L'Aisne avec DSK

31 mai 2008

Désir de rénovation.

Week-end très politique pour moi. Il y a eu cet après-midi la 2ème rencontre des rénovateurs de l'Aisne, que nous avons ouverte à la presse. Nous n'avons rien à cacher et il est bon que les Saint-Quentinois sachent que les socialistes, dans l'Aisne aussi, ont un désir de rénovation, une envie de débattre et d'abattre les cloisons qui séparent, au sein même du Parti, les uns et les autres. Pouvoir se parler sans songer à des enjeux de pouvoir, développer ce qui nous rapproche au lieu de cultiver ce qui nous sépare, voilà notre état d'esprit. Thierry et Pierre étaient présents, mais Sylvain a été retenu à Château. La 3ème rencontre, ce sera chez lui, courant juin je l'espère.

Quand Thierry aura rédigé le compte-rendu, je vous le communiquerai. Pour résumer nos discussions, il a beaucoup été question du cumul des mandats et de la vie fédérale. J'ai proposé trois initiatives concrètes, pour que nos échanges aient une suite, que nos réflexions puissent irriguer la fédération:

1- Dépôt d'une contribution en vue du congrès fédéral, qui synthétisera l'ensemble de nos rencontres.

2- Participation commune à l'université d'été du Parti à La Rochelle, fin août, qui est une bonne occasion de contacts avec d'autres camarades et les responsables nationaux.

3- Organisation d'une réunion cette fois publique, dans l'Aisne, autour d'un invité rénovateur. J'ai cité Valls, Gorce, Huchon, mais la liste est entièrement ouverte. L'important ce jour-là sera de mobiliser les rénovateurs socialistes du département. Oserai-je dire que ce sera une "mini-université d'été", La Rochelle-sur-Aisne? Pas vraiment bien sûr, mais quand même un peu... Ce que j'aimerai, c'est faire souffler l'esprit ici, montrer que le brassage d'idées, l'ouverture aux autres, c'est possible chez nous aussi.

Demain dimanche, je file à Paris: importante journée avec les Reconstructeurs, où il s'agira de trouver une stratégie pour que le congrès ne tourne pas à l'affrontement Royal-Delanoë mais reste centré sur la rénovation de notre projet. Pas facile. Les strauss-kahniens sont à l'initiative du rassemblement. J'y souscris bien sûr: le projet avant tout, et pas de querelles de personnes! Là où j'ai une petite réticence, c'est dans l'agrégation de forces qui sont politiquement très disparates: strauss-kahniens, proches de Montebourg, amis d'Aubry, fabiusiens. Mais la rénovation passe peut-être par là! Il se dit qu'une motion commune pourrait être déposée au congrès et que Martine serait la candidate des Reconstructeurs au poste de Premier secrétaire. Qu'en pense Moscovici? Mais il se dit tellement de choses... A mon retour demain soir, j'aurai des informations plus fiables et je vous raconterai.


Bonne nuit.

Qui avait raison?

Bonsoir à toutes et à tous.

Je ne suis pas du genre frimeur, mais quand l'actualité vous donne raison, il faut le dire et le souligner. Sur ce blog, depuis plusieurs mois, j'annonce que l'opposition municipale ne tiendra pas, que son unité est d'apparence, que son rassemblement est artificiel, qu'elle sera victime de son origine: un compromis boîteux entre des formations qui n'ont rien politiquement en commun, une alliance refusée par la majorité des socialistes saint-quentinois, un coup de Jarnac contre notre identité politique et notre ligne nationale. Mettre ensemble des trotskistes radicaux et des socialistes, c'est du grand n'importe quoi, un "mini-laboratoire", comme ils l'appellent. Il vient de leur péter au nez, leur mini-laboratoire. Dès la deuxième séance du conseil municipal, avec des allures de Grand-Guignol, à propos du mur de Debrésie: la majorité en veut un, l'opposition n'en veut pas mais a été chargée par la majorité de dire ce qu'elle veut à la place, un conseiller municipal d'opposition a répondu qu'il en veut deux!

Et je ne suis pas le seul à me rendre compte que quelque chose ne va pas. L'Aisne Nouvelle d'aujourd'hui, sous la plume de Damien Le-Than, a compris: "Le mur fissure l'opposition", c'est le titre de l'article, qui commence ainsi: "Deux mois après les élections municipales, l'opposition se retrouve déjà en difficulté". Et plus loin: "Ce qui pouvait arriver de pire à la gauche est survenu. Cette opposition hétéroclite, composée de neuf conseillers municipaux d'opposition, au sein de laquelle cohabitent sept sensibilités politiques différentes (PS, PCF, MRC, LO, LCR, Les Verts et PT), n'aura pas réussi longtemps à montrer un visage uni face à la majorité."

Petite remarque à Damien: ce n'est pas 7 mais 8 sensibilités politiques qui constituent l'opposition, presque un conseiller par sensibilité. Il faut ajouter en effet le Copo, Comité pour l'organisation d'un Parti ouvrier, qui tient beaucoup à sa spécificité et à son indépendance. Bref, un attelage pittoresque, baroque, à la limite du folklorique, qui est condamné à tirer à hue et à dia. Quelque chose d'unique en France, d'unique dans notre Parti, et qui éveillera dans quelques siècles la curiosité et la perplexité des historiens et des politologues.

L'explication d'Antonio Ribeiro serait digne d'un sketch si le problème n'était pas si grave: "Je suis favorable pour parquer les gens du voyage entre le mur que propose Pierre André et un deuxième mur pour contenir les eaux de pluie." C'est atterrant. Je ne connais pas ce Ribeiro, je ne sais pas où ils sont allés le chercher, mais je me demande, parti comme il est, s'il ne va pas suivre la voie de son digne prédécesseur, Freddy Grzezciczak, c'est-à-dire rejoindre Pierre André! Comme j'en ai vu d'autres, je m'attends à tout...

Bon, je suis un peu taquin ce soir, mais il faut me comprendre: un homme dont les propos ont été rabroués ne peut que se réjouir de les voir maintenant confirmés, même s'il aurait souhaité que tout se passe autrement. Plus sérieusement, ne croyez pas que l'incident du mur soit un couac passager. C'est une logique qui se reproduira. Cette opposition est composée de vents contraires qui ne peuvent que s'opposer... entre eux. Vous verrez, quand la LCR aura créé son NPA, Nouveau Parti Anticapitaliste, et que le PT aura fondé son POI, Parti Ouvrier Indépendant. Mais vous voyez déjà:

Le MRC, fondé par Chevènement, a un fond sécuritaire qui le conduit à ce genre de position. Ce n'est donc pas une maladresse de la part de Ribeiro mais une conviction profonde. Et ce n'est pas la seule "fissure" qui soit apparue lors de ce deuxième conseil municipal (qu'est-ce que ce sera dans 6 ans!). La presse ne l'a pas retenue, sauf le Courrier Picard de ce jour. Quand la conseillère municipale de Lutte Ouvrière vote contre l'attribution d'une subvention pour les réparations de la basilique, elle est dans sa cohérence révolutionnaire: en 1789, l'idée de consacrer les églises à autre chose qu'au culte était dans l'air. C'est un point de vue, mais qui n'est pas conforme aux positions du Parti socialiste qui défend la loi de 1905: Eglise et Etat sont séparés, celui-ci n'a pas à s'ingérer dans les activités de celle-là. Quand LO demande que les réparations de la basilique se fassent sous condition d'un usage plus large de l'édifice, c'est contraire à la loi de 1905.

Comprenez-vous pourquoi j'ai tant bataillé contre cette alliance surréaliste? Comprenez-vous pourquoi certains, inquiets par cette vérité que les faits confirment aujourd"hui et confirmeront encore plus demain, veulent me faire taire? Je leur souhaite bien du courage...


Bonne soirée.

40 secondes.

Bonjour à toutes et à tous.

La redoutable déclaration fiscale, c'était hier la date-butoir. Sur papier. Par internet, j'ai essayé une année, je me suis planté. Je ne recherche donc plus ce délai de grâce. Mais j'ai toujours ce détestable défaut de m'y prendre au dernier moment. C'est-à-dire hier. Quoique cette déclaration, que la légende nous présente comme une terrible épreuve, ne soit pour moi, et je pense pour beaucoup d'autres, qu'une simple et expéditive formalité. Curieux cette façon de rendre compliqué ce qui généralement ne l'est pas. Et pas si étrange que ça: les gens n'aiment pas payer leurs impôts. Cette vision embrouillée de la fameuse déclaration est une forme presque inconsciente de protestation.

Pourtant, le formulaire est très clair, et son supplément, sur le budget de l'Etat, d'une remarquable pédagogie, avec deux beaux camemberts sur les dépenses et les recettes, et les avantages fiscaux dont vous pouvez cette année éventuellement bénéficier. Non, tout ça est très bien fait. C'est même une performance quand on sait la technicité de ces questions. Montre en main, j'ai mis 40 secondes à remplir ma déclaration. Encore que "remplir" n'est pas le mot qui convient: tout est déjà rempli, sauf ma cotisation syndicale et politique, dont j'ai joint soigneusement les justificatifs. 40 secondes, j'exagère un peu: il m'a fallu rechercher mes feuilles de paye de novembre et décembre, pour y retrouver le montant de mes heures supplémentaires, qu'une erreur administrative avait omis d'indiquer.

Qu'est-ce qui peut bien trouver compliquée sa déclaration des revenus? Peut-être les gens qui ont une vie compliquée... Ou un pauvre qui a du mal à s'y retrouver, et un riche qui a de l'argent à préserver. La vérité sur soi est dans sa déclaration fiscale! Toujours est-il que j'ai déposé hier vers 22h00 la précieuse enveloppe à l'Hôtel des Impôts. Et je n'étais pas le seul. Un joli ballet de bagnoles! Ca, ce n'est pas une légende. Rendez-vous l'an prochain, même endroit, même heure.


Bonne journée.

30 mai 2008

Gentil Xavier, méchant Bertrand.

Bonsoir à toutes et à tous.

Xavier Bertrand a peut-être commis sa première erreur politique cette semaine. Jusqu'à maintenant, c'était un sans faute. Ministre de la Santé, une méchante rumeur, au début, le disait paresseux et médiatiquement inexistant. Pure jalousie venue de son propre camp, une babiole vite balayée. Ministre du Travail, il lui est reproché d'être fayot auprès de Sarkozy qui en ferait son chouchou. Encore la jalousie, à quoi s'ajoute l'inquiétude devant une ambition qui monte. Cette ridicule critique se retourne en compliment. Non, tout cela est dérisoire.

Cette semaine, c'est autre chose, plus sérieux, plus politique et beaucoup plus dangereux pour lui. Bernard Thibault, ce matin sur RTL, a quasiment traité Xavier Bertrand de menteur et de malhonnête. L'image de négociateur ouvert et de ministre social que celui-ci cultive risque cette fois d'imploser, et le masque de tomber. Qu'est-ce qui a entraîné une telle rupture dans une stratégie jusque là bien huilée?

Les 35 heures! Eh oui, c'est la patate chaude de la droite, dont elle ne sait que faire. Elle aimerait les supprimer, l'UMP le demande, son électorat le souhaite. Mais enlever leurs journées de RTT aux Français, c'est jouer avec le feu, car cette réforme est paradoxalement décriée et populaire. Donc il faut feinter. Bertrand est assez fort pour ça. Maintenir nationalement la durée légale du travail (vive les 35 heures!) tout en permettant dans les entreprises de la contourner (à bas les 35 heures!), voilà la ruse. Ca me fait penser à ces contrats d'assurances très satisfaisants au moment de la signature, et qui vous font déchanter au moindre pépin, parce que vous découvrez une clause vicieusement rédigée qui empêche le remboursement.

Des modalités techniques (Xavier Bertrand a horreur de l'idéologie) vident les 35 heures de leur substance. Elles les transforment en zombie: apparemment vivantes, les 35 heures sont mortes. 60 articles du Code du Travail sont passés à la moulinette: repos compensateurs, modulation du temps, forfaits annuels ou journaliers, etc, toutes les garanties qui encadraient la réduction du temps de travail sont renvoyées à la négociation par entreprise, et sans nul besoin d'un accord majoritaire pour être dénaturées. Du bon boulot de droite! Le résultat: l'annualisation généralisée et facilitée, la modulation aveugle des horaires.

Là où il y a le mensonge et la malhonnêteté dénoncés par Thibault, c'est dans la méthode (car la droite peut être, par conviction, contre les 35 heures, ce n'est pas choquant). Bertrand a traficoté un accord patronat-syndicats sur la représentativité dans l'entreprise, pour en faire un projet de loi sur la "démocratie sociale" qui trahit l'accord passé. A tel point, tenez-vous bien, que le Medef lui-même souhaite qu'on revienne à la lettre de cet accord signé en avril! La CFDT est furax, elle qui ne plaisante pas avec le principe de négociation et qui a fait depuis longtemps de la réduction du temps de travail une question identitaire.

Du coup, le syndicat se rapproche de la CGT et accepte une riposte à la fois sur les 35 heures et les retraites, lui qui n'apprécie pas pourtant les mouvements "fourre-tout". C'est que Chérèque, qui est un modéré, l'a cette fois mauvaise contre Bertrand: "C'est la première fois qu'un ministre du travail rompt cette confiance" (entre partenaires sociaux et gouvernement), a-t-il déclaré à Libération. Bertrand ayant contre lui, avec des termes très durs, Thibault et Chérèque, ça la fiche mal, pour un ministre qui se veut "social".

Cet accord d'avril, qu'est-ce qu'il disait? Que le contingent annuel d'heures supplémentaires pouvait être dépassé, à titre expérimental et avec l'aval d'un syndicat majoritaire dans l'entreprise. Ce texte résultait d'un compromis au bon sens du terme, où chaque partenaire y gagne quelque chose. La loi de Bertrand, c'est tout pour l'entreprise, et rien dans le dialogue social. Et tout ça pourquoi? Pour l'idéologie, que déteste pourtant Bertrand. L'UMP veut la peau des 35 heures, Devedjan l'a dit. Bertrand ne veut pas décevoir son parti. C'est un homme d'appareil qui sera toujours du côté de l'appareil. Il ne veut pas décevoir non plus Sarkozy: A Paris comme à Saint-Quentin, il s'adaptera toujours au plus puissant. Il lui faut donc faire le grand écart: pour les 35 heures, contre les 35 heures. Sauf qu'une ruse ne suffit pas à masquer la contradiction.

A la Santé, Xavier Bertrand s'était imposé avec l'interdiction de fumer dans les lieux publics, qui fera date. Au Travail, il s'était illustré avec la suppression des régimes spéciaux. Des réformes difficiles qu'il a menées magistralement. Les 41 ans de cotisations retraites, c'était déjà moins évident. Avec les 35 heures, ça coince carrément. Son image va en souffrir: le gentil Xavier se transformera-t-il en méchant Bertrand? La suite, notamment l'appel à la grève du 17 juin, dira ce qu'il en sera.


Bonne soirée.

29 mai 2008

La tête contre les murs.

Bonjour à toutes et à tous.

L'affaire du mur revient à la une de l'actualité, dans le Courrier Picard d'aujourd'hui. Et je pense que ce n'est qu'un début. Lundi, au conseil municipal, l'évènement a tourné à l'ubuesque. La droite à l'origine du projet, ayant les moyens politiques de l'imposer, le laisse... à la gauche, qui se retrouve avec un mur sur les bras (voir les billets précédents), alors qu'elle n'a pas les moyens de régler le problème. Acte I. Nous sommes entrés aujourd'hui dans l'acte II de cette tragi-comédie, qui prêterait à rire si la question n'était sérieuse et douloureuse.

Antonio Ribeiro, conseiller municipal d'opposition (MRC), a visiblement accepté la mission du maire puisqu'il s'est rendu sur place, à Debrésie. Je suppose qu'il parle au nom de l'opposition, car nulle part il n'affirme s'exprimer à titre personnel. Et que dit-il? Que l'opposition est finalement favorable à la construction du mur! Tant d'indignations, de proclamations, de dénonciations pour en arriver là, se ranger au bout de 48 heures à l'avis de Pierre André? Si c'est une tactique pour sortir du piège, elle est piteuse. Il fallait y songer avant, et ne pas parler à tort et à travers.

Et pourquoi faut-il construire ce "mur de la honte", comme il était qualifié il y a quelques jours? Tenez-vous bien, c'est pour la sécurité des gens du voyage! Celle-là, il fallait la faire... Le projet discriminatoire est devenu... protecteur. Comme retournement dialectique, on ne fait pas mieux. Je précise l'argument de Ribeiro: l'actuel mur est dangereux, des plaques de béton menacent de tomber, il faut donc construire un mur plus solide... celui proposé par Pierre André. CQFD.

La tragi-comédie est un genre théâtral efficace dans ses excès. Antonio Ribeiro ne se contente pas de vouloir la construction d'un mur... mais d'un deuxième, de l'autre côté de l'aire d'accueil des gens du voyage, pour les protéger cette fois de l'eau de pluie qui dévale la pente et inonde l'emplacement. Combien de haut, de long, quel coût? Allons-nous avoir deux murs au prix d'une seule polémique? Je ne sais pas ce que vous inspire cette histoire, mais c'est "à se cogner la tête contre les murs", comme l'écrit Cyril Raineau dans le Courrier Picard.

Autre retournement inattendu, la position des habitants du quartier et des habitués du stade: ils ne sont pas favorables au mur! Ils estiment que l'argent sera dépensé pour rien, que les matériaux seront volés, que le mur ne pourra jamais être construit. Leur souhait, c'est carrément de voir l'aire d'accueil installée... ailleurs. Les gens du voyage, bien sûr, refusent toujours ce mur. Le maire a abandonné (provisoirement?) le projet. Finalement, aujourd'hui, qui a envie de voir construit le mur? L'opposition, par la voix d'Antonio Ribeiro! Ubuesque, vous dis-je.

Le seul enseignement "positif" à retenir de cette déplorable polémique, c'est la cause du problème, qui semble faire l'unanimité: quelques enfants de 10 à 12 ans qui lancent gratuitement des pierres. Cerner l'origine du problème, ce n'est pas rien, c'est essentiel pour le solutionner. Les gens du voyage en conviennent: "Les enfants qui jettent des cailloux, on leur dit d'arrêter, mais nous ne pouvons pas toujours les surveiller. Vous savez, à leur âge, c'est difficile de les canaliser." Une action efficace ne pourra se faire que de ce côté-là, l'éducation. Je crains que la construction d'un mur ne déplace le problème. Quant à l'aire d'accueil, elle doit bien évidemment rester là où elle est.


Bon après-midi.

28 mai 2008

Fin Mai.

Bonsoir à toutes et à tous.

Dimanche soir, France 3 a proposé un remarquable docu-fiction, "L'arbre de Mai", tiré des souvenirs et de l'ouvrage d'Edouard Balladur. Pourtant, je n'aime pas trop les docu-fictions, mélange artificiel et roublard de vérité et de romanesque, et je ne pense pas qu'Edouard Balladur soit le meilleur témoin pour nous parler de Mai 68. Erreur: c'était très réussi, intéressant, joué par un faux balladur plus vrai que nature (mais Pompidou n'était pas très ressemblant!).Surtout, j'en ai retenu sur Mai quelques leçons que nous avons tendance à occulter.

D'abord, nous avons oublié la fin du mois pour ne retenir que le reste, les barricades, les manifs joyeuses. Après trois semaines de grève générale, la France était paralysée, l'essence commençait à manquer, les détritus non ramassés s'entassaient au coin des rues. Le soulèvement ludique faisait progressivement place au désordre inquiétant. On sous-estime aujourd'hui ce qui s'est passé alors, et qu'il faut bien appeler par son nom: la décomposition de l'Etat. Ce mouvement que certains réduisent à une grosse révolte étudiante a entraîné ce que la société française a rarement connu dans le siècle, pas même en 1940: la déliquescence des structures administratives et politiques.

Balladur, qui était aux premières loges bien que dans les coulisses, confirme que l'autorité ne se faisait plus obéir. La société, dans les derniers jours de Mai, a failli basculer dans l'anarchie. Cette danse au dessus de l'abîme a été oubliée parce que la situation a été finalement redressée, certains diraient sauvées. Mais la France d'alors a véritablement connu une période, à la fin du mois, incontestablement révolutionnaire, et non pas seulement, comme dans les trois premières semaines, insurrectionnelle.

Il y a une date qui mériterait d'être réévaluée: le 29 mai. Ce jour-là, la CGT et le PCF, seuls, ont décidé de manifester, d'occuper la rue. Et ils vont massivement y parvenir, sans les gauchistes, sans les réformistes. Deux jour avant, à Charléty, la possibilité d'une solution réformiste à la crise n'a pas vu le jour. L'extrême gauche n'offre non plus aucune issue politique crédible. Il ne reste que le PCF, premier parti de France, puissant, organisé, et son syndicat, la CGT, qui est bien obligé de coller aux aspirations des travailleurs, après le camouflet de Grenelle. Et là, de Gaulle, la droite, une partie de la bourgeoisie prennent peur. Là, si les communistes l'avaient voulu, le pouvoir était à portée de main. Le 29 mai, le PCF pavoise, tient la rue, fait une démonstration de force... mais pas la révolution.

De son côté, de Gaulle a compris: le 29 mai, c'est le retour de la politique, c'est-à-dire des rapports de forces et des enjeux de pouvoir, ce qui est beaucoup plus sérieux et dangereux que des barricades et des lancements de pavés. Le PCF pousse son avantage, de Gaulle aussi: l'Etat se décompose? Eh bien il s'en va à Baden-Baden, parce que la force, pour la droite, c'est l'armée, et il faut s'assurer de son soutien quand plus rien d'autres ne tient. Après en avoir reçu l'assurance, de Gaulle revient et fait ce qu'il a toujours fait, à Londres ou à Alger: de la politique. Son intervention à la radio est très politisée et très musclée. Il dramatise, évoque le risque de dictature, appelle les Français à manifester (eh oui, lui aussi s'y met!). Résultat: un million de gaullistes, d'anti-68 sur les Champs-Elysées. Pour la droite, c'est gagné, pour la gauche, c'est fini.

De cet évènement, je tire un enseignement: en politique, il faut faire de la politique, poser les problèmes en termes de pouvoir. C'est pourquoi le mouvement de Mai n'est pas fondamentalement politique mais plutôt culturel. Ce n'est qu'à la fin, et pour achever le mouvement, que la politique apparaît. Autre leçon de ce docu-fiction: Balladur, qui ne m'a jamais marqué ni impressionné, est un homme plus fin que je ne l'imaginais. Il comprend 1968, refuse avec Pompidou la manière forte, se distingue sur ce point de de Gaulle. Aujourd'hui, il ne se dit pas hostile à Mai, il lui reconnaît une certaine "fraîcheur". Nous sommes loin du jugement de celui qui l'a un temps suivi, Nicolas Sarkozy. J'avais oublié que Balladur, c'était la droite intelligente.


Bonne nuit.

Le fort des halles.

Bonjour à toutes et à tous.

Les analystes de la vie politique nous expliquaient, depuis quelques semaines, que Nicolas Sarkozy avait changé depuis que le résultat des municipales l'avait douché. Le chef de l'Etat se serait présidentialisé, prenant de la hauteur, de la distance, revêtant les habits de majesté de ses prédécesseurs. Patatras! Mardi, nous avons retrouvé un Sarkozy candidat, touche-à -tout. Sa journée a commencé la nuit, à 4h15, l'heure où doit se coucher Xavier Bertrand, l'heure où le président s'est levé, pour rejoindre en compagnie de Carla Bruni les halles de Rungis. A 5h du matin, la presse nous apprend qu'ils se sont promenés main dans la main dans les allées, entre les cageots. "La France qui se lève tôt", c'était l'un des slogans de sa campagne électorale. Il y revient. Ca, c'est pour l'image.

Après est venu le discours, de 7h30 à 8h30, sur une chaîne de radio populaire, RTL, au micro des deux animateurs politiques vedettes: Apathie et Hondelatte. Qu'a dit Sarkozy? Pas grand-chose. Il a fait du Sarkozy. Touche-à-tout, certes, mais pas au 35 heures, pas à l'âge de départ à la retraite, pas à la redevance télévisée. Pas question non plus de mener une politique de rigueur. Alors quoi? Eh bien, Sarkozy est revenu à ce qui a fait son succès parce que c'est la mode: le concret. En premier lieu le carburant et sa hausse, contre quoi il fait appel à la TVA. Mais surtout, de nombreux engagements sur des points absolument pas présidentiels: le bon fonctionnement du RER A, la multiplication des points de vente pour la presse, par exemple.

Du concret, du quotidien, du modeste, de l'efficace: coller aux préoccupations des "gens", voilà le nouveau Sarkozy. Mais c'est exactement l'ancien! Avec cette séduisante illusion qui l'a porté au pouvoir. Le charme va-t-il de nouveau opérer? La ligne des sondages, qui plonge dangereusement, va-t-elle se redresser? Reprendre ce qui a marché, est-ce la bonne tactique? Je ne crois pas. Les Français ont essayé, ils n'ont rien vu venir. On ne les y reprendra pas une seconde fois.


Bonne soirée.

27 mai 2008

Le piège du mur.

J'ai bien fait d'attendre la presse d'aujourd'hui et son compte-rendu du conseil municipal avant de vous parler plus complètement de l'affaire du mur. Des choses se sont passées après mon départ, ce que retiennent ce matin les journaux locaux. Des choses assez surprenantes. C'était, vous le savez, le 2ème conseil municipal du mandat et son 1er dossier lourd, la construction du mur entre le stade Debrésie et l'aire d'accueil des gens du voyage. J'avais annoncé que l'opposition serait jugée sur ses réactions face à ce problème. Je n'ai pas été déçu, mais le dénouement a été totalement inattendu. Jugez-en plutôt:

Pierre André, qui avait les moyens de faire passer ce dossier, a décidé de le refiler... à l'opposition, ce que le Courrier Picard appelle un "coup d'éclat" et un "cadeau empoisonné". On ne saurait mieux dire. Après avoir affirmé "Nous avons tout essayé", il a plié devant les critiques de l'opposition, renonçant au mur. C'est bien sûr une ruse, un stratagème, qui n'est pas nouveau. Il y a quelques années, lorsque la conseillère d'opposition Martine Bonvicini avait fait remarqué au maire que Saint-Quentin ne participait pas à la journée sans voiture et que c'était un tort, il avait rétorqué en lui demandant de l'organiser elle-même!

Ces réactions ne sont pas normales, même si elles sont habiles. La majorité doit assumer les responsabilités que lui a confiées la population et ne pas se défausser des dossiers litigieux ou contestables sur l'opposition. C'est une facilité condamnable. L'opposition est là pour s'opposer, c'est-à-dire pour critiquer et proposer, pas pour gérer un problème à la place de la majorité. On peut éventuellement regretter qu'elle ne propose rien, mais on ne peut pas l'obliger à exercer une responsabilité qui n'est pas la sienne. Ou alors, c'est qu'il n'y a plus de distinction entre majorité et opposition, clivage pourtant essentiel au fonctionnement démocratique.

Mais tout cela, Pierre André le sait aussi bien que moi. Il connait son opposition, il veut ruser avec elle. Et celle-ci tombe elle-même dans le piège. Elle aurait dû immédiatement, dans les mêmes termes que je viens de le faire, s'appuyant sur les mêmes principes, dénoncer cette propositions. Jean-Pierre Lançon a essayé manifestement de rattraper le coup, en répondant au maire: "Je ne dis pas que c'est simple, mais avant d'envisager ce mur, je suis prêt à une médiation, avec vous. Allons-y, reprenons le dialogue, ensemble." Trop tard, le piège s'était refermé, Pierre André a refusé, peu ému par cet oecuménisme inattendu et tardif. Sa réplique a été définitive: "Je pense que vous avez toutes les capacités pour régler ce problème, vous qui donnez toujours des leçons". L'ironie signale l'homme qui se réjouit d'avoir jouer un bon tour, un sale tour à l'opposition.

Comment va-t-elle maintenant se sortir de là? Ce sera bingo pour la droite, elle aura fait la démonstration que la gauche ne trouve pas de solution, alors que celle-ci n'est pas en situation d'en trouver, n'exerçant pas le pouvoir. Le dossier reviendra alors entre les mains de la droite triomphante. Qu'est-ce qui a entraîné l'opposition dans ce guêpier? Pas d'abord Pierre André mais elle-même, victime de sa propre virulence. Le maire, trop content et très malin, a sauté sur l'occasion. Olivier Tournay, dans la presse du week-end, avait dénoncé, premier faux pas, premier excès, le "mur de la honte". Puis Carole Berlemont a attaqué durement, en conseil municipal, parlant de provocation et s'estimant choquée, réclamant une solution plus humaine et plus digne, allant jusqu'à expliquer les jets de pierre par le sentiment d'exclusion. Du pain béni pour André, qui est un vieux renard: "Ils n'en veulent pas, eh bien qu'ils se débrouillent", voilà en substance le stratagème, un peu gros, mais assez efficace.

Combien de fois faudra-t-il que je le dise? Avec la droite saint-quentinoise, qui se sait puissante et se croit donc tout permis, il faut jouer au plus fin, au plus malin. Mais pas tomber dans l'opposition frontale, qui donne les conséquences que l'on voit aujourd'hui... dès le premier dossier un peu important. L'opposition ne gagnera en crédibilité, surtout sur des dossiers aussi délicats, que par son travail et ses propositions dans les commissions municipales, pas par des discours d'indignation, aussi légitimes soient-ils, en conseil municipal, mais qui finissent par se retourner contre ceux qui les profèrent.


Bon après-midi.

Un conseil et des conseils.

Bonjour à toutes et à tous.

Sur le conseil municipal d'hier à Saint-Quentin, je ne pourrai pas tout vous dire, ayant dû partir avant la fin, juste au moment où était abordée la question du mur au stade Debrésie (je devais me rendre au multiplexe pour animer la dernière séance du festival CinéMai 68, je vous en reparlerai). Je vous livre mes notes et réflexions, du moins les points essentiels:

Trois élus de l'opposition étaient absents, pour une histoire de train bloqué à Compiègne, si j'ai bien compris. Passées les remarques sur le procès-verbal précédent (erreurs de frappe, décompte inexact des votes) et les demandes de précision (subventions aux associations, lesquelles et quels montants?), le gros du conseil a été consacré à l'éducation, conséquences de la carte scolaire et travaux dans les écoles. Olivier Tournay, communiste, a habilement remercié le maire de n'avoir pas appliqué le service minimum dans les écoles pendant la grève, en suggérant au sénateur de proposer l'abrogation de cette loi.

Puis il a été question du transfert de l'école d'Isle, en travaux pour deux ans, à l'école Rouché. L'opposition n'a pas contesté cette décision mais la méthode, "à la sauvette", sans préparation, reprochant au maire de s'être expliqué après coup devant les parents sans les avoir au préalable consultés. De ce fait, l'opposition a redemandé l'installation d'une commission enseignement afin d'anticiper ce genre de problème. Le maire est contre, craignant la réunionnite et la mobilisation inutile des services. En revanche, il accepte la formation de groupes de travail sur des sujets précis, le redécoupage de la carte scolaire par exemple, qui n'a pas été modifiée depuis 40 ans, ou bien sur l'implantation de l'enseignement supérieur à Saint-Quentin.

Sur cette carte scolaire, Pierre André a sorti quelques chiffres: depuis 20 ans, les effectifs moyens par classe, en maternelle et élémentaire, baissent. Sur les dérogations: A l'école Paul Bert, elles concernent peu d'élèves, tandis qu'à Metz, c'est 75% des enfants. Fort taux également à Ferdinand Buisson. L'opposition a expliqué ces singularités, la bonne image de Metz, la proximité de l'hôpital et de son personnel à Buisson.

A propos des fournitures scolaires, l'opposition a fait remarquer que l'aide de la municipalité était très inférieure à ce qui se fait ailleurs, à quoi le maire a répondu en 3 arguments, pour justifier que l'argent va aux écoles, mais ailleurs qu'aux fournitures scolaires:
- Il y avait 30 ans de retard dans la rénovation des écoles quand il est devenu maire (en 1995), il fallait rattraper.
- Saint-Quentin est une des rares villes qui organise des études surveillées.
- 400 élèves des communes alentour, qui coûtent chacun 300 à 400 euros à la Municipalité, sont scolarisés à Saint-Quentin, c'est qu'ils doivent s'y trouver bien.

Ce que j'ai pensé de ces échanges? C'est qu'il n'y a pas vraiment d'échanges, de passes d'armes entre l'opposition et le maire. Celui-ci a la main, s'en tire en général plutôt bien, n'est pas vraiment mis en difficulté par des conseillers municipaux d'opposition qui lisent leurs interventions mais ripostent peu aux réponses du maire, et qui manquent à mon sens d'à propos. Question de temps, d'habitude, sûrement. Pierre André donne le sentiment de tenir le beau rôle.

Pourtant, les failles sont visibles, minces sans doute, mais bien réelles, et il suffirait de s'y engouffrer. Autant je suis pour une opposition constructive qui propose, autant il faut procéder à un examen sans faiblesse des déclarations municipales et en souligner certaines contradictions. Proposer et critiquer vont de pair. Je ne prends qu'un seul exemple: l'argument des élèves scolarisés à Saint-Quentin est discutable; les parents le font aussi pour des raisons personnelles et professionnelles, nullement en rapport avec la qualité supposée de l'école ou le montant des fournitures scolaires.

Ce qui me gêne, c'est que Pierre André renvoie toujours l'opposition à sa qualité d' "enseignants", insistant là-dessus, soulignant lourdement que ces questions échappent à sa compétence, comme s'il voulait sciemment cultiver le préjugé d'une gauche qui ne serait composée que d'enseignants, ce qui est ni vrai, ni évidemment souhaitable. Que 6 conseillers municipaux sur 9 soient des enseignants, que le temps consacré hier aux questions d'éducation ait été prédominant l'aident dans cette tâche, que je considère pour ma part comme un piège, réduire l'opposition à une catégorie socio-professionnelle et laisser entendre, faussement, que la droite, elle, représenterait l'ensemble de la population.

Pierre André est également très fort dans une autre habileté, qui consiste à retourner les positions de la gauche contre elle-même et à se les approprier. Je prends l'exemple du débat sur les fournitures scolaires. La conclusion du maire, c'est qu'il vaut mieux se concentrer sur les élèves en difficulté au lieu d'aider, avec les fournitures scolaires pour tous, des élèves qui n'en ont pas nécessairement besoin. C'est un point de vue, mais qui sous-entend que la gauche délaisserait les élèves en difficulté au profit... des plus privilégiés. Mine de rien, il y a de la politique dans une remarque apparemment anodine. Et l'opposition n'aurait pas dû en rester à cette conclusion très avantageuse pour le maire!

Autre exemple, à partir d'une position surprenante (mais qui a sa cohérence) de Lutte Ouvrière, qui a refusé d'approuver une subvention pour la réparation de la basilique, au motif que l'usage de celle-ci ne devait pas servir exclusivement à la minorité catholique. De mon balcon, j'ai vu le visage de Pierre André pétiller. Il buvait du petit lait. La riposte était attendue: les murs appartiennent à la collectivité mais l'utilisation de l'édifice relève du seul clergé, en vertu de la loi de 1905. Et j'ai assisté à cette scène extraordinaire, le maire conseillant à l'opposition de gauche de ne pas toucher à cette loi, alors que c'est précisément Nicolas Sarkozy qui songe à la modifier! Et cette opposition n'a pas bronché devant la "leçon" du maire. Il y a des moments où j'ai du mal à me retenir... mais je me retiens quand même.

Sur le mur, je n'ai écouté que l'intervention de Carole Berlemont, qui a assimilé cette construction à une "provocation", un projet "disproportionné", "choquant", dont le coût pouvait être employé autrement, de façon "plus humaine", plus "digne". Sur les incivilités, Carole a eu cette phrase: "Les jets de pierre peuvent être l'expression d'un sentiment d'exclusion." Ses propositions ont fait s'esclaffer une assemblée jusque là calme: donner des places gratuites pour le stade aux gens du voyage, organiser un match convivial. Sur ce mur, vous savez ce que j'en pense et comment je serai intervenu, j'y ai consacré un long billet dimanche. Mais j'attends de connaître la totalité du débat avant de vous en reparler.


Bonne matinée.

26 mai 2008

Savoir s'émerveiller.

Hier soir, un évènement d'importance planétaire s'est produit, presque personne ne l'a remarqué, très peu en ont parlé, les médias n'en ont pas fait leurs gros titres. En revanche, en France, nous glosons depuis plusieurs jours sur le terme "libéral" qu'attribue Delanoë au socialisme, alors que c'est d'une banalité absolue, toute social-démocratie étant évidemment libérale.

Quel est cet évènement passé quasiment inaperçu? L'atterrissage de la sonde Phoënix sur la planète Mars, dans sa zone arctique jamais explorée, où l'on escompte découvrir des traces de vie. Rien que ça! Et très peu de mots là-dessus! Pourtant, la science, c'est important, et c'est politiquement important. Les sociétés fonctionnent et évoluent au gré des découvertes scientifiques. Les vraies révolutions sont peut-être dans ce domaine-là. Pas étonnant d'ailleurs que le XIXème siècle soit à la fois le siècle de la science et le siècle du socialisme. Les deux sont liés, marchent ensemble.

Pourquoi ce silence? Nous devrions rêver et espérer à chaque avancée de la conquête de l'espace. C'est un peu comme si, hier, nous avions abordé un nouveau continent. Pourquoi cette indifférence? Parce que la science est devenue dominante dans notre société, dans à peu près tous les domaines. Elle n'étonne donc plus, comme le poisson rouge ne s'étonne pas de l'eau et de son bocal. Pendant des siècles, c'est la religion qui structurait les sociétés, les prodiges étaient de son côté. Ils sont aujourd'hui passés dans le monde de la science. Tant mieux. Mais sachons nous en souvenir, et sachons nous émerveiller. Une invention humaine est en ce moment très loin de la Terre, sur Mars, qu'elle va étudier. C'est formidable!


Bonne fin d'après-midi.

Persiste et signe.

Bonjour à toutes et à tous.

Ayant affirmé, avant et après Bertrand Delanoë, mon libéralisme, un lecteur, dans un commentaire d'hier, en conclut que je ne suis plus "un homme de gauche". Voilà bien le problème: une certaine gauche, y compris dans les marges du PS, a fait de l'antilibéralisme son cheval de bataille et rejette à droite tous ceux qui n'adhèrent pas à cette perspective.

Pourtant, qu'est-ce que le libéralisme? L'addition de trois éléments:

1- Politiquement, c'est la démocratie parlementaire.
2- Culturellement, ce sont les droits de l'homme.
3- Economiquement, c'est le marché.

L'extrême droite en est complétement éloignée, puisqu'elle conteste les deux premiers points. La droite classique insiste surtout sur le troisième point. Seule la gauche réformiste, social-démocrate, assument intégralement ces trois dimensions du libéralisme. Elle seule est authentiquement libérale. Dans cette perspective, être pleinement de gauche, c'est être pleinement libéral, je persiste et je signe. Et c'est ce qu'a voulu dire aussi Delanoë.

La tragédie de la gauche, historiquement, c'est quoi? Le communisme, c'est-à-dire le rejet absolu du libéralisme. Contre la démocratie parlementaire, qualifiée de "bourgeoisie", le communisme a instauré la dictature du prolétariat. Contre les droits de l'homme, le communisme a restreint, suspendu ou annulé les libertés élémentaires. Contre le marché, le communisme a établi le collectivisme, l'économie administrée, l'étatisme et la bureaucratie.

Tout cela, c'est du passé? Non, en politique, le passé est toujours vivant, toujours présent, sauf chez les amnésiques. Le communisme existe encore réellement dans quelques pays, et non des moindres. Surtout, il se développe en France une tentation néocommuniste, avec la montée de l'extrême gauche et l'influence qu'elle exerce sur les marges du PS. Des intellectuels aussi sont séduits. Aveuglés par leur antilibéralisme, ils ne voient d'issue que dans la restauration d'un communisme rénové. Un seul exemple, dont je vous ai déjà parlé sur ce blog, le philosophe français Alain Badiou. Lui aussi persiste et signe, dans "Philosophie Magazine" de ce mois: il a été, il est et restera... maoïste. Ecoutez-le:

"La révolution culturelle chinoise a représenté l'ultime tentative, soldée par un échec, de remettre en mouvement l'idée communiste (ou l'idée de l'émancipation égalitaire) de l'intérieur de l'Etat socialiste. Mao [...] est très tôt parvenu à la conviction que le parti doit être surveillé et rectifié par des organisations populaires indépendantes. D'où la nécessité de recourir à des forces extérieurs: la jeunesse étudiante à partir de 1965, une fraction des ouvriers à partir de 1967, des secteurs de l'armée populaire... De l'étendue, de la liberté extraordinaire, de la violence, aussi, de ces mouvements, nous possédons des documents. Leur caractère révolutionnaire ne fait pas de doute." ("Philosophie Magazine" n°19, page 58)

Ce passage est extraordinaire. Un grand intellectuel français, très prisé par le lectorat d'extrême gauche et radical, peut faire en 2008 l'éloge d'une monstruosité politique, la révolution culturelle chinoise, en réalité anti-culturelle (la culture était détruite et les intellectuels humiliés) et anti-révolutionnaire (tous les historiens expliquent aujourd'hui que c'était une lutte sanglante pour le pouvoir entre factions rivales). Vous comprenez sans doute mieux pourquoi il est urgent, pour un socialiste, de se proclamer libéral, de le crier haut et fort.


Bon après-midi.

25 mai 2008

L'esprit libéral.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je veux revenir sur ce mot de "libéral", lancé par Delanoë et qui a fait trembler une partie du PS. Ne jouons pas à nous faire peur. Etre libéral, avant d'être un principe politique ou une théorie économique, c'est un état d'esprit, que je partage et pratique, d'abord dans ma vie. Je l'ai souvent dit sur ce blog: on ne juge pas un militant à ses discours mais à ses actes, dans son comportement quotidien. Etre libéral, c'est croire aux vertus du marché, dont deux principales, la concurrence et la performance. J'adhère à ces valeurs, même si je n'adhère pas qu'à ces valeurs-là, puisque je suis aussi et surtout socialiste. Mais je pense, comme Delanoë, qu'elles sont compatibles avec le socialisme, qu'elles sont même nécessaires à son développement. Parce que le grand problème du socialisme dans le siècle passé a été la liberté, et que celle-ci ne se divise pas. Marché, démocratie, socialisme vont ensemble.

Mais j'en reviens à mon quotidien et ma pratique personnelle des deux ressorts du marché, la concurrence et la performance:

La concurrence d'abord, qui est pour le marché le moyen de son fonctionnement, alors que la performance est sa finalité. J'ai beaucoup d'activités associatives, il n'est pas une semaine sans que je prenne en charge au moins une manifestation, j'aurai par exemple, dans la semaine qui vient, un ciné philo demain à Saint-Quentin, un café philo mercredi à Soissons, puis un café livre de nouveau à Saint-Quentin jeudi. Une semaine normale, quoi. Je sais d'expérience, la société étant ce qu'elle est, que chacune de ces activités sera en concurrence avec d'autres, même jour, même heure, même qualité, sinon une qualité supérieure. Et nous sommes tous confrontés à cette réalité: l'offre culturo-associative est devenue nombreuse, diversifiée, sans parler de la rude concurrence des médias de toute sorte. Bref, pour attirer du monde, il faut se battre, faire preuve d'ingéniosité, anticiper ce qui peut intéresser le public, sinon celui-ci ne se déplace pas. Car si l'offre s'est élargie, la demande est devenue parallèlement très exigeante, souvent pointue.

Autour de moi, comment réagissent pas mal de gens et quelques responsables associatifs? Ils se plaignent de cette concurrence, essaient de la contourner (ce qui est quasiment impossible), mettent sur son dos leurs échecs au lieu de s'interroger sur la qualité de leurs prestations et services. C'est parfois comique: chacun feuillette son petit agenda pour trouver l'horaire miraculeux et impossible où il n'y aura qu'une seule activité proposée, donc hors concurrence simultanée, avec cette idée fausse que les gens viendront puisqu'il n'y aura rien d'autres au même moment, idée aussi fausse que celle qui consiste à croire que le public n'est pas ici parce qu'il est pris ailleurs. Cette mentalité est antilibérale, anticoncurrentielle, elle n'est pas la mienne.

Je me réjouis au contraire qu'il y ait plusieurs activités en même temps, et un deuxième café philo concurrent au mien à Saint-Quentin m'enchanterait, parce que cette concurrence me stimulerait, me pousserait à faire encore mieux. Et le public y gagnerait, ayant la liberté de choisir et bénéficiant de prestations qui se bonifieraient en quelque sorte mutuellement parce qu'en concurrence l'une avec l'autre. Voilà mon libéralisme, concrètement, quotidiennement. Je ne comprends pas ceux qui voudraient demeurer seuls à faire ce qu'ils font, ceux qui jalousent la concurrence, ceux qui s'effraient de la compétition, ceux qui recherchent le monopole de leur activité, ceux qui aspirent à la chasse gardée. La vie est étrangère à cette mentalité antilibérale, qu'on trouve aussi bien à gauche qu'à droite, Delanoë ayant eu raison de préciser que le sarkozysme est un antilibéralisme, aussi paradoxale que paraisse cette affirmation.

J'en viens maintenant à la seconde vertu qui m'est chère, la performance, qui n'est que le prolongement de la compétence. Pour certains socialistes, ce sont de vilains termes, des critères droitiers, presque des gros mots, je l'ai une fois de plus constaté lorsque j'avais proposé un temps ma candidature pour les municipales. Eh bien moi, la performance, je suis pour, et je ne vois pas en quoi elle s'oppose au socialisme. Là encore, mon expérience personnelle est édifiante. Certaines structures associatives drainent peu de monde dans leurs manifestations (tout en demeurant bien sûr subventionnées, ce qui pose encore une autre question que je n'aborderai pas ce soir...). Cette situation ne me choque pas, je la connais moi aussi, parfois. Quand on entreprend quelque chose, le risque de l'échec est plus grand que le risque de la réussite. C'est pourquoi beaucoup de gens ne font strictement rien, en dehors de leur boulot obligatoire pour vivre! Mais ce que je n'apprécie pas, c'est qu'on ne reconnaisse pas son échec, c'est qu'on se satisfasse de résultats médiocres.

J'en connais même qui se réjouissent du peu d'audience de leurs activités, prétextant que la qualité vaut mieux que la quantité! C'est une réaction hypocrite et minable, et elle aussi antilibérale, parce qu'elle se refuse à la performance. Si mes cafés philo par exemple n'étaient pas performants (ils ne l'ont pas toujours été, ils ne le seront pas toujours, c'est la vie), s'ils n'attiraient que 5 ou 6 personnes au lieu des 25-30 en moyenne, je ne serais pas satisfait de cette contre-performance, je chercherais par tous les moyens à retrouver ou à instaurer une forme de performance.

Ce que j'ai voulu vous expliquer ce soir, c'est que le libéralisme est peut-être, d'abord, une disposition pratique, presque mentale, psychologique, qui nourrit bien sûr, dans un second temps, mon libéralisme politique (le choix de la démocratie) et mon libéralisme économique (le choix du marché), les deux au service de mon socialisme (le choix de la justice sociale et de l'émancipation individuelle comme objectifs). Cet engagement me fait rejeter l'antilibéralisme et l'état d'esprit de ses chantres.


Bonne soirée.

Sous la plage, les pavés.

Si les adultes ont été modérément mobilisés lors de la manifestation de jeudi dernier, il n'en a pas été de même pour les lycéens. Plus de 300 étaient dans les rues de Saint-Quentin. Même si L'Aisne Nouvelle, sous la plume de Damien Le-Than, a raison de s'étonner de cette mobilisation tardive par rapport à Chauny ou Château-Thierry. Dans le reste de la France, le mouvement lycéen a débuté il y a un mois et demi. Pourquoi seulement maintenant chez nous, dans la ville dont le maire-adjoint est une figure gouvernementale de premier plan?

En vérité, nous sommes confrontés à une préoccupante atonie des forces progressistes. Les réseaux sont largement dévitalisés, parfois passés sous le contrôle de la droite. Ses 60% au bout de 13 ans de pouvoir municipal ne s'expliquent pas autrement. L'usure ne l'a pas touchée, seulement une baisse normale étant donné les circonstances nationales. Tant que la gauche n'aura pas reconstitué ses forces, ses réseaux, elle aura beau faire, elle ne l'emportera pas politiquement, elle se consolera dans la médiocre satisfaction du "c'est pas si mal que ça". Pierre André lui aussi peut se dire la même chose, mais en rigolant. Ce discours de lucidité que je tiens, qui aujourd'hui est prêt à l'entendre vraiment et à en tirer toutes les conséquences?

Dans la commémoration de Mai 68, les partis de gauche n'ont guère été présents. C'est notre histoire, tout de même! La CGT a présenté je crois une exposition à la Bourse du Travail, Jean-Luc Tournay a participé à mon débat au Centre social de Neuville, Lutte Ouvrière et la CFDT étaient présentes à Guise lors de la journée départementale. J'ai entendu dire qu'une sensibilité d'extrême gauche préparait une soirée musicale au Centre social du Vermandois pour la fin du mois. Mais tout ça ne pèse pas très lourd. Cette faiblesse de la gauche est bien sûr ancienne. Ce n'est pas une raison pour s'y soumettre. Au contraire, c'est un motif pour faire changer cette situation.

N'y aurait-il que le MJS, Mouvement des Jeunes Socialistes, qui secoue un peu le cocotier endormi? Il semble bien. En tout cas, l'animateur fédéral, Alexandre Grard, et ses amis sont très actifs, font parler d'eux et entraînent du monde dans la rue. Ne disait-on pas en Mai 68 que la jeunesse sauverait le monde? Ne pourrait-elle pas sauver déjà la gauche saint-quentinoise? Mais le parallèle avec 1968 s'arrête là, malgré le clin d'oeil de L'Aisne Nouvelle dans sa rubrique "Noir sur blanc" de ce week-end. 68 à Saint-Quentin, bien sûr que non, ni nulle part ailleurs. Le mouvement lycéen demande des postes de profs, en 68, la jeunesse contestait l'enseignement, avec ce slogan dont il faut relativiser la violence mais qui exprime le degré et la nature de la contestation d'alors: "Ne dites plus Monsieur le professeur, dites Crève salope!" Le plus turbulent de nos lycéens n'oserait pas aller jusque là.

Non, s'il reste un parfum de Mai 68 ces jours-ci à Saint-Quentin, ce sera plutôt mardi soir, dans l'opération "Immeubles en fête", à l'occasion de la fête des voisins. Rappelez-vous le film de Doyon, L'an 01: parmi les décisions qui changeaient la vie, qui abolissaient le "métro-boulot-dodo", il y avait la visite au voisin, à celui qui est tout près et qu'on ne connaît pas, à qui on n'a rien à dire mais avec lequel on va parler. Ca, c'est 68, la parole libérée. "Parlez à vos voisins" est d'ailleurs un slogan de l'époque. A part ça, je crains que Saint-Quentin ne soit très loin de Mai 68. "Sous les pavés la plage"? Chez nous, chaque été, sur la place de l'Hôtel-de-Ville, il y a une plage artificielle, mais le slogan doit être inversé: Sous la plage, le bitume. Tout un symbole...


Bonne fin d'après-midi.

Au pied du mur.

Bonjour à toutes et à tous.

Demain se tiendra à Saint-Quentin le deuxième conseil municipal depuis la réélection de Pierre André (je mets à part la séance d'installation à Fervaques). Quand on parcourt l'ordre du jour, on ne voit pas grand-chose à en dire ou à en redire: entre désignation dans des représentations, dénomination d'une allée, travaux de rénovation, construction d'un local, cession de parcelles et acquisition de propriétés, la marge d'intervention, de critique, de proposition semble assez mince pour l'opposition.

Nous sommes plus dans du technique, de l'administratif, de la gestion que dans du politique, encore moins dans de l'idéologique. Ce qui doit faire plaisir à Xavier Bertrand, lui qui n'aime pas l'idéologie, lui qui veut finalement réduire la politique au technique, le choc des idées à l'assimilation des dossiers. Le gouvernement de la France sur le modèle d'un conseil municipal? Mieux encore pour lui, c'est-à-dire pire selon moi: sur le modèle d'un conseil d'agglomération où ne siègerait aucune opposition?

Eh bien non, la politique est partout, et quand elle ne s'y trouve pas, il faut l'y mettre, par exemple dans cet ordre du jour qui apparemment ne s'y prête pas. Attention: je ne dis pas qu'il faut créer des clivages artificiels, susciter des conflits inutiles, devenir procédurier, critiquer systématiquement ou contester des détails. Mais je dis qu'il faut porter un regard politique, c'est-à-dire montrer que les décisions relèvent de choix et que ces choix peuvent être discutés. Une assemblée élue est faite pour ça, sinon elle ne sert à rien.

La désignation des représentants de la Ville? Pourquoi pas des membres de l'opposition. La dénomination d'une allée? Le nom a son importance symbolique. Les travaux, cessions et acquisitions? Dans quel but? Pouvait-on s'y prendre autrement? Les subventions aux associations? Pourquoi tel montant, pourquoi telle association? Une augmentation est-elle souhaitable et possible? La carte scolaire: quel bilan après la mobilisation des enseignants et des parents, qui n'a pas mis fin à toutes les inquiétudes? Etc. Je n'irai pas jusqu'à dire que chaque point abordé peut faire l'objet d'une remise en perspective politique, mais je n'en serai pas loin. Il y a certes un formalisme municipal, mais un conseil, le mot dit bien ce qu'il veut dire, n'est pas une chambre d'enregistrement.

S'opposer, c'est d'abord questionner, avec sérieux, précision, bienveillance. La plupart des décisions d'un conseil municipal sont réalisées avec l'argent des citoyens. Ces décisions doivent donc être justifiées et parfois longuement expliquées. Un pouvoir, quel qu'il soit, détenu par la droite ou par la gauche, n'aime pas se justifier. L'opposition est là pour le forcer. Un pouvoir, quel qu'il soit, veut rendre lisses et consensuels ses choix, les faire passer pour des nécessités, les transformer en quasi formalités qu'une assemblée de greffiers viendraient passivement consignés. Non, il faut introduire la vie dans le conseil municipal, y faire entendre les bruits du dehors, faire remonter les revendications de la population. Pas une chambre d'enregistrement silencieuse et policée, mais une chambre d'échos.

L'Aisne Nouvelle relève un point qui semble banal mais qui illustre parfaitement tout ce que je viens de dire: la construction d'un mur de clôture au stade Debrésie. Et alors? Quoi de politique là-dedans, au sens que j'en ai donné, un sujet qui porte à discussion, sur lequel les avis peuvent donc diverger? C'est que ce mur serait chargé de régler un problème récurrent, les actes d'incivilités que subissent les spectateurs. Près du stade se trouve l'aire d'accueil des gens du voyage, d'où viennent les projectiles lancés pendant les matchs. Que faut-il penser de ce mur?

1- D'abord la question renvoie aussi à un problème plus général, les actes de vandalisme sur cette aire d'accueil, qui focalisent l'attention, exaspèrent et jettent l'opprobre sur les gens du voyage. J'en ai déjà parlé sur ce blog. Le rejet de cette communauté a hélas toujours existé et doit être condamné. Les personnes doivent être respectés dans leur différence et pouvoir vivre en paix. Une fois ce principe rappelé, et il faut nécessairement commencer par le rappel des principes, il convient d'en venir aux faits, aux réalités: il y a un problème de délinquance, souvent mineure mais nuisible, qui doit être réglé. On fait comment? Celle ou celui qui répondra à cette question sera un grand politique au niveau de la ville.

2- Le mur est une réponse: 3 mètres de haut, 270 mètres de long, le stade est "sécurisé", comme on dit aujourd'hui. La municipalité a-t-elle fait tout ce qu'il fallait avant d'en arriver là? Je suppose que oui, je n'ai pas de raison de mettre en doute sa volonté de régler autrement ce problème. Des médiateurs ont été désignés, le dialogue n'a semble-t-il rien donné. Mais cet échec justifie-t-il que l'on construise ce mur? Cette réponse est-elle la bonne?

3- Dans l'histoire, grande ou petite, il y a des précédents, qui aboutissent généralement à la même conclusion: les murs ne servent pas à grand-chose, ils ne règlent pas en profondeur le problème. Au mieux, ils protègent, mais le problème est toujours là et il s'exprime alors autrement. Les murs finissent par être contournés ou par être détruits. La principale question qui mérite d'être posée dans cette affaire, c'est celle de l'efficacité, rapportée notamment au coût, 500 000 euros.

4- Il y a une facilité dans laquelle l'opposition ne doit pas tomber: l'indignation morale, les figures de rhétorique, le discours de pure dénonciation, genre "non au mur de la honte". Laissons tomber ça. Nos concitoyens veulent des actes, pas seulement des mots. J'ai dit tout à l'heure qu'il fallait commencer par les principes et condamner toute xénophobie envers qui que ce soit. Mais on ne peut pas en rester au principe. Ce que les Saint-Quentinois attendent de la gauche, c'est qu'elle soit une force de proposition, c'est qu'elle règle leur problème, pas qu'elle se contente de taper sur la droite locale. Une gauche qui apporterait une solution à laquelle n'aurait pas songer la droite, cette gauche-là serait, à tout point de vue, gagnante.

Nous verrons bien demain ce qu'il en sera. L'opposition sera, si j'ose dire, au pied du mur...


Bonne matinée.

24 mai 2008

Compatible ou pas?

Bonsoir à toutes et à tous.

Le rassemblement autour de Delanoë a donc eu lieu, cet après-midi à la Mutualité. Lionel Jospin était présent, au premier rang. Quelques strauss-kahniens ont été aperçus, dont Alain Richard et le maire de Grenoble, Michel Destot. Bertrand a été prudent, et il a eu raison: pas de déclaration intempestive pour annoncer sa candidature, ni à la direction du PS, encore moins à la présidentielle. Très bien. Mais peut-être y pense-t-il très fort? Et quand cela arrive, cela se voit.

J'ai apprécié aussi qu'il joue collectif, ne parte pas dans une échappée solitaire. Bref, je crois que le rendez-vous a été, pour lui, une réussite. Et pour nous, et pour le Parti? Réponse dans quelques mois, lors du congrès, et après, quand il faudra reprendre le pouvoir à la droite. Qu'est-ce que la politique, sinon mettre ses talents, sa volonté, sa notoriété au service d'un projet collectif? Si Bertrand y parvient, il aura gagné, parce qu'il nous aura fait gagner, en se mettant à la première place, ou ailleurs, nous verrons bien. Il faut poser son sac là où on peut être utile. Et faire gagner son camp. Sinon on ne sert à rien.

Les journalistes l'ont taquiné sur son outing libéral, que j'ai salué sur ce blog. Ségolène a été plus sévère en affirmant que libéral ET socialiste, c'est "complétement incompatible". Voilà le genre de polémique que je n'aimerais pas voir fleurir dans les semaines et les mois qui viennent, des querelles de mots en vue de se distinguer et de se positionner. Mettez Ségolène et Bertrand à la même table, autour d'un verre, au bout de 30 minutes, ils s'entendront sur le même programme. En revanche, avec Emmanuelli, Mélenchon et Fabius, les trois représentants de notre aile gauche, ce sera beaucoup plus difficile, pour ne pas dire impossible. Normal. Le congrès de Reims doit déboucher sur ce que connait toute organisation démocratique: une majorité et une minorité, que je souhaite partager entre le socialisme moderne et le socialisme classique.

Sur le libéralisme, les choses sont simples, tout est dans la définition du mot, pas dans le mot en lui-même: si être libéral signifie l'affaiblissement des services publics, le règne du laisser faire, l'exploitation économique, le pillage du tiers-monde, je ne suis pas libéral, je suis même antilibéral. Mais si le libéralisme, c'est l'adhésion à l'économie de marché, la défense de la concurrence et de la performance, le développement de la production, la recherche de l'efficacité, la critique de l'étatisme et du collectivisme, la volonté de faire de la liberté la valeur fondamentale de notre société, alors oui, je suis libéral. De ce point de vue, libéralisme et socialisme ne sont pas incompatibles. Reportez-vous, dans les archives de ce blog, à mes réflexions de cet été. C'est exactement ce que je disais.

Mais tout ça, c'est de la philo, pas de la politique. L'essentiel, je le redis, c'est que Delanoë et Royal sont politiquement compatibles. L'essentiel aussi, c'est que la proclamation de notre libéralisme allume une ceinture de feu entre nous et l'extrême gauche , qui a fait depuis quelques années de l'antilibéralisme son cheval de bataille. J'en connais à Saint-Quentin, côté socialiste, qui vont se brûler les doigts. Ils n'avaient qu'à ne pas jouer avec les allumettes durant les municipales. Et je soufflerai s'il le faut sur les braises pour qu'ils se consument entièrement...

En tout cas, Delanoë a fait fort en se proclamant libéral. Même DSK n'était pas allé aussi loin, aussi ostensiblement. Qu'en a pensé Lionel, lui qui avait fait la moitié du chemin dans cette direction? Toujours est-il que le PS, après Royal, avec Delanoë, vient de faire un sacré bond en avant.


Bonne soirée.

Allez Sébastien!

Non, il ne va pas nous parler de l'Eurovision? Si, je vais vous parler de l'Eurovision! D'abord parce que l'an dernier, sur ce blog, je crois en avoir déjà parlé, vérifiez. Ensuite parce que j'aime ça, depuis 1977. Enfin parce que c'est ce soir, sur France 3. Mais quel rapport avec la politique? Plusieurs:

1- Dans les années 70, pour moi en tout cas, l'Europe ne voulait rien dire. C'était un mot pour faire joli dans les discours politiques, je n'entendais personne se battre là-dessus. L'Europe, c'était la géographie, une belle carte dans un manuel scolaire, ou bien l'histoire, le "marché commun", l'acier et le charbon, l'après-guerre, rien d'exaltant, rien qui préfigure un possible avenir. A la limite, l'Europe, ça n'existait pas, c'était ce que de Gaulle disait de l'ONU, un "machin".

Sauf en deux occasions, sur l'écran noir et blanc de la télévision: "Jeux sans frontières" et "l'Eurovision". Durant ces deux émissions, la France s'élargissait, j'avais le sentiment qu'elle n'était plus la seule sur le continent, que d'autres nations existaient, à égalité entre elles. Plein de langues apparaissaient, sans être complétement étrangères les unes aux autres. Pour le grand public dont j'étais, l'Europe prenait corps, à travers le divertissement, jeux et variétés. Les pays s'affrontaient mais c'était pour rire, il y avait un vainqueur mais pas vraiment de vaincus, tout le monde à la fin se réconciliait joyeusement. Quand les historiens, dans quelques siècles, étudieront la genèse de la conscience européenne, ils consacreront quelques lignes, j'en suis sûr, à l'Eurovision.

2- L'Eurovision 2008 a commencé par une polémique politique. Le représentant de la France, Sébastien Tellier, chante... en anglais, au grand dam de certains députés de droite. Tellier a plié et traduit une strophe en français. Polémique ridicule, stupide, autant que celle qui amène quelques parlementaires, de droite comme de gauche, à se battre pour le maintien des départements sur les plaques d'immatriculation! Il y a des représentants de la nation qui ne sont vraiment pas à la hauteur de leur mandat et qui doivent faire rire et retourner dans leur tombe leurs illustres prédécesseurs. Mais que croient-ils, ces petits députés de droite? Que la France est en péril parce que notre représentant à l'Eurovision a adopté la langue de Shakespeare? Après tout, lui aussi était européen. Et puis, l'art n'a pas de nationalité et s'exprime comme il veut. Laissons les artistes libres de leur choix. Quand Descartes philosophait en latin, menaçait-il l'identité de la France? Sûrement pas. Que Tellier chante en anglais s'il en a envie!

3- Sébastien Tellier, justement, parlons-en: l'avez-vous vu? Quel look! Je ne le connais absolument pas, mais ce que je lis sur lui me laisse pantois, perplexe. En concert, son humour potache le conduit à demander à son public de "voter FN", parait-il. C'est de l'humour anglais, peut-être? A la télévision, devant Hortefeux, il a suggéré à celui-ci l'emploi de catapultes pour expulser les sans-papiers. Je suppose que c'est du second degré... J'ai noté cette phrase qui résume à mon avis le personnage:

"Je suis un mec bicéphale. L'Eurovision, c'est paradoxal par rapport à mon image intello-hype, donc ça me plaît car c'est une suite de n'importe quoi qui créée ma propre logique."

Je reconnais une partie de notre époque et de notre société dans cette phrase. Des "mecs bicéphales" dont la logique est "une suite de n'importe quoi", j'en connais pas mal...

4- L'Eurovision, comme son nom l'indique, est un concours ouvert à tous les pays d'Europe parmi lesquels nous retrouvons... la Russie et Israël. De quoi nous faire réfléchir sur le destin de l'Union, à laquelle n'appartiennent pas ces deux pays! Et si l'Eurovision était une émission... visionnaire, qui anticipe l'avenir du continent? Car l'Europe a cette particularité, qu'elle partage avec les Etats-Unis d'Amérique, que ses frontières sont extensibles. Où doivent-elles s'arrêter? En Sibérie? Pourquoi pas. La Russie est occidentale, pas orientale. Et Israël, sa culture, sa religion, ses institutions, son histoire, pour le meilleur et pour le pire, sont liées à l'Europe, pas à l'Asie, pas à l'Afrique, pas aux Amériques.

Vous voyez comment un simple concours de chansonnettes peut nous amener à des considérations politiques de la plus haute importance...


Bonne fin d'après-midi
et bonne chance à Sébastien!

Les 4 mousquetaires.

C'était pendant les vacances de Noël. Je me morfondais devant cet écran, ressassant des pensées pas toujours positives. Rien ne se passait comme je le voulais, aux municipales de Saint-Quentin. L'inimaginable, le pire se produisaient. La section était divisée, la défaite était programmée, l'avenir obstrué. Quelles vacances! J'ai alors lancé un appel, pour voir, un billet qui proposait à celles et ceux qui se reconnaissaient dans le projet de rénover le PS de se rencontrer. Car le socialisme, ça ne pouvait pas être l'affligeant spectacle que nous en donnions à Saint-Quentin.

Surprise, j'ai eu plusieurs réponses, d'un bout à l'autre du département, suffisamment pour que nous organisions un premier rendez-vous, fin janvier, chez Pierre, à Crouy, près de Soissons. Nous étions une dizaine, ce qui n'est pas si mal que ça, les échanges ont été intéressants. Enfin, pour une fois, nous pouvions discuter sans arrière-pensées, sans enjeux de pouvoir, sans considérations tactiques, sans positionnements artificiels. Librement. Ca fait du bien, ça m'a fait du bien. Essayez, vous verrez!

Thierry a fait un compte-rendu de cette réunion, que vous retrouverez quelque part dans les archives de ce blog, en fin janvier ou début février. Et puis, les municipales sont arrivées, difficile donc de mobiliser. Nous reprenons samedi 31 mai ces rencontres, la deuxième du genre, à Saint-Quentin cette fois, dans l'après-midi (pour participer, me contacter: emmanuel.mousset@wanadoo.fr) .

Qui sommes-nous? Quatre mousquetaires de la rénovation, de sensibilités socialistes différentes, mais conscients que le PS ne peut plus rester en l'état, qu'il faut le rénover en profondeur: il y a Thierry pour la Thiérache, Pierre pour le Soissonnais, Sylvain pour le sud de l'Aisne et moi pour le Saint-Quentinois. Attention, je ne suis pas d'Artagnan! Nous constituons un groupe informel où chacun demeure libre de ses opinions. Mais nous sommes convaincus que le système des courants est devenu stérile et qu'il étouffe les vraies sensibilités d'idées. Nous pensons qu'il est plus utile pour des socialistes de dialoguer que de s'affronter.

Que voulons-nous? Se rencontrer, discuter, agir, contribuer à l'émergence d'un socialisme moderne, transformer nos pratiques, ne pas laisser les responsabilités à la droite, à Saint-Quentin comme ailleurs, construire une alternative crédible. Vous aussi? Alors rejoignez-nous! A samedi prochain.


Bonne fin de matinée.

Pour.

Bonjour à toutes et à tous.

Les socialistes sont très divisés sur la réforme des institutions proposée par Nicolas Sarkozy. Un sujet de plus! Mais là, nos dissensions sont importantes. Delanoë est plutôt pour, Lang est carrément favorable, Royal est plutôt contre, la direction du Parti semble hostile et quelques députés appellent dans Le Monde d'hier à la soutenir. Y aura-t-il accord au moment du vote au Parlement? C'est souhaitable. La discussion est une bonne chose, l'expression d'opinions différentes ne me choque pas, c'est aussi un signe de vitalité et de richesse. Mais nous sommes en politique, l'opinion nous écoute et nous regarde, nous nous devons à un minimum de cohérence et de cohésion, qui fait aujourd'hui défaut au Parti socialiste sur à peu près tous les sujets. Et se dire que c'est pire à droite, avec les désormais fameux "couacs" au sommet de l'Etat, ce n'est pas une réponse. Je n'aime pas les lots de consolation.

Cette réforme des institutions, qu'est-ce que j'en pense, qu'est-ce qu'il faut en faire? Trois réactions de ma part:

1- Les institutions, excusez ma brutalité, les Français s'en fichent. C'est sûrement un tort, mais c'est comme ça, et c'est compréhensible: pouvoir d'achat, hausse du carburant et des denrées de base, chômage, éventuellement inégalités, oui, ces questions préoccupent, d'autant que les Français n'ont pas les réponses. Mais savoir si Sarkozy doit intervenir directement devant l'Assemblée Nationale ou par message lu, non, cela n'intéresse quasiment personne. Avant de se prononcer sur cette réforme, il faut d'abord avoir à l'esprit cette donnée. L'affaire est constitutionnellement très importante, elle est politiquement quasi nulle. Sarkozy n'aura électoralement presque rien gagné si sa réforme passe, les socialistes n'auront rien perdu s'ils le soutiennent.

2- Cette réforme institutionnelle et l'attitude que les socialistes doivent adopter posent une question cruciale: quel type d'opposition devons-nous mener? A Paris comme à Saint-Quentin, j'ai depuis longtemps, en ce qui me concerne, la réponse: cette opposition ne doit pas être frontale, systématique, elle ne doit pas bloquer tout compromis avec la droite, quand c'est possible, utile et souhaitable. Les héritiers des années 70 ne seront pas d'accord: ils ont été élevés dans une stratégie qui refusait toute concession, où rencontrer Giscard était déjà perçu comme une trahison (quand le radical de gauche Robert Fabre l'avait fait, c'était, pour beaucoup, Montoire!), où le moindre rapprochement avec la droite valait condamnation. A Saint-Quentin, la pendule s'est arrêtée sur cette époque-là. En vue des municipales, j'avais prôné une campagne positive, une opposition ciblée, une démarche de propositions plus que de contestation. Résultat: pour certains, certes pas les plus finauds, je suis "pour Pierre André". Que voulez-vous répondre à ça!?

3- Les institutions ne sont pas un sujet comme un autre. Il est question du cadre qui organise notre vie démocratique. Tous les républicains devraient là-dessus pouvoir s'accorder. Après, ce qu'on met dans ce cadre, la politique à adopter, le clivage droite-gauche reprend ses droits. La République ne s'est implantée en France qu'à partir du moment où cette idée, radicale au XIXème siècle, a rallié les milieux modérés et conservateurs. La réforme que propose Sarkozy n'est pas si fondamentale. Elle améliore le fonctionnement des institutions, les démocratise un peu, limite un peu les pouvoirs du chef de l'Etat. Nous sommes loin d'une VIème République, mais ces progrès sont bons à prendre. Prenons les. Les socialistes retrouveront les faveurs de l'opinion sur les questions économiques et sociales, pas sur la Constitution. Des camarades dont je me sens proche, Le Guen, Valls, l'ami Dosière, sont favorables à cette réforme. Moi aussi.


Bonne matinée.

23 mai 2008

Une histoire de réac.

Une histoire de fou, je ne vois pas comment la qualifier autrement, cette décision du Parlement de rendre possible la non-mixité à l'école. Jusqu'où la droite va-t-elle aller dans les mesures réactionnaires? J'emploie, comme toujours, les mots avec soin: réactionnaire, celui qui veut retourner à un ordre ancien, revenir à une situation passée. Allons-y pour la séparation garçons-filles, que notre société et son système éducatif avaient abolie dans les années 60. Comment ne pas y voir une revanche sur Mai 68, en plein milieu de son quarantième anniversaire? Car le mouvement est né d'une revendication très particulière, presque anecdotique mais combien lourde de signification, dans la société puritaine de ce temps: que les garçons puissent aller, sur le campus de Nanterre, dans le bâtiment des filles. Vous vous rendez compte: des étudiants, la plupart majeurs, n'avaient pas à l'époque cette permission! Quelle époque! Les vrais nostalgiques de 68 ne sont pas ceux qu'on croit, mais les défenseurs de ce monde-là.

Histoire de fou, parce que les auteurs de cette régression n'ont même pas le courage et l'honnêteté de l'assumer, ils se réfugient derrière... une directive européenne qui serait à l'origine de cette décision. Incroyable! A nouveau, l'Europe devient le bouc émissaire, comme les Fêtes du Bouffon à Saint-Quentin ont failli être privées de leur mémorable soupe à cause d'une directive européenne sur les branchements de gaz! Là où on navigue en pleine folie, c'est que l'éducation n'a jamais fait partie des prérogatives européennes. Ce n'est donc pas une directive qui peut nous imposer la non-mixité.

De plus, et l'on monte d'un cran dans l'univers de la folie, les accusateurs de l'Europe pointent du doigt une directive "anti-discriminations" qui les obligerait à remettre en question la mixité. Mais dites-moi: séparer les garçons et les filles, vous appelez ça comment? Moi, je qualifie cet acte de discriminatoire. Discriminer, au sens propre, c'est distinguer, séparer. Bref, des petits malins nous expliquent qu'une loi contre les discriminations impose une discrimination. Une histoire de fou, vous dis-je!

La mixité, il ne faut pas y toucher, pour quatre raisons:

1- Par principe: se mélanger est mieux que s'éloigner les uns des autres. L'esprit de clan, de caste, non, je n'aime pas ça. Car ce n'est pas républicain. L'entre soi est un principe bourgeois auquel nous devons opposer la fraternité.

2- Pour une raison psychologique: garçons et filles doivent apprendre à se connaître, dès le plus jeune âge. Les séparer n'est vraiment pas les aider dans leur construction personnelle, dans leur rapport les uns avec les autres. Les isoler selon le sexe, ce serait faire naître des fantasmes, qui naissent toujours de la méconnaissance de l'autre.

3- Pour une raison pédagogique: il est bon qu'il y ait émulation scolaire entre garçons et filles. Les statistiques montrent que les filles sont un peu meilleures. A elles de donner l'exemple, d'élever le niveau des classes. Mais ne constituons pas de ghettos. Je me vois mal en train de faire cours à une classe de mecs ou à une classe de nanas.

4- Pour une raison sociale: la non-mixité est une fumisterie vouée à l'échec, dans une société où garçons et filles, en dehors de l'école, sont ensemble, se fréquentent. Comment croire qu'elle aurait des vertus quand la rencontre, le mélange, le partage, le métissage irriguent par bonheur toute notre société.

Une vraie histoire de fou, une triste histoire de réac.


Bonne nuit.

Mes inquiétudes.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai dit hier que j'avais été séduit mais non conquis par Delanoë. Pour ne rien vous cacher, j'ai été tenté d'aller demain à Paris au grand rassemblement des delanoïstes (faut-il désormais les appeler ainsi?). Pour voir, pour écouter. Il n'y a pas de mal à rencontrer d'autres camarades. A Saint-Quentin, il est frustrant de ne pas pouvoir discuter normalement. Et puis non, j'ai renoncé. D'autres choses à faire, certes, mais surtout une cohérence à respecter: je suis strauss-kahnien, notre courant se réunit dimanche 1er juin avec les Reconstructeurs, je me réserve pour ce moment-là.

Il y a une raison plus profonde, plus politique. La clarté de Delanoë me plaît, c'est vrai, j'applaudis à son "audace", dont il a fait le titre de son ouvrage, j'adhère au contenu de ses analyses, j'approuve l'essentiel de ses propositions, du moins pour ce que j'en ai lues. Cependant, sa démarche m'inquiéte. Il y va, vers la présidentielle, c'est son droit, mais c'est beaucoup trop tôt. Dans trois ans, je vous redirai ce que j'en pense, ce blog fonctionnera sûrement encore. Mais maintenant, non, impossible de juger. Je suis inquiet pour Bertrand et son avenir. Quoi qu'on pense de lui, il est un atout pour le Parti socialiste. Or, en montant immédiatement au front, il s'expose, s'offre aux coups de la droite (et d'une partie de la gauche!), devient vulnérable, compromet cette candidature qu'il s'efforce pourtant de construire et de rendre crédible. 4 ans avant le grand combat, sortir le grand jeu, c'est une erreur.

Le secrétariat du PS comme antichambre de l'Elysée? C'est une théorie anachronique, valable sous Mitterrand dans les années 70. Aujourd'hui, elle est caduque. Le temps qui passe est impitoyable, l'opinion brûle très vite ce qu'elle a adoré, des évènements peuvent surgir et changer complétement la donne. Les présidentiables socialistes devraient soigner leur image de présidentiables, faire leur preuve ailleurs, à l'instar de DSK à la tête du FMI. Se lancer tout de suite dans la bagarre, c'est maladroit. Sarkozy ne s'est pas fait élire parce qu'il est devenu le patron de l'UMP, mais parce qu'il s'est fabriqué une belle popularité à la tête du ministère de l'Intérieur. Sans cela, surfant sur le besoin de sécurité, jamais Sarkozy n'aurait été le présidentiable qu'il est devenu. Delanoë premier secrétaire du PS, ce ne serait pas bon pour lui. En tout cas, il a plus à y perdre qu'à y gagner.

Et ne croyez pas que cette désignation trancherait le problème du leadership pour les présidentielles. Au contraire, les rivalités s'en trouveraient exacerbées. Les postulants tenteront de toute façon leur chance, même avec Delanoë à la tête du parti. Mon inquiétude est surtout là: cette fichue division entre socialistes, telle qu'on l'a vue se déployer superbement à Saint-Quentin. Elle hypothèque systématiquement la possibilité de gagner. Il faut donc travailler sans relâche aux conditions du rassemblement. Pour Saint-Quentin, c'est raté, et en beauté! Il faudra attendre la prochaine échéance, faire en sorte que ce ne soit pas une nouvelle défaite. Au niveau national, la situation est moins désespérée, mais mes craintes sont grandes. Les conditions du rassemblement, c'est que la question des présidentiables (quel est le meilleur candidat pour l'emporter?) ne soit pas posée maintenant, et surtout pas pendant le congrès.

Notre urgence est ailleurs, et le travail est immense: reconstituer une véritable opposition, formuler un nouveau projet, réfléchir à nos alliances, rénover nos pratiques, concevoir un nouveau parti socialiste, qui fasse suite à notre nouvelle déclaration de principes et à nos nouveaux statuts. Pour la présidentielle, nous avons le temps: patience! Pour le projet, c'est urgent, c'est maintenant.

Une dernière chose, et non des moindres: Ségolène Royal est là, elle veut elle aussi se présenter, c'est également son droit. Sur Bertrand, elle a un avantage: 17 millions de voix se sont portées sur son nom, elle a déclenché en sa faveur un phénomène de popularité qui ne s'est pas éteint, elle a favorisé très largement la mutation du PS. Grâce à elle, plus rien ne sera jamais comme avant au sein de notre parti. Cela ne s'oublie pas, cela compte. Sa légitimité à être notre candidate est aussi grande que celle de Bertrand. S'opposer entre réformistes, ce serait catastrophique! Une saine rivalité, une émulation loyale, pourquoi pas, mais le moment venu, et pas trop longtemps. Mais dès maintenant, et pendant quatre ans, non. Nous avons autre chose à faire. Les Français ne choisiront pas d'abord une tête mais un projet. Celui-ci devra être mobilisateur et aller au devant des aspirations actuelles. Il y a du boulot...


Bonne soirée.

22 mai 2008

Né-go-cia-tion.

Bonsoir à toutes et à tous.

Du monde ou pas beaucoup de monde à la manif saint-quentinoise contre la réforme des retraites? Je ne sais pas, j'ai trouvé l'affluence modérée pour un rassemblement départemental. J'ai regretté que dans la prise de parole finale, le nom de Bertrand n'ait pas été cité et hué, comme il le mériterait. Cette réforme, c'est sa réforme. Le refus de négocier, la crispation sur les 41 années de cotisations, c'est lui qui en porte la responsabilité. Cette ville, Saint-Quentin, c'est la ville où il est maire-adjoint. Il aurait donc fallu le viser. Politiquement, la gauche locale ne se sortira de son marasme que le jour où elle osera attaquer Bertrand. Car l'avenir de la droite locale (et nationale?), c'est lui. C'est donc sur lui que nous devons concentrer nos attaques. Politiquement encore, celui qui prendra la tête de cette offensive, celui qui ne craindra pas le qu'en-dira-t-on local, celui-là deviendra naturellement le leader de la gauche. On ne devient chef qu'en se portant en tête des armées et en lançant l'assaut.

Dans cette affaire des retraites, ne nous voilons pas la face, les syndicats sont divisés, ils n'ont pas la même analyse de la situation ni les mêmes propositions de réforme. Une chose cependant les réunit, et les a aujourd'hui mobilisés ensemble dans la rue: c'est le refus de négocier affiché par le gouvernement et le ministre du Travail. Je dis bien: négocier. Bertrand a beau dire qu'il discute, qu'il consulte, il ne négocie pas. La négociation est un terme et un acte précis, qui a pour origine étymologique le commerce, le fait de vendre et d'acheter, le négoce. Négocier, ce n'est pas dialoguer, c'est échanger. Toute négociation est une transaction, qui oblige chaque partenaire à faire un pas vers l'autre, à lui céder quelque chose pour y gagner quelque chose, comme dans la transaction financière, on cède de l'argent pour obtenir un bien ou un service.

Xavier Bertrand ne négocie pas, il cause, il embobine, ne donne rien, ne lâche rien, à part quelques miettes. Je l'ai souvent écrit, je ne suis pas foncièrement hostile aux 41 ans de cotisations. Mais pas comme ça, pas pour rien. Sur un sujet aussi fondamental que les retraites, la négociation devrait être un passage obligé. Au lieu de cela, la droite en reste à son succès électoral de l'an dernier et aux promesses faites. Socialement, c'est un grand tort. Pendant longtemps, c'est la gauche qui refusait la négociation, perçue comme une trahison. Toute réforme devait passer par le Parlement et la loi, pas par les partenaires sociaux. Avec la pratique du pouvoir et son expérience gouvernementale, la gauche a changé, elle est aujourd'hui plus portée sur la négociation. Mais c'est la droite qui maintenant se raidit, refuse de négocier pour faire passer d'en haut ses réformes régressives.

La négociation, c'est d'abord un état d'esprit, la prise en compte du point de vue de l'adversaire, un pari sur l'intelligence des parties en présence, la volonté d'éviter le conflit, le souci de s'entendre, aux deux sens du terme. Je ne trouve rien de tout ça chez Xavier Bertrand. Quand je l'avais rencontré à l'été 2003, sur ce sujet des retraites, il aurait pu être bienveillant à mon égard, je n'étais rien par rapport à lui. Non, il a cherché à m'écraser. Je crois que c'est son état d'esprit, à l'égard de quiconque qui s'oppose à lui.

Mais la vieille gauche, elle non plus, n'a pas cette culture de la négociation, qui n'appartient qu'à la social-démocratie. Souvenez-vous de ce qui s'est passé il y a quelques mois, à Saint-Quentin, à l'approche des municipales: la vieille gauche poperéniste en embuscade, misant sur le rapport de forces, jouant la montre, utilisant exclusivement la procédure. Les réformistes avaient beau appeler au dialogue, rien n'y faisait: impossible de négocier avec eux une tête de liste unanime, impossible de discuter sur les alliances, tout a été imposé, contre l'avis de la section. Il faudra encore beaucoup de temps pour que cette culture de la négociation et du compromis s'implante chez nous, dans le Parti et en France.


Bonne soirée.

Libéral et socialiste.

Bonjour à toutes et à tous.

Le livre de Bertrand Delanoë sort cette semaine, mais les bonnes pages sont parues dans la presse. Et j'avoue être assez emballé par le contenu. Jusqu'à maintenant, Bertrand n'était pour moi qu'un ancien jospiniste dont je cernais mal la pensée. Avoir conquis Paris ne prédispose pas, en soi, à conquérir le PS puis la France. Mais là, avec ce bouquin, je suis séduit, et je vous dis pourquoi, en quelques rapides points:

- Enfin la franchise, le courage et l'intelligence de dire qu'on est libéral, puisque c'est ainsi que Bertrand se présente: "libéral et socialiste" (je crois que j'avais intitulé ainsi l'un de mes billets cet été). Politiquement, économiquement, culturellement, oui, un socialiste doit être un libéral, parce qu'un socialiste est un défenseur de la liberté, sous tous ses aspects.

- Libéral ET socialiste: ce qui signifie que Bertrand Delanoë, tout en vantant les mérites de la flexibilité, de la concurrence et de la performance, souhaite que l'Etat, la Fontion Publique et l'impôt jouent pleinement leur rôle. C'est ce qui distingue et oppose la gauche et la droite.

- Nicolas Sarkozy est un "anti-libéral". Merci à Bertrand de dire cette vérité que personne n'ose souligner, parce qu'elle n'entre pas dans les cadres de pensée habituels. Sarkozy est étatiste, protectionniste et conservateur. Sur les questions de société, son anti-libéralisme est flagrant.

- Sur l'Europe, Bertrand a cette formule, qu'on devrait graver dans tous les esprits socialistes, sauf quand ils sont trop mous pour cela: " Cette triste époque de toute notre histoire collective, qui a vu une grande partie de la gauche française rejeter une constitution européenne au motif qu'elle aurait été "libérale". En lisant ça, la colère me revient, je repense à ces socialistes qui ont trahi la décision majoritaire de leur parti, qui ont tracté avec d'autres, contre lui, contre l'Europe. Cet épisode-là, je ne suis pas prêt de l'oublier. Leur soi-disant "anti-libéralisme", leurs fadaises sur "l'autre Europe", tout cela n'était qu'une énorme supercherie qui a libéré les pulsions cocardières et qui a préparé la victoire de Sarkozy, lui aussi pas très chaud partisan de l'Europe. Ils me font marrer, ceux qui critiquent la concurrence et qui la pratiquent et en profitent dans leur vie quotidienne! Supercherie que tout ça, c'est le mot le plus juste qui me vient à l'esprit.

- "Social-démocrate", c'est ainsi que Bertrand se définit, en récusant au passage le social-libéralisme. Vous comprenez pourquoi je suis séduit.

- Sur notre Parti, là encore, Bertrand a des mots justes et durs. Il dénonce "l'état d'esprit alangui d'un parti de notables". Je ne vois pas qu'on puisse dire mieux (ou pire...). C'est ce que nous sommes devenus, c'est ce qu'il faut changer.

- Bertrand veut rompre avec l'esprit de "synthèse", cette tradition socialiste qui masque les renoncements, les accommodements, l'opportunisme, et qui débouche sur la confusion et l'impuissance. Il est favorable à des "différences assumées". Oui, oui et oui: à Saint-Quentin aussi, il faut que les réformistes, les sociaux-démocrates, les rénovateurs, peu importe le nom qu'on leur donne, assument pleinement, clairement et, quand il le faut, brutalement leur "différence", en faisant en sorte qu'elle demeure majoritaire. Et ne pas se laisser tenter par le consensus mou, la synthèse pâteuse dans lesquels pourraient vouloir les engluer ceux qui occupent les quelques petites places, à la suite du subterfuge que vous savez.

Attention, je suis séduit par Delanoë, je ne suis pas conquis. Je reste ce que je suis: strauss-kahnien.


Bonne journée de manifestations (A St Quentin, 17h30, place du 8 Octobre).

21 mai 2008

Nos hussards noirs.

Bonsoir à toutes et à tous.

J'ai animé hier après-midi un stage à l'IUFM de Laon sur le thème de la responsabilité, devant un public d'instituteurs et professeurs des écoles. Je vous livre en vrac quelques réflexions que j'ai soumises à débat:

La responsabilité de l'élève et de l'enseignant sont-elles de même nature? Responsable, étymologiquement, c'est celui qui est apte à répondre, qui maîtrise donc le langage. Est-ce le cas de l'enfant? La responsabilité prend son sens dans la durée: s'engager, promettre, tenir parole. L'enfant a-t-il la même perception du temps que l'adulte? Etre responsable, c'est assumer une part de pouvoir. Laquelle faut-il donner à l'enfant? La responsabilité s'exerce à l'égard d'autrui, dont on est responsable, qu'on a "sous" sa responsabilité. Mais ne commence-t-elle pas dans la responsabilité de soi, de son corps, de sa santé, de son apparence? Le "poids" des responsabilités n'en fait pas une partie de plaisir. On les fuit plus qu'on ne les recherche. Comment alors donner aux élèves le "goût" des responsabilités? Responsabilité individuelle et collective, l'une et l'autre sont-elles nécessaires? Travailler, n'est-ce pas être naturellement responsable de ce qu'on fait? L'école doit-elle former des enfants-citoyens? Et comment y parvenir dans une société qui a fait l'enfant roi? Etc.

Les échanges ont été riches, fructueux, motivés, pleins d'idées, de suggestions, de critiques. Nos enseignants des écoles ont de l'énergie à revendre, des propositions à faire, de l'ambition pour leurs élèves. Rien à voir avec l'image parfois véhiculée d'un corps enseignant fatigué, blasé, déprimé. La République est toujours vivante dans les classes. Et c'est heureux, parce que si l'esprit républicain n'y soufflait plus, c'est toute la société qui serait déstabilisée. Les maîtres ont la belle et grande volonté de rendre les élèves fiers de ce qu'ils sont et font. C'est peut-être le plus important. Leur pédagogie passe par mille petites choses, des trucs, des trouvailles qui conduisent les enfants et les classes vers la réussite.

L'une m'a particulièrement marqué, racontée par une instit: quand un élève a bien travaillé, bien agi, elle lui serre la main. J'ai été surpris, c'est inhabituel, un enseignant dit bonjour ou au revoir, il ne salue pas ainsi ses élèves. Et pourtant, la poignée de main a quelque chose de beau: elle signifie le remerciement, la récompense, elle élève celui qui la reçoit, elle fait s'incliner, par respect, l'adulte qui la donne, elle établit une égalité temporaire et méritée, sans nulle démagogie, entre l'enfant et l'enseignant. C'est un grand moment de dignité que de voir le professeur et l'élève se saluer ainsi. Quelle misère de constater que la poignée de main, entre adultes, a tendance à se perdre: on se fait de ridicules "bisous" ou bien une embrassade à l'américaine. Dans mon milieu socialiste, il y a même des hommes qui se font entre eux la bise! Il paraît que c'est à la mode... Mais moi, ces baisers me font plutôt penser à Judas...

Charles Péguy disait de nos instituteurs qu'ils étaient "les hussards noirs de la République". Je n'ai jamais beaucoup aimé ce terme, dont tout le monde a oublié le sens précis. Mais je constate qu'un siècle après, ils sont toujours là, nos hussards noirs, debouts, enthousiastes, combatifs.


Bonne soirée.

Bon débarras.

Bonjour à toutes et à tous.

L'évènement est passé inaperçu parce que c'est un tout petit évènement. Je l'ai appris incidemment, en écoutant France-Info: Brunot Mégret quitte la vie politique. Pourquoi vous parler de ce petit chef de l'extrême droite? D'abord pour une anecdote: c'était en 1983 ou 1984, j'étais manutentionnaire à Angers, dans une librairie, quand j'ai su que se réunissaient les CAR, Comités d'Action Républicaine, à l'époque la droite de la droite, présidés par un inconnu, polytechnicien, ancien RPR, membre du très droitier Club de l'Horloge: Brunot Mégret! Ces CAR manifestaient de la sympathie pour une extrême droite qui engrangeait alors ses premiers résultats électoraux importants. Le CAR d'Angers avait invité une personnalité médiatique, le journaliste Dominique Jamet, lui aussi très à droite, et très habile, vedette parmi d'autres de l'émission de télévision "Droit de réponse".

La salle était remplie, une centaine de personnes, et à l'entrée des gros bras. Je me suis glissé dans le public et j'ai attendu le moment propice pour interpeller la tribune (je ne sais plus très bien sur quel sujet, la collusion des CAR avec le FN, je crois). Mon intervention a fait son petit effet, provoquant divers mouvements d'humeur. J'ai quitté alors les lieux, de façon un peu théâtrale, sauf qu'un gros bras à la sortie m'a empoigné par les cheveux (que je portais longs) et m'a fait voyager sur quelques mètres... Rien de terrible, ça n'a pas fait de moi un héros, mais le nom de Mégret m'est resté en mémoire. Jusqu'à ce qu'il acquiert une notoriété nationale, quelques années plus tard, d'abord comme n°2 du FN, puis comme rival de Le Pen, et devenir candidat à la présidence de la République.

Mais j'évoque Mégret, à l'occasion de son retrait de la vie politique, pour une autre raison, plus profonde: des diverses péripéties de cet extrêmiste de droite, je retiens une leçon, c'est que les appareils n'ont pas en politique l'importance qu'on leur attribue. Il y a 10 ans, Mégret déserte le FN et emporte avec lui une bonne partie des cadres du Parti, qui aurait dû normalement ne pas survivre à cette scission. C'est d'ailleurs ce que j'ai cru à l'époque. D'autant que Mégret montrait un visage plus rassurant et plus intelligent de l'extrême droite que Le Pen. Son objectif était manifestement de susciter une sorte de berlusconisme à la française, qui a lamentablement échoué. Pourquoi? Parce que le vieux Le Pen et son image de baroudeur d'extrême droite ont été plus puissants auprès des électeurs que le droitisme new look du MNR, Mouvement national républicain, dirigé par Mégret.

Les appareils n'ont plus aujourd'hui le rôle d'il y a 30 ans. Ségolène a conquis le PS en le contournant, pas en le conquérant. Dosière dans l'Aisne s'est fait réélire député en étant pourtant exclu du PS. Même chose aux municipales à Château-Thierry avec Krabal. Ce sont les électeurs qui font l'élection, pas les militants. Mégret avait avec lui la majorité des cadres du FN, mais Le Pen avait mieux, il avait l'opinion pour lui. A Saint-Quentin, aux municipales, l'addition de 8 organisations, avec l'approbation de la Fédération socialiste, n'a pas empêché la défaite. Le résultat d'une élection ne se décide plus dans un bureau, entre militants, cochant les soutiens qu'ils accumulent. Et c'est tant mieux: la démocratie ne gagnait rien à ces calculs d'apparatchiks. En attendant, Mégret s'en va, bon débarras.


Bon après-midi.