L'Aisne avec DSK

28 février 2010

Intelligence collective.

Bonsoir à toutes et à tous.


Il y a quelques années, j'avais donné comme sujet à l'une des séances du Café Philo la question suivante : L'intelligence collective existe-t-elle ? Nous avions, comme à chaque fois, soupesé le pour et le contre. L'intelligence individuelle existe, mais nous savons bien qu'elle est rare. Peut-on d'ailleurs en faire le reproche aux êtres humains, qui ont autre chose à penser et à faire qu'être intelligent ? Et puis, il n'est pas certain que l'intelligence soit un atout, un facteur de réussite dans la vie.

A fortiori l'intelligence collective semble être une utopie. En revanche, la bêtise collective est une réalité flagrante. Pas besoin de lire un grand philosophe pour s'en persuader, il suffit d'écouter Brassens : "Quand on est plus de deux, on est une bande de cons". Qui n'a pas fait l'expérience de cette évidence ?

Pourquoi vous dire ça ? Parce que c'est une phrase de Martine Aubry, aujourd'hui sur Canal +, qui me l'a inspiré : "On aura l'intelligence collective de choisir parmi nous ou ailleurs celui ou celle qui sera le mieux placé pour donner espoir aux Français". Notre secrétaire générale confirmait ainsi qu'il n'y aurait pas de concurrence entre DSK, Fabius et elle.

J'ai dégusté cette phrase comme on boit du petit lait ou un fond de cognac. Je me la suis répétée dans la journée comme un mantra, une prière, le rosaire. J'ai apprécié chaque mot à sa place et la formule dans sa totalité, je me suis imprégné de son rythme, je l'ai apprise par coeur. J'ai simplement modifié sa fin, une petite entorse que Martine me pardonnera volontiers, j'ai remplacé le dernier mot par un autre : "Saint-Quentinois".

Alors j'ai repris ma litanie, qui est devenue une invocation, une sorte d'exorcisme, comme une formule magique qu'on récite afin de chasser le démon. Celui-ci a un nom, un visage, une réalité : "bêtise collective". Je sens son haleine fétide, ses mouvements grossiers, ses réactions primaires, sa peur fondamentale. Ma prière devrait normalement la faire fuir.


Bonne soirée.

JEUDI 4 MARS.


La gauche, la culture et l'argent.

Bonjour à toutes et à tous.


La semaine politique passée a été dominée à Saint-Quentin par les suites du Conseil municipal et les réactions dans la presse autour de la culture, ses priorités et son coût. Le sujet est d'autant plus important que la culture est une forte compétence municipale et un thème cher à la gauche. Trois questions ont été à ce sujet soulevées :

1- Les 220 000 euros qu'a coûtés la statue de Maurice Quentin de La Tour auraient-ils dû servir à rendre gratuit l'accès à l'école de dessin portant le même nom ?

D'abord, je crois que les politiques ne doivent pas porter de jugements esthétiques sur les oeuvres d'art, quelles qu'elles soient, mais laisser le public libre de son opinion et l'artiste libre de son travail.

Ensuite, le prix par lui-même de cette statue correspond à n'importe quelle réalisation artistique de niveau comparable. Une municipalité, au nom de la dépense engagée, doit-elle s'interdire d'acheter ou de commander des oeuvres d'art à cette hauteur ? Je ne le pense pas.

En revanche, et indépendemment de la polémique sur le coût et la réussite de la statue, l'entrée à l'école de dessin devrait être gratuite, conformément au voeu de son fondateur, même si cette école n'est pas strictement municipale. Car les droits d'inscriptions vont tout de même de 126 euros à 1 050 euros. Certes des aides peuvent être attribuées et faire baisser les tarifs. Mais l'assistance n'est pas la gratuité.

2- Etait-il utile de fabriquer un troisième Géant, au prix de 6 000 euros, pour les Fêtes du Bouffon ?

C'est une question d'opportunité. Quentin de La Tour est manifestement le personnage qui permet peut-être le mieux d'identifier notre ville, de par les hasards de son nom, sa figure consensuelle et l'activité artistique qu'il promeut. De ce point de vue, tout ce qui se rapporte à lui est bon à prendre et à envisager.

Y avait-il cependant nécessité à ajouter un troisième Géant aux deux premiers ? Franchement non. Herbert et Eléonore n'enlèveraient rien à l'éclat et à la popularité de nos Fêtes en restant en couple. Mais le problème n'est pas tant la somme économisée qu'à quoi elle serait affectée. J'ajoute que ce sujet relève moins de la culture à strictement parler que du divertissement.

3- Fallait-il renouveler le contrat des danseurs Patrick Dupond et Leïla da Rocha ?

Le cachet de 180 000 euros a choqué. C'est ne pas connaître les rémunérations des danseurs de renommée mondiale. La vraie question est dans l'utilité de leurs actions. Il se trouve qu'en tant que président d'une fédération d'associations, j'ai pu apprécier les prestations de Patrick Dupond, qui sont remarquables et qui s'inscrivent parfaitement dans les missions de ce que nous appelons "l'éducation populaire" : gratuité des activités et spectacles, en direction des publics qui pourraient difficilement en bénéficier par leurs propres moyens : maisons de retraite, centres sociaux, associations, enfants des écoles.

Cette somme pouvait-elle être affectée au contraire aux six écoles, privées, de danse de notre ville ? Pourquoi pas, c'est une question de choix, de priorité. Mais je préfère cependant, avec les convictions qui sont les miennes, que ce soit directement l'action municipale qui pilote ce projet. D'autant que l'objectif assigné est aussi une opération de prestige : associer la ville de la danse qu'est Saint-Quentin à une personnalité d'envergure internationale, Patrick Dupond. Je n'y trouve rien à redire, sinon à souhaiter comme tout le monde une prestation d'un coût moins élevé. Mais rompre le contrat avec Dupond et da Rocha, non.

Derrière la polémique, je sens monter la démagogie, le populisme ou l'acceptation d'une culture au rabais : la culture a un prix, généralement élevée quand on recherche la qualité. Ce constat n'autorise évidemment pas à faire n'importe quoi. Mais c'est aux finalités qu'on juge une dépense, pas à son chiffre brut. La gauche ne doit pas renoncer à investir dans la culture, même si cette décision semble, à tort, improductive.

Par comparaison, des sommes beaucoup plus importantes, à l'usage beaucoup plus contestables, pour des résultats beaucoup plus incertains, sont attribuées au monde sportif, sans que personne ne se lève pour protester. Ce devra être aussi le projet de la gauche, autrement plus difficile, que de revoir tout ça. Ce qui n'empêche nullement de respecter et reconnaître l'utilité du sport, autant que celle de la peinture, sculpture et danse, et j'en sais là aussi un peu quelque chose puisque la fédération d'associations que je préside a également une très forte composante sportive. Comme toujours en politique, les décisions se justifient ou se contestent par leurs choix et leurs financements.


Bon dimanche.

27 février 2010

Politique et Justice.




Bonjour à toutes et à tous.


La campagne des régionales tourne mal. L'UMP, délaissant le terrain politique, s'en prend en Ile-de-France à une tête de liste socialiste en se référant à son casier judiciaire. La méthode est évidemment détestable. Il ne faut avoir plus rien d'autres à dire pour en arriver là. Des personnalités de droite l'ont compris et se désolidarisent de cette mauvaise action. La vie privée, même inquiétée par la Justice, doit rester privée et ne pas fournir un argument politique. Sauf si les faits incriminés concerne un candidat, quel qu'il soit, dans l'exercice d'un mandat ou d'une fonction publique. Dans ce cas, il est normal que les citoyens sachent ce qui s'est passé et jugent en conséquence.

Par bonheur, mon casier judiciaire est vierge et je n'ai jamais eu maille à partir avec la Justice ou la Police. C'est pourquoi mes quelques adversaires (il en faut bien pour pimenter une existence !) vont chercher ailleurs. Ma vie professionnelle étant irréprochable, ma vie sexuelle étant banale, ma situation financière étant très ordinaire, il ne leur reste plus que mon tempérament, ma personnalité. Les commentaires hostiles sur ce blog ne visent que ça, à défaut d'arguments politiques contre moi. Et jamais signés de leur propre nom ! Mes adversaires sont condamnés à l'anonymat, ce qui prouve à quel point leurs critiques sont pauvres.

Pour ma part, à l'égard de mes adversaires (car faire de la politique, c'est nécessairement avoir des adversaires), je ne me suis jamais rabaissé à des attaques personnelles. Je porte des coups, c'est normal, un militant est fait pour ça, mais toujours politiques. C'est aussi pourquoi je regrette que mon camarade Peillon ait répondu aux égarements de l'UMP en s'égarant à son tour, et de la même façon, en brandissant des faits judiciaires d'il y a 40 ans contre deux ténors de la droite. Je comprends sa volonté pédagogique, mais le principe n'est pas bon : on ne reproduit pas une attitude que l'on conteste.


Bonne journée.

26 février 2010

Joie et inquiétude.

Quelle drôle de chose que la politique ! Je n'en finis pas de m'émerveiller ... ou de m'inquiéter. Prenez les élections régionales en Picardie et retournez quelques semaines en arrière : pour Gewerc, la tête de liste socialiste, c'était mal parti. La guéguerre avec Gremetz la fichait très mal, le Vert Caron, vice-président aux finances, donnait au président un coup de poignard dans le dos, les socialistes n'arrivaient pas à rassembler, l'UMP avec Cayeux faisait un tapage médiatique du feu de dieu, elle trouvait en Gremetz un allié inattendu, la Région était accusée de faillite et Gewerc de trop aimer les cigares !

Aujourd'hui, tout a été balayé, la gauche est au beau fixe, les sondages prédisent sa victoire, Cayeux a le moral dans les chaussettes, elle n'y croit plus. Les meetings du Parti socialiste font salle comble. Incroyable, extraordinaire ! Et qu'est-ce qui explique ce basculement total ? Rien, absolument rien, ni coup de génie de Cayeux, ni faute politique de Gewerc. Rien ? Non, tout ! c'est-à-dire l'opinion, à qui on ne la fait pas, qui se détermine librement et qui a choisi pour ses régionales de reconduire la gauche.

C'est pour moi très réjouissant. Je dénonce régulièrement le pessimisme, la mélancolie, le doute qui frappent la démocratie : pour certains, l'opinion serait manipulée, les puissances d'argent décideraient du sort d'une campagne, les médias seraient les maîtres du jeu, les citoyens mal informés ou ignorants. Non, les électeurs sont autonomes, intelligents et prévoyants. Nous autres militants, nous aurons beau tracter, coller, discourir, écrire, bloguer, argumenter, les citoyens n'en feront qu'à leur tête, et c'est très bien pour la République. L'idée d'une opinion publique influençable, malléable est entièrement fausse. Et si elle était vrai, comment pourrions-nous rester démocrates ?

Ma satisfaction est cependant teintée d'inquiétude. Car cette grande leçon de lucidité politique - l'électorat, et lui seul, décide de son sort - est aussi une grande tentation de paresse : puisque la victoire échappe aux efforts des partis, à quoi bon se battre ? Il suffit d'attendre le verdict de l'opinion, dans l'espoir qu'il soit favorable.

Au contraire, toute parole ou action peuvent compromettre le cours naturel des choses. Silence donc, et point trop n'en faire. On connaît les militants qui suivent les leaders, là nous avons les leaders qui suivent l'évènement, au lieu de le devancer et de le provoquer. Le principe de précaution appliqué en politique peut faire des ravages, du moins au plan moral, tant il est vrai que l'essentiel c'est la victoire, et peu importe ses moyens.

Je crois que l'indépendance de l'opinion et la fatalité d'un scrutin ne doivent surtout pas nous priver de militer. Je ne sais pas trop ce qui est vrai en politique (ou parfois je redoute de le découvrir). Mais je sais ce qui est beau : se battre pour ses idées, et qu'importe le résultat. Si on veut conserver un peu de grandeur dans la politique, si on veut en faire autre chose que la simple reconduction de nos élus, il faut quand même penser à ça.


Bonne nuit.

Le coup de grâce.




Bonsoir à toutes et à tous.


Pour la droite picarde, c'est probablement le coup de grâce. Elle se sait perdue, il ne lui reste plus qu'à échouer avec panache. En politique, il ne faut pas rater sa sortie. L'élégance est requise si l'on veut garder la tête haute. Je ne vends pas la peau de l'ours, je constate simplement la tendance, qui semble fatale. Alors, ce coup de grâce, c'est quoi ? Le dernier numéro de L'Expansion. Les régions de France sont jugées et classées, selon cinq critères : la capacité de désendettement, les impôts par habitant, les charges de la décentralisation, le poids des frais de personnel et l'effort d'investissement.

Le résultat est édifiant : alors que la Picardie était en 14ème position en 2 004, elle est deuxième aujourd'hui. Avec ce commentaire : "Très belle progression. Des impôts élevés mais une gestion exemplaire et tournée vers l'avenir". Une gestion exemplaire ! Et cette pauvre Madame Cayeux qui prétendait que la région était "au bord de la faillite" ! Qu'est-ce qu'on ne fait pas dire aux chiffres quand on veut abattre un adversaire ! Mais comme le canard de Robert Lamoureux, l'adversaire est toujours là, et dans une forme resplendissante.

L'article de L'Expansion termine par notre région : "La stratégie de la Picardie est moins "classique" et plus difficile à décrypter. Les dépenses d'investissement et celles relatives à la décentralisation sont financées à la fois par la dette et par une gestion rigoureuse du personnel. En tout cas, cette stratégie paie, dans une région qui a plus de problème que la Bourgogne et que les Pays de la Loire, riches, socialement assez homogènes et sans mégalopoles, ce qui simplifie tout de même la tâche ... "

Après ça, que voulez-vous dire ? Pourtant, L'Expansion n'est pas un magazine socialiste ! Quand la maison prend feu, on appelle un super pompier : ce sera Nicolas Sarkozy, le 2 mars, à Laon. Mais il sera trop tard.


Bonne soirée.

25 février 2010

Charasse et Migaud.




Bonjour à toutes et à tous.


Charasse et Migaud nommés par Sarkozy, je trouve ça très bien. Plus il y a de socialistes à des postes de responsabilité, plus j'applaudis. C'est quand même la meilleure façon de faire avancer ses idées que d'occuper le pouvoir.

Gênant d'être désignés par Sarkozy ? Et pourquoi ? C'est le président de la République, pas le chef de la droite. Et tout le monde a sa place dans la République, y compris les gens de gauche. Ce qui importe, c'est la clarté politique : ne pas se faire élire avec la droite, car là il y aurait confusion, toujours dommageable en démocratie.

Mais ne serait-ce pas un piège ? Quelle piège ? Un piège, c'est un cul-de-sac, une basse-fosse, pas le sommet des institutions, pas la Cour des Comptes ou le Conseil constitutionnel. Et puis, ce genre de piège, s'il y a, se retourne très vite contre son initiateur : Sarkozy en mettant DSK au FMI en a fait le meilleur présidentiable et son pire adversaire. Alors ...

Mais le PS ne serait-il pas affaibli, voyant ses talents le quitter ? Que non ! Des talents, nous en avons à revendre, parfois trop (je parle bien sûr au niveau national). Charasse et Migaud, bravo et bon courage !


Bonne journée.

24 février 2010

Vivre ensemble.




Bonsoir à toutes et à tous.


Jean-Paul Delevoye vient de rendre un instructif rapport sur l'état de la société française. Les candidats aux prochains scrutins nationaux devraient en faire leur livre de chevet. J'ai pris au vol quelques remarques du médiateur de la République qui méritent réflexion et qui suscitent question (dans Le Monde de dimanche) :

1- "Cette société est en grande tension nerveuse, comme si elle était fatiguée psychiquement". Etrange cette façon de psychologiser l'état de l'opinion, par définition très difficile à objectiver. Pendant longtemps, la gauche s'est battue pour améliorer les conditions matérielles d'existence et de travail des êtres humains. Il lui faut maintenant agir sur le mental. Tous les débats autour du stress, du harcèlement moral, de la pénibilité conduisent à ça. C'est nouveau et délicat à traiter.

2- "L'angoisse du déclassement augmente". Etrange là aussi : autrefois, et ce n'est pas si vieux, la gauche dénonçait ce qui était la réalité présente, l'exploitation des travailleurs par exemple. Aujourd'hui, il semble qu'il faille se préoccuper de ce qui va être, ce qui risque d'advenir. Avant, l'espoir était la promotion sociale. Désormais, on se bat pour rester là où on est, bien content d'y être et redoutant pire. En matière de militantisme, de représentation du progrès social et d'émancipation humaine, ça change tout.

3- "J'estime à 15 millions les personnes pour lesquelles les fins de mois se jouent à 50 ou 150 euros près". C'est effrayant, mais à qui la faute si nous en sommes arrivés là ? La société de consommation a suscité des désirs fous, qu'on a fait miroiter au plus grand nombre alors qu'une minorité peut véritablement les satisfaire. Du coup, beaucoup croulent sous les crédits, le surendettement, l'absence d'économies, les achats faciles (et facilités par l'internet). Comment alors s'en sortir ? Les discours moraux ne suffisent pas, c'est toute une société qui est responsable.

4- "Le même boulot, le même conjoint pour la vie, c'est fini". Drôle de rapprochement entre vie sentimentale et vie professionnelle ! Faut-il se soumettre à la fragilité, à la contingence, à la discontinuité de l'existence ? Quand on a l'argent, quand on vit à l'aise, pas de problème. Mais pour tous les autres, qui sont la grande majorité ?

5- "La question du vivre ensemble va s'imposer comme thème central de la présidentielle de 2 012". Je le souhaite très fort. Marre d'entendre parler de sécurité ou de pouvoir d'achat.


Bonne soirée.

23 février 2010

La discipline de parti.




Bonjour à toutes et à tous.


Je veux aujourd'hui vous parler d'un sujet qui n'est pas à la mode, qui tranche avec les goûts de notre époque et l'état de l'opinion : la discipline de parti. J'en vois déjà qui font la grimace, qui froncent les sourcils, qui jettent des regards inquiets : quoi ! la discipline de parti ! Eh oui : quand vous entrez dans une association, quand vous faites partie d'une communauté, il y a des règles à respecter. C'est vrai dans n'importe quelle collectivité. Pourquoi pas dans un parti politique ?

Notre société est devenue, c'est une banalité de le rappeler, foncièrement individualiste. Chacun n'en fait qu'à sa tête. Si on dénonce "le bal des ego" des politiques, c'est pour mieux défendre son petit ego bien à soi. Ainsi, dans mon parti, ce mal est aussi présent et influent, faisant des ravages, à tous les niveaux. Regardez les listes des régionales, c'est confondant : on assiste comme jamais au triomphe des ex, des transfuges, des ralliés de la dernière minute (à droite comme à gauche). Il y en a même qui créent leur propre parti pour l'occasion et pour justifier leur inconstance !

J'en viens évidemment à l'actualité qui m'a inspiré ce billet : l'affaire Frêche, qui sera abordé ce soir au Bureau National de mon parti. Je ne sais pas quelle décision sera prise, mais je sais ce que je souhaite : que la cinquantaine d'adhérents qui suivent Frêche, qui ne respectent donc pas les règles de notre parti, soient immédiatement exclus. Car c'est ainsi que nous avons toujours procédé au Parti socialiste. Sinon il n'y a plus de parti, plus de discipline, plus de vie interne, plus de démocratie.

Ce mal qu'est l'indiscipline a une date au Parti socialiste : 2 005. Pour la première fois de son histoire, notre parti a accepté qu'un vote majoritaire, portant sur le Traité constitutionnel européen, soit en quelque sorte légalement bafoué puisque les adhérents avaient alors été autorisés à militer contre la décision majoritaire. A l'époque, Mélenchon, qui était en tête de cette indiscipline caractérisée, aurait dû au contraire être exclu. Il nous quittera par sa propre volonté, quelques années plus tard. Mais que de dégâts causés dans l'esprit des militants, qui depuis se croient libres d'ériger n'importe quelle décision individuelle ou particulière au rang de règle générale !

Il va de soi que la discipline n'est acceptable et supportable que si la démocratie fonctionne correctement. C'est le principe de la République : on lui obéit seulement parce que c'est la République. Tout autre système n'exige aucune obéissance de notre part. Il arrive, localement, dans mon parti, que les décisions majoritaires ne soient pas respectées. C'est plutôt rare, c'est humainement catastrophique et politiquement irresponsable. Il ne faut pas s'étonner, dans pareille situation, que les adhérents ne suivent pas.

Pour en revenir à l'affaire Frêche, le terme d'exclusion est souvent mal ressenti, il passe pour une marque d'intolérance alors qu'il n'est, comme je l'ai dit, qu'une stricte application du règlement. Il faut savoir aussi qu'une exclusion n'est pas une excommunication, encore moins un bannissement à vie. Tout exclu a le droit, au bout d'un certain délai, de réadhérer. Et rien n'empêche alors qu'il le soit. Le meilleur exemple que je connaisse est Saint-Quentin : la plupart de ceux qui ont été exclus en 1995 pour avoir suivi les communistes ont été depuis réintégrés et inspirent aujourd'hui notre ligne politique d'alliance avec l'extrême gauche.

Voilà. J'espère ne pas vous avoir trop dégoûté de la discipline de parti ...


Bonne journée.


En vignette : le Conseil Régional de Picardie ouvert sur le monde.

22 février 2010

Conseil municipal.

Bonsoir à toutes et à tous.


Le conseil municipal a été présidé ce soir à Saint-Quentin par la première adjointe, en l'absence du sénateur-maire. Le style est bien sûr complètement différent, et l'ambiance s'en ressent. Pierre André est un bagarreur, qui poursuit l'opposition dans ses retranchements, jusqu'à apparaître lui-même, parfois, étrangement, comme une sorte d'opposant à l'opposition. Ses ripostes sont longues, étoffées, un tantinet provocatrices. Rien de tel chez Monique Ryo, très administrative, le visage baissé sur ses dossiers, répondant très brièvement aux questions de l'opposition, sans chercher vraiment à la contrer.

La séance a duré une heure seulement, et pour la première fois depuis que j'y assiste, je n'ai pas eu conscience de la fin, tellement l'interruption a été rapide. C'est en voyant les élus se lever que j'ai compris. L'ensemble a été terne, sans relief. Le style Ryo empêche la confrontation, enlève la dimension politique au débat. L'opposition a beau lancer des piques, ça ne prend pas. Avec Pierre André, on était au spectacle, même si on connaissait d'avance le nom du vainqueur. Avec Monique Ryo, on est plutôt à la messe, vite fait bien fait, et au revoir messieurs dames.

Pourtant, quatre dossiers à dimension politique ont été abordés :

1- Le versement d'une subvention de 6 000 euros pour la construction d'un troisième Géant, à l'effigie de Maurice Quentin de La Tour, contestée par l'opposition, qui demande pourquoi d'autres Saint-Quentinois illustres ne bénéficieraient-ils pas d'une telle faveur ? Puis de faire remarquer que cet argent, ainsi que celui versé pour la statue de l'Hôtel de Ville, auraient pu servir à rendre gratuite la fréquentation de l'école qui porte le même nom, Quentin de la Tour, ou à diminuer les frais d'inscription. La majorité a répondu que l'école était financièrement soutenue par la Municipalité, qu'aucun enfant n'en était écarté pour des raisons financières, que les tarifs étaient bas en comparaison de ce qui se fait ailleurs.

2- L'aménagement de la place de la Gare a été l'objet d'une remarque de la part de l'opposition : le début des travaux était prévu en 2 010, ils ne pourront manifestement pas se faire avant deux ans. La gare routière a disparu de ces travaux, alors qu'il manque des abris pour les voyageurs. Il faudrait faire une priorité de la construction de ces abris-bus. La majorité a répondu que les travaux commenceraient à la mi-2 011 et que la gare routière était inclue dans l'ensemble du projet.

3- La rémunération de 360 euros par mois aux étudiants stagiaires travaillant pour la Ville a suscité la réprobation de l'opposition, estimant que cette somme ne permettait pas de vivre décemment, et demandant alors que cette rémunération soit égale à ce que gagne un contractuel. La majorité a souligné qu'il ne fallait pas confondre travail et formation, qu'avant ces stagiaires ne recevaient aucune rétribution et que d'autres collectivités, dont le Conseil Régional, ont approuvé ce dispositif.

4- Le renouvellement du contrat du danseur Patrick Dupond a été contesté par l'opposition, faute d'un bilan détaillé de son action. Elle souligne que Saint-Quentin n'a pas attendu la venue de cette personnalité internationale pour promouvoir depuis longtemps la danse. L'expression de "retraite dorée" a même été utilisée pour refuser ce contrat. La majorité a rappelé que l'action de Patrick Dupont était bien connue et très appréciée dans les maisons de retraite et centres sociaux pour lesquels il a travaillé, en soulignant que les spectacles qu'il a donnés étaient gratuits. Paradoxalement, c'est en utilisant des arguments de gauche ( l'intégration sociale, la culture pour tous, le refus d'une césure entre "culture de riches" et "culture de défavorisés") que la majorité a justifié la reconduction du contrat de Patrick Dupont.


Bonne soirée.

Vous trouvez ça normal ?




Bonjour à toutes et à tous.


Hier soir, à 23h20, j'étais confortablement installé devant ma télé pour regarder sur France 3 le deuxième débat consacré aux élections régionales en Picardie. Gewerc était annoncé, mais pas Cayeux, qui a refusé de venir débattre avec lui. Trouvez-vous normal cette dérobade ? C'est plutôt un aveu de faiblesse, et pour bientôt un aveu d'échec. Les deux chefs de file PS et UMP devraient normalement débattre ensemble.

Mais la déception ne m'a pas empêché d'être présent au rendez-vous. Sauf qu'une autre déception allait succéder à la première. En effet, ce sont les visages d'Huchon, Péresse, Dufflot et autres qui sont apparus, et aucun Picard de mes connaissances ! L'explication : Gremetz, mécontent de n'avoir pas été invité, a saboté l'enregistrement de l'émission, qui n'a pas pu avoir lieu. C'est unique en France ! Vous trouvez ça normal ? Ce sont des méthodes inacceptables, dont Gremetz est devenu coutumier.

Décidément, Cayeux et Gremetz doivent regretter le temps où ils débattaient ensemble. Ce n'est pas une raison pour que l'une se dérobe et que l'autre casse le débat.


Bonne journée.


PS : ce soir, réunion du Conseil municipal à Saint-Quentin.

En vignette : le Conseil Régional de Picardie soutient la croissance durable.

21 février 2010

Le souvenir ne meurt pas.


Une veille de rentrée, il est recommandé pour un enseignant de se coucher tôt. D'autant que c'est demain ma grosse journée. Mais la disparition de Jean-Claude Barbarant m'a remué. Je n'ai pas pu m'empêcher de me plonger dans mes archives, douze ans de vie politique et associative saint-quentinoise, impeccablement rangées et classées. Je suis tombé très vite sur l'affiche du colloque où nous avions reçu Jean-Claude. Il avait été comme toujours brillant. Son fils Olivier était parmi nous. Un très bon moment. Allez, cette fois je me couche. Il faut être demain en forme. Jean-Claude savait ça.

In Memoriam.

Triste nouvelle avant de vous quitter ce soir : j'ai appris le décès de Jean-Claude Barbarant. Ce nom ne vous dira peut-être rien si vous n'êtes pas du monde enseignant ou si vous ignorez son univers syndical et idéologique, mais Barbarant en a été longtemps l'une de ses figures de proue, qui a intellectuellement compté pour moi. Il a été secrétaire général du SNI-PEGC, à la grande époque de la "puissance FEN", véritable "forteresse enseignante" aujourd'hui disparue. Puis il a pris la tête du SE-UNSA jusqu'en 1994, syndicat enseignant auquel j'ai adhéré l'année suivante, en même temps que j'entrais au PS.

Les idées de Barbarant étaient fort simples, et j'y ai adhéré immédiatement : la condition d'enseignant prévaut sur l'appartenance à telle ou telle discipline ; c'est pourquoi il faut tous les rassembler dans un même syndicat, de la maternelle au lycée. L'enseignement est un métier qui s'apprend, pas une vocation mystérieuse guidée par le génie ou l'inspiration. Un enseignant est avant tout un pédagogue, et nécessairement un laïque et républicain. Barbarant luttait contre le corporatisme et l'élitisme propre à notre milieu professionnel. Il défendait l'égalité et la réforme de l'Ecole.

J'ai eu l'occasion de le rencontrer personnellement, en le faisant venir à Saint-Quentin il y a quelques années, à l'occasion d'un colloque que j'avais organisé sur Condorcet. Je connaissais un peu aussi son fils Olivier, que j'avais croisé il y a dix ans au sein du CLRIF (comité anti-Charles Baur). Il est toujours agrégé de lettres au lycée Condorcet de Saint-Quentin, et l'un des meilleurs spécialistes d'Aragon. Une anecdote pour terminer : dans les congrès du SE-UNSA, lors de la soirée conviviale, il était de tradition que le couple Barbarant ouvre la danse. C'était désuet et charmant.

Marianne réhabilitée.




Bonsoir à toutes et à tous.


Merci à Irène pour le tableau ci-dessus, qui réhabilite la vraie Marianne. Observez bien la peinture de Delacroix : la femme montre ses seins, mais sans rien de sexuel, sensuel ou érotique, encore moins de maternel. C'est la fierté, l'audace, le courage de la femme qui offre son torse au feu de l'ennemi.

Les seins sont fort beaux mais n'excitent pas. Car ils sont frondeurs, virils, et la posture est grave, guerrière, pas du tout lascive. On songe à les rallier, à les suivre, sûrement pas à les caresser. Ils ont du panache mais ils n'aguichent pas. Marianne chez Delacroix est pleinement une femme, mais sans rien de traditionnellement féminin. C'est pourquoi les féministes devraient la prendre comme exemple et symbole, pas seulement les républicains. Marianne, c'est la femme-citoyenne, pas la femme-femme.

Cette Marianne ne tient pas son gros ventre, elle brandit un drapeau et porte un fusil. A sa gauche, il y a un gamin lui aussi armé, mais pas son fils. A sa droite, il y a un homme au chapeau, pareillement doté d'un fusil, mais qui n'est pas son mari. A ses pieds, il y a des morts. Ce tableau est un symbole de lutte et de résistance, pas une représentation de la vie biologique. Nous sommes très loin de la grossesse et du grand emprunt. C'est La liberté qui guide le peuple, pas l'Etat chargé de ramasser des sous. Marianne est sauvée !


Bonne nuit républicaine.

Marianne outragée.




Bonjour à toutes et à tous.

Ce n'est pas bien grave, il n'y a pas le feu au lac et je ne vais pas vous parler de l'événement du siècle. Mais tout de même, moi qui suis maçon sans tablier (voir le premier billet d'hier), je tiens au respect des symboles, surtout quand ils sont républicains. Je m'offusque donc ce matin : Marianne, notre Marianne a été outragée, et la preuve figure blanc sur bleu dans la publicité ci-dessus. J'ai cinq raisons pour dénoncer ce sacrilège, cette profanation :

1- Le caractère féminin est ici très prononcé, jusqu'à incarner la seule féminité procréatrice (c'est Elisabeth Badinter qui va être contente !). Marianne, me direz-vous, est une femme. Certes, mais ce n'est pas une raison pour accentuer sa féminité. D'autant que beaucoup de représentations de Marianne sont plutôt androgynes. Les anciens républicains étaient confrontés à un dilemme : comment incarner la République dans un visage et un corps de façon à ce que tous les citoyen(ne)s s'y reconnaissent ?

Un fier Sans-Culotte ? Alors les femmes se sentent exclues. Va donc pour une femme, plutôt femme-enfant, garçon manqué, sorte de Gavroche fille, ni homme viril, ni femme fatale. Ça donne notre Marianne, aujourd'hui outragée par ce caractère féminin (mais pas féministe) outré. Et demain ? Le blasphème peut s'autoriser n'importe quoi, par exemple une Marianne à gros nichons en bas résille, pour les besoins d'une campagne d'Etat en faveur de la natalité !

2- Et puis, il y a ce gros ventre, on ne voit que lui, on ne retient que ça ! Marianne, toute femme qu'elle est, est d'abord une militante, une combattante, un porte-drapeau, pas une maman ! Fraternité, voilà ce qu'elle incarne, pas la maternité. Marianne est notre soeur en République, elle n'est pas notre conjointe à qui nous aurions fait un enfant, ni notre mère. Dans l'espace public de la République, il n'y a pas de père, pas de mère, pas d'enfant, pas de famille (ça c'est la vie privée), il n'y a que des frères, des soeurs, des citoyens, des camarades. Marianne mère de famille, quel contresens !

3- Et ce n'est pas fini (mais c'est la logique d'une profanation d'aller jusqu'au bout) : la Marianne de la publicité a été habillée tout de blanc ! C'est le symbole de la pureté biblique ou des lys royaux, ce n'est pas une couleur républicaine. Même le bonnet phrygien est passé au lavage de la révision historique et idéologique, blanchi à la chaux ! Non, non et non, ce fameux bonnet doit être rouge, bien rouge, comme celui de nos gentils nains de jardin. Il doit y avoir du rouge dans la République, et c'est pourtant un social-démocrate qui vous le dit !

Cette blancheur de fantôme est par ailleurs contradictoire, car son symbole est aussi celui de la virginité, comme dans la robe de mariée (même si aujourd'hui la mariée en blanc a souvent perdu son hymen depuis longtemps : n'est-ce pas le problème de notre époque, la confusion et la dénaturation des symboles ?). A moins que notre Marianne outragée ne soit en réalité qu'une Sainte Vierge ! Blanc et bleu, ne sont-ce pas les couleurs mariales ?

4- Regardez maintenant son visage : calme, reposé, lumineux, plein d'amour et de bienveillance. Et ce sourire qui ne veut rien dire et tout dire, sinon la satisfaction d'être bien, d'être soi ! C'est Marianne qui sort d'une séance de sophrologie. Quelle injure ! Marianne, c'est autre chose que ce misérable travestissement, oreiller sous la robe et tête de circonstance. A l'aide Danton, Condorcet, Hugo, dites-moi que ce n'est pas vrai, que je suis en train de rêver (ou plutôt de cauchemarder) ! Cette Marianne n'a pas la gueule de l'emploi. Car pour être la figure de la République, il ne suffit pas d'avoir un visage, lisse, naïf, transparent, il faut être doté d'une gueule, d'une tronche. Marianne crie, hurle, harangue, discourt, elle ne sourit pas. Après la Vierge Marie, c'est maintenant le Bouddha ou le Dalaï-Lama qu'on veut nous refourguer !

5- Enfin, il y a la finalité de cet outrage : des sous, un emprunt, investir, la finance ... La République est tombée bien bas. Que l'Etat veuille récolter de l'argent, c'est normal, mais qu'il ne mêle pas Marianne à ça. Pourquoi pas alors pour la vente de préservatifs (mais sans le gros ventre cette fois) ? Non, un symbole, une allégorie fonctionnent à l'économie. Il faut les employer judicieusement, au bon moment, à bon escient. Il existe suffisamment de motifs publicitaires pour qu'on ne fasse pas appel à la plus haute figure de la République. Gardons-là pour illustrer nos devoirs de citoyens, pour la défense de la liberté et de la patrie, mais pas pour ramasser des sous. Marianne ne peut être associée qu'à des valeurs, pas à une opération économique.

Pour poursuivre cette réflexion, je vous recommande vivement la lecture du billet que Thierry a rédigé sur le même sujet, à la date du 18 février : http://saines-coleres.blogspot.com/


Bon dimanche républicain.

20 février 2010

Pour la qualité de vie.


Le Conseil Régional de Picardie améliore la qualité de la vie.

Attristé et indigné.

Bonsoir à toutes et à tous.


Il y a sur Saint-Quentin deux blogs politiques, celui sur lequel vous êtes et Quintinus, que je consulte chaque jour. Il est tenu par un ancien membre du Parti socialiste, exclu à la suite des affrontements internes qu'a provoqués la désignation de la tête de liste municipale. Il n'en reste pas moins un homme de gauche, ségoléniste fervent, dont les prises de position ne rejoignent pas toujours les miennes, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais je suis respectueux de toutes les convictions de gauche, même si parfois quelques coups de patte me sont adressés par l'intermédiaire de ce blog. J'accepte, j'assume, c'est la vie politique !

Ce soir, en revanche, je trouve inadmissible le propos tenu dans le billet intitulé "Stop à l'intégrisme hexagonal", daté de ce jour. Il est en effet question du "soutien indécent apporté à Polanski par l'intelligentsia juive". Vous avez bien lu, les mots se suffisent à eux-mêmes, pas besoin de les resituer dans leur contexte, la formule est tristement accablante : "l'intelligentsia juive" ! Qu'un homme de gauche puisse s'exprimer ainsi est consternant et ne souffre d'aucune excuse, d'aucune circonstance ou interprétation atténuante.

On peut ne pas aimer Polanski, on peut souhaiter sa traduction devant la Justice, on peut déplorer les soutiens qu'il a reçus (ce n'est pas mon point de vue, mais je peux le comprendre et l'admettre). Mais on n'a pas le droit d'utiliser ce vieux cliché à relent antisémite : "l'intelligentsia juive". Car aucune ambiguïté n'est possible : il s'agit bel et bien d'une expression régulièrement véhiculée par la propagande antisémite la plus ordinaire. Le Pen se servirait d'une telle formule, il créerait le scandale politique et serait assigné devant les tribunaux.

Faut-il préciser que s'il existe des intellectuels, si certains parmi eux sont juifs, il n'existe pas en revanche d' "intelligentsia juive", que cette représentation renvoie à l'image négative et fausse d'une solidarité qu'on veut faire passer pour criminelle. Tout comme est mensongère et ignoble l'idée que Polanski n'aurait été soutenu QUE par des juifs, ou comme s'il fallait faire une distinction ethnique, parmi ses défenseurs, entre les juifs et les non juifs !

J'ai hésité avant d'écrire ce billet, j'ai été tenté de laisser passer, je me refuse en règle générale à toute polémique entre blogs. Mais la phrase incriminée est trop grave, trop insidieuse, et encore une fois rien, absolument rien, ne peut l'excuser ou l'atténuer. L'antisémitisme est l'une des tragédies de notre époque, la plus terrible sans doute qui ait endeuillé le siècle dernier. On ne peut se permettre alors aucune indulgence, aucune faiblesse, même pour ce qui peut sembler être "un point de détail", comme dirait l'autre.


Bonne soirée.

Maçonnerie et politique.




Bonjour à toutes et à tous.


Un journaliste d'un grand magazine national m'appelle hier pour savoir ce que je pense de l'influence politique de la franc-maçonnerie en Picardie, en vue d'un dossier à paraître sur ce sujet. Je lui réponds très directement que cette influence est inexistante. Je n'ai jamais compris pourquoi, en France, ce courant de pensée passait pour politiquement influent. Certes nous avons une vieille tradition d'extrême droite qui nous dépeint la maçonnerie sous des airs de comploteuse. Il y a aussi des maçons qui exagèrent leur importance pour se rendre avantageux. Mais tout ça ne résiste pas au banal constat, à l'évidence : jamais les loges n'ont fait gagner une élection, nationale ou locale (je ne parle ici que de la période contemporaine).

Je pense même que maçonnerie et politique ne font pas bon ménage. Les vertus de l'une se dégradent et se dénaturent quand elles s'introduisent dans l'autre. C'est aussi un constat : pas plus qu'un chrétien ne se distingue par son comportement évangélique dans sa vie professionnelle, un maçon ne se remarque par son comportement fraternel dans la vie politique. La maçonnerie est une grande école de réflexion, de dialogue et de tolérance, mais ces vertus ne caractérisent pas plus le frère que le camarade au sein d'un parti politique. Il ne reste plus grand-chose de l'esprit de la loge dans la vie d'une section.

Trois vénérables qualités maçonniques peuvent se retourner en travers politiques :

1- La discrétion, si mal considérée et comprise, est pourtant une garantie de sérieux dans la démarche et les débats maçonniques. Que les loges échappent à l'inquisition des médias et de l'opinion est une excellente chose, assez rare dans notre société du spectacle. Mais si, traduite en politique (où là la transparence la plus totale est souhaitable), la discrétion se transforme en dissimulation et en goût du secret, elle devient critiquable.

2- La fraternité maçonnique est admirable, puisqu'elle prend au pied de la lettre la vertu oubliée de la devise républicaine, dont nous devrions plus souvent nous inspirer. Mais si, dans une organisation politique ou un quelconque lieu de pouvoir, elle devient un vulgaire copinage, il faut s'en départir, et c'est d'ailleurs ce que font les grands maîtres des obédiences maçonniques, en condamnant régulièrement cette détestable pratique.

3- Le dialogue sincère et productif, si peu présent dans notre société plutôt friande de faux échanges, est l'apanage des loges. C'est leur légitime fierté que de pouvoir rassembler des citoyens de tous les bords de la République, droite et gauche ensemble. Mais si cette tolérance débouche en politique sur des formes d'indulgence ou de complaisance, le clivage naturel à la démocratie entre la gauche et la droite est alors édulcoré, et ce n'est plus une bonne chose.

Comment des liens de sympathie philosophique ne pourraient-ils pas se poursuivre dans le champ politique ? Il n'est pas impossible que Xavier Bertrand bénéficie d'une telle indulgence, quand on voit parfois le portrait flatteur qu'en dressent certains hommes de gauche et qui ne correspond pourtant pas à ce qu'il est et à ce qu'il fait (voir à ce sujet les chapitres 7 et 8 du livre de Ian Hamel, Xavier Bertrand, les coulisses d'une ambition).

Si je redoute un peu la collusion entre maçonnerie et politique, je compte en revanche beaucoup sur l'influence intellectuelle des obédiences. C'est dans ce domaine, et surtout pas en politique, qu'elles donnent le meilleur d'elles-mêmes, qu'elles sont indispensables à la vie de la République. Car les grandes réformes d'avenir trouvent dans la discipline maçonnique le calme, l'ouverture et l'introspection qui leur permettent de s'élaborer.

Pour ma part, j'ai deux ou trois fois été sollicité pour entrer en maçonnerie, je n'ai pas répondu positivement, pour une question de disponibilité et surtout de méthode : je penche plus, sans doute par métier, pour la démarche théorique que pour la démarche symbolique. Mais aucune n'est supérieure à l'autre, c'est seulement affaire de choix personnel. Ceci dit, dès qu'on m'invite à une tenue blanche, je m'y rends bien volontiers et j'y trouve intellectuellement beaucoup de plaisir. Philosophie des Lumières, rationalisme, laïcité, progressisme, je suis chez moi. Bref je suis un maçon sans tablier.


Bonne et fraternelle journée.


En vignette : le Conseil Régional de Picardie investit dans tous les territoires.

19 février 2010

Peur de tout.




Bonjour à toutes et à tous.


Je vous recommande la lecture du dernière ouvrage d'Elisabeth Badinter, "Le Conflit. La femme et la mère". Vous ferez ainsi un geste militant en faveur du "féminisme de conquête, celui qui défend l'égalité", contre le "féminisme naturaliste, différentialiste, victimaire" (selon les termes de l'auteur, dans un entretien au Monde du 13 février). Car le second tend aujourd'hui à l'emporter dangereusement sur le premier. Badinter pointe trois signes, parmi d'autres, de cette régression :

1- L'interdiction de la publicité pour le lait en poudre dans les maternités et la campagne proprement hallucinante en faveur de l'allaitement au sein (j'ai eu l'occasion d'en parler il y a quelques mois dans un billet, dénonçant en particulier le prosélytisme inquiétant de la Leach Ligue). Il faut rappeler que l'invention du biberon a été un progrès social, une émancipation de la femme à l'égard de la "femelle mammifère" (le terme est encore de Badinter) à laquelle la société voulait la réduire.

2- La récente promotion des couches lavables, sous de fallacieux prétextes écologistes et anti-consuméristes, ce qui nous renvoie à l'époque de nos arrière-grands-mères. Et pourquoi pas, tant qu'on y est, le retour de la lessive au lavoir, où les femmes pouvaient joyeusement discuter entre elles ?!

3- Passées la trentaine, les femmes se voient de plus en plus souvent interpellées sur leur absence d'enfants, comme si cette situation était anormale, pas naturelle, à la limite pathologique.

Il est donc plus que temps de réactiver le "féminisme de conquête" et de dénoncer le féminisme de régression, qui est un pseudo-féminisme. Pourquoi en sommes-nous arrivés là, alors que les années 70 nous promettaient un avenir radieux en matière de libération de la femme ? Elisabeth Badinter élargit son explication à l'évolution générale de notre société :

"Au-delà du problème des femmes, la société actuelle est très régressive. On est dans une mouvance d'angoisse, on met en avant le principe de précaution, on a peur de tout, on est dans des positions de repli".


Bonne matinée,
et n'ayez peur de rien.


En vignette : Le Conseil Régional de Picardie soutient la formation.

18 février 2010

Quand c'est fini ...




Bonjour à toutes et à tous.


La petite phrase de Claude Gewerc, dans L'Aisne Nouvelle de mardi dernier, est passée inaperçue, n'a soulevé aucun commentaire. Et pourtant elle est politiquement lourde de sens et de conséquence. A la question "Si Maxime Gremetz peut se maintenir au deuxième tour, lui tendrez-vous la main pour qu'il se joigne à vous ?" la réponse est très claire : "Jamais, il a trahi la gauche, et pour moi c'est fini".

Rien de bien surprenant dans cette réaction, quand on sait avec quel acharnement Gremetz s'est attaqué à la majorité de gauche au Conseil Régional de Picardie. Mais ce que je veux souligner, c'est le principe inédit : à gauche, au second tour, on se rassemble, on fait liste commune, c'est la règle intangible du Parti socialiste, quelle que soit l'élection. Ne croyons pas ici que Gewerc règle un compte personnel, se laisse aller à un réflexe épidermique. C'est un trop grand politique pour ça.

Non, ce n'est pas seulement un homme imprévisible, un caractère survolté qui sont visés et rejetés, c'est une ligne politique, celle du groupe "Colère et espoir", qui a cessé d'être communiste pour rejoindre l'extrême gauche, dans une posture protestataire tout azimut, dont les socialistes sont les premiers à faire les frais. Il est donc cohérent de rompre politiquement avec cette sensibilité et de ne pas vouloir s'allier au second tour avec elle.

La décision de Gewerc ne va pas électoralement de soi (Gremetz peut faire un bon score) mais est politiquement irréprochable. Elle rend d'autant moins tenable notre alliance à Saint-Quentin avec les gremetziens. Car ce qui est valable à Amiens doit l'être aussi chez nous. La même logique s'applique à toute l'extrême gauche, dont "Colère et espoir" est devenu une composante.

Cette position est renforcée par les enseignements du sondage IFOP-Paris-Match publié hier. Les estimations des régionales attribuent 2,5% au NPA et 2% à LO, alors que le Front de Gauche atteint 6,5%. C'est avec lui, et avec lui seul, que nous devons nous allier, c'est ce que nous devrons faire aux prochaines municipales. Notons que le Front de Gauche, là où il se présente avec le NPA, réalise de très faibles scores. Les leçons sont claires : à gauche du PS, c'est le Front de Gauche qui est notre unique partenaire légitime ; quand ce Front s'unit à l'extrême gauche, la sauce ne prend pas, et pour cause : les intérêts, les orientations, les électorats sont différents.

La droite ironise sur la dispersion des listes à gauche. Dans un petit mois, elle rira jaune, car c'est la diversité des listes qui fera gagner la gauche, la dynamique de second tour aidant au rassemblement, pourvu que les bases politiques soient claires. Avec Gewerc, elles le sont, autant à l'égard du MoDem que de "Colère et espoir". Quand la victoire sera acquise et la page tournée, il faudra en retenir la principale leçon pour Saint-Quentin : le face-à-face actuel entre une droite élargie et une gauche collée à son extrême gauche marginalise le PS, lui interdit tout espoir raisonnable de victoire. En 2 014, pour que la gauche puisse l'emporter, il faudra qu'il y ait plusieurs listes, pour pouvoir "ratisser large" (l'expression n'est pas très belle mais elle est évocatrice).


Bonne soirée.


En vignette : le Conseil Régional de Picardie défend l'emploi.

17 février 2010

Fabius lumineux.




Bonjour à toutes et à tous.


J'ai écouté Fabius sur Inter ce matin. Il a été lumineux, en particulier sur les retraites, dossier que le gouvernement n'ose aborder et dont la gauche ferait bien de se saisir. Fabius l'a fait, en trois points :

1- L'âge légal de départ à 60 ans : c'est une norme, chèrement acquise par la gauche, pas question d'y toucher. Mais il n'empêche que beaucoup de salariés, de par la durée de vie prolongée et l'entrée plus tardive dans l'emploi, partiront après 60 ans, de façon à ce que leur temps de cotisations leur assure une retraite correcte.

2- La pénibilité : c'est un point majeur de la réforme, apparemment complexe mais concevable. Il y a de fait des métiers physiquement pénibles et d'autres psychologiquement stressants. leur identification est tout à fait possible. A l'intérieur d'un même métier, on peut fort bien imaginer aussi une individualisation des départs en retraite, prenant en considération le poste occupé et l'état de santé du salarié. Une part très large est laissée à la réflexion, dans laquelle la gauche devrait être en pointe face aux hésitations de la droite.

3- Le financement : pour Fabius c'est le point majeur de la réforme, et l'angle mort de la droite, qui n'en dit rien, qui n'ose pas. Fabius propose une surtaxe sur les produits financiers des banques. Ce n'est qu'une piste, mais il faut bien aller dans cette direction et ne pas en rester à l'hypothèse d'une hausse des cotisations.

Lumineux aussi, Laurent Fabius l'a été sur la prochaine présidentielle : ni lui, ni Aubry, ni DSK ne s'affronteront pour les primaires, en un rapport de forces qui serait délétère. Bravo ! C'est ainsi qu'on reconnaît les grands politiques et les hommes d'Etat, dont Fabius fait évidemment partie. Si Strauss ne pouvait pas, si Aubry ne voulait pas, notre bon candidat pour affronter Sarkozy en 2 012, ce serait lui, Laurent Fabius. Et comme rien n'est jamais à exclure en politique ...


Bonne matinée.


Vignette : le Conseil Régional de Picardie en faveur du pouvoir d'achat.

16 février 2010

Demandez le programme !




Bonsoir à toutes et à tous.



A partir d'aujourd'hui et dans les prochains billets, je vous livrerai le programme de Claude Gewerc, quinze pages bien serrées de bilan et de propositions. La vraie campagne commence, il reste quatre petites semaines pour conforter l'avance prise par la gauche. Même Sébastien Millot, conseiller régional UMP, prédit un bon score pour le PS et ne se hasarde pas à pronostiquer le résultat de Caroline Cayeux (voir L'Aisne Nouvelle d'aujourd'hui).

Il est intéressant de remarquer que le ton de la presse a nettement changé à l'égard de Claude Gewerc. L'approche est depuis quelque temps beaucoup plus positive. Le vent de la victoire se fait sentir. Et puis il y a eu, la semaine dernière, cette calamiteuse dernière séance du Conseil régional pour la droite : son leader est resté muet, ses élus ont voté les 200 dossiers présentés par la gauche, seule l'extrême droite s'est opposée et Sébastien Millot (un bon, dont on n'a pas fini d'entendre parler) a pris date.

Mais une bataille électorale ne se gagne pas fondamentalement sur la faiblesse de l'adversaire, pourtant patente. C'est notre projet qui l'emportera ! Le voilà, demandez-le aux sièges des fédérations picardes du Parti socialiste ou dans les sections locales, lisez-le, parlez-en. C'est autrement plus sérieux, plus solide et plus politique que d'aller chercher des petites phrases sur Facebook.


Bonne soirée.

15 février 2010

Sincérité et passion.

Bonjour à toutes et à tous.


Hier soir a eu lieu sur France 3 Picardie le premier débat télévisé des régionales. Je n'aime pas la formule qui consiste à mettre côte à côte cinq invités sur un plateau. Chacun est obligé de parler pour lui même, il n'y a pas vraiment échanges et confrontations entre les uns et les autres, le temps imparti à chacun est trop court et les sujets trop nombreux pour que ce genre d'émission soit concluant. En la matière, le face à face entre deux adversaires me semble irremplaçable.

Mais faisons avec ce qu'on nous propose. Qu'est-ce qu'il fallait penser de ce premier débat ? Michel Guiniot, du Front National, a fait comme à son habitude le pitre sinistre, se focalisant sur les déplacements en avion de Michèle Cahu, des Verts. Celle-ci a présenté d'une voix douce un point de vue que j'ai du mal à distinguer fondamentalement du PS. Le socialiste Nicolas Dumont était gentil mais trop techno à mon goût. Je m'attendais à un Christophe Coulon, de l'UMP, plus militant, plus mordant ; il a été plutôt calme. Enfin Thierry Aury, du Front de Gauche, m'a paru sur la forme le meilleur, clair et convaincant.

Je ne voterais évidemment pas pour lui. La politique n'est pas une question de forme mais de fond. Ce n'est pas la prestation télévisuelle qui compte, c'est le bilan et le programme. Là dessus, les socialistes sont imbattables, au propre comme au figuré ! Sinon, j'ai deux critères pour juger d'un discours électoral, et je ne crois pas être le seul dans cette attitude-là : la sincérité et la passion. Dès que je sens qu'un homme politique récite, répète, je décroche. Les propositions sont certes importantes, mais combien les lisent ? En revanche, la sincérité et la passion ne trompent pas, se comprennent vite, au ton d'une voix, au débit d'une élocution, à l'expression d'un visage.


Bonne fin de matinée.

14 février 2010

Totet, héros national !

Bonsoir à toutes et à tous.


Quelle affaire ! L'incident entre Totet et Bertrand a pris une tournure nationale. C'est d'abord le Net qui a fait circuler la scène, puis la télévision s'en est emparée (Canal +), enfin la presse nationale d'aujourd'hui, et pas moins que notre grand journal de référence, Le Monde, à la une s'il vous plaît, et une pleine page à l'intérieur ! Il se trouve que j'étais à Paris toute cette journée : passant devant les kiosques, voir étalée une histoire saint-quentinoise fait tout de même un drôle d'effet !

Disons-le clairement : l'écho est complètement démesuré, la tournure prise par cette affaire est proprement hallucinante. Voilà un accrochage mineur, qui n'a duré que quelques minutes, sur une chaîne qui n'est pas grand public, mais dont l'impact est littéralement énorme. Quinze jours après, on en parle encore, les esprits restent marqués par ce qui s'est passé. Qu'est-ce qui peut expliquer ce qu'il faut appeler désormais le phénomène Totet (qui dépasse très largement ce qui était initialement l'affaire Bertrand) ?

Je vois quatre raisons profondes à l'emballement médiatique, qui ont transformé un heurt local en petit événement national :

1- L'extrait fatal est un moment de vérité au milieu d'un univers de l'image très affecté, très artificiel. Pour une fois, quelques minutes de sincérité se sont exprimées, ont fait craquer un discours lisse, convenu, celui des médias. D'un côté un parfait communiquant, qui sait sourire quand il faut et tuer à l'instant voulu, très maître de lui, froid, fulgurant, admirable d'habileté ; de l'autre un journaliste hésitant, sensible, impressionné, vulnérable, balbutiant, navrant de maladresse.

Mais qui a gagné ? Pas celui qu'on croit, pas la machine de guerre trop bien huilée mais le petit journaliste écrasé. Bertrand a eu beau forcer toute la sympathie sur son visage, jouer l'air de l'indignation, il a raté son coup, il s'est crashé, Totet l'a emporté, revêtant les vêtements inattaquables de la victime. C'est pourquoi tout le monde se range spontanément derrière lui : un homme ainsi humilié, quoi qu'on puisse lui reprocher, attire la compassion et la sympathie. Bertrand, lui si malin, a ici très mal joué. Sa redoutable perfection fait peur, alors que la maladresse, la liquéfaction de Nicolas Totet émeuvent.

2- Xavier Bertrand se serait comporté de la même façon avec un pair, un équivalent, un homologue, personne ne le lui aurait reproché. Au contraire, beaucoup aurait applaudi la bête politique, l'animal médiatique, le tueur professionnel. Mais là, un grand s'en prend à un petit, un puissant enfonce un faible, quelqu'un qui jouit d'un grand pouvoir (patron du principal et même unique parti de droite) secoue, rabaisse quelqu'un qui n'a aucun pouvoir sinon celui de son écriture, ce qui ne pèse pas lourd face à la puissance politique.

L'homme de plume contre l'homme d'Etat a perdu d'avance. Sauf en la circonstance, parce que la disproportion est éclatante. Un poids lourd malmène un poids coq, ce n'est pas du jeu, comme disent les enfants. Le combat n'est pas loyal. L'opinion a compris que la France d'en haut, comme dirait l'autre, s'attaquait à la France d'en bas. Et les gens n'aiment pas ça.

3- L'engouement vient aussi de la faille qui, pour la première fois, a touché le personnage que s'est construit à la longue Xavier Bertrand : le gars sympa et bosseur, qui tutoie facilement, est très accessible, n'a pas pris la grosse tête, est tout dévoué à sa ville, comme le voient de nombreux Saint-Quentinois. Et si le type en question n'était pas vraiment ce qu'il paraît être ? C'est cette rupture d'image qui fait le succès de la vidéo, confortée par la coïncidence de la sortie d'un ouvrage, celui de Ian Hamel, qui va lui aussi dans ce sens.

Eh oui, Bertrand n'est pas un gentil mais un méchant. Qui d'ailleurs songerait à lui en faire reproche ? Pour être arrivé là où il est arrivé, il ne faut pas avoir une morale d'enfant de choeur. L'opinion publique n'est pas dupe : depuis que la politique existe, les coeurs purs y ont rarement leur place. Machiavel nous apprend ça. Mais il y a toujours une jubilation populaire à voir le masque tomber et le sourire avantageux trahir, ne serait-ce que quelques secondes, une sinistre grimace.

4- La dernière raison qui explique l'incroyable buzz, c'est la situation très particulière de la presse régionale, et c'est la thèse que retient et développe Le Monde. Cette presse est à la fois très populaire et mal aimée. Les petites gens la lisent, c'est pour eux, avec les grandes chaînes de télévision et de radio, la principale source d'information. Mais les politiques et les intellectuels la boudent, quand ils ne la méprisent pas. Dans le milieu qui est le mien, combien de fois n'ai-je pas entendu critiquer les "journaleux", "plumitifs" et cette "presse des chiens écrasés" ? Et combien de fois n'ai-je pas pris sa défense, expliquant que c'était la première et la plus belle école du journalisme, le sel de la démocratie locale ?

Généralement, on me rit au nez, on m'accuse de complaisance et on en rajoute dans l'ironie. Je reste indifférent et sûr de moi : la PQR, comme ils l'appellent avec dédain, est irremplaçable. Les faits divers sur lesquels elle s'attarde ? Mais c'est la vie ! J'y trouve plus matière à philosopher que dans bien des pensums de philosophie. La rubrique nécrologie ? Et alors ? Moi aussi, je suis le premier à la consulter, parce que sans elle nous ne saurions rien des disparitions qui affectent notre cité.

Pitié, pseudo-intellos jaloux de leur petite influence, hommes politiques obsédés par le contrôle de leur image et qui n'ont qu'à l'esprit d'être dans le journal, ne vous en prenez pas à la presse locale, respectez-là. Sans elle, la plupart d'entre vous, que seriez-vous ? L'affaire Totet a mis au grand jour cette grande injustice : il existe une presse nationale qui reçoit les honneurs et une presse locale qui récolte les ingratitudes. Je laisse au Monde, le prestigieux fleuron de cette presse nationale, le soin de conclure : "Nicolas Totet est devenu une sorte de héros de la presse régionale". CQFD.


Bonne soirée.

13 février 2010

La droite a perdu.

Bonjour à toutes et à tous.


Les régionales, c'est dans un mois. Mais c'est déjà fini : la droite picarde a perdu. Ailleurs, je ne sais pas. Si la gauche conservait toutes ses régions, ce serait un miracle. On a beau être bon, on ne peut pas toujours et partout gagner ! Mais en Picardie, c'est réglé. Et je ne suis pas le seul à le penser. Le Courrier Picard de ce jour va dans le même sens, en décrivant la dernière séance du Conseil régional qui s'est tenue hier : "Une droite aux abonnés absents, un Front National très combatif et une gauche manifestement sereine ..."

C'est ainsi qu'on reconnaît les futurs vainqueurs : ils demeurent silencieux. Cayeux, chef de file de l'UMP, s'est trop agitée au départ, pour terminer dans l'atonie. Son accusation de faillite de la région était ridicule, ses débats avec Gremetz (absent hier) grotesques, son tapage pseudo-moderne sur internet contre-productif, son projet proche du néant. Et puis elle n'a pas la carrure, ne fait pas crédible.

Pourquoi en politique va-t-on chercher des têtes de liste qui ne tiennent pas la route ? Sans doute parce que cette élection régionale, comme je l'ai expliqué dans un billet d'hier, est intermédiaire, transitoire, que le vrai scrutin, passé à la moulinette de la réforme territoriale, aura lieu en 2 014. Et là, le leader qui s'imposera à la droite picarde, c'est celui qui dès hier s'est rappelé à son bon souvenir : Sébastien Millot, habile, intelligent, charismatique, bref tout le contraire de Caroline Cayeux, avec tout le respect que je dois à cette dame au demeurant sympathique (elle m'envoie régulièrement des courriels, comme à tout le monde).

La victoire annoncée de la gauche un peu partout en France me réjouit bien sûr mais me préoccupe aussi. Je crains que les Français ne nous refassent le coup du contre-pouvoir : à la droite le gouvernement, à la gauche les régions, oui à Sarkozy mais bordons son pouvoir. Ce schéma, s'il s'avérait, serait catastrophique pour la gauche. Car c'est à Paris que se décide la politique de la France, pas à Bordeaux, Lyon ou Amiens. Les victoires faciles cachent parfois une réalité moins enthousiasmante. C'est pourquoi ma satisfaction rencontre des limites.

Enfin, la politique reste la politique, et un mois c'est un mois : beaucoup de choses peuvent se passer, la victoire certes probable n'est cependant pas programmée. Croire qu'on va gagner peut être aussi la meilleure façon de perdre, quand la démobilisation que produit un succès imprudemment anticipé réactive au contraire la mobilisation de l'adversaire. Jusqu'au dernier jour, expliquons que la région picarde doit rester à gauche, parce que son bilan est bon, parce que son projet est souhaitable, parce qu'il n'y a pas de sérieuse alternative à droite.


Bonne journée.

12 février 2010

Le pacte qui change tout.

Bonsoir à toutes et à tous.


Il y a des jours comme ça où tout va, où un air frais et enthousiasmant m'emporte. C'est à la lecture du Figaro que ce petit miracle s'est produit. Il est rare que ce journal conservateur me réchauffe le coeur. Mais aujourd'hui oui. Laurent Fabius révèle qu'un "pacte" a été conclu entre Aubry, DSK et lui en vue d'un seul candidat socialiste pour les prochaines présidentielles. Alléluia ! La fin du bal des ego, la mise au rancart des courants, le renoncement aux détestables rapports de forces : si c'est vrai, c'est formidable, c'est incroyable ! Les régionales s'annoncent déjà sous les meilleurs auspices. Avec cette dernière bonne nouvelle, l'espoir renaît, 2 012 devient gagnable !

Et les statuts, et la démocratie interne ? vont grogner ceux qui "pactisent", mais dans l'ombre, au dernier moment, et pour leurs petits intérêts, en confondant désignation et élection. Pour chaque scrutin national ou local, les socialistes ont à désigner le candidat qui leur parait le meilleur. Ce n'est pas alors une ligne politique qui est choisie (ça c'est réservé à nos congrès), ce n'est pas à une compétition entre une multitude de postulants qu'il faut se laisser aller. Le débat entre camarades doit être politique et collectif, pour dégager au mieux un consensus entre nous. Sinon c'est la foire d'empoigne, le grand n'importe quoi, et au final la division et la défaite.

Mais, diront encore certains, si Valls, Moscovici, Hollande, Royal veulent se présenter, pourquoi leur interdire ? Personne n'interdit rien au Parti socialiste, mais il n'est pas mauvais de réfléchir, d'anticiper, de s'organiser. Aubry, Fabius et DSK incarnent chacun des sensibilités différentes, et importantes au sein du Parti. C'est de leur responsabilité de faire cette magnifique démarche d'unité, en annonçant qu'aucun des trois ne se laissera tenter à jouer le rapport de force contre les deux autres. Si des camarades veulent néanmoins se mesurer à eux, entre eux, tenter leur chance lors des primaires, ils le pourront bien sûr, mais ils diviseront. On ne fait pas de la politique pour présenter sa bobine à la première élection venue. Il faut de la concertation, se sentir porter par les siens et ne pas jouer perso et solo.

Ce "pacte" à trois ne préjuge absolument pas de qui sera choisi. DSK a ma préférence, mais il n'est pas certain qu'il soit l'an prochain en situation. Aubry a des atouts, encore faut-il qu'ils se confirment. Fabius semble fini, mais on ne l'est jamais en politique ; il n'est pas très âgé, son tour n'est pas définitivement passé. S'accorder sur la méthode, préserver notre unité, laisser le champ ouvert à toutes les possibilités pourvu qu'on en discute rationnellement et tranquillement, cela rappellera j'en suis sûr quelque chose aux fidèles lecteurs de ce blog : ce que j'avais moi-même proposé à l'approche des dernières municipales saint-quentinoises, et qui a été refusé dans les tristes conditions que l'on sait. Mais heureusement que rien n'est jamais définitif en politique !


Bonne soirée.

2 014.

Bonjour à toutes et à tous.


La campagne des régionales va bon train, et comme souvent nous sommes emportés par l'événement, nous négligeons de prendre du recul, de la hauteur. Car ce qui se passe est largement un leurre. Hier, et c'est passé quasiment inaperçu, le Conseil constitutionnel a validé la loi organisant pour 2 014 les élections cantonales et régionales, qui seront fondues, donnant naissance à un nouveau mandat, le conseiller territorial. Ce qui fait que les élus que nous allons désigner le mois prochain seront en quelque sorte en sursis. Les conseillers régionaux n'auront que quatre ans d'existence et les conseillers généraux élus l'an prochain trois ans seulement ! Impossible de travailler sérieusement et sereinement avec des mandats aussi courts.

En vérité, la période est transitoire, la vraie élection, si j'ose dire, aura lieu en 2 014 et là tout aura été bouleversé. Le représentant régional se fera élire au niveau des cantons, seule une minorité restera dans un scrutin de liste. La physionomie de l'élection sera complètement bouleversée. Les partis devront faire appel à des candidats enracinés, influents, reconnus sur le terrain, ce à quoi ne prédispose pas le scrutin actuel, plutôt favorable à l'alchimie interne.

Et puis, avec ce conseiller territorial, on va en douceur vers la disparition des départements. Une révolution ! Si vous ajoutez à ça que 2 014 sera aussi l'année des élections municipales, on voit à quel point cette date représentera un rendez-vous politique crucial, puisqu'il faudra à la fois assurer des candidatures dans les cantons et des listes dans les villes et villages. Il est certain, vu la profondeur de la rupture, que notre paysage politique en sortira substantiellement modifié.


Bonne matinée.

11 février 2010

La grande gueule.

Bonjour à toutes et à tous.


Avez-vous remarqué que la figure de la "grande gueule" a décliné ces trente dernières années sur la scène politique française ? La réflexion me vient en songeant à l'affaire Frêche. Dans les années 70, c'était Georges Marchais, communiste gouailleur et provocateur, qui tenait ce rôle. Dans les années 80, il y avait Bernard Tapie, homme d'affaires bavard et bateleur. Et puis, ce sont les seconds couteaux, mais toujours aussi tranchants, qui ont pris la relève : Frêche chez les socialistes, Gremetz chez les communistes.

Ce sont les seules dernières "grandes gueules" de notre vie politique. Pourquoi l'espèce est-elle ainsi en voie d'extinction ? Parce la période a changé, est beaucoup moins prompte à ce genre très spécial de protestation. Parce qu'aussi la télévision, en outrant le comportement de la "grande gueule", en a fait un personnage hystérique qu'il n'était pas initialement. Ceci dit, même par le passé, le profil "grande gueule" a rarement été endossé par nos dirigeants. Aucun responsable politique de premier plan n'y correspond sous la Vème République.

Mais qu'est-ce exactement qu'une "grande gueule" ? Dans la vie, nous voyons de qui il s'agit. En politique, ce n'est guère différent. On l'imagine trapu et pas maigre, d'une voix sonore et pas fluette, gros parleur plutôt que beau parleur. La "grande gueule" impressionne beaucoup mais ne convainc pas vraiment. C'est un pseudo-contestataire (Robespierre, Lénine, Mao n'étaient pas des "grandes gueules"). Encore aujourd'hui, Besancenot n'est pas qualifiable de "grande gueule". Trop bavarde, elle ne prédispose pas à l'action.

Qu'est-ce qui peut faire que la "grande gueule", malgré tout, a pu et peu encore plaire ? Elle est pourtant l'envers du leader charismatique, tout en silence et en mystère, ne parlant qu'à propos, plutôt économe de ses mots. Celui-ci séduit, celle-là rebute. Au mieux la "grande gueule" amuse (un temps seulement), au pire elle irrite. Ce qui attire en elle, c'est sa prétendue franchise qui n'est en réalité qu'un laisser aller, son soi-disant courage qui ressemble plus à une fanfaronnade, son apparente efficacité qui tourne le plus souvent en eau de boudin : la "grande gueule" se contente de gueuler, c'est l'aboyeur de service qui n'étonne ni ne dérange personne.

Sa grande faiblesse, c'est sa vanité. Elle se complaît dans l'image erronée qu'elle donne d'elle-même, elle y puisse toute sa force qui est en réalité factice : "grande gueule" mais petits bras. Que de la gueule ! voilà ce qu'on pourrait lui reprocher mais dont elle se vante parce qu'elle n'a rien d'autre à nous proposer. La petite astuce de la "grande gueule", c'est principalement de jouer sur les sentiments, avec cet adage : plus c'est gros mieux ça passe. Son argument, c'est de mettre les rieurs de son côté. Ce n'est pas qu'elle soit franchement drôle mais à coup sûr rigolarde. Plus c'est gras mieux ça passe ! pourrait-on dire aussi. Le registre anecdotique est son préféré, et dans ses pires moments elle n'hésitera pas à faire appel au ragot.

La "grande gueule" cultive un populisme grossier. Elle croit avoir de la présence comme un camion-citerne croit en avoir. Elle excelle à se faire remarquer avec le bruit qu'elle fait, elle a besoin qu'on la remarque. D'où vient-il que cette figure politique sans gloire ni prestige subsiste encore, essentiellement au niveau local, puisqu'on a vu que ne se maintenaient plus que quelques spécimens à l'échelon national ?

La "grande gueule" est le produit d'un milieu très particulier, d'un environnement bien spécifique, d'un terrain qui lui est propice : plus un groupe sera restreint et affaibli, sans espoir et sans avenir, plus il aura tendance à se donner comme chef une "grande gueule". C'est un mécanisme de compensation : l'audace qu'on n'a pas soi-même, on va la chercher en l'autre, et sous sa forme la plus caricaturale. Si vous me permettez cette boutade, je dirais que ce sont les voix muettes qui admirent les grandes gueules. La compensation s'opère aussi dans une autre direction : à défaut d'action, de responsabilité, de réussite, un groupe politique se réfugie dans la magie des mots et des postures, qui est plutôt une forme de sorcellerie. La "grande gueule" envoûte les caractères fragiles, elle brasse du vent et de la fumée.

La "grande gueule" est un élément marginal de notre folklore politique, une pièce de musée qui peut par soubresauts entraîner mais qui conduit nulle part. Dernière compensation, celle dont elle use à l'égard d'elle-même : car la "grande gueule" est telle que parce qu'elle ne parvient pas à exister naturellement, à s'affirmer autrement. Je ne dis pas qu'elle ne peut pas réussir, mais de façon très limitée. Son moteur, c'est l'égocentrisme, qui peut faire fonctionner une personne mais pas une communauté. A vrai dire, la "grande gueule" paraîtra sympathique, bon enfant même, pourvu qu'elle ne fasse pas de politique. Sinon elle deviendra vite insupportable et catastrophique.


Bonne journée.

10 février 2010

La fâcherie en politique.

Bonjour à toutes et à tous.





La vie politique suscite inévitablement des clichés parmi ceux qui ne la connaissent pas ou ne la pratiquent pas. L'un des plus répandus la perçoit et la décrit comme une scène de terribles affrontements, de luttes fratricides, d'inimitiés éternelles, de vengeurs impitoyables, de tueurs acharnés, de haines sans nom. Rien n'est plus faux que ce tableau-là. Je ne nie pas que la politique soit un lieu de conflits, mais le plus souvent artificiels, largement modérés par les intérêts bien compris et bien défendus des protagonistes en bisbilles.



Par comparaison, la vie associative ou la vie amoureuse offrent des spectacles autrement plus redoutables, motivés par des passions violentes, tranchés par des ruptures souvent irrémédiables. A la différence, le pouvoir rend beaucoup plus sage, la politique, ses stratégies, ses calculs, ses alliances, ses anticipations favorisent l'activité rationnelle. Et puis, cet univers est aussi gris que les costumes de ses belligérants, qui éprouvent le besoin de cultiver un lyrisme factice, un héroïsme de compensation, une mythologie faussement cruelle qui relèvent un peu ce monde plat, gestionnaire, tributaire des choix incertains et ingrats de l'électorat. Je n'ai jamais, pour ma part, rencontré de guerrier, d'aventurier ou de saint en politique.



Ce qui est en revanche assez fréquent, c'est ce que j'appellerais les fâcheries ou encore les brouilles. Les ressorts sont généralement d'ordre personnel. Au bout de quelques mois, on ne se souvient plus pourquoi un tel ne cause plus à un tel. Eux-mêmes l'ont peut-être oublié ou ne parviennent plus à le formuler. C'est pourquoi, en politique, la fâcherie débouche assez vite sur la réconciliation, alors qu'il n'en va pas de même dans la vie ordinaire où l'on assiste au phénomène contraire. J'ai toujours été impressionné avec quelle promptitude, dans un parfait effacement du proche passé, des individus qui disaient pis que pendre l'un de l'autre pouvaient se retrouver copains comme cochons, partageant la même table, presque le même verre !



Je vais jusqu'à prétendre qu'en politique il n'y a jamais de réelles disputes, de durs conflits, de combats titanesques, contrairement à ce qu'on croit et qu'on veut nous faire croire. Liés les uns aux autres, on fait facilement ami-ami. On est confronté à des querelles de polichinelles ou des engueulades d'ivrognes. Ce sont des images, je le souligne (on n'est jamais assez prudent en ces temps de grande susceptibilité) : les accusations de la veille sont lavées après une nuit de sommeil et on s'embrasse Folleville ; les coups sont portés par des sabres en bois contre des poupées de chiffons (je file encore la métaphore !). Nous devons par conséquent demeurer optimistes parce que réalistes dans le regard et le jugement que nous portons sur la vie politique et ne pas nous laisser aller à une condamnation aussi fausse que facile.



Pourquoi vous entretenir de tout ça ? Parce que l'actualité politique départementale m'a inspiré cette petite réflexion. A Chauny, René Dosière, exclu du PS, s'est retrouvé à la même tribune que les socialistes lors d'une réunion électorale. Qui l'aurait cru il n'y a pas si longtemps ? A Château-Thierry, Jacques Krabal, lui-aussi exclu du PS, s'est retrouvé sur la liste socialiste. Comme quoi les contentieux se soldent, les haines sont de façade, le rabibochage est courant. Dans la vraie vie, il n'en va pas hélas ainsi.



Je veux néanmoins, pour finir, nuancer mon propos. Je parle ici de la vie politique de base ou de niveau intermédiaire. Au sommet, ma vision est un peu plus pessimiste, mais n'y étant pas et ne l'observant pas dans ses coulisses, je ne peux pas sérieusement l'évoquer. Je ne parle pas non plus de la politique dans ce qu'elle a de plus idéologique, domaine dans lequel les clivages sont effectivement brutaux, sans compromis possible, à la limite du fanatisme. Ainsi les grands événements historiques donnent l'occasion d'affrontements sans merci, à la vie à la mort. Mais on ne voit heureusement plus ça dans le déroulement terne et pacifique de nos démocraties, sauf circonstances exceptionnelles.



L'opinion publique regrette et déplore en politique les querelles personnelles. Elle ignore, à défaut de réflexion, ce qu'elles gagnent avec elles ! Nous devrions tous nous féliciter que le commun de la politique soit une interminable litanie de querelles personnelles, car ce sont les seules qui se règlent facilement, disparaissent aussi rapidement qu'elles sont apparues. L'ennemi d'hier, on fait bras dessus bras dessous avec lui, et en prime on le félicite après lui avoir, pas si longtemps avant, craché à la figure. Qui ne dira pas que la politique est une belle chose ?



Bien sûr, cet arrangement constant qui fait qu'en politique une embrouille finit par être débrouillée a un prix : le sacrifice des idées, le renoncement à l'idéologie, l'abaissement des exigences, le recul de l'ambition, l'alignement fréquent sur une commune médiocrité, la perte de la grandeur. Il n'y a plus que des élus, plus vraiment d'hommes politiques au sens fort d'autrefois, sacerdotal, romantique, presque tragique. Que voulez-vous, tout se paie, même ça !


Une dernière chose encore : le grand péché en politique, c'est le désespoir. Quand la défaite est assurée, quand la victoire est lointaine ou inaccessible, il n'y a plus que brouille et fâcherie parce qu'il ne reste plus que ça. Quand l'espoir est là, même minime, les questions de personnes passent au second plan, le rassemblement se fait naturellement, chacun y trouve sa place. Tout le problème est d'incarner l'espoir. Celui-là qui y parvient a déjà gagné.





Bonne journée.

09 février 2010

Au coeur de la nuit.

Bonsoir à toutes et à tous.


Je me suis levé cette nuit à 3h30. Bon, je sais, les lecteurs grincheux vont me dire, dans leurs commentaires rageurs : on s'en fout ! C'est vrai, ils n'ont pas tort, ce n'est pas une information politiquement intéressante. Mais attendez, attendez, j'ai autre chose à dire, à préciser : j'ai fait, au milieu de la nuit, une découverte formidable. En sortant de ma chambre, en descendant dans ma cuisine, j'ai aperçu au bout de mon couloir, près de la porte d'entrée, un papier qui avait été déposé, dont le bruit en chutant m'a peut-être réveillé : c'est le journal, en l'occurrence le Courrier Picard !

Se lever à cette heure, alors que la ville dort, que le monde s'arrête, que l'actualité se repose pour une brève période, et découvrir les nouvelles du jour en pleine nuit, c'est extraordinaire. S'asseoir à sa table, feuilleter le journal ... alors qu'il est quatre heure du mat', que tout est silence et immobilité autour de soi, c'est un plaisir rare, un moment délectable. J'ai presque envie, la prochaine nuit, de faire sonner mon réveil pour découvrir à nouveau, à la même heure, au bout de mon couloir, l'exemplaire du Courrier qu'une main anonyme a déposé pour moi, rien que pour moi, et me précipiter.

Habituellement, c'est en plein jour que je fais mes achats de presse, au bistro du coin, Le Liberty's, boulevard Henri-Martin (ça fera plaisir au patron que je le cite). Mais depuis que j'ai eu droit à un article au sujet de Rencontre Citoy'Aisne dans les pages consacrées aux associations, le journal m'est livré gratuitement pour un temps. Si j'avais à choisir un abonnement, je serais dans l'embarras : L'Union, L'Aisne Nouvelle, le Courrier, je dévore tout. Ça me fait penser à ce responsable socialiste qui, lorsque je me suis établi à Saint-Quentin il y a douze ans, m'avait dit, avec un air de dégoût, de supériorité et de mépris : moi je ne lis jamais la presse locale. On voit où ça nous a conduit ...

Bon, les lecteurs grincheux s'impatientent, ils veulent savoir où je veux en venir avec ma petite histoire. Pour les rassurer, pour consolider le sérieux de mon propos, je vais citer un philosophe, Hegel, qui disait : " La lecture du journal est la prière du matin". Réfléchissez à ça, c'est profond, comme toutes les formules qui se refusent au bavardage. Mais j'en veux un peu à Hegel : il ne savait pas que la lecture du journal pouvait être un ravissement au coeur de la nuit. Pour moi en tout cas.


Bonne nuit,
bonne lecture.


PS : Ian Hamel dédicacera son livre sur Xavier Bertrand samedi prochain, à 15h00, à la Maison de la Presse. Allez-y, achetez-le, vous ferez ainsi un geste militant, aussi important que de déposer dans une boîte aux lettres un tract que personne ne lira.