L'Aisne avec DSK

30 novembre 2007

Les calculs et les convictions.

La presse locale a abondamment évoqué, ces deux derniers jours, les péripéties et divisions parmi les socialistes de Saint-Quentin. C'était inévitable. On ne peut pas cacher longtemps le feu qui couve. Les majoritaires de la section, dont je suis, ont tenu une conférence de presse. Normal, il fallait s'expliquer, autour de notre secrétaire de section, sur la cacophonie en cours. Les journalistes ont été un peu sceptiques, et c'est normal: qui peut comprendre ces conflits internes, alors que la sagesse et l'intérêt nous obligeraient à nous unir? Mais c'est ainsi , la crise est là, inutile de la nier, et nous devons l'expliquer. Je vais faire volontairement très court, en trois points, et après, plus besoin d'y revenir:

1- La logique des courants est suicidaire, il faut en sortir et donc rejeter le candidat issu de cette logique.

2- Le fait majoritaire doit être scrupuleusement respecté. Il faut demander au candidat minoritaire de renoncer.

3- Nous devons préparer une liste socialiste et ouverte, en opposition à la liste fermée et réservée aux membres d'un courant, qui nous sera officiellement présentée.

Voilà, c'est aussi simple que cela. Que répond le candidat minoritaire à ces déclarations (dans L'Aisne Nouvelle du 29 novembre): "Ils [les majoritaires] ont juste loupé leur calcul politique en ne présentant pas de candidat". Ahurissement et incrédulité du candidat minoritaire: pour lui, dans sa culture à lui, vieille d'une trentaine d'années, faire de la politique, c'est se porter candidat, c'est mesurer le rapport de forces en votre faveur. Qu'on soit majoritaire mais qu'on refuse de "se compter", c'est pour lui presque contre nature, anormal, quasi monstrueux. C'est que pour lui, et sa déclaration à la presse est révélatrice de ce point de vue, la politique est faite de "calculs". Il ne voit pas l'action publique autrement.

Peut-il faire l'effort de songer que la politique n'est pas nécessairement affaire de "calcul" mais qu'elle peut et doit reposer sur des convictions. La candidature concertée et unanime, le refus des candidats de la dernière minute, le rassemblement de tous les socialistes parce que la droite saint-quentinoise est puissante, tous ces principes relèvent pour nous, Jean-Louis, Stéphane, Michel, Jacques et tant d'autres, de convictions. On peut trouver celles-ci naïves, intransigeantes, ridicules, elles ont néanmoins leur cohérence, elles sont pour moi le passage obligé vers la rénovation.


Bonne nuit.

Trois remarques.

Bonsoir à toutes et à tous.

1- François Bayrou lancera ce week-end son Mouvement Démocrate. Dans Le Monde, ses anciens amis en font un portrait peu flatteur. Mais en politique, c'est ainsi avec les anciens amis, même parfois avec les nouveaux. Peu importe la psychologie de Bayrou et son avenir. La seule chose qui compte, c'est un chiffre, son résultat à la présidentielle: près de 18%. Et pour les socialistes, une vraie question politique: que faire avec ces 18%? Les ignorer, les condamner ou les comprendre et s'en rapprocher. J'ai fait mon choix, c'est la deuxième réponse. Ségolène Royal aussi a fait son choix, si j'en crois les rumeurs qui précèdent la parution de son ouvrage-bilan, mardi: elle aurait proposé à François Bayrou Matignon en cas de victoire. Si l'information se confirme, ce sera un choc salutaire pour le PS, et l'occasion de réfléchir à ses alliances futures.

2- Hier, je vous parlais de "l'homme de guerre" qu'est Nicolas Sarkozy, dans le rapport verbal et politique qu'il entretient avec les banlieues pauvres. Cet état d'esprit, qui veut l'état de siège dans ces cités réprouvées, se répand un peu partout. Avant hier, sur RTL je crois, un journaliste demandait à je ne sais plus qui pourquoi les policiers avaient "reculé" devant les casseurs, y voyant une faiblesse et un échec des forces de l'ordre. Il a fallu que le responsable ainsi interpellé explique que la police n'avait pas pour mission d'attaquer ni de vaincre, mais de rétablir l'ordre avec les moyens et les méthodes appropriés. Un repli tactique n'est pas une retraite militaire! Un policier n'est pas un soldat! Mais c'est désormais de cette façon que sont considérées les parties en présence, des deux côtés.

En effet, le même jour, un casseur, toujours à la radio, justifiait ses actes en disant que les "civils" n'étaient pas visés ni victimes. Outre le mensonge, puisqu'une bibliothèque et des magasins ont été incendiés, c'est l'emploi de ce mot qui est surprenant et révélateur. Les policiers sont perçus comme des militaires! Alors que tous les efforts de la République depuis ses origines ont consisté à dissocier le policier, gardien de la paix, chargé de l'ordre intérieur, du militaire, professionnel de la guerre, chargé de l'ordre extérieur. Confusion des genres, lapsus, qui en disent long sur la psychologie ambiante ...

3- Savez-vous que j'ai un sympathique et talentueux concurrent, un camarade bloggeur du nom de Quintinus? Allez voir, c'est intéressant, très bien écrit, respectueux de la vérité, plein d'annotations psychologiques finement observées, et beaucoup plus acide et audacieux que ce que je vous raconte. Que voulez-vous, j'ai certains scrupules, je n'ose pas tout dire, il y aurait pourtant matière. Quintinus est un romain, chrétien et faiseur de miracles, qui s'est fait décapiter en l'an 303 et qui a donné son nom à la ville où je vis, je travaille et où j'essaie de faire de la politique. Je ne souhaite pas à mon camarade le même sort, mais qu'il n'oublie pas la chanson de Guy Béart: "Le premier qui dit la vérité, il sera exécuté". Son adresse: http://saint-quentin.over-blog.com/


Bonne soirée.

Mettre le feu.

Mettre le feu aux poubelles, aux voitures et aux banlieues est-il le dernier acte subversif qui fait trembler notre société? Sûrement pas. Les habitants de ces quartiers déshérités tremblent de misère, l'opinion publique qui assiste au spectacle dans le journal de 20 heures tremble de peur, les émeutiers tremblent de plaisir à casser, brûler et se montrer devant les caméras de télévision, mais la société ne tremble pas, le pouvoir au contraire sort renforcé de ces désordres qui n'ont rien de révolutionnaires. Nous vivons des révoltes à l'américaine, qui partent sans doute d'un sentiment d'injustice mais qui ne réclament aucune justice, se contentant seulement de détruire. La société n'a rien à craindre de voyous ou de jeunes désespérés.

Non, pour être aujourd'hui subversif, mettre le feu, il faut être autrement plus audacieux et original. C'est le cas du chorégraphe Jan Fabre, qui a présenté hier soir, en première mondiale à Athènes, son dernier spectacle, "I am a mistake", un éloge du plaisir et de la liberté de ... fumer. Fabre estime que le fumeur est devenu le paria de la société moderne, et que le choix de fumer, à contre-courant de la morale ambiante, subvertit l'ordre social. Ecoutez-le:

"Je condamne cette société du contrôle, qui vise une sorte de dictature du bonheur, où tout le monde doit faire de la gym, être en bonne santé, avoir l'air jeune, beau et productif".

Comment ne pas être d'accord? Je fume moi aussi, rarement en public, mais chez moi, tranquille, devant la télé, et que des cigarillos. C'est bon, à l'odeur et aussi au petit trouble qui vous monte à la tête, un peu comme la bière, une sorte d'état second, léger, raisonnable, parfois stimulant pour la réflexion. Et à chaque petit cigare que je prends, la boîte me rappelle que "fumer tue", et je m'en moque parce que je suis libre (la vraie subversion, c'est l'exaltation de la liberté). En même temps, je trouve très bien, et non contradictoire, les campagnes de santé publique dénonçant les méfaits et les dangers du tabac. Le plaisir oui, si l'on veut, mais en connaissance de cause, et dans le respect de l'autre, que je n'ai pas à enfumer! Ecoutez encore ceci de Jan Fabre:

"Ce qui m'intéresse aussi, c'est bien sûr l'aspect esthétique et sensuel qu'il y a dans l'acte de fumer. On perçoit dans la gestuelle des fumeurs à quel point celle-ci rejoint l'histoire du cinéma. Il y a un nombre tellement important de scènes de films où l'homme et la femme fument, s'échangent du feu, c'est extrêmement érotique".

Pas mal, non? L'artiste serait-il en passe de devenir le dernier contestataire de la société? En tout cas, la subversion est de ce côté-là, d'une cigarette qui grille, et pas d'une voiture qui brûle.


Bonne fin d'après-midi.

Pschitt.

Bonjour à toutes et à tous.

Alors, Sarkozy hier à la télévision, vous en avez pensé quoi? Je ne vous demande pas: comment l'avez-vous trouvé? Je présume qu'il a été très bien, comme à son habitude, c'est-à-dire très malin. Mais la forme ne m'intéresse pas, c'est le fond qui me préoccupe. On l'attendait sur le pouvoir d'achat, et je crois, à lire la presse de ce matin, qu'on peut encore attendre, et sans doute longtemps. Pour reprendre une expression de son prédécesseur, l'émission a fait "pschitt". Où est l'ambition, où sont les nouveautés, où sont les augmentations de pouvoir d'achat? Nulle part, sinon dans les espoirs déçus des électeurs de Nicolas Sarkozy.

Tout a commencé par l'actualité, les affrontements de Villiers-Le-Bel. La rhétorique Sarkozy sur la sécurité tourne à vide, enveloppée dans de belles formules martiales. "La République ne cédera pas un pouce de terrain". C'est bien parlé, ça frappe les esprits. Mais dites moi: dans un quartier ravagé par le chômage, la pauvreté, la délinquance, le délabrement, la fuite des commerces et le retrait des services publics, la République n'a-t-elle pas, depuis longtemps, cédé plus d'un pouce de terrain? Pschitt.

Les voyous qui ont utilisé des armes à feu? "Nous retrouverons les tireurs, un à un". Et les français emprisonnés au Tchad, que le président devait aller rechercher personnellement? Ils l'attendent toujours, dans leur cellule. Le "on va voir de ce qu'on va voir" n'aura qu'un temps. Pour le moment, il fait pschitt.

Et le pouvoir d'achat? Sarkozy a eu une idée géniale, "une véritable révolution": s'en prendre aux 35 heures, une fois de plus, comme un vieux comédien sûr de ses effets et reprenant les mêmes ficelles usées jusqu'à la corde. Taper sur les 35 heures, c'est populaire, donc on y va, pourquoi se priver! Tout en prenant soin de dire une chose et son contraire, en l'occurrence que les 35 heures sont "un acquis social" (donc pas si impopulaire que ça) et qu'il n'est pas question d'y toucher. Sauf qu'on les vide de leur contenu, en proposant la "monétarisation des RTT", c'est-à-dire la possibilité de racheter ces journées. Et que feront la moitié des salariés qui ne sont pas passés aux 35 heures? Et ceux qui tiennent toujours à profiter de la réduction de leur temps de travail? Pschitt.

La seule mesure qui me semble intéressante et positive, c'est à propos des loyers, de leur indexation sur les prix et non plus sur la construction, et de la réduction de la caution à un seul mois. Mais c'est bien peu pour un hyperactif qui n'est manifestement pas un hyperpensif, vu la pauvreté des propositions sur le pouvoir d'achat!

Les syndicats, à l'unisson, ont manifesté leur regret et leur réprobation. Pour réformer les régimes spéciaux de retraite, Sarkozy et Bertrand sont très forts. Mais pour relancer le pouvoir d'achat, là, il n'y a plus personne ... Pschitt.


Bon après-midi.

29 novembre 2007

Pouvoir d'achat.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je ne sais pas ce qu'a dit Nicolas Sarkozy ce soir à la télévision. Je n'étais pas là, je viens de rentrer de Chauny, où s'est déroulée la pièce de théâtre sur les violences conjuguales, et j'ai, comme lundi soir à Saint-Quentin, animé le débat. Donc, pas de Sarkozy! Peu importe, il faut savoir prendre son temps. Je lirai demain le résumé et les réactions. En attendant, je vais vous parler du PS, et les socialistes seraient bien inspirés de parler des socialistes au lieu de parler du chef de la droite.

Le PS a publié une déclaration avec 10 mesures en faveur du pouvoir d'achat. Très bien. S'opposer, c'est proposer. Et le pouvoir d'achat est le bon angle d'attaque de la politique gouvernementale, je l'ai toujours pensé et dit sur ce blog (avec la défense des services publics et la dénonciation des franchises médicales). L'autre mérite de ces propositions, c'est qu'elles sont financées. Je vous en donne et commente quelques unes:

- Le doublement de la prime pour l'emploi, juste revalorisation du pouvoir d'achat des travailleurs aux salaires très modestes (on les appelle aujourd'hui, d'une formule paradoxale, "travailleurs pauvres").

- Le rétablissement de la TIPP flottante. C'est une création socialiste, comme la prime pour l'emploi (que Besancenot et Balasko s'en souviennent, au lieu de s'en prendre aux socialistes). Elle permet de lutter contre les hausses de carburant, ce qui est devenu indispensable dans une société où l'automobile est autant un instrument de travail qu'un objet de divertissement.

- Le chèque transport obligatoire. La droite l'avait promis, elle ne l'a pas fait, alors que le transport est devenu un des problèmes les plus importants.

- La revalorisation des petites retraites. J'en parlais dans un billet il y a quelques jours. La vieillesse doit être le temps du confort. Il faut se battre là-dessus, c'est aussi une question de civilisation.

- L'encadrement des loyers en 2008, indexés sur le coût de la vie. Sarkozy a soigné les nouveaux propriétaires. Mais rien pour les locataires. C'est la marque de sa politique de classe. Le logement, avec le transport, est un point noir.

- TVA à 5% (c'est-à-dire une baisse de 0,5) sur les produits de première nécessité. C'est bien la moindre des choses, la plus élémentaire des justices, que de relancer par ce biais le pouvoir d'achat.

- Rattrapage des traitements dans la Fonction publique. Depuis des années, c'est le blocage et le retard. Il faut que l'Etat applique les règles et revalorise les salaires de ses fonctionnaires, au moins pour que ceux-ci, s'en même parler d'en gagner, ne perdent pas de pouvoir d'achat. L'Etat doit se montrer exemplaire à l'égard de ses agents.

- Deux mesures aideront à financer ce qui précède: un prélèvement exceptionnel sur les profits des compagnies pétrolières et la taxation des stock-options, ce qui nous conduit très loin de ce député UMP qui vient avec le plus grand sérieux du monde de proposer d'étendre les stock-options à l'ensemble des salariés!

Alors Besancenot et Balasko, vous continuez à prétendre que les socialistes ne sont pas là et qu'on ne les entend pas? Et vous, que proposez-vous?


Bonne nuit.

L'homme de guerre.

Bonjour à toutes et à tous.

Je parlais hier soir de la fièvre d'autorité qui s'empare de nos concitoyens, à forte dose moralisatrice, contre laquelle il est difficile de lutter tellement elle appartient à l'air du temps. Il faut pourtant lutter, quand on se réclame de la gauche. Avec quelle arme? La vérité. Regardez ce qui s'est passé à Villiers-Le-Bel, dont le chef de l'Etat va nous entretenir ce soir à la télévision. Que s'est-il passé, qu'est-ce qui a changé, qu'a-t-il fait depuis les émeutes de 2005, celui qui affirme qu'avec lui, "tout devient possible"? Rien. Ah si: la situation est pire, une étape dramatique vient d'être franchie, celle où l'on tire sur les policiers. Après la violence et la destruction, nous en sommes arrivés au crime. Alors?

Il y a quelques jours, j'expliquais dans un billet, à propos des rapports entre Sarkozy et l'argent, que le président nous entraînait dans la voie de l'américanisation de la société. Il en va de même pour les banlieues. Nous sommes en voie de ghettoïsation accélérée et assumée. Dans des quartiers où les problèmes s'appellent chômage, urbanisme inhumain, pauvreté, où les solutions sont créations d'emplois, revitalisation économique, réhabilitation des logements, développement de l'éducation, renforcement des services sociaux, Nicolas Sarkozy répond par ordre, autorité, police.

Cet homme-là, je le dis et le redis très fermement, lui éternel donneur de leçons en matière de sécurité, est totalement disqualifié pour parler de ce sujet et tenir un discours crédible. Jamais cet homme-là n'aurait dû devenir président de la République, quand on le juge à son incapacité en matière d'ordre public. Un ministre de l'Intérieur qui ne parvient pas à rétablir l'ordre en France pendant trois semaines, en novembre 2005, parce qu'il est en partie responsable des émeutes attisées par ses propos inconsidérés et provocateurs, cet homme-là devrait se taire et méditer sur ses échecs.

Mais, me direz-vous, cet homme, pourquoi les français l'ont-il élu, pourquoi lui font-ils confiance en matière d'ordre et de sécurité, alors que son échec est flagrant? Parce que Sarkozy s'est lancé dans une opération qui plaît, qui excite, qui assouvit des désirs partagés par beaucoup: Sarkozy a déclaré la guerre aux banlieues, son langage le prouve, ses mesures essentiellement policières l'attestent. Les émeutes, pour beaucoup de nos concitoyens, ce n'est pas un signe d'échec, mais au contraire une réussite: ca y est, la guerre est déclarée, on va les mater! Voilà ce qui est perçu et vécu par beaucoup, devant leur écran de télévision. La guerre des banlieues, c'est le spectacle du soir, avec Sarkozy comme général en chef, posture qu'il va probablement prendre une fois de plus ce soir à 20h00. C'est d'autant plus facile que les voyous se prêtent au jeu, participent à cette guéguerre. Les victimes, ce sont les habitants des lieux, qui assistent impuissantes à la destruction de leurs voitures, leurs écoles, de leur environnement.

Ce qu'il faudrait à la France, pour autant qu'elle le veuille, ce n'est pas un homme de guerre, c'est un homme de paix, quelqu'un qui ne parlerait pas des banlieues en termes hostiles mais fraternels, quelqu'un qui privilégierait les solutions économiques et sociales aux solutions policières (qui ont leur place, toute leur place, mais rien que leur place, c'est-à-dire qui ne doivent pas prendre toute la place). Sinon, la violence ira crescendo et la prochaine étape ne sera plus, comme aujourd'hui, la tentative de meurtre, mais le meurtre. Les français veulent-ils en arriver là, une situation à l'américaine? Moi pas.

Ce qui est effrayant, ce n'est pas tant ce qui se passe à Villiers-Le-Bel ou ailleurs que ce qui ne s'y passe pas. BHL l'a bien montré dans son dernier livre, en portant un regard nuancé sur les émeutes de 2005: la violence fait partie de notre histoire, elle est secrétée souvent par la misère, l'exclusion, la marginalité, le commerce illicite, etc. Mais cette violence, lors de la Commune de Paris ou de la Révolution française, était accompagnée, parfois encadrée par un discours politique ou idéologique. Aujourd'hui, il y a des cris, des coups mais dans un effroyable silence. Avez-vous remarqué que les émeutiers ne crient jamais, comme on s'y attendrait, "à mort Sarko!". Parce que c'est un conflit sans espoir, autodestructeur, mené par des jeunes qui sont eux aussi des enfants de Sarkozy, admirateurs de l'argent qui s'étale et de la société américaine dans ce qu'elle a de plus détestable. Oui, il nous faudrait vraiment, dans ce climat de guerre, un homme de paix.


Bonne matinée.

28 novembre 2007

La politique au quotidien.

Bonsoir à toutes et à tous.


Je parlais hier de culture et de sa nécessité, même de sa priorité dans le combat politique. Je ne parlais pas de grande culture, bien sûr, mais de ces habitudes, réactions, comportements, pensées, propos qui forment au quotidien une culture, c'est-à-dire un environnement de vie, une existence humaine, un tissu social. Hier soir, j'assistais au conseil d'administration de mon lycée: l'ordre du jour portait essentiellement sur le budget. La routine, comme souvent. Puis viennent les questions diverses, là où, parfois, un peu de vie se manifeste. C'était le cas hier soir. Nous avons discuté sur les sanctions à prendre après des déprédations commises dans l'internat. Le CPE (Conseil principal d'orientation) a proposé des mesures de fermeté et de dialogue, que je n'ai pas contestées, pour la simple et bonne raison que lui seul, sur le terrain, sait vraiment ce qu'il faut faire et quelles sont les réponses appropriées pour mettre fin à des actes inadmissibles, en trouver et en punir les auteurs.



Ce que je n'ai pas apprécié, c'est le rapprochement avec le mouvement étudiant, les références à la "chienlit" et au "laxisme", qui marquent l'homme de droite. Et ce que j'ai encore moins apprécié, c'est l'intervention virulente d'une collègue, en quelque sorte "surjouée" dans le sens de l'autorité. Ce que j'ai surtout contesté, c'est l'idée de considérer une sanction collective (les internes privés de l'accès à leurs chambres au moment du repas et le mercredi après-midi) comme une "sanction exemplaire" (expression répétée plusieurs fois). C'est cet abus de langage, cet air d'autorité qui m'ont poussé à intervenir, pour dire que la sanction collective, contraire à la simple justice et à la vie en société (à laquelle nous préparons pourtant nos élèves), ne pouvait en aucun passer pour exemplaire. Les enseignants n'ont d'ailleurs pas le droit d'infliger à leurs élèves des punitions collectives. Une sanction "exemplaire", c'est celle qui frappe une personne reconnue coupable et qui dissuade ceux qui seraient tentés de suivre son chemin. Les sanctions collectives ne doivent jamais être infligées à la légère. Elles pénalisent ceux qui n'ont rien fait, qui sont innocents, elles les obligent à la dénonciation des fautifs, ce qui est dangereux et moralement contestable. Ce n'est pas tant les sanctions exemplaires qui m'intéressent que les sanctions efficaces.



J'ai dit cela parce que quelqu'un devait le dire, et que j'étais le mieux placé pour intervenir. Je l'ai fait avec prudence, mesure, sans remettre en cause ce qu'avait décidé mon collègue CPE, mais simplement en rappelant ce que je viens de dire, le caractère discutable de toute sanction collective. Un CA n'est-il pas le lieu où l'on peut discuter de ce genre de chose? Je vous parlais au début de ce billet d'une culture qui imprégnait les esprits, sous des allures de faux bon sens ou d'évidences qui n'en sont pas. Les gens de bonne foi, y compris les personnes de gauche, se laissent prendre à cette sensibilité sécuritaire et autoritaire. C'est là où il faut intervenir, ne pas laisser passer ni faire. Si chaque socialiste intervenait beaucoup plus au quotidien, sur son lieu professionnel, en famille, entre amis, la gauche n'en serait pas dans l'état où elle est. Car la politique ne se fait pas dans nos réunions de section, mais ailleurs, dans la vie, au bistrot, une salle d'attente, partout où l'on se rencontre, où l'on parle. Le militant efficace est celui-là, il ne mesure plus sa valeur au nombre de tracts distribués ou d'affiches collées.


Bonne nuit.

27 novembre 2007

Politique et culture.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je suis allé hier soir à Tergnier, juste cinq minutes, vite fait, entre mes cours et une animation-débat, dans un coin un peu glauque de la gare , pour rencontrer la présidente de la commission électorale (je vous ai dit hier que je ne pouvais pas assister à la réunion du soir). J'ai voulu quand même marquer le coup, donner une dernière fois mon point de vue, sans illusion, mais en faisant tout mon possible.

J'ai répété ce que vous savez par coeur, vous qui lisez ce blog, ma volonté de rassembler tous les socialistes, l'impérieux devoir de rechercher une candidature unanime, la nécessité d'échapper localement à la funeste division des courants, la pratique du dialogue pour faire émerger cette candidature unanime, mon renoncement quand j'ai senti et su que toute la section n'était pas prête à me suivre, la ferme condamnation d'une candidature de dernière minute encouragée par un courant, mon dépit de voir le candidat rejeté par la majorité et malgré tout se maintenir, mon souhait de voir un dialogue sans préalable ni condition s'instaurer entre tous. Voilà.

Que s'est-il passé hier, je n'en sais rien, je n'ai pas eu d'échos. J'étais loin de tout cela, de ce qui m'apparaît de plus en plus comme un combat entre pistolets à eau et boulettes de papier. J'animais, au théâtre Jean Vilar, un débat dans le cadre de la Journée internationale contre les violences conjuguales. Une pièce a précédé, mettant en scène quelques cas les plus fréquents de violences faites aux femmes. Nous étions 200 dans la salle. C'est beaucoup, quand on sait les difficultés qu'on peut avoir à faire sortir les gens de chez eux pour une soirée militante. Comme quoi le problème est réel, et très sensible. Les échanges ont été bons et ont faits, je crois, un peu avancer la cause de celles et ceux qui dénoncent la violence faite aux femmes.

En sortant de cette soirée, des pensées me sont venues à l'esprit, et des questions: où ai-je été ce soir le plus utile? Devant la commission électorale de mon parti ou devant ces 200 personnes en quête de réponses à leurs questions, animées par une volonté qui rejoint les combats de la gauche? Je le sais, c'est la deuxième alternative qui est la vraie. A Saint-Quentin, ailleurs aussi peut-être, le combat "culturel", le combat pour les idées et les valeurs de gauche est plus important que tout, plus important que le combat strictement politique, lorsque celui-ci se réduit à se demander combien de places tel courant va obtenir sur la liste aux élections municipales. Plus exactement, le choix n'est pas entre l'action culturelle et l'action politique, mais de montrer et de prouver que l'action culturelle prépare les victoires politiques.


Bonne nuit.

26 novembre 2007

Tous dépressifs?

Le ministère de la Santé a lancé depuis quelques semaines une campagne sur la dépression. On a envie d'applaudir. La tonalité employée semble juste. Elle s'efforce de dénoncer la banalisation, presque l'invisibilité de la dépression, névrose non spectaculaire, dont les symptômes font penser à une simple fatigue mais dont le diagnostic et les souffrances sont beaucoup plus spectaculaires. Pourtant, cette campagne n'est pas sans poser de questions ni sans donner prise à des contestations. C'est en tout cas la ligne de conduite, très critique, du psychanalyste Jacques-Alain Miller dans Charlie-Hebdo de cette semaine. Ses propos sont intéressants parce qu'ils sont iconoclastes et qu'ils proviennent d'un spécialiste en la matière. Je vous livre quelques extraits de l'entretien:

"95% des gens connaissent une moyenne annuelle de six épisodes de tristesse et de perte de l'estime de soi. Si l'on décide de médicaliser tout ça, alors la croissance exponentielle du nombre de dépressifs s'explique (...) La consommation d'antidépresseurs, qui avait baissé, va exploser à nouveau. Or la France est déjà le pays qui consomme le plus de psychotropes au monde".

Nous allons, nous sommes entrés dans une société surmédicalisée où chacun est considéré comme un dépressif en puissance, pour le plus grand intérêt de l'industrie pharmaceutique, qui diffuse une "idéologie" que reprend le gouvernement:

"La brochure dépression, diffusée à 1 million d'exemplaires, est une tentative d'endoctrination massive, parfaitement irresponsable. L'ambition est de remodeler nos émotions les plus intimes (...) Nous avons affaire à un phénomène de civilisation".

Un homme nouveau est à l'oeuvre dans cette idéologie. Il rompt avec l'homme ancien et ses émotions acceptées et assumées:

"L'homme contemporain se pense lui-même comme une machine (...) La tristesse est inhérente à l'espèce humaine (...) Si on veut guérir ça, on entre dans la biotechnologie, on va essayer de produire une autre espèce (...) On déprime quand on est malade de la vérité. Si on ne veut pas déprimer, il faut assumer la vérité, "sa" vérité".

Qui a dit que la révolution viendrait du communisme? Mais non, c'est la biologie qui y conduit, et la psychologisation actuelle de tous les rapports humains. Voilà une réflexion qui devrait être au coeur du souci politique. Ce n'est pas tout à fait le cas.

Bonne fin d'après-midi.

La sagesse et la mort.

Bonjour à toutes et à tous.

Si je pouvais aller devant la commission électorale ce soir, je crois que je ne dirais rien des arguments que j'ai exposés dans mon billet d'hier soir. Mais je parlerais ... de sagesse et de mort. Par souci d'efficacité, afin de mieux convaincre. Je vous explique pourquoi:

Vendredi, j'ai assisté à des obsèques. Ca m'a donné, comme à chaque enterrement, l'occasion de réfléchir à la mort. Samedi, dans la presse, j'ai appris le décès de Jacques Samyn, une personnalité axonaise que je n'ai jamais eu le plaisir de rencontrer, un militant très actif, écolo tendance Waechter. Il est mort à 48 ans, d'un cancer. Et là encore, je me suis mis à réfléchir (j'ai 47 ans!). La mort peut frapper à tout moment, et à la fin, c'est elle qui gagne, de toute façon.

Et puis, il y a aussi la disparition de l'humanité. Je me dis assez souvent que nous vivons à peu près heureux, à peu près prospère, dans ce cap à l'extrême ouest de l'Eurasie, depuis la seconde moitié du XXème siècle et en ce début de troisième millénaire. Pourtant, nous avons connu il n'y a pas si longtemps l'horreur de deux guerres mondiales, et je suis persuadé que la paix, la prospérité des occidentaux de l'Ouest ne dureront pas, parce que rien ne dure sur cette terre. Une guerre atomique, à plus ou moins longue échéance, se produira. Il nous faut vivre et penser avec cet évènement tragique à l'esprit.

Bref, l'individu qu'est chacun d'entre nous et l'humanité que nous formons tous doivent se préparer à mourir. C'est triste mais c'est sage. Car la perspective de la mort remet beaucoup de choses à leur juste place. Et j'en viens maintenant à la situation de notre section à l'approche des élections municipales. Tout y est excessif, exagéré, disproportionné, jusqu'au burlesque, et donc aussi, paradoxalement, dérisoire, petit, minable. Les arguments des uns ne dissuaderont pas les arguments des autres, au contraire ils les renforceront. On ne s'en sortira pas ainsi.

Mais faites appel à la mort, rappelez aux uns et aux autres que demain on peut ne plus exister et qu'un jour, inéluctablement, on ne sera plus là. Je crois que cette saine pensée remet les idées à l'endroit, atténue les différences, rétablit l'ordre des priorités, redonne à chaque chose sa juste dimension. A partir de là, on voit la vie et l'avenir autrement. On a peut-être la chance, si on saît la saisir, de devenir plus sage. C'est François Mitterrand qui donnait cet étrange conseil: "Il faut vivre comme si on était mort". Si cette forme de morale était ce soir appliquée et pratiquée autour de la table de la commission électorale, les échanges prendraient un autre ton, les réflexions une autre tournure et les décisions y gagneraient en sagesse.


Bon et sage après-midi.

25 novembre 2007

La dernière chance.

Je ne pourrai pas être présent demain à la réunion de la commission électorale qui viendra à Saint-Quentin (et qui prouve bien que le PS local traverse une crise, pour ceux qui en douteraient encore). Je le regrette vivement, j'avais bien sûr des choses à dire. Mais j'anime un débat dans le cadre de la journée internationale contre les violences conjuguales, à l'issue d'un spectacle au théâtre Jean Vilar. Pour le PS, ce sera la réunion de la dernière chance. Soit il y a entente et espoir de sortir de la crise, soit il y a entêtement, chacun restera sur ses positions et ce sera l'affrontement. Si j'étais demain présent, voilà ce sur quoi j'insisterai:

1- Le parti socialiste n'est pas la propriété d'un courant, quelles que soient la valeur et les qualités de ce courant. Il appartient à tous les socialistes, il représente tous les socialistes et c'est le fait majoritaire qui doit décider de ses choix et prises de position. Les courants sont une excellente chose quand ce sont des courants d'idées (c'est la raison d'être de ce blog) qui contribuent à fixer les orientations politiques du parti. A Saint-Quentin, dans le cadre d'une élection municipale, ce n'est pas le cas.
Qu'est-ce qui se passe alors? Simplement et minablement des responsables (le mot est inadapté) d'un courant, extérieurs à Saint-Quentin, qui encouragent un candidat pourtant minoritaire à tenir bon, à jouer la montre, la presse, les statuts et la fédération pour tenter de gagner au final quelques places de conseillers municipaux pour le courant.

2- Les statuts, qui font qu'un candidat est élu avec sa propre voix quand il est l'unique candidat (déjà, l'absurdité de la conséquence devrait faire réfléchir ceux qui ont une intelligence!), sont des garanties, des garde-fous, et rien d'autre. Une section socialiste n'a pas essentiellement une vie administrative mais une existence politique, faite de choix politiques. J'ajouterai qu'elle a aussi une dimension fraternelle, qui n'empêche pas de dire ce qu'on pense, et rudement quand il le faut.
Mais le dialogue, la concertation, la volonté de s'entendre (au sens de s'écouter et de solutionner les inévitables différents) doivent être supérieurs à la règle administrative (qui bien sûr doit être respectée et appliquée quand le dialogue échoue et que les différents demeurent). Le recours aux statuts, c'est l'unique argument des faibles, de ceux qui n'ont plus rien de politique à dire, mais seulement à défendre les places qu'ils occupent.
Et cette position purement administrative, souvent défendue par certains camarades eux-mêmes longtemps appointés par le parti dans des tâches administratives (il y a une logique dans cet état d'esprit), se retourne toujours contre ceux qui l'utilisent, tel un effet boomerang. En février, en vertu des statuts, la liste proposée au vote de la section par le candidat minoritaire sera inévitablement rejetée. C'est comme ça, ce sont les statuts! (vous voyez, moi aussi, je peux entrer dans cette logique idiote, non politique, mais cette fois à mon profit).

3- Ces choses étant dites, il faut en revenir à la politique, à l'intérêt du parti socialiste, à Saint-Quentin et aux saint-quentinois qui espèrent en la gauche, qui attendent d'elle qu'elle surmonte ses divisions et s'unisse. Je ne vois qu'un moyen, et c'est là dessus que je finirai et insisterai: le dialogue sans préalable, sans condition. Si vous arrivez autour de la table en disant, comme le fait le candidat minoritaire: on cause, mais moi je continue, je ne change rien, ralliez-vous à moi qui ait obtenu 100% des voix! Non, ce n'est pas sérieux. Ou alors, c'est qu'on veut profiter de la situation pour occuper des places et ne pas les lâcher, comme je le craignais précédemment.

Qui l'emportera demain soir? L'intérêt du parti ou l'intérêt de boutique, le dialogue ou l'entêtement, l'intelligence ou l'aveuglement? On verra. La politique et la vie m'ont appris qu'il ne fallait pas trop se faire d'illusions, que les êtres humains, pour le meilleur ou pour le pire, persévèrent dans ce qu'ils sont, mais aussi qu'il pouvait y avoir d'agréables surprises, des retournements inattendus, de petits miracles. Alors, pourquoi pas demain?


Bonne nuit, et faisons de beaux rêves.

Sollers en colère.

Bonsoir à toutes et à tous.

J'ai regardé vendredi soir l'émission de Gullaume Durand sur France 2, "Esprits libres". Il y avait Philippe Sollers, et face à lui, Valérie Pécresse. C'était une rencontre assez jubilatoire. Sollers me ravit à chacune de ses prestations télévisées. Ses propos sont toujours vifs, intelligents, provocateurs. J'ai l'impression qu'il ne vieillit pas, qu'il reste identique à lui-même, l'esprit pétillant, malicieux entretenant chez lui le corps. Face à la ministre, avec un public d'étudiants plutôt acquis à sa cause, il s'en est pris avec fougue à Nicolas Sarkozy, à son gouvernement et à sa politique. Sollers, dans le fond et la forme, a gardé quelque chose du maoïste qu'il a été dans les années 60.

Pécresse, dans son look très BCBG assumé de femme de droite, a tenté de résister aux assauts de Sollers en bourgeois intello comme toujours très remonté. Son angle d'attaque a porté sur deux fronts: Sarkozy, c'est la liquidation de Mai 1968, c'est-à-dire de la liberté; Sarkozy, c'est le culte de l'argent, c'est-à-dire la défaite de l'esprit. La liberté, l'esprit, la culture, Sollers y tient, et Sarkozy lui semble étranger à tout ça. Et de rappeler la soirée au Fouquets du président élu depuis quelques heures seulement, en compagnie de ses amis, vedettes fortunées, puis les quelques jours de détente en méditerranée sur un yatch de milliardiaire, enfin les vacances cossues et américaines, à quelques dizaines de kilomètres du ranch du président Bush. L'argent comme finalité du travail ("travailler plus pour gagner plus"), l'argent comme finalité de l'université (la loi Pécresse), l'argent qui obsède et fascine Sarkozy.

Bien sûr, Philippe Sollers est excessif, injuste, parfois démagogue. Sarkozy, ce n'est pas que ça. Et puis, l'argent fait partie de la vie, contribue au développement des sociétés. Quand les français demandent un peu plus de pouvoir d'achat, ce n'est pas à rejeter! Mais je pardonne beaucoup à Sollers. D'abord parce que c'est un écrivain et qu'à ce titre, il a tous les droits, surtout celui de l'exagération, de la caricature (au bon sens du terme: un portrait qui force le trait et qui ainsi dévoile une vérité). Ensuite et surtout, c'est qu'au-delà de son style, de ses emportements, de son lyrisme, il vise fort juste, même s'il ne conceptualise pas sa colère et ses passions comme le ferait un philosophe.

Il est vrai, et la remarque va bien au-delà du train de vie de Nicolas Sarkozy, que le nouveau président a introduit en France une rupture culturelle avec un principe que partageait y compris la tradition de droite: on peut être riche, on n'étale pas son argent, on n'en fait pas une fierté ou un mérite. Cette tradition, qu'on peut certes juger hypocrite, qu'on peut aussi qualifier de pudique et de respectueuse, Sarkozy, par son comportement, par les principes de sa politique, a décidé d'y mettre fin. Sa fascination pour les Etats-Unis est la clé de tout: le président a la volonté d'accélérer l'américanisation de la société française, en bouleversant le rapport qu'elle entretient depuis des siècles avec l'argent, et qui était l'héritage conjoint, de défiance et de pudeur, entretenu par le catholicisme et le socialisme.

Soyons clairs: je ne suis pas contre l'argent ni contre la société américaine (l'un est nécessaire, l'autre est par bien des côtés admirable). Mais ce qui ne va pas, ce qui est contestable et dangereux, c'est de vouloir introduire en France (au nom de quoi?) des traits culturels, en l'occurrence un certain rapport à l'argent, qui nous sont étrangers, qui ne peuvent que provoquer, au sens très négatif, des ruptures dommageables. Ce qui est paradoxal et contradictoire, c'est que ce gouvernement crée un ministère de "l'identité nationale" et, dans le même temps, renonce à un réflexe national, latin et européen à l'égard de l'argent qu'on ne retrouve pas dans la culture américaine. Là-bas, l'argent est roi parce que la religion est reine, parce que celle-ci est en quelque sorte le contrepoids de celui-là. "In God, we trust", c'est la formule inscrite sur le dollar et qui dit tout des rapports de nos amis américains avec l'argent et la religion. Mais la France laïque n'est pas du tout dans un tel contexte culturel. Vouloir faire de l'argent la finalité de notre société, comme le suggère Nicolas Sarkozy, c'est introduire des ferments de division et de violence.

La gauche doit tenir très ferme sur ce principe: l'argent ne doit pas être ce qui fait la valeur, le mérite et encore moins la supériorité de l'individu. Et pour le dire brutalement, à la Sollers: on peut être riche, con et paresseux.

Tous mes encouragements à Philippe Sollers dans sa contestation du gouvernement.


Bonne soirée.

24 novembre 2007

Un monde de vieux.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je vous parlais hier soir des questions que posait désormais une société dans laquelle les retraités tiendraient de plus en plus une place importante, comme jamais nulle société par le passé ne l'a connue. Et je tombe aujourd'hui, dans Charlie-Hebdo, sur un article signé Oncle Bernard qui apporte de l'eau à mon moulin. Il est dit que "l'inégalité (...) est beaucoup plus criante chez les retraités: les 10% les plus riches gagnent cinq fois plus que les 10% les plus pauvres. Explication: les inégalités de patrimoine sont beaucoup plus fortes que les inégalités de salaire". C'est arrivé en fin de vie que les écarts se creusent, que la vérité de l'injustice des conditions se révèle.

Je vous parlais hier des petites retraites: "650000 personnes touchent le minimum vieillesse, inférieur au seuil de pauvreté". Ce minimum, c'est 621 euros par mois et par personne. On en parle peu, parce qu'on pense, à juste titre, que la situation des personnes âgées s'est considérablement améliorée à partir des années 70. Rappelez-vous de la chanson de Pierre Perret, dans les années 60:
"On l'appelle cuisse de mouche, fleur de banlieue,
Sa taille est plus mince que la retraite des vieux".

Les chansons traduisent souvent des réalités sociales. Aujourd'hui, comme il y a des "travailleurs pauvres", il y a des vieux pauvres. Comment en est-on arrivé là, alors qu'un progrès continue semblait, dans les années 70 et 80, promettre une retraite heureuse à tous les vieux? Réponse d'Oncle Bernard:

"Le poids des retraites dans le PIB ne bouge pratiquement plus depuis quinze ans (...) La faute à Balladur (...) Depuis 1993, les pensions sont calculées sur les 25 meilleures années de salaire et non plus sur les 10 meilleures années (les pensions des fonctionnaires sont toujours indexées sur les 6 derniers mois). De plus, le revenu des vieux est indexé, non sur la hausse générale des salaires, mais sur l'indice des prix. Du coup, les gains de productivité, qui permettent la hausse du salaire réel des actifs, ne profitent plus du tout aux retraités".

A quoi va s'ajouter l'arrivée des franchises médicales, qui va encore amputer le pouvoir d'achat des retraités. A partir de ces considérations économiques et financières, il me vient des remarques plus générales de ce que sera ce monde de vieux dans lequel nous allons tous entrer, si la vie nous le permet, un monde qu'il faudra aménager et qui pose quelques défis à la gauche:

1- Nous étions habitués à défendre l'homme inscrit dans le processus de production, le travailleur, dont nous dénonçions l'exploitation ou, quand il perdait son emploi ou ne l'obtenait pas, l'exclusion. Il va falloir maintenant envisager l'homme, le retraité, hors du système de production, non véritablement exploité mais exclu parmi les exclus.

2- La cause des vieux (comme on a pu parler en 1968 de la "cause des jeunes" et, bien avant, de la "cause des peuples") n'est portée par aucune idéologie, aucun parti, aucune organisation spécifiques. Ils ne forment pas une classe au sens marxiste, et pourtant ils constituent un monde à part, et de plus en plus. Comment assurer désormais leur représentation, autrement que par un "conseil des sages" dans une municipalité?

3- Les vieux sont certes des consommateurs, qui à ce titre intéressent notre société de consommation. Mais ce ne sont pas des consommateurs comme les autres. On ne retient que ceux qui partent en voyage ou offrent des cadeaux à leurs petits enfants. Mais c'est surtout dans le maintien de leur santé, l'entretien de leur corps que va une grande partie de leur consommation. Avec des coûts énormes, une organisation sociale et sanitaire particulière.

4- Cette société de consommation, pour tirer un maximum de bénéfices, cultive à travers ses produits, sa publicité, son idéologie, la beauté, le plaisir, la santé, la jeunesse et l'avenir. Devant des vieux de plus en plus nombreux, devant la laideur, la souffrance, la maladie et la mort, c'est-à-dire le contraire de ce qu'elle prône et de ce qui la fait vivre, comment ne peut-elle pas réagir autrement que de façon négative? Elle ne va pas procéder comme autrefois par l'exploitation ou par l'exclusion, mais plutôt par le refoulement et la négation. Et cette opération commence avec le langage: les vieux n'existent plus, les vieillards n'en parlons même pas, la vieillesse c'est que dans la tête, il n'y a plus qu'un vague "troisième âge" ou de fringuants "seniors".

Quand François Mitterrand se demandait, dans "Ma part de vérité", comment définir le socialisme, il passait en revue plusieurs termes entre lesquels il hésitait, la justice, l'égalité, la science, le progrès, la solidarité, la liberté, pour finalement retenir la vérité. Eh bien, les socialistes d'aujourd'hui doivent dire la vérité sur les personnes âgées, comme les socialistes d'hier ont dit la vérité sur les immigrés et les socialistes d'avant hier la vérité sur les prolétaires. C'est aussi Trotsky ou Lénine, je ne sais plus, qui ne sont pourtant pas mes maîtres à penser, qui disait: "Seule la vérité est révolutionnaire". En tout cas, la vérité est porteuse de justice.


Bonne nuit.

2009.

Bonjour à toutes et à tous.

Les gagnants de cette semaine de conflits, c'est à droite Xavier Bertrand, chez les syndicalistes Bernard Thibault, et à gauche ... Olivier Besancenot. On l'a vu dans les manifs, où il s'est fait applaudir, à la Mutualité où il a attiré du monde et des jeunes. Sa cote de popularité progresse, ce n'est plus tout à fait un marginal de la politique. En un mot, Besancenot plaît. Son impertinence juvénile, son sens de la dérision, sa façon d'adhérer très vite à tous les mouvements de contestation, sa non compromission avec les pouvoirs, tout cela plaît parce que tout cela est dans l'air du temps, dans l'esprit public. Jamais notre société n'a été aussi éloignée du trotskysme historique et idéologique, jamais l'un de ses héritiers n'a été aussi influent. Car Besancenot n'est pas en rupture avec notre société. Il en épouse au contraire parfaitement, plastiquement, les humeurs, les réactions, les coups de gueule et les coup de coeur. Qui y a-t-il de révolutionnaire, de marxiste, de trotkyste ou d'anticapitaliste à défendre becs et ongles les régimes spéciaux de retraite? Personne ne se pose la question. Mais beaucoup se reconnaissent dans le jeune postier qui proteste, parce qu'il y a dans l'air qu'une protestation doit avoir du bon.

Le parti socialiste est évidemment menacé par cette montée de popularité du leader de la LCR et par les critiques qui nous visent, provenant de la mouvance radicale (Josiane Balasko accusant les socialistes d'être absents de la lutte en faveur des sans logis, ce que François Hollande a voulu hier rattraper, comme pour se faire pardonner, en allant rue de la Banque). Nous n'avons rien à gagner à courir derrière l'extrême gauche, nous devons au contraire nous en distinguer, nous en dissocier, nous en séparer. Par rapport à elle, c'est la différence que nous devons cultiver, pas la ressemblance ou la proximité. Et savez-vous pourquoi? Parce que elle, l'extrême gauche, ne cesse de cultiver sa différence avec le PS, parce qu'elle n'arrête pas de nous critiquer et de nous culpabiliser.

Ne nous faisons pas trop d'illusions sur les élections municipales. Elles auront lieu dans quatre mois, c'est-à-dire demain. A mon avis, la politique de Nicolas Sarkozy n'aura pas encore foncièrement décu. Sauf événement politique imprévisible (mais il vaut mieux en politique s'appuyer sur le prévisible), le gouvernement aura conservé sa popularité, certes affaiblie, mais présente. Regardez comment il s'en est sorti avec le conflit sur les régimes spéciaux. Ca deviendra peut-être un cas d'école! Donc, pas d'illusions de ce côté-là, et pas d'illusions non plus de l'autre côté, chez nous, chez les socialistes. Voyez dans quelle situation nous sommes au niveau national, voyez ce qui se passe au niveau local (je reviendrai ce week-end sur l'état des socialistes dans l'Aisne). Pas besoin de vous faire un dessin. Nous arriverons aux municipales sans avoir rénové notre projet et nos pratiques. On ne peut pas nous le reprocher, le délai est trop court (et parfois nous sommes trop lents). Le moment sérieux de la rénovation, ce sera à la fin 2008, lors de notre prochain congrès. D'ici là, on aura beau se réunir, discuter (et il le faut), rien ne changera fondamentalement au PS.

J'irai même plus loin: nous assisterons à des phénomènes de régression, des replis identitaires, des accès de fièvre archaïque. Ce qui se passe à Saint-Quentin ( logique de courant, résurgence du poperénisme, pratique procédurière, exaltation de l'union de la gauche, radicalisation du discours, sorte d'ouvriérisme à la limite du comique prôné par un candidat proclamé "non bourgeois", etc). Autant vous dire que tout cela nous conduira à l'échec c'est-à-dire à la défaite (car en politique, qui ne gagne pas perd), sous les regards stupéfaits et amusés d'une droite qui se frotte les mains (et pas seulement parce qu'il fait froid en ce moment à Saint-Quentin!).

Les seules élections où le PS rénové pourra faire entendre sa (nouvelle) voix, ce seront les européennes en 2009, dans un an et demi. C'est le temps raisonnable et suffisant pour se refonder. Nous aurons alors adopté une ligne politique, une majorité se sera dégagée, nous aurons renouvelé nos instances dirigeantes, nous disposerons d'un nouveau secrétaire. Le choix des candidats sur la liste des européennes devra marqué très nettement notre volonté de rénovation, de même que notre attitude à l'égard de l'Europe. Oui, ces élections, et pas vraiment, pas d'abord les municipales, représenteront notre premier vrai rendez-vous avec la rénovation et l'électorat.

Oui mais ... Ce rendez-vous est à haut risque pour les socialistes. Non pour des raisons internes (le mouvement de rénovation est puissant, les résistances finiront par céder) mais externes, que décrit fort bien Anne-Sophie Mercier dans Charlie-Hebdo de cette semaine:

"Olivier Besancenot à un rêve, qui n'est même pas secret: danser sur les décombres de la gauche. Son analyse est simple, tranchante, radicale: il n'y a plus de place pour le réformisme. Le PS est mort, il a rejoint le PC au cimetière. Il suffit de le dépecer. Le versant gauche sera pour lui, ce n'est pas un Fabius affaibli et usé par ses nombreux revers qui lui barrera la route. Le versant droit sera pour Bayrou, aussi déterminé que lui. Les deux hommes ont, sans le dire, la même échéance: les européennes de 2009 (...) Ce refuge du vote protestataire devrait réussir aux deux hommes. Ce serait la mise en scène terrible de la décomposition du PS".

Pour que cela n'arrive pas, il nous faut d'urgence, dans l'année et demi qui nous reste, dénoncer toute dérive socialiste vers l'extrême gauche et, au contraire, récupérer grâce à un projet rénové et attractif tous les électeurs qui nous ont quitté pour Bayrou (et qui persisteront si nous n'avons rien de crédible et de solide à leur proposer).


Bonne matinée.

23 novembre 2007

Réflexions sur la retraite.

Bonsoir à toutes et à tous.

En allant sur le blog de Manuel Valls, je découvre qu'il a publié mercredi un communiqué sur la réforme des retraites, signé aussi par le strauss-kahnien Jean-Marie Le Guen et Pascal Terrasse (les trois sont députés). Sur cette question, ce n'est pas que le PS n'a pas pris position, mais il n'est allé jusqu'au bout. Du coup, il donne une impression de "flou", là où il y a de la prudence et, sûrement, de la timidité. C'est que nous vivons encore avec l'idée qu'il ne faut fâcher personne au PS, que l'équilibre dans la moyenne des contraires est une position habile alors qu'elle est casse-gueule. La synthèse des différents avis est devenue tellement synthétique qu'elle dilue le message en un filet d'eau tiède et pas clair. Sarkozy a ceci de bon qu'il devrait nous inspirer des positions très carrées, non susceptibles d'interprétations multiples.

Valls, Le Guen et Terrasse sont carrés. De leur communiqué, je retiens quelques points forts qui m'amènent à réfléchir:

1- Allonger la durée de cotisation, oui, il faut l'affirmer clairement, parce qu'on ne peut pas accepter d'augmenter le taux de cotisation ou de diminuer le montant des retraites. Ceux qui ne veulent toucher à rien, qu'ils le disent et qu'ils expliquent quel sera l'avenir du système des retraites. Ceux qui veulent "faire payer les riches" (je suppose qu'il ne reste plus que cette solution-là quand toutes les autres ont été refusées), qu'ils nous disent comment ils s'y prendront. En attendant leur réponse, aux uns et aux autres, proposons d'augmenter la durée de cotisation, et passons à autre chose.

2- Par exemple, occupons-nous du scandale des petites retraites, dont tout le monde a conscience, y compris à droite. Il y a des vieux qui vivent mal, très mal, qui souvent ne disent rien parce qu'on a un peu honte de se plaindre quand on est vieux. J'emploie délibérément ce très beau mot de vieux, que plus personne n'utilise aujourd'hui, et qu'on a remplacé par le ridicule "senior". Et les jeunes, quand va-t-on les appeler les "juniors"? Donc, il y a des vieux, une minorité certes, qui sont seuls, ne peuvent pas compter sur leur famille, survivent ou vivotent, et dont on parle peu parce qu'ils n'ont pas de représentants, de syndicats, d'associations (à ma connaissance). Il ne devrait pas y avoir en France de "petites retraites" (par cette expression, on désigne une sorte de RMI de la vieillesse).

3- Etablir des décotes et des surcotes permettant à chacun de choisir librement sa date de départ à la retraite. Tout est là. Pendant longtemps (depuis toujours?), la gauche a pensé le problème de la retraite dans les mêmes termes: abaisser l'âge de départ. Le progrès, c'était ça, et rien que ça. On comprend bien pourquoi. Mais la société, le travail et l'individu ont changé. Un mot résume ce changement depuis trente ans: liberté. Et aussi, et par conséquent individualisme. Les mesures "couperets" sont mal perçues. Qu'il y ait un âge décent où chacun ait droit à ne plus travailler, oui. Que cette âge s'impose à tous, comme un progrès social évident et puissant, non (le même raisonnement serait applicable à la réduction du temps de travail). Il faut que chacun puisse choisir son départ à la retraite. Poursuivre au-delà de l'âge légal doit être possible, reconnu et valorisé.

4- Ce qui nous amène à ce que Valls, Le Guen et Terrasse appellent "l'employabilité des seniors" (expression affreuse et seul point de désaccord entre eux et moi, mais qui ne regarde que le vocabulaire). Quand on parle de retraite, on a en tête ces fameux "seniors" qui voyagent à travers le monde, s'occupent de leurs petits enfants, s'investissent dans la vie associative, etc. Mais cela ne concerne que les personnes âgées qui en ont les moyens financiers et qui jouissent d'une intégration sociale très riche pour maintenir des activités en dehors du travail. C'est oublier tout ceux dont l'existence sociale n'a de réalité qu'à travers leur travail, et qui vivent douloureusement la période de la retraite.
Jadis, c'était très différent: les "vieux jours" étaient relativement courts, occupés par le bricolage et le jardinage. Aujourd'hui, la retraite représente toute une tranche de vie, un "âge" à part entière. Pour certains (je dis bien pour certains, pas pour tous), rester à ne rien faire, être coupé du milieu professionnel, voir sa vie cantonnée à l'espace privée est mal vécu. Ils souhaiteraient continuer, parce qu'ils en ont encore la force, et surtout la volonté. Ils aimeraient encore "être utile", servir à quelque chose. C'est tout de même curieux, cette société qui fait l'éloge de la "valeur travail", et qui voudrait en priver les plus âgés qui en ont envie, qui aspirent à cette reconnaissance par le travail.

Voilà ce que m'a inspiré le communiqué de Valls, Le Guen et Terrasse. Et un texte qui vous fait réfléchir ne peut être qu'un bon texte. Il y a tellement d'écrits qui me font baîller!


Bonne soirée (sans baîllement, bien sûr).

La grève se termine.

Bonjour à toutes et à tous.

La grève se termine peu à peu, les AG appellent une à une à la reprise, les trains circulent petit à petit. Seuls les étudiants résistent dans leurs facs. Mais pour combien de temps? Que faut-il retenir de ce conflit social pas comme les autres, et surtout, pas comme 1995?

1- On ne peut pas dire que le gouvernement en sort complètement gagnant. Certes, sa réforme est passée. Mais de toute façon, quoi qu'il serait arrivé, sa réforme serait passée. Quand on occupe le pouvoir, quand on a été élu comme Nicolas Sarkozy a été élu, quand les sondages montrent que vous avez le soutien de l'opinion, les jeux sont faits. Non, l'échec du gouvernement est ailleurs, dans ces neuf jours de grève qu'il n'a pas su éviter, dans ces neuf jours où l'économie française a perdu gros, dans ces neuf jours où des millions de personnes ont été perturbés dans leur vie quotidienne, dans ces neuf jours qui ont fait perdre encore plus de pouvoir d'achat aux grévistes, dans ces neuf jours un peu absurde puisqu'on termine en revenant au point de départ, la négociation. Mais pourquoi ne pas l'avoir engagé plus tôt? Le gouvernement a joué avec le mouvement, son essoufflement, sa division. Il a voulu une victoire idéologique, il a une négociation à mener maintenant.

2- La CGT est la gagnante de ce conflit. C'est son idée de négociation tripartite qui l'a finalement emporté, reprise au dernier moment par le gouvernement. Thibault a su imposer la négociation tout en respectant la base plus radicale, les AG demandant la poursuite de la grève. Comment pouvait-il faire autrement? Un mouvement social, quand il est lancé, ne s'arrête pas si facilement. La CGT est probablement à un tournant de son histoire. Elle a fait un grand pas en direction du réformisme. Dans la négociation qui s'ouvre et qui durera un mois, elle aura l'occasion de prouver que le réformisme syndical est toujours ce qu'il y a de mieux pour les salariés, parce qu'il permet d'engranger des résultats concrets.

3- Ce conflit aura aussi confirmé l'existence d'un syndicalisme radical, protestataire, inspiré par l'extrême gauche, qu'on retrouve dans sa plus pure expression chez SUD et ses trotskystes, FO et ses lambertistes, une partie de la CGT et ses néocommunistes, sans parler des anarchistes de la CNT. Ce courant correspond bien sûr à toute une culture française, de nature révolutionnaire, qui a le droit d'exister, que le parti socialiste a le droit et le devoir de contester, car ce syndicalisme-là ne sert qu'à ceux qui préparent la révolution, il n'apporte rien de concret aux salariés.

4- Le parti socialiste a commis une erreur politique à la suite du conflit sur les retraites en 2003. A partir du moment où Fillon était parvenu à aligner la Fonction public sur les 40 années de cotisations du privé, les régimes spéciaux des assimilés et autres professions devenaient difficilement défendables. Il aurait fallu alors, haut et fort, demander l'alignement. Nous aurions ainsi dépassé cette question pour en aborder d'autres, plus cruciales: le montant des retraites, le taux de reversion, le problème de la décote et surcote, la pénibilité des métiers, l'approche globale des retraites. Nicolas Sarkozy nous a amusés avec les 40 ans, agitant un chiffon rouge sur lequel certains se sont précipités, reléguant au second plan les éléments qui pouvaient se discuter dans une négociation (et qui vont maintenant, enfin mais bien tard, se discuter dans la négociation d'un mois). Même Mélenchon, ce matin sur sur RTL, chez Apathie, n'a pas tout de suite dit non aux 40 ans, sachant bien que l'enjeu, surtout maintenant, est ailleurs. Mais à force d'insister, Apathie a fini par lui faire avouer qu'il disait non aux 40 ans.

Donc, le bilan de ce conflit est mitigé, en demi-teinte. Ce qui compte désormais, et qui permettra de faire un bilan exhaustif de ce qui s'est passé, c'est la suite des négociations. A partir de leurs résultats, nous saurons si nous sommes entrés douloureusement dans une nouvelle ère du dialogue social ou si tout cela n'est qu'une ruse tactique, un repli stratégique du gouvernement.


Bonne fin d'après-midi.

22 novembre 2007

Niveaux de vie.

Bonsoir à toutes et à tous.

Journée bien remplie. Je rentre à l'instant de Soissons, où la Mission locale m'a demandé d'animer un débat sur la "valeur travail". Nous étions un petit groupe, mais très tonique. Auparavant, j'ai eu juste le temps de passer par le Havana Café, où Jean-Hugues animait pour le compte de Rencontre Citoy'Aisne, mais à la demande de plusieurs associations, un débat sur "les jeunes enfants face au diabète". Bref, les activités de notre association sont très diversifiées. Et j'ai rencontré un cadre infirmier de l'IFSI de Soissons qui m'a proposé une intervention devant l'école d'infirmières. Encore des projets en perspective! Sans compter, sur Saint-Quentin, la campagne des municipales que nous allons mettre en place dès samedi (et retour à Soissons ce même jour pour animer le café philo sur "Qu'est ce qu'une vie réussie?").

Mais je veux vous parler d'autre chose avant de me coucher, un article des Echos d'il y a quelques jours qui a retenu mon attention. Vous comprendrez pourquoi au titre: "Pouvoir d'achat: les inégalités ne se réduisent plus en France". Et c'est un journal patronal et financier qui le dit, pas L'Huma! C'est une étude de l'INSEE qui confirme cette tendance. De 1996 à 2001, le niveau de vie moyen augmentait de 1,7% par an., surtout favorable aux catégories modestes (3,3% par an pour les 10% les plus modestes). Les 5% les plus aisés bénéficiaient alors d'une progression de 2,4%. Les perdantes étaient les classes moyennes.

Dans les 4 dernières années, tout change. La hausse du niveau de vie n'est que de 1% pour les plus modestes (les plus défavorisés stagnent). En 2005, il y a 7,1 millions de personnes en France qui vivent avec 817 euros par mois et 3,7 millions avec 681 euros. Le niveau de vie moyen s'établit à 1550 euros. Pour plus de la moitié de la population, il est inférieur à 1360 euros. Rappelons que le SMIC est à 1218 euros bruts par mois en 2005.

Ce sont des chiffres, je n'aime pas trop ça, je sais qu'on peut leur faire dire beaucoup de choses, qu'ils cernent mal les réalités humaines. Mais ils contribuent utilement au débat sur le pouvoir d'achat.


Bonne nuit.

21 novembre 2007

La grève continue.

Bonsoir à toutes et à tous.

La grève diminue mais elle s'installe. Le gouvernement a cru pouvoir la stopper, elle continue. L'habileté de Xavier Bertrand n'aura pas suffi, l'économie française va y perdre gros, et notre société prouve une fois de plus son incapacité au dialogue social. A qui la faute? Sarkozy s'est entêté avec une mesure purement idéologique, la suppression des régimes spéciaux, il en a fait une question de principe et de promesse électorale. Je peux comprendre, mais ce n'est pas la meilleure façon d'inciter à la négociation. Tout aurait dû être mis sur la table, le problème des retraites en général, et pas focaliser sur les régimes spéciaux, et sans imposer de préalable. L'idée d'une négociation tripartite, elle vient de la CGT. Pourquoi Bertrand a-t-il attendu le dernier moment pour y souscrire? Parce que c'est un malin, un vrai homme de droite, pas le négociateur bonhomme, portable à l'oreille et sourire aux lèvres, qu'on nous décrit. Il a volontairement laisser venir le mouvement, pourrir la situation (vieille technique de la droite), jouer de la division syndicale pour satisfaire l'objectif de son patron, Sarkozy.

Sarkozy, justement, parlons de lui. On ne le voit plus tellement, pas sur le front de la grève en tout cas, lui qui va partout où ça va mal. Et là? Peut-être a-t-il été échaudé après sa rencontre il y a quinze jours avec les cheminots, où il avait commis une grosse gaffe et convaincu personne. Hier, à propos du conflit, il a une fois de plus osé parler de "prise d'otages". Et Ségolène Royal, le même jour, a repris à son compte l'expression. Je le regrette vivement. Je suis pour la réforme, pas exactement celle-là mais assez proche. Mais je ne dirai jamais que des salariés qui se battent légalement pour quelque chose qu'on veut leur enlever pratiquent la "prise d'otages".

Sarkozy a eu aussi ce mot: "il faut savoir terminer une grève". La formule est du communiste Maurice Thorez, mais dans un tout autre contexte. Ca ne fait rien, Sarkozy débauche tout le monde, les vivants et les morts.

J'ai été choqué, dans la manifestation parisienne , par les huées contre Chérèque. Tout le monde se souvient, en 1995, de Notat devant fuir face aux militants lambertistes de FO. Je ne sais pas si ce sont les mêmes qui ont fait le coup, on dit que non, que ce serait la base "dure" de la CGT. Toujours est-il que c'est inacceptable, "stalinien", pour reprendre les mots d'autrefois. Chérèque est pour que la grève des transports s'arrête et qu'on passe à la négociation. Et alors? Il a raison.

Actuellement, ce mouvement social, et le gouvernement l'y a encouragé, a basculé dans le pur rapport de forces. Et tout rapport de forces, dans le syndicalisme comme en politique, a toujours quelque chose d'irrationnel. La discussion devient impossible, c'est la force qui prime. Nous en sommes là, c'est-à-dire dans l'impasse. Personne ne veut reculer, mais comme toujours, les plus forts, ce sont ceux qui détiennent le pouvoir et qui seront à la longue les gagnants. C'est pourquoi il faut passer à la négociation, arracher ce qui peut l'être et ne pas s'entêter dans un combat illusoire.

D'autant que des signes inquiétants apparaissent: des actes de sabotage ont été commis ces dernières heures. Des voyous qui profitent du conflit? Des voleurs de cuivre? Des militants politiques extrêmistes? Des syndicalistes radicalisés? Personne ne sait mais les faits sont là, et plutôt inhabituels. Il ne faudrait pas que le mouvement glisse ainsi dans le désespoir et la violence.

Car quel est le fond de tout ça, la raison de la persistance d'un conflit qui devrait s'arrêter à partir du moment où on lui propose de négocier? Nicolas Sarkozy a proclamé, pendant et après la campagne des présidentielles, que les valeurs sur lesquelles reposerait, avec lui, notre société, ce serait le travail et l'argent, le travail pour l'argent, l'argent grâce au travail. Mais une société, qui ne vit certes pas d'amour et d'eau fraîche, ne vit pas non plus exclusivement de travail et d'argent. L'existence connait d'autres valeurs et d'autres préoccupations: le repos, le loisir, la détente, la culture, l'amour, etc.

A mes yeux, la valeur suprême n'est aucune des deux préconisées par Sarkozy: c'est la justice. C'est elle, et elle seule, qui fait tenir debout une société, qui fait vivre ensemble des gens très différents. Sarkozy nous parle d'équité à propos des 40 ans de cotisations. Il n'a pas tort, mais pour qu'on le croit, il faudrait que toute sa politique soit inspirée par la justice. Ce n'est pas le cas, puisqu'elle est inspirée par le travail et par l'argent. Il est donc normal que le mouvement social ne suive pas Sarkozy et poursuive la mobilisation. Quelqu'un qui a accordé cet été 15 milliards aux catégories aisées n'est pas en situation de demander à des salariés aux revenus moyens de renoncer à leurs avantages.

Il y a une autre raison de fond à l'origine et à la persistance de ce mouvement, qui n'est pas seulement corporatiste. La retraite, pour une grande partie des salariés, c'est traditionnellement le moment attendu et rêvé, un havre de paix où l'on va pouvoir faire ce qu'on ne pouvait pas faire avant: loisirs, culture, famille, ... La retraite a toujours été perçue ainsi. Aujourd'hui, l'espoir s'estompe et surgit la crainte de devoir travailler vieux, ce qui ne semble pas un progrès de la société (surtout quand cette même société a du mal à fournir des emplois à ses jeunes). Bien sûr, comme je l'ai dit plus haut, il y a une part d'irrationnel dans tout ça. Mais les hommes ne sont pas tous et totalement des êtres de raison. Le corps social est traversé par des peurs et même des névroses qu'un gouvernement se devrait de calmer, de rassurer, et non pas, comme Nicolas Sarkozy, d'entretenir.


Bonne nuit.

Punir ou guérir.

Bonjour à toutes et à tous.

Je vais vous parler un peu de justice. Ce n'est pas dans l'actualité immédiate, mais je me moque de l'actualité immédiate, celle que nous imposent Sarkozy et TF1 pour nous faire oublier l'actualité permanente. Notre société se tourne de plus en plus vers la justice pour régler ses problèmes. Le citoyen fait appel aux tribunaux pour un rien. La droite gouvernementale épouse et alimente cette tendance, et c'est aussi cela qui la rend populaire. Jusqu'à maintenant, un malade mental n'était pas traduit devant la justice mais on le confiait à la médecine. Vous savez que Sarkozy veut juger les fous et les punir, au lieu de les contrôler et les soigner. Je vous dis tout ça parce que Cavanna nous en parle cette semaine dans sa rubrique de Charlie-Hebdo et que je trouve l'article intéressant. Jugez-en plutôt:

"La justice pénale est toujours et plus que jamais fondée sur la notion de punition bien plus que sur celle de réparation. Tu as commis tel délit, la peine prévue est de tant d'années de prison (...) Tu es diagnostiqué fou? La justice ne s'applique pas à toi. Ce dernier exemple nous conduit tout droit au curieux cas des pédophiles assassins qui, condamnés par la justice, sont libérés au bout de leur temps et, non guéris, recommencent aussitôt à sévir. Ce qui montre bien qu'ils étaient authentiquement fous et donc, suivant la loi, non justiciables de tribunaux. Traités en fous et soignés en des lieux adéquats ...
La justice, telle qu'on la pratique, est un reflet de la vieille conception d'une morale figée sur la notion de bien ou de mal "dans l'absolu", de faute et de punition, alors qu'elle devrait se fonder sur les notions d'utilité et de danger, et donc de prévention plus que de répression".

Ceux, nombreux, qui pensent qu'il faut juger et enfermer les pédophiles se trompent. Si on les considère comme de dangereux malades, de grands pervers, il faut les soigner, pas les juger. La loi, la sanction , la prison ne pourront jamais rien contre eux (sauf un emprisonnement à vie, que la loi rend quasiment impossible). Le tort, c'est de confondre la justice et la morale. La justice doit être efficace et protectrice, elle n'a pas à appliquer la loi morale du talion. Victor Hugo disait que lorsqu'on ferme une école, on ouvre une prison. J'ajouterai: quand on ferme aussi un hôpital. Ce qui me permet de revenir à l'actualité immédiate et à la grève d'hier: notre société n'a pas besoin de moins mais de plus de services publics.


Bon après-midi.

20 novembre 2007

La logique du pire.

Je lis L'Aisne Nouvelle parue ce matin. Misère! Un article est consacré au PS local, nous sommes tournés en ridicule. Le titre à la une: "Lançon ne fait pas l'unanimité". Et en page intérieure: "J. P. Lançon sur les roses?" Le journaliste a bien compris que, je le cite, "le PS cherche toujours sa tête de liste", puisque ça ne peut pas être quelqu'un de minoritaire, qui serait de toute façon passé avec une seule voix en sa faveur. Le commentaire est ironique et cruel: "... seul Jean-Pierre Lançon avait fait acte de candidature. Résultat: tout comme au loto, où 100% des gagnants ont tenté leur chance, l'intéressé a recueilli 100% des suffrages exprimés. Un triomphe? Pas vraiment". Sauf pour l'intéressé en question, tout content de répondre: "J'ai obtenu 100% des suffrages exprimés, que demander de plus?" Dans le même article, le candidat désavoué se vante d'avoir fait 42%, alors que le secrétaire de section lui en accorde 25. Peu importe le mode de calcul, ce que je retiens, c'est qu'on peut être satisfait et se croire le candidat de tous les socialistes quand on reconnaît soi-même ne représenter que 42%!

Bref, nous sommes en pleine pantalonnade, un "incroyable feuilleton à rebondissements", écrit le journaliste. Les socialistes deviennent la risée de tout Saint-Quentin. Heureusement, notre secrétaire de section, Jean-Louis Cabanes, ramène un peu de bon sens et de sagesse au milieu de cette bouffonnerie: "Dans la mesure où Jean-Pierre ne fait pas l'unanimité, nous avons souhaité saisir nos instances départementales pour pouvoir organiser en interne de nouvelles élections. J'en appelle tout simplement à la raison. On ne peut pas bafouer le vote des adhérents qui, dans leur majorité, n'ont pas voté Lançon".

Renoncer à la candidature unanime, revenir devant ceux qui sont la source de toute décision, les adhérents, oui, c'est désormais la seule solution, même si ce n'est pas la solution idéale (la candidature unanime). Mais c'est ainsi, il faut savoir composer, et en l'occurrence reculer. Cela suffira-t-il à calmer le jeu et à sortir de la crise? Je le souhaite de tout coeur mais je n'en suis pas sûr du tout. La logique de courant est redoutable. Elle ne transige pas, va jusqu'au bout. Pour avoir deux ou trois conseillers municipaux du courant, le jeu n'en vaut-il pas la chandelle? Après, perdre ou gagner, peu importe puisqu'on ne part pas gagnant. Nous sommes donc en attente de la décision fédérale (le 13 décembre) et de la décision nationale (le 15). Ce qui signifie que la campagne ne pourra commencer sur des bases solides qu'en janvier! Le maire UMP, Pierre André, est, lui, en campagne depuis 6 ans!

Et même à ces dates, rien ne sera nécessairement terminé. Imaginez le pire: la raison ne l'emporte pas, la sagesse est mise en échec, l'entêtement est le plus puissant, il faudra cependant voter à nouveau, en février, pour une liste constituée par le candidat désavoué, liste qui elle aussi, de nouveau, sera désavouée par la majorité. Nouvelle crise à l'horizon, à quelques semaines du scrutin. Vous voyez l'aspect désastreux. Vous me trouvez peut-être excessivement pessimiste ce soir. Ecoutez, il y a quelques semaines, on m'aurait décrit la situation actuelle, je ne l'aurais pas cru. Et pour cause, je me voyais candidat d'une section rassemblée! Donc, par méthode, je préfère imaginer le pire, en faisant en sorte qu'il n'arrive pas.

C'est étrange: psychologiquement (car la politique est faite aussi de psychologie), début septembre, être tête de liste socialiste, conduire une équipe unie, mener campagne contre Pierre André et Xavier Bertrand, envisager même une possibilité de victoire (en tout cas un très bon score), j'y croyais, je m'y voyais. Et puis, tout a basculé. Pourtant, ma motivation est intacte, mais elle s'est reconvertie. Ce que je veux maintenant, fortement, c'est lutter contre une injustice, c'est corriger une iniquité, c'est dénoncer un non-sens: on ne peut pas être le candidat de tous les socialistes quand on est le candidat minoritaire d'un courant. Ca, je ne pourrais jamais l'accepter, m'y soumettre. Mais quel dommage! J'aurai tellement voulu mettre mon énergie au service du combat contre la droite. Le malheur en politique, c'est qu'on ne choisit pas ses combats. Ce sont les circonstances qui décident pour vous. J'aurai aimé que celles-ci me soient plus favorables. Mais peut-être, qui sait, un jour ...


Bonne nuit.

La question humaine.

Bonsoir à toutes et à tous.

J'ai présenté hier soir, dans le cadre de mon Ciné Philo, le film de Nicolas Klotz, "La Question humaine". Un psychologue d'une grande firme enquête sur le passé trouble de l'entreprise (compromission avec le nazisme, participation au génocide) et la santé mentale de ces dirigeants. C'est un film dérangeant, aussi troublant que ce dont il veut nous parler, parfois énigmatique. J'en tire quelques réflexions:

- Avec l'informatisation des archives, la mémoire auparavant enfouie dans des papiers que personne ne consultait revient en pleine lumière, sur l'écran de l'ordinateur. C'est, si j'ose dire, le devoir informatique de mémoire. Notre société, si soucieuse de l'instant présent, plongée entièrement dans l'immédiat, est aussi, paradoxalement, obsédée par le passé, et le passé douloureux.

- L'entreprise moderne, sous une apparence de froide rationalité, est traversée par de terribles névroses. Les méthodes de management ont des allures de manipulations psychologiques. Il y a même quelque chose de sectaire dans ces thérapies de groupe chargées d'optimaliser les capacités des cadres supérieurs.

- Notre langage a cessé d'être humain, tellement il est envahi de termes techniques, technocratiques, administratifs qui ne veulent plus rien dire, qui ont perdu toute signification humaine.

- La musique, l'amour, les sentiments sont les derniers recours pour contester cet univers déshumanisé que personne ne songe à contester, tellement il s'est inscrit dans les normes sociales.

Ce que je pense de tout ça? C'est un film qui mérite d'être vu et revu, qui provoque la réflexion, qui souvent vise juste dans la description qu'il fait de l'entreprise moderne, du détournement de la psychologie (charger de soigner, elle est utilisée ici pour manipuler, et le psychologue lui-même n'est pas très bien dans sa tête!). Il n'empêche que le film est aussi porteur d'une radicalité qui me gêne: établir un parallèle entre les méthodes du nazisme et le management d'entreprise contemporain me semble outré. Dénoncer le ridicule et l'irrationalité du coatching, oui, mais le rapprocher, même de loin, de l'hitlérisme, non. Je n'aime pas trop la psychologisation à outrance de notre société, mais qu'il y ait désormais des directions des ressources humaines et des psychologues d'entreprise, en quoi est-ce plus mauvais que l'époque où on licenciait sans chercher à comprendre, où les décisions tombaient brutalement, sans appel, où l'individualisation n'était pas de mise? Veillons à notre tour à ne pas abuser du langage, à ne pas suggérer le nazisme là où il n'est pas vraiment.

Allez voir "La Question humaine", vous reviendrez avec beaucoup de questions en tête, et c'est ça l'essentiel.


Bonne soirée.

La France et la grève.

Il me semble, à écouter les infos, que la grève marche assez bien. Tant mieux. Et comme pour chaque grève, rien ne m'irrite plus que d'entendre répéter les clichés totalement faux sur "la France toujours en grève, championne du monde en la matière". Il faut tordre le cou à ces idées reçues qu'on ne remet pas en question, même parfois quand on est gréviste. A ce propos, je vous conseille la lecture d'un article de François Doutriaux, parue dans Libération du 14 novembre dernier. Cet enseignant en droit privé, consultant juridique indépendant, est spécialiste en droit du travail. Il remet efficacement les pendules à l'heure:

1- La France n'est pas un pays de grévistes. En 1976, il y a eu 4 millions de journées individuelles de grève, 3,5 millions en 1984, 2,1 millions en 1988, 900000 en 2000, 1,2 millions en 2005. Bref, la population active augmente et le nombre de grévistes diminue.

2- La part du public dans les mouvements sociaux est passée de 3% dans les années 70 à 30% dans les années 80 et 60% dans les années 90. C'est aussi le signe d'un déclin de la ferveur gréviste, puisqu'il est plus "facile" de faire grève dans le secteur public que dans le secteur privé.

3- Ce qui pénalise notre économie, ce ne sont pas les grèves, ce sont les arrêts maladies, qui peuvent parfois aussi être des formes de résistance larvée. Il y a eu 33 millions de journées non travaillées pour cause de maladie en 2005 (!).

4- De 1970 à 1990, parmi les 18 pays les plus industrialisées, la France est 11ème en nombre de jours de grève. L'Italie est 1ère, les Etats-Unis ... 8ème. De 1990 à 2005, nous restons 11ème, mais le Danemark devient le 1er, la Norvège et la Finlande venant avant nous.

5- La plupart des grèves en France ne sont pas des journées nationales avec paralysie générale de l'économie, comme on le laisse entendre, ce sont des conflits localisés. Ceux-ci représentent, de 1970 à 1990, 51,2% des journées de grève, et de 1990 à 2005, 85%. Dans cette dernière période, les grèves nationales interprofessionnelles n'ont représenté que ... 1% des journées de grève. 98% des grèves durent moins de deux jours.

Je laisse la conclusion à l'auteur très informé de cet excellent article (mais pourquoi TF1 ne le choisit-elle pas comme consultant pour inspirer le journal de ce soir, par exemple?):

"Pays le plus faiblement syndicalisé de l'Union européenne, marqué par un taux de chômage élevé et une hostilité croissante des médias à l'égard des mouvements sociaux, la France n'est pas un pays de grévistes".


Français, encore un effort pour faire grève,
et bon après-midi.

Jour de grève.

Bonjour à toutes et à tous.

Je fais grève mais je travaille quand même! Je m'explique: je ne vais pas au lycée mais j'ai chez moi quatre paquets de copies à corriger (ce qui fait exactement 115 dissertations!). Je n'irai pas manifester à Laon comme prévu. Les conseils de classe commencent dans moins de 15 jours! Bref, je profite de la grève pour travailler. Ce petit paradoxe vous montre que le travail d'enseignant n'est pas le travail de fainéant que décrivent complaisamment certains. Pour vous dire aussi que le "travailler plus pour gagner plus", nous n'y sommes pas encore!

Et c'est bien là, je crois, le point fort de cette grève, qui n'est pas une grève de fonctionnaires comme les autres. Elle prend Sarkozy au mot, elle retourne contre lui son argument essentiel de campagne, l'augmentation du pouvoir d'achat. Celui des fonctionnaires a baissé de plus de 6%, aucun rattrapage n'est prévu par le gouvernement. Et puis, il y a la volonté d'assécher les services publics au moment où il faudrait les redynamiser. Car les services publics ne vivent que par les fonctionnaires qui les animent. Au budget 2008 examiné aujourd'hui au Parlement, c'est 23000 suppressions de postes dans la Fonction publique, dont 11200 dans l'Education nationale. Et ce n'est pas fini: d'ici 5 ans, c'est 85000 emplois d'enseignants qui seront supprimés, 10% en moins!

La baisse démographique du nombre d'élèves y est-elle pour quelque chose? Elle a bon dos, la "baisse démographique". On fait toujours référence à elle, croyant exhiber un argument de bon sens. Dans les 5 prochaines années, il y aura 120000 élèves en plus. Et puis, si les autorités qui nous gouvernent croient en leur pays et en leur politique, c'est à une hausse démographique qu'ils devraient s'attendre! Enfin, le raisonnement démographique a ses limites. Une politique scolaire ambitieuse ne raisonne pas en termes de baisse ou de hausse démographique. L'Ecole doit former de plus en plus de jeunes, au nom même de la compétitivité de notre économie. Encore trop parmi eux échappent à une formation ou à une bonne formation, quitte le système scolaire sans rien. Et pour poser la question de façon plus générale: avons-nous besoin de moins de personnels de santé, de moins de policiers, de moins d'éducateurs? Il ne me semble pas. L'écrasante majorité d'entre eux relèvent de la Fonction publique. Alors, si ce n'est déjà fait, faite grève aujourd'hui!


Bonne matinée.

19 novembre 2007

La victoire de TF1.

Bonsoir à toutes et à tous.

Je vous recommande, comme souvent, la lecture de l'éditorial de Philippe Val dans Charlie-Hebdo de cette semaine. Il revient sur l'incident violent (verbalement) qui a eu lieu entre Nicolas Sarkozy et les pêcheurs. J'en avais parlé sur ce blog, considérant l'altercation comme peu banale et révélatrice de ce qu'est Sarkozy et de l'évolution qu'il imprime à la fonction présidentielle. Je vous rappelle qu'un pêcheur avait traité le président d' "enculé" et que celui-ci lui a répondant en lui demandant de venir s'expliquer, le tutoyant au passage et faisant un geste de la main qui invitait l'agresseur à venir en découdre (genre: "viens ici si t'es un homme"). Du jamais vu dans les rapports entre un président de la République et ses concitoyens, une sorte de vulgarisation de la fonction. Val va dans ce sens:

"Sarkozy inaugure une nouvelle ère: celle où le président se fait traiter d'enculé. C'est peut-être ça, la rupture. En tous les cas, quand le président y répond comme il l'a fait, il y a effectivement rupture".

A partir de cet incident, Philippe Val s'interroge sur ce qui a permis à cet homme d'arriver au pouvoir. Ses qualités personnelles? La droitisation de la société? L'affaiblissement de la gauche? Non, rien de tout ça, l'explication est ailleurs:

"Sarkozy n'est que l'épiphénomène d'un processus qui est passé par la privatisation et la montée en puissance de TF1 il y a une vingtaine d'années. La victoire de Sarkozy, c'est la victoire de TF1".

Mais de quelle façon?

"Ce sont les programmes, et non les JT, qui ont agi sur les moeurs et les mentalités. Toutes les émissions phares de la chaîne, du style "Koh-Lanta" ou "Le Maillon faible"et autres "Qui veut gagner des millions", depuis vingt ans, sont un éloge de la survie, et du "tous les moyens sont bons pour s'en sortir et malheur aux vaincus".

De ce point de vue, l'idéologie de TF1, c'est la destruction ludique de la civilisation, la fin d'un "vivre ensemble" fondé sur des valeurs de vie (la solidarité, le respect, la gratuité) au profit d'un morale (ou plutôt d'une anti-morale) de la survie (compétition, élimination, sacrifice):

"Cette élimination des faibles, qui est le ressort de toutes les émissions, pratiquement sans exception, est devenue idéologique. Si la civilisation invente la protection des faibles, c'est qu'elle a découvert que parmi eux se cachent le chétif Mozart, le cancre Einstein, le nain bancal Toulouse-Lautrec, l'aveugle Ray Charles ou l'homosexuel Léonard de Vinci. Cette exaltation des vertus nécessaires à la survie dans la nature autorise insensiblement glisser la civilisation vers une jungle "naturelle" où le bon sens règne en maître et où les meilleurs gagnent".

La formule au fronton de la chaîne TF1 n'est pas celle de nos écoles et mairies, mais individualisme, compétition, argent. Mais quel rapport avec le début de mon billet, la rencontre houleuse entre Sarkozy et les pêcheurs? La voici:

"Dans la jungle de TF1, tout le monde se tutoie. Les présidents et les marins pêcheurs. Il n'y a pas de représentants et de représentés [ il n'y a que des individus qui s'affrontent, Sarkozy déteste les corps intermédiaires, à tous les sens du terme]. Il n'y a que des proies et des prédateurs [Sarkozy, c'est l'action directe, constante, c'est le conflit permanent]. Voilà plus de vingt ans que TF1 montre dans ses émissions un peuple télévisuel qui est censé être le peuple tout court. Moche, con, sournoisement raciste, uniquement assoiffé de pognon, inculte et fier de l'être. C'est sûr: il est plus facile de pousser dans la descente que de tirer dans la montée. Donc, ça a marché. Sarkozy n'est qu'un symptôme de ce succès".

TF1 n'a pas été seulement, comme on le soutient souvent, l'agent électoral de la droite. Si elle n'avait été que cela ... Mais elle a été surtout son agent idéologique. C'est là sa plus grande victoire. Qu'est-ce qui aujourd'hui fait vivre ensemble de nombreux individus et familles, qu'est-ce qui donne un sens à leur existence, qu'est-ce qui est leur principale sinon exclusive source de divertissement et d'information? La télévision, et plus particulièrement TF1. La thèse de Philippe Val, expliquer la victoire de Sarkozy par la domination idéologique de TF1, est donc pertinente.


Bonne soirée.

Veille de grève.

Bonjour à toutes et à tous.

J'ai distribué dans chaque casier de mes collègues, lycées, collège et BTS, l'appel à la grève pour demain de mon syndicat, le SE-UNSA. J'avais demandé la réunion d'une assemblée générale des personnels à mes camarades du SNES. Inutile, m'a-t-on répondu, les collègues ne viennent pas aux AG. Ce n'est pas faux, mais sur 170 enseignants, on est tout de même à chaque fois une trentaine. Il faut faire avec. En tout cas, je ne vois pas comment faire sans. Je n'allais pas organiser moi-même l'AG. Le SE est minoritaire dans l'établissement (comme souvent dans le second degré). Car pour le coup, il y aurait eu très peu de monde. Dans le syndicalisme comme en politique, quand on est minoritaire, on agit en minoritaire, on ne se met pas en avant quand il y a peu de personnes derrière soi.

J'ai donc proposé (il faut toujours proposer!) un tract commun appelant à la grève et à la manifestation. Réponse: non, ça ne sert à rien (rien ne sert jamais à rien; mais alors on fait quoi? rien?), et puis, ça contribue à la déforestation que de gaspiller deux ramettes de papier (je n'invente pas la réponse!). La responsable du SNES a une trentaine d'années, elle fait partie d'une jeune génération de collègues syndiqués mais plutôt méfiant envers les structures collectives, assez corpos (les mots d'ordre généraux, ce n'est pas leur truc, ils veulent du "concret"), aussi individualistes que la société dans laquelle ils ont grandi (les années 90), très réactifs, impulsifs, spontanés (certains enseignants du collège ont décidé un peu sauvagement d'une grève jeudi prochain contre la dégradation de leurs conditions de travail, alors qu'ils pouvaient s'intégrer dans le mouvement de demain). Ces jeunes collègues sont au SNES parce que c'est le syndicat le plus puissant et celui qui répond le mieux à leur corporatisme. Mais leur coeur, j'en suis sûr, est du côté du Sud-Education, un syndicalisme virulent, contestataire, faisant feu de tout bois, transgressant les méthodes traditionnelles de revendication.

A 47 ans, je fais partie d'une génération intermédiaire, encore militante et politique, ce qu'on ne trouve quasiment plus chez ceux qui ont autour de 30 ans. J'ai assisté, ces derniers années, au départ des "piliers" du syndicalisme traditionnel, formés dans les années 60 et 70, le SNALC d'un côté, mené par un prof d'histoire-géo, gaulliste de bon aloi, et FO de l'autre côté, conduit par un prof de maths lambertiste rigoureux. Je ne dis pas que c'était mieux, je dis que je m'y reconnaissais mieux, et que nous avons changé d'époque en une dizaine d'années. Là encore, il faudra bien faire avec.


Bonne journée.

18 novembre 2007

Revue de presse.

Bonsoir à toutes et à tous.

Il y a des jours où on aimerait avoir tort. Par exemple ces derniers jours. Depuis des mois, depuis un an, j'explique à mes camarades socialistes qu'il faut aller unis à l'élection municipale, que pour cela il faut en discuter bien en amont, ne pas choisir au dernier moment, ne pas se disperser en plusieurs candidatures internes mais ne présenter qu'un seul candidat parce qu'il aura fait l'unanimité, parce que sa candidature aura été concertée. Plusieurs camarades, tout courant confondu, m'ont approuvé, m'ont dit que c'était une bonne idée, qu'on ne pouvait pas donner publiquement l'image de la division. J'en parle à la réunion de section de septembre. Personne, je dis bien "personne", ne conteste ce point de vue.

Résultat: nous sommes à l'opposé de ce que je voulais et de ce que voulaient de nombreux camarades. J'ai sous les yeux la presse locale de ce dimanche. C'est pire que tout ce que je pouvais imaginer. Je vous donne le titre de L'Union: "Tête de liste PS: un vote sur fond de crise". On ne peut mieux dire, hélas. Dans Le Courrier Picard, Nicolas Totet, qui connait bien et depuis longtemps le microcosme politique local, a trouvé les mots justes, vrais et cinglants (mais n'y a-t-il pas que "la vérité qui blesse"?). Sous le titre "Le psychodrame continue au PS", le journaliste résume parfaitement dans son chapeau l'état de la situation: "Seul candidat PS à la tête de liste, Jean-Pierre Lançon n'a pas obtenu la majorité des voix dans son propre camp. Désavoué, l'intéressé s'aggripe à la branche chancelante. Le maire UMP devrait bien s'amuser de cette grosse farce". Moi-même, il y a quelques jours, j'affirmais sur ce blog que nous venions malgré nous de faire à la droite le plus beau cadeau de Noël.

Dans le corps de l'article, les jugements de Nicolas Totet sont de la même veine: "Animé par l'idée de réaliser un retour fracassant, Jean-Pierre Lançon essuie, quoi qu'il en dise, un camouflet. Ne devrait-il pas revoir ses ambitions à la baisse?" L'article se termine sur l'élection cantonale de Saint-Quentin Sud. Car là aussi, c'est la division, avec deux candidats socialistes pour un seul poste! "La députée européenne Anne Ferreira, frappé par le cumul des mandats pour jouer un rôle aux municipales, a poussé Carole Berlemont comme candidate à la candidature à la cantonale de Saint-Quentin sud. D'autres tensions en perspectives".

Les derniers mots de l'article se suffisent à eux-mêmes: la droite locale "ne risque pas de trembler avec une telle commediadell'arte socialiste". Je trouve extraordinaire qu'un observateur extérieur au PS porte un regard aussi pertinent sur nos turpitudes et comprenne aisément ce que certains camarades ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre (j'ai dû au moins cinq ou six fois répondre à la question "mais pourquoi n'as-tu pas présenté ta candidature?"). Si on lisait attentivement mon blog, on n'aurait pas besoin de reposer la question, on comprendrait mon point de vue, que je ne demande pas nécessairement d'approuver (chacun son point de vue) mais au moins de comprendre. Allez acheter ces deux journaux, essayez de retrouver ces deux articles sur le Net (qui mériteraient l'un et l'autre d'être cités dans leur intégralité): vous verrez, c'est édifiant, c'est accablant!


Bonne soirée.