Bonjour à toutes et à tous.
L'Union d'hier, sous la plume de Cécile Leclercq, consacrait tout un article, grande et belle photo à l'appui, à la feuille d'impôts de Michel Aurigny, conseiller municipal d'opposition, représentant du Parti Ouvrier Indépendant (et pas le Parti des Travailleurs, Cécile! Mais tu es pardonnée: ce parti a changé tellement de fois de nom en 40 ans...). Ma première réaction: je m'en fous des impôts d'Aurigny. Mais c'est un peu bête, comme toute réaction, car la démonstration d'Aurigny se veut politique: montrer que
la pression fiscale à Saint-Quentin augmente, contrairement à ce qu'affirme son maire. Là-dessus, j'ai cinq remarques (politiques) à faire:
1- La démarche d'Aurigny a pour origine et justification les propos du maire lors du dernier conseil municipal. Devant l'affirmation par l'opposition d'une hausse des impôts locaux, Pierre André a rétorqué à sa façon, fréquente, par
une petite provocation:
montrez-moi vos feuilles d'impôts et je vous expliquerai. Sous-entendu:
ce que vous dites est faux parce que vous n'y comprenez rien. Aurigny a pris le maire au mot, il montre dans
L'Union ses feuilles d'imposition. Pourquoi pas, c'est une façon de faire. Mais au jeu de la provoc, Pierre André sera toujours le plus fort, parce qu'il détient le pouvoir.
Entrer dans son jeu ne sert à rien. Ce n'est pas exhiber des feuilles d'impôts qui va le faire reculer.
2- La démarche d'Aurigny est personnelle, alors qu'en conseil municipal il s'était exprimé au nom de toute l'opposition de gauche sur ce dossier. Là, devant les journalistes, il fait
cavalier seul. Pourtant, s'il est où il se trouve, au conseil municipal (et je n'y suis pour rien puisque j'étais contre!), c'est grâce aux voix des électeurs socialistes. Je sais bien que son parti et son journal, "Informations Ouvrières", ne considèrent pas le PS comme un parti "socialiste", mais ce n'est pas une raison, à Saint-Quentin, pour faire bande à part.
3- Venons-en maintenant au fond de la démonstration d'Aurigny. Il insiste beaucoup sur l'augmentation de la
taxe foncière, +56% de 2001 à 2008, alors que l'inflation, dans le même temps, a été de 12%. Ok, mais n'insistons pas trop non plus: c'est quand même l'impôt des propriétaires, et tous les Saint-Quentinois, loin de là, ne le sont pas. C'est surtout la
taxe d'habitation qu'il faut mettre en avant: +29,9%, payée par presque tous (sans parler de son mode de calcul, le plus injuste qui soit). Quant à la
taxe sur les ordures ménagères, son chiffre ferait bondir (+1378%) s'il ne fallait le relativiser par le fait que cette taxe est de création récente et les besoins qu'elle couvre sont grandissants.
4- Jusque là, à part des détails et des question de présentation, je peux en gros m'accorder avec Aurigny. Mais là où ça ne va plus du tout, c'est sur le
sens politique que prend sa démonstration. Elle se présente comme factuelle, objective, mathématique, à la limite non politique, non polémique. C'est la marque de fabrique lambertiste: dépouiller la démonstration de toute idéologie et s'en tenir aux faits, selon le précepte (de Jaurès, Lénine ou Trotsky, je ne sais plus) "
seule la vérité est révolutionnaire". C'est une école de pensée, rigoureuse et vertueuse. Mais comme toute école de pensée, la lambertiste est contestable:
un fait par lui-même ne veut rien dire, n'a pas de sens politique. Il faut lui en donner un. Bref, mon école de pensée à moi, nietzchéenne, c'est qu'
il n'y a pas de faits mais seulement des interprétations.
Or, quand je lis l'article de L'Union, qu'est-ce que j'en retiens
politiquement (et non pas factuellement): c'est que la hausse de la pression fiscale, qui est incontestable, se produit à tous les échelons politiques, commune certes, mais aussi département et région, ces deux dernières collectivités étant détenu en Picardie et dans l'Aisne par la gauche. Aurigny, qui n'interprète rien mais laisse à chacun le soin de le faire, résume en une phrase sa pensée (parce qu'à un moment donné, le
calcul doit bien déboucher sur une
pensée, un jugement): "
Tout le monde a participé: le résultat est là". Leçon de l'histoire:
gauche et droite, André et les socialos, c'est du pareil au même.
Les socialistes, c'est même pire, puisque la région augmente la taxe foncière de 24,20%, le département de 31,30% alors que la commune se limite à 10,17%. Et pour la taxe d'habitation, c'est 31,35 pour le Conseil général et 10,13 pour Saint-Quentin. Vous imaginez un peu l'usage politique que peut faire Pierre André de ces données! Car
les faits et les chiffres, on peut les retourner comme des crêpes (puisque c'était cette semaine Mardi Gras!). La seule chose qui compte pour moi, c'est le
sens politique qu'on leur donne. Et sur ce point, vous n'entendrez jamais Aurigny défendre la politique fiscale du Conseil général ou régional en conseil municipal. Tout le problème est là, et nous (les socialistes) devrons supporter cette
contradiction politique pendant encore six ans.
5- Le sens politique de la fiscalité locale (et nationale), c'est
l'usage qu'on fait de l'impôt. Que celui-ci augmente, à la limite peu m'importe! Ce que je veux savoir, c'est ce qu'on fait de l'argent du contribuable. La vraie question politique est là, surtout pour un socialiste défenseur de l'impôt. Se plaindre que les impôts augmentent, c'est, nous le savons bien,
un argument de droite. Je ne dis pas qu'il est illégitime et qu'il ne faut pas y réfléchir, je rappelle simplement qu'il n'est pas socialiste. Michel Aurigny, si j'ai bien compris, souhaiterait affecter les sommes versées dans la rénovation du quai Gayant au rachat du parking de l'hôpital et à sa mise en gratuité. Je ne vois pas exactement les choses comme ça, mais c'est un débat, pourquoi pas. Quoi qu'il en soit, c'est bien la finalité de l'impôt et non ses modalités (augmentation ou pas) qui est
l'enjeu politique.
Bonne matinée.