas position, pour ce que j'en sais, sur le redécoupage des régions, sauf en ce qui concerne le "Grand Paris", qui est refusé.


Voilà les termes du débat. En attendant les conclusions de la commission Balladur, pour bientôt. Il serait souhaitable que sur l'organisation locale de notre République, les républicains de droite et de gauche parviennent à s'accorder. En matière économique et sociale, ce n'est ni possible, ni souhaitable, puisque la démocratie exige qu'il y ait une majorité et une opposition, c'est à dire une alternative. Pour le cadre et les règles de notre vie politique, l'accord n'est pas nécessaire ou indispensable, mais je le crois souhaitable.




Bon après-midi.

Cré non d'un buzz!!!

Bonjour à toutes et à tous.

L'humanité a connu pendant très longtemps le règne de la croyance, appuyé sur la religion, puis le règne de la connaissance, à l'époque moderne, fondé sur la science. La période contemporaine, c'est le règne de l'information, avec le triomphe des médias. Mais nous entrons à partir de maintenant dans une nouvelle ère, celle du buzz, qui repose sur la rumeur. Comme je ne suis pas très friand de ce mode de communication, il m'atteint assez peu. Cancans, commérages, bruits qui courent, je laisse courir.

C'est pourquoi je n'ai appris qu'hier, en regardant l'émission sur le Net "Arrêt sur images", que DSK avait été le roi involontaire de la toile, pendant quelques heures... il y a une semaine! Invité sur France-Inter au journal du matin, il a été croqué par un humoriste barbu que je ne connais pas et qui a ironisé sur les aventures extra-conjuguales de Strauss. Du coup, le patron de FMI, avant de parler de la crise économique mondiale (il était là quand même pour ça!), a répondu au barbu en lui reprochant sa "méchanceté", tout en reconnaissant aux humoristes "le droit et même le devoir" de faire leur métier.

Et alors, me direz-vous, où est le problème, où est l'affaire, où est le scandale? Nulle part ailleurs que sur la Toile, qui s'est mise à vibrer toute la journée, qui s'est emparée de ces dix secondes d'explication de DSK pour en faire tout un buzz. C'est bien sûr ridicule, dérisoire, insignifiant, mais je vous en parle pour ce que ce phénomène révèle sur notre société et l'état de l'opinion. J'en tire quatre leçons:

1- La forme prime sur le fond, l'anecdote sur le contenu. On ne sait même plus ce qu'a dit un responsable économique mondial sur une crise gigantesque, on ne retient qu'un petit incident de début d'émission.

2- La vie privée prime sur l'engagement public, la psychologie sur la politique, la morale sur l'action. Je ne sais pas si moralement DSK est condamnable parce que je refuse de me poser la question: ce qui m'intéresse, c'est ce qu'il dit, ce qu'il fait, pas ce qu'il est. Je suis à rebours de notre époque, c'est évident. Relisez tous les commentaires critiques qui s'affichent sur ce blog et que je prends soin de conserver. Vous en verrez très peu attaquer mon engagement social-démocrate mais beaucoup s'en prendre à ma personnalité, mon caractère, etc. Signe désolant des temps.

3- La dérision prime sur le sérieux. Bien sûr, l'humeur, l'ironie sont nécessaires à la vie et à la démocratie. A condition qu'ils ne deviennent pas la norme. Aujourd'hui, c'est fait, la dérision est la nouvelle morale en vigueur. Le barbu rigolo de France-Inter se présente comme plus éminent, par ses blagues, que le responsable du FMI, qui doit s'effacer devant lui. Le bouffon a pris la place du roi, du moins dans la tête des gens.

4- Les petits priment sur les grands. C'est le pseudo-progressisme de ce mauvais buzz: un comique a fait trébucher un puissant de ce monde, un représentant des forces de l'argent (j'essaie d'imaginer ce qui peut se passer dans les pauvres têtes!). C'est la révolution au niveau des cours de récréation, un populisme grossier qui ne débouche sur rien, sinon la satisfaction personnelle d'avoir joué un sale tour de gamin. Infantilisation de la société.

C'est ainsi, l'action politique doit désormais slalomer entre ces quatre impératifs médiatiques, moraux et sociaux. Certains responsables politiques choisissent même de surfer dessus. Je préfère quant à moi les ignorer.


Bonne matinée.

24 février 2009

Deux socialistes.

Bonjour à toutes et à tous.

A peu de temps de la publication du rapport Balladur sur la réforme des collectivités locales, les esprits s'échauffent. C'est normal: la politique, c'est le pouvoir. Dès qu'un pouvoir, y compris local, est remis en question, même sous forme de réflexions, d'hypothèses, ça réagit, ça rue dans les brancards. Touche pas à mon pouvoir!

Hier, deux socialistes se sont exprimés sur ce sujet, à travers deux réactions diamétralement opposées. Pourquoi pas, puisqu'il y a débat. Claude Bartolone a dénoncé la "régression institutionnelle, sociale et démocratique" que représentait, selon lui, le projet Balladur, que par ailleurs il ne connaît pas, seules quelques rares pistes ayant été révélées dans la presse. Barto n'y va pas de main morte!

Et pour enfoncer le clou, il prédit la remise en cause de "25 ans de décentralisation", rien que ça! Avec cependant une petite contradiction, qui pourrait être un signe de sagesse si Bartolone n'avait pas tenu les propos précédents: ce rapport Balladur sera peut-être "une énième montagne qui accouche d'une souris", puisque c'est le président qui finalement décidera. Je suis bien d'accord, et c'est d'ailleurs normal que ce soit le politique qui tranche et non pas une commission d'élus et d'experts. Mais pourquoi alors en faire précisément toute une montagne!?

André Vallini, membre de la commission Balladur, élu qui pourrait fort bien, lui aussi, en rester à ses intérêts d'élu, voit les choses autrement: "Nous, les socialistes, devons être attentifs à ne pas apparaître comme des conservateurs", "être de gauche, c'est être réformateur". Il est tout de même malheureux d'avoir à le rappeler! Vallini nous demande de "ne pas avoir peur à heurter les corporatismes et les conservatismes". Oui, mais c'est difficile. Tout pouvoir n'est-il pas conservateur de lui-même, y compris quand il se déclare progressiste?

Sur les réactions au rapport Balladur, il remarque que "les postures et les préjugés l'emportent sur l'analyse et le raisonnement". En effet, le mal est fait. Mais à qui la faute initiale? La droite mène une politique qui conduit à soupçonner tout ce qu'elle propose. Sur la réforme des collectivités locales, elle aurait dû être beaucoup plus nette dès le départ. Nous vivons dans une société de l'éphémère et du superficiel, où une information doit être "claire de chez claire" si l'on veut avoir une chance qu'elle soit comprise. Sinon, elle est livrée très vite aux chiens de la rumeur. C'est ce qui s'est passé avec le rapport Balladur.


Bonne matinée.

23 février 2009

La muleta picarde.

Bonsoir à toutes et à tous.

Cette semaine connaîtra un événement politique majeur: la présentation des conclusions de la commission présidée par Balladur, portant sur la réforme des collectivités locales. Ce qu'on sait déjà, c'est que l'échelon municipal ne serait pas touché, que le nombre de régions devrait être réduit et que la réforme n'est pas pour l'immédiat. On voit mal cette commission imposer des changements profonds sans un consensus minimum.

Ce qui signifie que l'émotion déclenchée en Picardie sur la disparition de la région est très exagérée. Je l'interprète comme la collusion entre une opinion portée par une nostalgie identitaire et des élus soucieux de conserver les cadres actuels de leurs mandats, l'un et l'autre étant parfaitement légitimes. Mais il est aussi du devoir du Parti socialiste, Parti de la décentralisation, de lancer le débat sur la réforme locale, sans préjugés, sans a priori.

Certains camarades évoquent un "principe de précaution" quand je leur explique qu'une action politique sérieuse ne peut s'engager sur des rumeurs. Je ne suis pas plus convaincu. Le fameux "principe de précaution" est scientifique, pas politique. Il est valable quand la vie est en jeu. Je ne crois pas que nous en soyons là avec la Picardie. Même son réaménagement ne représenterait pas un danger de mort, sinon par métaphore!

Autre aspect désagréable de cette réaction anti-commission: la dénonciation du "parisianisme". Rappelons tout de même que la commission a procédé à des auditions, qu'elle n'est pas enfermée dans des "bureaux parisiens" et qu'elle regroupe d'éminentes personnalités de gauche, André Vallini, Pierre Mauroy, Jacques Julliard. J'ai à l'esprit la sale rumeur (déjà!) sur Paris voulant noyer la Somme, lors des grandes inondations de 2001. Province saine et innocente contre capitale corrompue et coupable, très vieille chanson.

La réforme des collectivités locales pose un problème de fond, qui relève quasiment de la philosophie politique: tout le monde s'accorde qu'il faut simplifier et clarifier notre système local. Cet objectif ne peut passer que par une spécialisation des échelons, sans laquelle chacun fait un peu de tout, à des degrés seulement différents. Or, en République, chaque collectivité élue et levant l'impôt est souveraine. Si elle se spécialise, elle cesse d'être politique (au sens où elle est concernée par la cité dans sa totalité et non pas une dimension particulière), elle devient un échelon administratif, dans un rôle d'exécution. C'est la grande peur des élus locaux, surtout au niveau départemental, craignant de voir le Conseil général transformé en assistante sociale. Techniquement, c'est le débat autour de la "clause de compétence générale", l'expression étant explicite.

Comment en sortir? Je ne sais pas. Sans doute faudrait-il aller voir ce qui se fait ailleurs en Europe, peut-être s'en inspirer. En attendant, je me demande si la droite, en distillant des rumeurs autour de la commission Balladur, n'a pas recherché une petite manip politique. La crise, la Guadeloupe, les enseignants-chercheurs, quoi de mieux pour détourner l'attention de tout ça qu'une bonne polémique factice sur la disparition de la Picardie. C'est la tactique du toréador avec sa muleta: agiter le chiffon rouge pour tromper le taureau. A en croire l'ampleur des réactions, la droite a plutôt bien réussi son coup, qui retombera très vite, quand on apprendra dans quelques jours les propositions de la commission Balladur.


Bonne soirée.

L'image de XB.

En discussion téléphonique ce week-end avec un journaliste parisien, celui-ci m'apprend que "Le chouchou", premier ouvrage consacré à Xavier Bertrand, ne s'est vendu qu'à 2000 exemplaires. Il ajoute que le "Vivement dimanche" dont le chef de l'UMP était l'invité a réalisé un faible score d'audience. Et il conclut ainsi notre conversation: "Les gens ne s'intéressent pas à Bertrand".

A vrai dire, je ne sais pas trop qu'en penser. Xavier Bertrand, c'est un fait, vise haut, très haut. Trop haut? Il lui faut, dans l'objectif suprême, la présidentielle, maîtriser bien des matières, dont les médias, la communication. Est-ce son fort? Pas certain. Son passage au Grand Jury RTL-Le Monde n'avait pas été très réussi, et il l'avait admis. Mais maintenant, la suite?

Dans l'ambition qui est la sienne, le profil psychologique compte aussi. Très expansif sur le marché de Saint-Quentin, Bertrand a aussi été un étudiant discret, selon le témoignage de son ancien professeur, René Dosière. Quant à son prof de philo au lycée La Ramée, mon collègue Bernard Berthelot, celui-ci ne se souvient pas de lui. Dans ses débuts au ministère de la Santé, Bertrand faisait peu parler de lui.

Bon élève, il l'est incontestablement au gouvernement, peut-être pour compenser ses Grandes Ecoles par où il n'est pas passé, et qui ouvrent souvent toutes grandes les portes du Pouvoir. Mais le premier de la classe n'existe que par le jugement de son professeur, comme localement Xavier Bertrand n'existe que par rapport à Pierre André, et au niveau national par rapport à Nicolas Sarkozy. Un brillant second garde-t-il sa brillance quand il est mis en pleine lumière? Ne devient-il pas alors un terne premier?

Je ne sais pas s'il est ainsi condamné à l'insipidité. Il faut laisser le temps l'user, pour voir s'il restera une belle patine. Ce que je sais, c'est que Bertrand s'est fait un nom, ce qui n'est pas, en politique, donné à tout le monde. Il commence à se faire une image, mais il ne peut pas, au regard de ses ambitions, en demeurer là. Une image, c'est plat, c'est sage, c'est enfantin. Ce qui manque à Bertrand (mais il lui reste une moitié de vie pour l'acquérir), c'est le relief, c'est l'épaisseur, ce sont les contrastes. Il est trop lisse, tout glisse sur lui. C'est bien, mais à une certaine hauteur, c'est un handicap. Il lui faudrait des aspérités, de la rugosité.

Bref, il doit devenir une statue, avec des pleins et des creux, des ombres et des lumières, comme de Gaulle, comme Mitterrand. Rien n'est perdu pour lui: il a le sens de l'effort, des capacités d'indifférence et de méchanceté, c'est bien aussi. Mais il lui faut aller beaucoup plus loin, plus haut surtout: il n'est qu'une personne, il doit se dessiner un personnage. Et là, y'a encore du boulot!

Ce qui manque cruellement à Bertrand, c'est une part de mystère. Son amabilité apparente, sa gentillesse affectée plaisent beaucoup, et c'est déjà ça. Mais on ne séduit pas, on ne fascine avec des sourires et des caresses. Pour qu'on vous admire, il vous qu'on lève les yeux vers vous, que vous dépassiez les autres d'au moins une tête: pour qu'il y ait hauteur, il faut paradoxalement qu'il y ait profondeur. Un bon gars sympa, image actuelle de Bertrand, va être hissé sur le pavois par ses proches, par les jeunes Pop', pas par les autres. Or ce sont les autres qui vous font gagner en politique, pas vos proches.

Manque aussi à Bertrand cette dimension tragique qui est la marque, le sceau des grands politiques. Tout jusqu'à maintenant lui a réussi. C'est un laborieux utile qui s'est fait remarquer. On ne se forge pas un destin avec ce genre d'histoire. Il lui faudra vite trouver autre chose, et que sa vanité rencontre son orgueil. S'il veut se construire une légende, comme l'on fait avant lui les Grands, il faudra qu'il invite à sa table la souffrance et le mal. Personne n'a remarqué le sous-titre de l'ouvrage de Jakubyszyn et Pleynet: "Le fabuleux destin de Xavier Bertrand", et la charge ironique qu'il contenait, puisqu'il reprend le film de Jeunet, "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain", qui n'est qu'une carte postale naïve de la vie. Ce qu'est pour le moment Bertrand?

Xavier Bertrand, sur ce coup-là, ne pourra pas se tailler un costume dans le tissu de son mentor, Nicolas Sarkozy. Il a le poignet plus épais que moi, mais les Rolex, ça ne lui va pas non plus (voir mon billet d'hier, "Clèves et Rolex"). Savez-vous que dans certaines antichambres, on l'appelait au début "Floc-Floc", d'après les auteurs bien informés du "Chouchou"? "Le côté provincial de Xavier Bertrand est moqué, non sans mépris, par les plus parisiens des conseillers du Premier ministre. "On se marrait; On l'appelait "Floc-Floc" à cause du bruit de ses pompes, des Mephisto, des pompes de vieux avec une semelle en crêpe" (p. 65). La droite est cruelle, une certaine gauche aussi, pas toujours protégée du mépris social. Personnellement, je préfère le floc-floc au bling-bling.

Que doit faire Bertrand pour sculpter sa statue? A lui de voir... Il fait des efforts en ce domaine, mais ça donne pour l'instant plutôt un bonhomme en pâte à modeler. Car se faire appeler XB comme certains se font appeler DSK ou JFK, mettre en avant qu'on dort très peu et qu'on se lève à 06h01, énumérer les séries télévisées qu'on apprécie, tenir une brocante dans sa bonne ville de Saint-Quentin, c'est sympa, mais ce sont des petites originalités qui ne font pas un grand homme. Il lui faudra trouver autre chose. Ça viendra peut-être...


Bon après-midi.

Un camarade est parti.

J'apprends à l'instant une triste nouvelle, que je vous transmets aussitôt: le décès de Raymond Sudolski, que m'a annoncé par courriel Arnaud Battefort, Premier secrétaire fédéral délégué, secrétaire de la section du Val de l'Aisne, créée précisément par Raymond. Sudo, comme on l'appelait, c'est un parcours socialiste exemplaire, un militant devenu un élu, un syndicaliste et un politique.

Il a représenté la CFDT à la sucrerie de Bucy-le-Long, est devenu maire de Clamecy puis conseiller général de Vailly-sur-Aisne. C'était une figure de la Fédération de l'Aisne du Parti socialiste, de celles avec lesquelles on construit un parti.

Je n'aime pas l'emphase qui accompagne traditionnellement les disparitions. La mort exige la sobriété. Je veux simplement dire ceci: la vie est brève, l'existence fragile, les occasions ratées ne se retrouvent pas, les défaites ne se rattrapent pas, les victoires sont difficiles et éphémères. Le PS n'est pas seulement un parti, des statuts, des procédures; c'est aussi une communauté de vie. A l'heure où un camarade nous quitte, nous devrions les uns et les autres réfléchir à ça, qui changerait beaucoup, si on y réfléchissait bien, nos attitudes et nos actions politiques.

Salut Sudo!

Candidat JFK.

Bonjour à toutes et à tous.

Commencer la journée avec Jean-François Kahn, il y a pire que ça. Le récent adhérent du MoDem, et candidat aux élections européennes, était ce matin l'invité du journal de France-Inter. Il y a 30 ans, j'appréciais beaucoup JFK. A une époque où les deux blocs, droite et gauche, régnaient sans partage sur la vie politique française, où n'existaient ni les extrêmes, ni les écolos, sa voix très libre apportait quelque chose de nouveau et d'intéressant. Je lisais assidûment Les Nouvelles Littéraires, journal politique mais sérieux, qui traitait des questions de fond, et d'une façon originale.

Je n'aime plus du tout Kahn aujourd'hui. D'abord parce que sa position singulière d'il y a 30 ans est devenue aujourd'hui très ordinaire, droite et gauche ayant cessé d'être des absolus politiques et idéologiques. Ensuite, sa petite musique qui me plaisait tant, cette liberté de ton, cet anticonformisme me semblent maintenant aigrelets. Ils ont produit une sorte de populisme de gauche qui me déplaît souverainement et dont le magazine Marianne est l'organe officiel, dont je déconseille la lecture.

Et puis, pour couronner le tout, il y a le ralliement de JFK à Bayrou, son premier engagement politique, qui le fait passer du statut d'intellectuel à celui de candidat et demain peut-être d'élu. J'ai écouté attentivement le candidat Kahn ce matin, j'ai été très déçu, sur trois points précis:

1- En matière de philosophie politique, il refuse de se dire "centriste" parce qu'il ne veut pas être au "milieu", dans une sorte d'indécision où l'on ne prend pas partie. Pourquoi pas, mais c'est un peu curieux venant d'un membre du MoDem, car j'ai cru comprendre que ce parti se définissait comme centriste. Mais passons. Lui, Kahn, comment se définit-il? "Centriste révolutionnaire"! Alors là, permettez-moi de rire: si quelqu'un n'est pas révolutionnaire, c'est bien un centriste! C'est un peu comme si moi je me disais réformiste favorable à la rupture ou bien social-démocrate hostile à l'économie de marché. Après la langue de bois d'il y a 30 ans, on est passé à la langue de purée, et ça n'est pas mieux!

2- En matière économique, JFK est-il pour le protectionnisme? Grand débat actuel. Obama a dit non, Sarkozy est tenté de dire oui. Et notre Jean-François? Il ne dit pas non à condition de ne pas dire ouvertement oui! Explication de texte: notre centriste révolutionnaire accepte une dose de protectionnisme, mais il faut le faire sans le dire. Pourquoi? Parce que le protectionnisme est mal vu. Eh bé, quelle logomachie! Moi qui pensait que Kahn était adepte du parler vrai! Puisque nous sommes dans la langue de purée, je lui propose, au sujet du protectionnisme, de dire sans faire, ce qui sera moins dangereux et moins trompeur que faire sans dire.

3- En matière européenne, où en est JFK? Il trouve que le débat entre le oui et le non à la Constitution n'a plus lieu d'être. Bravo, moi aussi, je pense comme lui. Mais quelle est sa philosophie en matière européenne? Il rappelle sa position de 2005, où il a voté oui mais où il aurait pu... voter non! Patatras: on retombe dans la purée, avec de gros grumeaux. En ce qui me concerne, j'ai voté oui, je l'assume, j'en suis fier, si c'était à refaire, je referais pareil, mais aujourd'hui, quatre ans ont passé, la situation n'est plus la même, il faut tourner la page.

Centriste mais révolutionnaire, protectionniste mais sans le dire, ouiiste mais peut-être noniste, finalement, Kahn est totalement bayrouiste: le patron du MoDem n'est-il pas contre la droite sans être pour la gauche? De la purée, je vous dis...


Bonne matinée,
et pas de purée à midi!

22 février 2009

Darwin à St Quentin.

Au milieu d'un travail assez laborieux sur Charles Darwin, pour préparer la célébration de son 200ème anniversaire, j'ai envie, en ce dimanche soir, de vous proposer une amusante fantaisie: appliquer la théorie darwinienne à la vie politique saint-quentinoise de ces dix dernières années (le darwinisme réfléchit sur la longue durée), en partant de ses concepts principaux. On y va?

1- L'origine animale de l'humanité, nos ancêtres les bêtes: cela se vérifie-t-il dans la politique locale? Je me plais à l'imaginer. André, Lançon, je les vois bien en grands singes à la tête de tribus. Qui est le gorille, qui est l'orang-outan? Je vous laisse choisir. Mais dans notre classe politique saint-quentinoise, il y a aussi pas mal de chimpanzés, très portés à "singer" les chefs, des macaques un peu agressifs et même quelques rares bonobos, fort connus pour leur sexualité débordante et très diversifié. Quant à moi, je me suis attribué le rôle modeste du ouistiti.

2- L'évolution des espèces: pas de fixité, les êtres vivants se transforment avec le temps. Là encore, il y a confirmation: l'espèce de droite évolue, lentement mais sûrement. Elle s'enrichit au fil des années de nouveaux apports, elle s'élargit. L'espèce de gauche se métamorphose encore plus spectaculairement, puisqu'elle est passée en quelques mois seulement de Grzegzulka à Lançon, sans faire appel à une quelconque manipulation génétique ou fécondation in vitro.

3- La sélection naturelle: elle conduit à la domination de ceux qui s'adaptent le mieux sur ceux qui s'adaptent moins bien. A Saint-Quentin, les animaux de droite se sont créés un micro-climat, un éco-système très favorables à leur prédation. Les animaux de gauche sont à la peine, ils se sont regroupés pour compenser leur faiblesse, ils résistent tant bien que mal. La lutte pour la vie est le terrible ressort de la sélection naturelle.

4- La disparition des espèces: dans le grand arbre de la vie, il y a des rameaux stériles qui s'étiolent, des espèces qui disparaissent. Dans la politique saint-quentinoise aussi: les gaullistes historiques et les sociaux-démocrates, par exemple. Savelli est une survivance des premiers, votre serviteur des seconds. Nous sommes en quelque sorte des erreurs de la nature, des bêtes curieuses, des anomalies du vivant, quelques petits dinosaures qui auraient échappé à la météorite destructrice.

5- Le croisement des espèces: il engendre d'étranges créatures, comme le mulet, qui est le produit des amours entre un cheval et un âne. De telles rencontres prodigieuses ont-elles eu lieu à Saint-Quentin? Mais oui! Nos mulets locaux, ce sont les réformistes libéraux, quelques spécimens de gauche qui ont frayé avec la droite, et les socialistes lambertistes, deux espèces que rien ne prédisposent à s'accoupler mais qui ont franchi le pas. La nature est merveilleuse!

6- L'avenir de l'évolution: puisque rien n'est figé dans le cours de la vie, demain ne sera pas comme aujourd'hui. Des prévisions sont-elles possibles? Je le crois. A droite, la génération André va progressivement, dans les prochaines années, laisser la place à la génération Bertrand. C'est génétiquement programmé. A gauche, l'anticipation est plus difficile, tellement cette espèce est régie par le principe d'incertitude, des sauts chaotiques, des régressions soudaines, de brusques variations que rien ne laissait supposer. La seule chose qu'on puisse en dire, c'est qu'un puissant instinct de conservation la maintient encore en vie.

A propos de la théorie de Charles Darwin, on fait souvent un contresens, en pensant que ce sont les plus forts qui l'emportent. Non, ce sont ceux qui disposent des meilleures capacités d'adaptation, et pour les hommes, c'est l'intelligence et la vertu qui prévalent, pas le nombre, pas la puissance. De ce point de vue, je ne suis pas trop mal placé pour espérer un avenir dans l'évolution politique des espèces saint-quentinoises.


Bonne fin d'après-midi.

Clèves et Rolex.

Je n'ai jamais lu "La Princesse de Clèves". L'auteur ne me séduit pas, l'histoire ne m'intéresse pas, l'occasion ne s'est jamais présentée. Je n'en éprouve aucun complexe, aucune culpabilité. Il y a tant de livres que je devrais lire et que je n'ai pas (encore) lu! Et puis, on ne peut pas tout savoir.

Je n'ai non plus jamais porté de montre Rolex. Je n'en ai pas vu, je ne sais pas comment c'est fait, une montre est pour moi un instrument purement utilitaire. De plus, j'ai horreur des bijoux sur un homme. Enfin, mon poignet trop fin supporte mal les montres. Je n'en mets pas, je garde un vieux cadran dans ma poche ou dans mon sac. Ce qui fait aussi que je ne suis pas toujours à l'heure à mes rendez-vous.

Pourquoi vous parler de la Princesse de Clèves et de Rolex en ce début de dimanche après-midi? Parce qu'il y a une affaire Sarkozy autour de ça, qui reflète bien l'état d'esprit et l'idéologie du pouvoir en place.

La Princesse de Clèves, Sarkozy s'est vanté de ne pas aimer. Comme moi? Non, moi je ne m'en vante pas. Surtout, je ne suis pas président de la République, je ne représente pas la France et sa culture. A ce titre, le dédain du chef de l'Etat pour une grande oeuvre littéraire française est une première tout à faire regrettable. Je ne demande pas à Sarkozy de devenir ce qu'il n'est pas, un intellectuel, un homme de culture, car ce statut ne donne aucune supériorité en matière politique. Je lui demande seulement de tenir son rang, qui normalement est celui de la France, et pas d'un simple quidam et de ses humeurs.

Sarkozy en revanche aime beaucoup, à ce qu'on dit, les montres Rolex, symbole parait-il de luxe et de prestige. Que voulez-vous, on est tous le produit de sa classe sociale! Sarkozy a le droit d'avoir ces goûts-là, dont je ne sais s'ils sont bons ou mauvais, puisque je ne connais pas. Mais je m'étonne, je m'offusque même du propos d'un de ses copains, Séguéla, sur France 2 le 13 février dernier: "Comment peut-on reprocher à un président d'avoir une Rolex? Tout le monde à une Rolex. Si à 50 ans on n'a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie".

Voilà une formule qui vaut tout un cours de philosophie politique! Sur la première phrase, rien à dire, le président fait ce qu'il veut et les critiques sont en effet déplacées. Sur la deuxième phrase, pas d'accord: je n'ai pas une Rolex, je ne pense pas être le seul, tout le monde n'a donc pas de Rolex. Derrière les mots de Séguéla, il y a incontestablement un lapsus. Il veut dire: le grand monde, le beau monde, ce qu'on appelait autrefois "les gens du monde" (ce qui a donné l'adjectif "mondain"), bref la classe dirigeante, ses membres ont une Rolex comme certains pigeons sont bagués: pour qu'on puisse les reconnaître. Un président de la République, quelle que soit son origine sociale, devrait prendre de la hauteur, en vertu de la fonction qui est la sienne (représenter l'ensemble des Français), par rapport à cette classe dirigeante, et ne pas afficher ostensiblement un signe d'appartenance à cette caste.

Mais le plus grave, le plus terrible, c'est la troisième phrase, la réussite sociale mesurée à la possession de la fameuse Rolex. Quelques mots suffisent pour traduire un mépris et un cynisme de classe. Comment voulez-vous qu'un pouvoir qui s'attire de tels amis puisse être populaire? Rien de bien nouveau certes, Sarkozy et son entourage nous ont habitués à ça, mais une confirmation tout de même. Ironie sur la Princesse de Clèves, frime à la Rolex, la boucle est bouclée, la messe est dite. Que personne n'oublie cela la prochaine fois que nous irons voter.

Une dernière chose: l'an prochain, j'aurai 50 ans, et toujours pas de Rolex. Si un lecteur de droite, fan du président, veut m'en offrir une, je suis preneur. Je ne voudrais pas paraître partial, je veux me faire ma propre idée. Laissez vos coordonnées sur ce blog, je vous transmettrai mon adresse pour expédier le cadeau.


Bon après-midi.

Reviens, Jaurès!

Bonjour à toutes et à tous.

Un camarade axonais, C. H., m'a envoyé hier un courriel pour m'expliquer pourquoi il n'a pas signé la pétition "Touche pas à ma Picardie". Sans le savoir, il rejoint mon point de vue. Et nous ne sommes pas isolés à gauche. Depuis longtemps, Jean-Pierre Balligand défend l'idée d'un rattachement de l'Aisne à Champagne-Ardennes. Mais quand on s'appelle Balligand, on peut tout dire, tout se permettre. Quand on s'appelle Mousset, c'est moins évident. Mais je m'en moque. J'ai un principe moral et politique: je fais et je dis comme si je m'appelais Balligand! Essayez, vous verrez, c'est tonifiant.

Mais sur la Picardie et son avenir, je vais me taire et laisser la parole à C. H., en vous citant de larges extraits de son message électronique, auxquels j'adhère pleinement:

"Je vais sans doute me faire allumer comme un traître mais mon point de vue c'est que les départements et les régions c'est un sujet dont on devrait débattre sereinement au lieu de manier l'invective". Mais non camarade, pas de trahison chez les socialistes, simplement des opinions différences que nous devons soumettre à la discussion. L'accusation de "trahison", c'est l'argument préféré des staliniens et parfois des crypto-communistes au sein du PS.

"Il y aurait peut-être mieux à faire pour la gauche picarde (j'en suis) que de singer l'ancienne féodalité picarde". Oh que oui! J'ai dû recevoir dix fois la pétition en faveur de la Picardie, que j'ai dix fois refusée. Toute cette effervescence pour maintenir une région bâtarde, mal découpée, sans consistance historique! Ça me fait penser au ridicule emballement pour la sauvegarde du numéro départemental sur les plaques minéralogiques. Reviens vite, Jaurès, ils sont devenus fous!

"Pour les départements, il y en a qui tiennent la route mais est-ce qu'une partie de leurs compétences de proximité ne mériteraient pas d'être transférées sur les Pays (à condition qu'ils deviennent des vraies collectivités territoriales)?" Bonne question, mais réponse difficile: une vraie collectivité territoriale, ce sont des élus et des sous. Le Pays comme nouvel échelon, ça complique tout. Le problème, c'est qu'il faudra bien un jour ou l'autre faire des choix, ce qui signifie privilégier certains échelons et renoncer à d'autres. Qui aura ce courage politique?

"Il y a des départements qui ne tiennent pas la route: l'Aisne par exemple. En plus de deux siècles d'existence, elle n'a même pas accouché d'un journal régional lu dans tout le département (...) Vous croyez qu'à Château-Thierry, à Villers-Cotterêts, il se sentent picards? Et vous ne croyez pas que dans ces zones ils gagneraient à être intégrés au système de transports collectifs de la Champagne ou de l'Ile-de-France (et que ça soit financé par ces régions)? (...) L'effacement des limites départementales, ça permettrait aussi dans certains coins de faire des Pays plus cohérents. Dans le nord de l'Aisne, on a beaucoup rêvé d'une grande Thiérache".

"Une grande région Nord-Picardie, vous croyez vraiment que ça serait la mort de la Picardie? Si vous le croyez, c'est que la confiance dans votre identité est proche de zéro. Faudrait peut-être se souvenir qu'on a une proximité culturelle, linguistique très forte avec le Nord (...) Se souvenir aussi que la période de plus grande prospérité de la Picardie, c'est l'époque où son industrie était intégrée à l'industrie des grandes métropoles du Nord (...) De fait, la Picardie est déjà dans l'aire d'influence des grandes métropoles que sont Lille, Reims et l'Ile-de-France. Sauf que pour l'instant, c'est avec les inconvénients mais sans les avantages en termes de ressources, de fiscalité, d'aménagement du territoire, que peuvent insuffler ces zones de plus grande prospérité".

Ma conclusion: vive la grande Picardie, qu'elle repousse ses frontières, qu'elle élargisse ses horizons, qu'elle prenne le large!


Bonne matinée picarde.


PS: à 17h05, Michel Rocard participe ce dimanche à l'émission politique de France-Inter. Ecoutez-le: un socialiste libre, ça ne se refuse pas!

21 février 2009

Au boulot!

Bonsoir à toutes et à tous.

L'emploi se meurt, l'emploi est mort... C'est la désespérante complainte qu'on nous serine depuis des années. Elle n'est pas fausse: des pans entiers de l'industrie se sont effondrés, le capitalisme est un système féroce qui donne et qui reprend la vie aux entreprises, qui avale et qui rejette les salariés. Mais une vérité ne fait pas toute la réalité. Le très bon dossier de Gilles Grandpierre et Christophe Perrin sur "Les métiers qui recrutent", dans L'Union du 9 février, nous le rappelle.

Dix métiers sont promis, dans notre pays, à un bel avenir, dans les six ans qui viennent. Ils recruteront 3,6 millions de salariés. Qui sont-ils? Assistante maternelle, agent d'entretien, enseignant, cadre administratif, aide-soignant, chauffeur, employé d'administration, ouvrier qualifié, informaticien, infirmière. Pas mal, non? Et de la diversité! Mais il faudra qu'on m'explique quelque chose: pourquoi le gouvernement programme-t-il alors des dizaines de milliers de suppressions de postes dans l'Education Nationale?

Dans l'Aisne, les dix métiers qui ont recueillis le plus d'offres d'emplois ces derniers mois sont les suivants: service à la personne, aux entreprises (nettoyage, entretien), employé de libre-service, chauffeur poids lourds, maintenance industrielle, maçon et métier du BTP, magasinier, hôtellerie-restauration, animateur de centre de loisir, arboriculteur-viticulteur. L'armée n'est pas en reste: dans tout le pays, elle propose 20 000 emplois aux 17-29 ans en 2009.

Il n'y a pas de crise du travail en France. L'économie recrute, elle a même parfois du mal à recruter. Des métiers n'attirent plus: bouchers, poissonniers, boulangers. Ce sont pourtant de beaux et utiles métiers. Qu'est-ce qui se passe alors? Une crise de la société, causée par son embourgeoisement. Les activités manuelles, les travaux d'ouvriers et d'employés, les tâches de pure exécution, les conditions d'exercice difficiles ou inhabituelles, les rémunérations faibles ou médiocres, tous ces facteurs concourent à dégrader l'image de ces métiers, qui ne sont pas conformes à l'idéal bourgeois.

Quand les fils et les filles de la bourgeoisie se battront pour devenir jardinier, couvreur et électricien, au lieu d'aspirer à être avocat, ingénieur ou médecin, les choses changeront. Ils sont à la tête de la société, ils l'influencent très largement; qu'ils donnent donc l'exemple! Car c'est la logique d'une République, société libre et égalitaire, que de répartir le travail selon les désirs de chacun.

Avant on forçait, aujourd'hui on choisit, et c'est très bien ainsi. Qu'on prenne donc très au sérieux le marché du travail, comme on prend très au sérieux le marché des biens et des services. Dans les deux agit la fameuse "main invisible". C'est aux pouvoirs publics de la guider, de prendre cette "main" par la main. C'est ce qu'on appelle aussi le socialisme. Au travail!


Bonne soirée.

Les durs rêveurs.

"Philosophie Magazine" consacre ce mois-ci un excellent dossier sur l'anticapitalisme contemporain. Si vous avez peu de temps à lui consacrer, lisez au moins l'entretien avec Olivier Besancenot, pp. 38-39: vous comprendrez pourquoi l'alliance avec le NPA n'est pas possible parce que ses idées sont très contestables. Où est le problème? Dans le rapport de Besancenot à la démocratie, oui, tout le problème est là. Et je vous explique pourquoi:

"Pour nous, l'anticapitalisme est la volonté d'en finir avec la société actuelle et d'en bâtir une nouvelle". Ce sont les premiers mots de Besancenot, c'est le début du problème. Car je ne crois pas qu'il faille "en finir" avec toute la société. Nous vivons dans une République, une démocratie parlementaire, un Etat de droit, toute une culture juridique des Droits de l'Homme. Besancenot veut-il "en finir" avec ça, parce que, pour lui, tout ça serait "bourgeois"? Je pose la question au NPA, je m'inquiète qu'il n'ait pas devancé la question et sa réponse. Réformer la société, oui, il le faut, mais la "rupture" que prône le NPA, non!

Pourtant, d'autres propos de Besancenot devraient me rassurer: "Nous militons pour une société vraiment démocratique (...) où la majorité déciderait pour elle-même". Et Besancenot insiste sur cette dimension "majoritaire". C'est d'ailleurs la conclusion de l'entretien: "Notre problème est simplement de revaloriser la force du nombre". Lapsus révélateur: le "problème" sur lequel achoppe le NPA, c'est la démocratie, la souveraineté du peuple, le suffrage universel.

La preuve: sa méfiance envers le processus électoral. "Le vote est un moment de citoyenneté très éphémère, après lequel on s'en remet à des délégués". Mais c'est pourtant la base même de la démocratie! Sa majorité, comment Besancenot va-t-il la dégager, sinon par le vote, dans le secret de l'isoloir? Ce rabaissement de l'acte fondateur de la souveraineté populaire (aller voter) est en soi très contestable.

Alors, cette singulière démocratie, comment Besancenot veut-il la pratiquer, puisque le bureau de vote ne le séduit pas? Dans "une situation d'effervescence et d'ébullition sociale", "l'action de masse radicale", bref la révolte de la Guadeloupe qui se répandrait partout, y compris dans l'ensemble du monde. Ce n'est pas la révolution, ce n'est pas la violence, mais on n'en est pas loin, avec ce vieil argument: "La violence est déjà présente dans la société actuelle du fait du gouvernement... " En d'autres termes, bien connus: la violence des uns justifie la violence des autres, même si les deux sont regrettables.

Les propositions de Besancenot ne rassurent pas non plus. Il assigne à la majorité de "contrôler, posséder, répartir la totalité des richesses". Bel objectif, mais qui repose sur une conception de la citoyenneté là encore très contestable. L'idée que je me fais du socialisme, c'est l'émancipation de l'homme, sa libération à l'égard de toutes les fatalités qui pèsent sur lui, économique, sociale, culturelle. Mais l'idéal d'un citoyen-contrôleur me répugne et me semble dangereuse. C'est pourtant ce que désire Besancenot: "faire en sorte que l'action des pouvoirs publics et des politiques se fasse toujours sous le contrôle de la base". Et si la "base" préfère aller à la pêche ou faire de la poésie?

Etrange Besancenot: il doute du vote, un acte qui pourtant ne réclame pas beaucoup au citoyen, mais il croit au contrôle généralisé, beaucoup plus exigeant. Plus grave: il propose "la révocabilité des élus". Les mandats des élus deviendraient donc provisoires, suspensifs, cassables à tout moment. Ce serait la fin de la démocratie. La notion de représentation perdrait son sens. Besancenot prône une contradictoire "démocratie directe": la démocratie ne peut pas, ne doit pas être directe, sinon il y a confusion entre représentants et représentés, le pouvoir se dilue, la responsabilité est nulle part.

Le NPA souhaite "des assemblées de conseils". Tout est dit. Cette conception politique n'est pas utopique, elle commence avec la Commune, elle traverse tout le XXème siècle: c'est la Russie des soviets, l'autogestion yougoslave, la révolution culturelle chinoise, les comités de quartier cubains. Veut-on cela, même modernisé? Je ne crois pas. Besancenot, dans son entretien à "Philosophie Magazine", fait cette remarque: "La gauche traditionnelle nous dit: "Vous êtes de doux rêveurs parce que la société à laquelle vous aspirez n'existe pas". Non, le réformiste que je suis reproche au NPA exactement le contraire: s'inspirer d'une expérience qui a existé et qui a tragiquement failli. Je leur reproche finalement d'être de "durs rêveurs".


Bon après-midi.

Mort en direct.

Bonjour à toutes et à tous.

Vous avez sans doute appris comme moi cette incroyable nouvelle: en Angleterre, une émission de télé-réalité va filmer les derniers jours d'une ancienne vedette, un peu leur Loana, atteinte d'un cancer généralisé. C'est choquant, scandaleux même. On se dit spontanément que la télé-réalité va ici trop loin. Elle était bête, elle devient criminelle. Et tout ça pour le fric, bien entendu! La fiction avait anticipé la terrible réalité puisqu'en 1980 le film de Bertrand Tavernier, "La mort en direct", racontait la même histoire.

Voilà de quoi nous dégoûter de la société moderne, de quoi liguer tous les moralistes du monde et tous les révolutionnaires du monde dans un même rejet du spectacle indécent et de son exploitation pécuniaire. Pourtant, je ne me joindrais pas à cette ligue, parce que je crois qu'on peut voir les choses autrement (l'Angleterre d'ailleurs est divisée sur le sujet). Pour trois raisons:

1- La société moderne se caractérise par le refoulement de la mort. Jadis, roi ou paysan, il était fréquent et naturel de mourir en public, entouré des siens et des voisins. Montrer la mort dans toute sa crudité à tout un peuple, si quelque chose est révolutionnaire, si quelque chose inspire une réflexion morale, c'est bien ça. Ne nous laissons donc pas aller à nos réactions et sentiments immédiats: il y a aussi de la vertu, une leçon de vie dans le spectacle de la mort, patience, courage, sagesse.

2- Personne n'a obligé la vedette de ce Death Show à participer. C'est son choix, sa liberté, peut-être sa dernière liberté, peut-être même sa rédemption, ne pas mourir dans l'anonymat d'une chambre d'hôpital, oubliée de tous, mais partir comme on a voulu vivre, en pleine lumière, sous les sunlights. Etre une vedette jusqu'au bout, jusqu'à la fin. Après tout, si mon médecin m'annonçait la fatale échéance, je serais bien capable, moi aussi, de tenir ce blog jusqu'à mon dernier souffle. Pour moi, ce serait une ultime raison d'être, et pour vous, une lecture autrement plus passionnante que mes petites histoires politiques.

3- Mais l'argent, le fric, la marchandisation de la mort!? Calmons-nous: cette émission de télé-réalité permettra de financer la recherche contre le cancer et de pouvoir aux besoins des deux enfants de la vedette. Si l'on doit condamner tout ce qui a la couleur de l'argent, on va non seulement condamner toute notre société, mais aussi toute l'histoire de l'humanité. Condamner l'exploitation, oui, c'est la raison d'être de la gauche. Mais condamner l'argent, non!

Voilà donc pourquoi l'émission par qui le scandale arrive chez nos amis anglais soulève en moi l'indulgence et la compréhension. Mais j'ai peut-être tort...


Bonne matinée.

20 février 2009

La place du pauvre.

Je veux vous parler ce soir de la place que j'occupe au conseil municipal. C'est un espace très restreint d'où l'on ne voit presque rien. Généralement, il y a peu de monde, seulement quelques citoyens. C'est bien dommage. De toute façon, on ne peut pas être très nombreux. Et ce n'est pas normal: un conseil municipal devrait pouvoir être ouvert à un plus large public. C'est la loi de la démocratie, même locale: le contrôle du peuple.

J'ai ma place, sur un banc, à l'extrême gauche, face à la presse. Quand je me penche un peu, je vois les élus d'opposition. C'est la place du pauvre, le banc des galériens (ceux qui rament et qui n'aperçoivent pas la terre ferme!). J'exagère bien sûr, mais c'est pour vous faire comprendre ce que je ressens. Ça fait dix ans que je m'installe là, pas assidûment, mais souvent. J'en ai vu passer, des conseils municipaux! Je me souviens de l'époque Lançon-Mennesson, tout au début, puis de l'époque Grzegzulka-Cabanes. Aujourd'hui, c'est Lançon-Aurigny. Et demain? Peu importe, j'ai l'impression d'être blasé, tant que c'est la droite qui est là, à présider.

Drôle de place, tout de même! On est très haut, on domine tout alors qu'en réalité, quand on est là, on ne domine rien. Lundi soir, j'étais entre la LCR et le MRC. Avant, je siégeais souvent au côté de Grzeziczak. Maintenant, il a rejoint la fosse, il est en bas, tout content, tout beau. C'était mon compagnon d'infortune. C'est fini. Mais je n'aimerais pas être à sa place. J'ai ma dignité, mon orgueil. Plutôt être tué par les miens (c'est ce qui s'est passé) que rejoindre la droite! A ceux d'en bas, je leur laisse leur vanité, qu'ils acceptent donc mon orgueil.

A Saint-Quentin, la place du public a été aménagée dans un balcon. Au théâtre (mais un conseil municipal n'est-il pas une pièce qui se joue devant vous?), le plus haut balcon, celui du peuple, est appelé le Paradis (Rappelez-vous du film de Marcel Carné, "Les Enfants du Paradis"). Mais c'est un tort: en politique, c'est le lieu de l'Enfer, comme on emploie ce mot pour évoquer les livres cachés d'une bibliothèque. Sauf qu'ici ce sont les individus qui sont mis à l'index. Y a-t-il d'ailleurs un Paradis pour les militants politiques?

Mais je ne veux pas avoir l'air de me plaindre ni de m'apitoyer. A une certaine hauteur, dans une forme de constance, on est saisi par un sentiment d'éternité, une sorte de détachement. Dans le christianisme, la place du pauvre est la première, la plus digne. La pauvreté est alors le dépouillement, la nudité, qui est la marque de la vérité, quand elle sort de son puits. A quelques-uns d'en bas dont je vois la grande misère, je suis fier de ma simple pauvreté.


Bonne nuit.

La NASA y va.

Bonsoir à toutes et à toutes.

La NASA a annoncé qu'elle lançerait, le 5 mars prochain, la sonde Kepler, dotée d'un télescope, afin de rechercher des exoplanètes comparables à notre Terre, parmi les 100 000 étoiles qu'elle visera. La probabilité d'une telle découverte concerne quelques centaines de planètes, dont quelques dizaines pourraient être "vivables" (ce qui ne signifie pas qu'elles abritent nécessairement la vie).

Jusqu'à présent, 337 planètes ont été repérées hors de notre système solaire, mais leur position par rapport à leur étoile interdit d'espérer une quelconque forme de vie: trop loin elles sont trop froides, trop proches elles sont trop chaudes. La dernière trouvaille est franco-européenne, par la sonde CoRot (reportez-vous au blog de février). Mais toujours pas de vie possible.

Le programme de Kepler durera trois ans et coûtera 600 millions de dollars. C'est la première fois que la NASA se lance dans une telle entreprise. L'agence spatiale américaine nous avait habitués à des rêves de voyages et de conquêtes, avec un revival de l'homme sur la Lune et l'ambition d'aller sur Mars. Mais ne faudrait-il pas privilégier l'exploration oculaire? L'objectif n'en est pas moins grandiose, sans doute même beaucoup plus: ne pas répandre la vie dans le système solaire mais rechercher la vie ailleurs dans l'univers.

Quoi qu'il en soit, le débat est politique, et la décision aussi. Il faudra bien, un jour ou l'autre, impliquer les peuples. Car il ne s'agit pas de science-fiction, il s'agit de notre avenir. Sur ce point, l'Amérique suivrait-elle les choix de l'Europe?


Bonne soirée.

L'homme de pouvoir.

Bonjour à toutes et à tous.

De la vie politique italienne, je ne connais pas grand-chose, j'ai des clichés, qui sont aussi des réalités: le terrorisme le plus violent (les Brigades Rouges), le parti communiste le plus influent d'Europe, l'Eglise la plus puissante (le Vatican), l'organisation la plus criminelle (la Mafia), la République la plus parlementarisée. Mais derrière les cartes postales, il y a quoi? L'Italie, c'est une tragédie, parfois une comédie, toujours un opéra sur le pouvoir et sa violence.

C'est ce qui ressort du film de Paolo Sorrentino, "Il Divo", qui a été l'objet de mon Ciné Philo de lundi dernier. Si je ne connais pas grand-chose à la politique italienne, je ne sais rien du tout de la vie et l'oeuvre de Giulio Andreotti, qui a dominé la vie politique de la péninsule pendant un demi-siècle, occupant différents pouvoirs, survivant à toutes les crises. Le film porte sur ce personnage. C'est une magnifique réflexion sur le pouvoir et l'homme de pouvoir, qui dépasse très largement les frontières italiennes, et qui met à mal certains préjugés.

L'homme de pouvoir, chacun l'imagine charismatique, séducteur, beau parleur, meneur d'hommes. Andreotti est tout sauf ça. C'est un petit homme gris, terne, triste, à la limite du comique, entre Zébulon et le professeur Nimbus. Un homme de pouvoir est-il un mobilisateur d'hommes? Pas du tout, c'est un manipulateur d'hommes. Et pour manipuler efficacement, il ne faut pas briller, il faut demeurer dans la grisaille. Combien en ai-je vu s'avancer et se hisser sur la dernière marche, de ces petits hommes gris qui ne paient pas de mine!

L'homme de pouvoir, chacun l'imagine entouré d'amis, dans une démarche très collective. Andreotti connaît à peu près 300 000 personnes (c'est lui qui le dit!) mais n'a aucun ami. C'est un homme seul, qui n'éprouve aucun sentiment particulier à l'égard des êtres humains. C'est aussi sa grande force, c'est même sa vertu, comme il a été remarqué lors du débat qui a suivi la projection du film. Si l'homme de pouvoir veut être un homme juste, il doit se garder de tout lien, de toute préférence, il doit cultiver la distance, et la hauteur.

L'homme de pouvoir, c'est celui qui entretient un rapport très particulier avec le temps. Andreotti ne semble avoir qu'une préoccupation, et qu'une réussite: durer. Le pouvoir, ce n'est pas sa conquête (relativement facile, avec un peu d'audace et d'habileté), c'est sa conservation, très difficile. On ne devient vraiment un virtuose du pouvoir qu'une fois qu'on l'occupe et qu'on le pratique.

J'ai quelque scrupule à vous parler ainsi d' "Il Divo": il faut aller le voir, c'est un film d'une incroyable richesse, qui ne se laisse pas facilement résumer. Allez voir aussi cet autre film,"Che", et vous comprendrez la différence entre un homme politique, héroïque, flamboyant, et un homme de pouvoir. C'est le jour et la nuit! Dans mes premières années de politique, je m'étonnais d'entendre des hommes de pouvoir, à mon petit niveau, dire qu'ils ne s'intéressaient pas vraiment à la politique (certains prétendent même ne pas en faire, et je les crois volontiers!). Comme je crois volontiers qu'un homme politique n'est pas nécessairement un homme de pouvoir: c'est toute la différence entre Guevara et Andreotti. J'oserai même ce paradoxe: faire de la politique empêche peut-être d'accéder au pouvoir!


Bonne matinée.

19 février 2009

Le rêve brisé.

Bonjour à toutes et à tous.

Nicolas Sarkozy a parlé, une deuxième fois hier, après son émission télévisée il y a une semaine, avant son intervention sur RFO ce soir. Ca fait beaucoup. En vérité, il patine sévère. Et des dizaines de milliers d'enseignants-chercheurs dans la rue cet après-midi, ça n'arrange rien pour lui. Peu à peu, on le sent bien, la société échappe à la droite. Nous sommes dans le contrecoup de la crise financière mondiale. C'est elle qui a cassé le rêve de Sarkozy, que Villepin, qui le connaît bien, a très justement résumé: implanter en France le modèle anglo-saxon. Voilà le sarkozysme, et pas je ne sais quel bonapartisme.

Sa prestation d'hier était l'ultime tentative de convaincre. Sarkozy croit trop en lui pour ne pas se laisser aller à cette force du désespoir, à ce pitoyable projet de "refonder" un système, le capitalisme, qui s'effondre de toute part (je parle du capitalisme, de sa logique, de son idéologie, pas de l'économie de marché). J'ai deux reproches à faire à notre président:

1- Pas un mot sur la Guadeloupe. Voilà un président prolixe, bavard, enragé à nous persuader, sûr de son bon droit, mais qui ne dit rien d'une situation explosive, au bord de l'insurrection, sur un territoire français livré à la violence, où un syndicaliste a été tué. Rien, pas un mot. C'est pour ce soir? Réservé aux Antillais et à la chaîne RFO? Comme si ce pays d'outre mer était aussi d'outre France! Non, ce qui se passe là-bas nous concerne tous. C'est un problème national, pas insulaire. En fait, le président a peur, comme il a eu peur devant la révolte en Grèce. Sauf que cette fois, c'est la France, et que la peur s'est transformée en panique.

2- Après la rencontre tant attendue avec les syndicats, il y a eu quelques propositions de nature sociales, oui, c'est un début. Mais ce n'est pas à la hauteur de la crise. Il faut des mesures fondamentales. Je ne demande pas au président de se déjuger. Il a été mandaté pour cinq ans par le peuple sur des orientations précises, qu'il fasse. Mais rien ne lui interdit des modifications, des réorientations. Après tout, la gauche a eu la sagesse de le faire en 1983, sans se renier, sans mettre un terme à ses objectifs d'émancipation sociale. La droite a le choix. Qu'elle cherche du côté de son "paquet fiscal", elle trouvera: retaxer les gros héritages, assouplir le "bouclier fiscal". Elle peut aussi modérer sa doctrine de suppression massive de l'emploi public. Ce n'est pas renoncer à soi que s'adapter à une situation nouvelle.

Un homme qui a peur se replie sur lui-même. Nicolas Zarkozy s'enferme dans ses contradictions. Il nous explique maintenant, ne s'étonnant même pas du paradoxe, que c'est le "modèle social français", qu'il était chargé de liquider, qui a protégé les Français de la crise. J'ignore complètement comment il va se sortir de là. Lui non plus, probablement. Il faut l'y aider. Un seul moyen pour ça: préparer méthodiquement la grève du 19 mars, montrer que rien ne s'arrête, que la détermination est forte.


Bonne fin d'après-midi.

18 février 2009

Une journée en Europe.

Bonsoir à toutes et à tous.

Quelques mots seulement, après une journée harassante en Belgique, une visite scolaire au Parlement européen, où nous avons été reçus par l'assistante parlementaire de Tokia Saïfi (Parti populaire, la droite, comme le nom ne l'indique pas) et par la députée socialiste Anne Ferreira. Nous avons eu de la chance: dans l'hémicycle, le débat portait sur Gaza, en présence de Javier Solana, haut représentant pour la politique étrangère de l'Europe. Parmi les personnalités à intervenir, nous avons écouté le communiste Wurtz et... Le Pen, que je voyais "en vrai" pour la première fois de ma vie (la rencontre ne sera pas inoubliable, je vous rassure).

C'est la première fois que je mettais les pieds au Parlement européen. Du coup, j'ai pris conscience que je n'avais jamais vu ou visité l'Assemblée Nationale, le Sénat, le Conseil général, le Conseil régional. Je ne connais que l'assemblée municipale, notamment celle de Saint-Quentin, et après... l'assemblée des Nations-Unies, à Manhattan, que j'ai visitée il y a une vingtaine d'années. Du local au mondial, sans passer par les intermédiaires!

L'hémicycle européen est très différent de celui de notre Parlement. Il n'y a pas, à proprement parler, de "perchoir", il n'y a pas non plus cette profondeur et cette verticalité qui en font, chez nous, une sorte d'arène. C'est un hémicycle plus horizontal, plus fonctionnel, moins solennel. Le temps de parole de chaque député est décompté par une horloge électronique. Même si l'intervenant dépasse de quelques dizaines de secondes, on ne le lui fait pas remarquer. Sauf quand Le Pen s'est exprimé et a excédé le temps imparti. Des protestations se sont élevées. Juste retour des choses: la démocratie doit accepter ses ennemis quand le peuple les lui impose, mais elle ne doit faire preuve d'aucune indulgence à leur égard.


Bonne nuit.

17 février 2009

Taux, totaux, totos.

Bonsoir à toutes et à tous.

En lisant la presse locale d'aujourd'hui, je vois que je ne suis pas le seul à ne pas avoir tout compris à ce qui s'est passé hier au conseil municipal. Pour L'Aisne Nouvelle, "les impôts locaux devraient augmenter". Pour un journal qu'on dit inféodé à Pierre André, ce n'est pas mal! Même si le conditionnel atténue un peu la prévision. L'Union a choisi, lui, le mode interrogatif: "Bientôt la fin de l'augmentation fiscale?" Quant au Courrier Picard, il opte pour le moyen terme puisqu'il annonce des "impôts stables".

J'ai cité à chaque fois les gros titres. Pour un peu, on croirait que les journalistes, aussi perplexes que moi, se sont donnés le mot: avec trois versions différentes, une devrait bien être la bonne! Mais le fond du débat est peut-être ailleurs. Quand j'étais enfant, à l'école primaire, dans la cour de récréation, nous aimions cette amusante devinette: zéro plus zéro? Égale la tête à toto! C'était charmant, et plus profond qu'on ne le croit: une façon de contester cette arithmétique qu'on nous imposait, pour montrer sa part d'absurdité. Avec les chiffres, ne peut-on pas tout démontrer, y compris que zéro plus zéro font la tête à toto?

C'est peut-être ce qui s'est passé au conseil municipal: une histoire de taux, de totaux et de totos. Mais qui à la fin avait la tête pris dans l'étau? Cessons ces plaisanteries, revenons à un peu de sérieux et quelques certitudes:

1- Quand le magazine "Capital", qui n'est pas un brûlot gauchiste, qui n'est pas rédigé par des fantaisistes, affirme il y a quelques mois que la fiscalité locale flambe à Saint-Quentin et classe notre ville tout en bas, je ne peux pas croire que tout soit faux et que les résultats comptables ne s'en ressentent pas.

2- Ce qui est certain, c'est que les taux locaux vont augmenter de 0,5%, ce qui est bien une augmentation, qui sera ramenée à 0% si l'Etat subventionne grâce à la dotation de développement urbain. Une condition n'est pas une confirmation. D'où ces deux formules alambiquées de Pierre André, qui parle d'une "modération forte de l'augmentation de la fiscalité" et d'une "augmentation de la fiscalité de zéro".

3- Reste un dernier point: les 0,5% de hausse fiscale rattrapent-ils l'inflation? Le maire dit oui, l'opposition dit non. Quant aux Saint-Quentinois, ils ne se posent qu'une seule question: nos impôts vont-ils oui ou non augmenter? Je ne suis pas certain qu'ils aient eu hier soir la réponse.

Pour moi, la seule question qui vaille est de savoir ce qu'on fera de notre argent, avec ou sans hausse de la fiscalité. Faut-il ou non rénover le quai Gayant? Si non, pour faire quoi d'autre? L'Aisne Nouvelle affirme que "Lançon s'élève contre le quai Gayant". Je n'ai pas eu le sentiment qu'il ait été aussi catégorique que ça, mais plutôt qu'il posait la question du bon usage de l'investissement.

Sinon, je ne suis pas certain que la totale remise en cause de ce chantier nous amènerait la popularité. En 2001, lors des municipales, les socialistes n'avaient pas par exemple remis en cause la plage de l'Hôtel de Ville, malgré tout le mal que pouvaient en penser certains parmi nous (pas moi particulièrement).


Bonne nuit.



PS: pour ne pas compliquer des choses déjà compliquées, je crois cependant qu'une coquille s'est glissée dans L'Union, qui annonce une hausse de 5% de la fiscalité. Zéro plus zéro égalent toujours la tête à toto?

Un nouveau blog.

Je viens d'apprendre ce matin une naissance dans la blogosphère axonaise: le blog de la Fédération du PS ( http://aisne-ps.blogspot.com/ ). Nous avions au préalable un site. L'initiateur est notre secrétaire fédéral aux nouvelles technologies, que les lecteurs assidus connaissent: Thierry Doukhan, auteur de plusieurs blogs très variés, ségoléniste fervent, rénovateur convaincu et internaute accompli. Un homme qui monte, secrétaire de la section de Guise, aujourd'hui secrétaire fédéral. Bravo Thierry!



Dans son billet d'aujourd'hui, Thierry propose aux socialistes une formation "Maîtrise de l'outil informatique". Je sens que je vais m'inscrire (pour les socialistes intéressés: aisne.ps@gmail.com ): utilisation d'un logiciel de bureautique, création d'une messagerie ou d'un blog, navigation sur le net, etc. Les sections sont invitées à constituer leur propre blog.

Longue vie au blog socialiste axonais!

Un débat budgétaire.

Bonjour à toutes et à tous.

Je n'ai pas pu assister hier soir à la totalité du conseil municipal de Saint-Quentin, devant animer le Ciné Philo portant sur... la politique et le Pouvoir (avec la projection du film de Sorrentino, "Il Divo", je vous en reparlerai). J'ai suivi les débats autour du premier point, les orientations du budget 2009, le plus important, avec sans doute l'agence postale municipale de Saint-Martin.

Le sénateur-maire Pierre André a commencé par un exposé de 30 minutes divisé en trois parties: le rappel des différents échelons territoriaux et leurs responsabilités, les grands travaux en cours dans la ville, l'état des finances. Pour le premier point, il a été confirmé l'organisation d'une grande consultation des Saint-Quentinois sur les choix municipaux, dans l'esprit de la "démocratie participative". Pour le deuxième point, l'extension du centre ville au Quai Gayant reste la mesure-phare, "dont on parlera encore pendant dix ans". Pour le troisième point, le maire a soutenu que la pression fiscale n'augmenterait pas en 2009.

L'opposition, d'une seule voix, a tenté une critique de ce budget. D'abord d'un point de vue général, Jean-Pierre Lançon a fait plusieurs remarques: les dotations de l'Etat ne sont pas à la hauteur des besoins, la fiscalité locale en réalité augmente, la rénovation du Quai Gayant obère d'autres investissements. Puis Michel Aurigny est revenu sur la fiscalité en soutenant, avec forces démonstrations mathématiques, que la pression fiscale était en hausse, qu'il fallait la réduire et augmenter les salaires des employés de la Ville.

A Jean-Pierre Lançon, la réponse de Pierre André est toujours la même, presque en boucle, qu'on a déjà entendu et qu'on entendra encore: la situation fiscale était pire sous la municipalité de gauche, les augmentations viennent du Conseil général et du Conseil régional, la population par ses votes soutient la politique municipale, les syndicats d'employés municipaux sont satisfaits. A Michel Aurigny, c'est un procès en incompétence qui est établi par le sénateur-maire, lui reprochant de ne pas "savoir calculer" (ce qui est osé concernant un agrégé de mathématiques!) et concluant l'échange sur une question mystérieuse laissée sans réponse: "Connaissez-vous les bases physiques?"

Je connais la fiscalité sur les personnes physiques, je connais les bases physiques dans le domaine scientifique, sinon je ne vois pas. Drôle de conseil municipal tout de même, à l'image de cette dernière question! Pire qu'un dialogue de sourds, pas de dialogue, pas de véritable débat. L'opposition s'efforce pourtant à une certaine modération, soulignant qu'elle ne conteste pas tout, qu'elle fait des remarques, qu'elle demande des précisions, mais le maire n'en a cure: il la renvoie systématiquement à son image "radicale", contestataire.

Il ressort de tout ça, du moins tel que je le perçois, quelque chose d'amer, qui ne correspond pas à l'idée que je me fais de la démocratie. On a le sentiment que l'opposition ne sert à rien sinon à témoigner de ses désaccords, on a l'impression que la majorité reste enfermée dans ses certitudes, le maire terminant, visiblement excédé, un débat dans lequel, c'est flagrant, il n'estime pas ses interlocuteurs à la hauteur.

Je crois, quant à moi, que les divergences les plus fortes peuvent s'exprimer dans une estime réciproque, et même un respect de l'autre. Je vais jusqu'à penser que l'opposition peut bonifier la majorité, que la majorité peut entraîner l'opposition, que c'est ce jeu entre les deux qui rend utile, efficace, performant le système politique municipal. Sinon à quoi bon?

J'observais hier les journalistes: qu'ont-ils retenu de tout ça? Qu'en diront-ils dans la presse de ce matin? Car un conseil municipal est surtout une scène en direction de la population. Les deux vraies questions politiques de ce débat d'orientations budgétaires étaient les suivantes: oui ou non, la pression fiscale augmente-t-elle à Saint-Quentin? Au delà des modes de calcul très vite techniques et donc compliqués, il faut répondre. Oui ou non, l'opération du Quai Gayant est-elle une bonne chose, sachant que l'argent pouvait servir ailleurs? Mais où, à quoi?


Bonne matinée.

16 février 2009

Le monde selon B.

Bonjour à toutes et à tous.

Parmi mes camarades, il existe deux attitudes à l'égard de l'extrême gauche que je ne partage pas:

1- L'ignorance. Ce n'est pas en faisant comme si elle n'existait pas qu'on réglera le problème électoral et politique que nous pose l'extrême gauche. Nous sommes des militants, il faut débattre avec ces autres militants, pour clarifier nos positions par rapport aux leurs, pour montrer que les leurs sont intenables.

2- Le reproche de division. Trop facile. Le NPA ne divise pas la gauche, il a des convictions, il les défend. A nous de démontrer qu'il se trompe, qu'il est dans l'erreur, qu'il ne peut pas représenter une alternative ou un espoir.

Prenons, discutons, contestons quelques mesures prônées par le NPA:

1- La levée du secret bancaire, industriel et commercial. Connaissez-vous un seul salarié qui revendique ça, qui le souhaite fort, qui l'attende avec impatience? Moi pas. Besancenot explique que cette mesure permettrait de contrôler la banque, le commerce et l'industrie. Mais contrôlés par qui? Ces entreprises sont déjà contrôlées, par des lois, des règles comptables, des conseils d'administration. La fin du secret bancaire, n'est-ce pas le rêve inquiétant d'une transparence absolue?

2- La propriété des grands moyens de production et d'échange. Ce qui signifie que les PME-PMI échapperaient à cette mesure. C'est incohérent, puisque c'est souvent dans ces entreprises que l'exploitation est dure, l'autoritarisme pénible, les salaires faibles, la précarité fréquente, les syndicats absents. Drôle de socialisme que celui que nous promet Besancenot.

3- "Rompre avec l'économie de marché" (Libération, 5 février). Comment est-ce possible quand on veut préserver un important secteur privé (les PME-PMI)? Il y a là contradiction. Quant à rompre complètement avec le marché, c'est revenir au communisme à la soviétique.

4- Venezuela, Cuba, Bolivie, zapatisme mexicain, voilà quelles sont les "expériences pratiques" dont s'inspire Besancenot. Mais qu'ont de remarquable ces expériences pour qu'on les mette ainsi en avant? Moi je ne vois pas. Et ce que je vois, je pense en particulier à Cuba, m'inquiéterait plutôt.

C'est donc cela, le monde selon Besancenot, un monde contradictoire, inquiétant et finalement désespérant. Voilà sur quoi doit porter entre eux et nous le débat.


Bon après-midi.

15 février 2009

Prière à la Lune.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je ne suis pas un émotif. La politique, qui pourtant me passionne, ne provoque pas en moi d'émotions. Je n'ai pas pleuré de joie en 1981, je n'ai pas pleuré de tristesse en 2002. Pourtant, dans les deux cas, il y avait de quoi! Mon indifférence n'est pas rationnelle (je ne vais pas jouer au sage maître de soi!), mais sans doute physiologique. Et puis, comme je me le dis souvent: "Ce n'est que de la politique..."

Il y a pourtant des circonstances où l'émotion me prend à la gorge, comme cet après-midi, à la lecture de Paris Match, n° 1058, 16 août 1969, que m'a confié, protégé dans une enveloppe de plastique, mon cher J. B. , que je salue ce soir, puisque je sais qu'il lit quotidiennement ce blog. Vous avez compris: c'est le "numéro historique" de l'homme sur la Lune, le 21 juillet de la même année, sur lequel je vais m'appuyer pour célébrer à Saint-Quentin le 40ème anniversaire de l'événement.

Il y a d'abord les images, qui constituent une véritable iconographie lunaire, d'une beauté qui appelle le silence, un silence de Lune. Surtout, il y a les textes, qui nous paraissent, 40 ans après, inhabituellement littéraires pour un magazine populaire. Je pense en particulier au papier de Raymond Cartier, un grand journaliste de l'époque. Le ton est lyrique, enthousiaste, conquérant, celui d'un monde qui a conscience de faire l'Histoire, d'inaugurer une ère nouvelle de la civilisation. Qui peut prétendre aujourd'hui à cet état d'esprit?

Mais je vais à mon tour me replier dans un silence lunaire et laisser parler les meilleurs morceaux de Paris Match:

"Tous les miracles de la technique et de la science, en se conjuguant ce jour-là, ont prouvé que l'humanité était déjà plus puissante qu'elle n'osait l'imaginer. Ces premiers pas hésitants sur la Lune signifient que, pour les hommes, les étoiles ne sont plus les soeurs du rêve, mais un nouvel empire offert à l'activité humaine".

"Le lundi 21 juillet 1969, à 3h56 du matin, heure française, des hommes envoyés en avant-garde ont découvert que l'espace n'était plus la frontière de leur destin".

"Il n'est pas concevable que la prise de possession de la Lune par l'homme soit arrêtée. Les arguments tirés de l'utilitarisme grossier sont irrecevables. L'homme est comme l'air: sa propriété est d'emplir la totalité de l'espace qui lui est laissée. Il a vogué sur les mers, il est allé aux pôles de la Terre, il a grimpé sur l'Himalaya parce que les mers, les pôles, l'Himalaya étaient là. C'est une justification totale et absolue à tout ce qui a été et sera fait pour la conquérir".

"A travers les hublots d'Apollo XI, sous les yeux d'Amstrong, Aldrin et Collins, une image grossit: leur Terre. Le vieux rêve des hommes était de marcher sur la Lune: eux viennent de le vivre. Ils aspirent maintenant à une autre aventure qui est de marcher au milieu des hommes sous les arbres en enfonçant les pieds dans l'herbe".

"Une partie de l'Univers est devenue le royaume des hommes. L'être humain est allé sur la Lune et en est revenu vivant. Parmi les traces qu'il a laissées de son premier passage sur l'astre, la plus bouleversante restera le piétinement de bottes des pionniers accomplissant dans la minuscule et glorieuse base de la Tranquillité l'incroyable conquête. Des pas que les vents de disperseront pas et que l'imperceptible érosion des grands espaces n'effacera que dans 50 000 ans".

Levez ce soir les yeux au ciel, pensez à la Lune.


Bonne soirée.