Une séance (trop?) normale.
Après un conseil municipal, j'aime bien vous livrer mes impressions du moment, à l'état brut. Et puis, le lendemain, comparer avec ce que la presse en dit, pour voir si la perception est proche. Je ne parle pas tant du fond que de l'ambiance qui s'en dégage, du sentiment que les Saint-Quentinois, qui n'ont pas assisté à la séance, peuvent en retirer à la lecture de la presse. Il ne faut pas se faire d'illusion : qui s'intéresse de près à la politique, qui est capable d'en saisir les nuances et les subtilités ? Ce qui reste dans l'esprit des gens, ce sont des formules, des images, une atmosphère, un ton.
Je trouve que Karine Perocheau, dans L'Aisne Nouvelle, a assez bien cerné ce qui s'est passé hier soir : "L'occasion pour l'opposition d'attaquer la majorité sur les points habituels [...] et pour Pierre André de rétorquer à grand renfort de petites phrases assassines. Bref, une séance normale [...] Le sénateur-maire Pierre André est un vieux loup de mer qui semble prendre un malin plaisir à clouer le bec de ses adversaires [...] Tout au long de ce conseil, comme toujours l'opposition a fait son job, et Pierre André a balayé d'un grand revers de manche toutes les objections".
Je ne sais pas comment le vivent les conseillers d'opposition, mais ce qui est terriblement frustrant dans un conseil municipal, c'est que la lutte est nécessairement inégale, que celui qui a le pouvoir est de fait le plus fort par rapport à ceux qui ne l'ont pas, quelle que soit la pertinence de leurs arguments. Pierre André, quoi qu'on fasse, aura toujours le dernier mot. Que faire alors ? J'ai toujours pensé que l'attaque frontale était inutile, qu'elle servait au contraire de faire-valoir à la droite, qui a besoin d'une telle "menace" pour maintenir sa cohésion.
Face à Pierre André, il faut jouer au plus fin. On pourra toujours chercher ici ou là des erreurs ou des contradictions dans ce qu'il dit, écrit ou fait, ce n'est pas ça qui peut l'atteindre. Je ne crois même pas qu'il faille s'adresser à lui ou à son équipe, mais chercher avant tout à communiquer avec l'opinion, lui délivrer un message, qui ne pourrait être que l'esquisse d'une politique alternative.
- La consultation sur les 52 projets est bidon ? Qu'est-ce que la gauche propose en matière de démocratie participative ?
- Le fixe pour les frais de représentation est critiquable ? Est-ce que la gauche propose le remboursement des frais réels ?
- Le centre ville se meurt au profit du Quai Gayant ? Qu'est-ce que la gauche envisage pour l'aménagement de la ville ?
J'arrête là, je pourrais continuer, mais je ne vois que cette stratégie-là, celle de la proposition, qui pourra redonner une crédibilité à la gauche. La contestation sèche, je n'y crois pas.
Je me dis aussi que ce diable d'homme de Pierre André est très difficile à abattre parce qu'il est non seulement le chef de la majorité ... mais aussi de l'opposition. Je veux dire par là qu'il s'est désigné des adversaires, une tête de turc qu'il ne cesse de dénoncer et combattre : l'ancienne municipalité de gauche, constamment présentée comme un repoussoir d'incompétence et de corruption.
Le plus surréaliste, c'est que l'opposition ne cherche pas à prendre sa défense, Olivier Tournay rappelant même hier qu'il ne souhaitait pas revenir sur le passé. Mais Pierre André y tient et s'en donne à coeur joie. C'est un choix tactique visiblement délibéré de sa part. Plus surréaliste encore le fait que le souffre-douleur de Pierre André, celui auquel le maire fait porter toute la responsabilité, c'est Jean-Pierre Lançon, socialiste, alors que la municipalité en question était communiste !
C'est d'autant plus étonnant que dans la précédente opposition siégait Alix Suchecki, communiste, qui avait été, excusez du peu, chargée des finances à l'époque Le Meur. Jamais, je dis bien jamais je n'ai entendu Pierre André s'en prendre à elle, lui reprocher l'incompétence et la corruption qu'il brandit aujourd'hui en direction de Lançon. Il y avait même, entre André et Suchecki, une forme de respect. J'ai l'avantage d'avoir assisté aux débats des deux mandats municipaux, de pouvoir comparer : je vous livre cette différence-là, et la drôle de situation qui en résulte. Mais à Saint-Quentin, depuis quelques années déjà, j'ai l'impression que l'idéologie la plus répandue et la plus puissante, c'est le surréalisme !
Une opposition, ce sont nécessairement des figures qui à la longue se détachent du lot, finissent par imposer leur marque, leur style, dans les joutes verbales contre le sénateur-maire. Dans l'équipe précédente, plus restreinte, c'était Grzegrzulka et Suchecki, chacune dans des styles très différents, tout en finesse chez Alix, très rentre dedans chez Odette. Dans cette opposition-ci, après plus d'un an d'exercice, je vois deux figures émerger :
- Olivier Tournay, qui a la jeunesse pour lui, une bonne élocution, très calme, sérieux. Ses interventions marquent. Peut-être lui manque-t-il un petit côté offensif, comme hier dans l'affaire des frais de représentation.
- Michel Aurigny, qui est d'une maîtrise de soi absolue, rigoureux, presque austère dans ses interventions, auxquelles il donne un fort contenu. Le reproche que je lui ferais, car nul n'est parfait, c'est que ses démonstrations intéressantes sont souvent absconses. La conviction ne doit pas être indifférente à la communication. Pierre André, et c'est là où il est très fort (un peu comme Sarkozy), sait faire passer en quelques mots, très efficacement, avec son style à lui, un message toujours très politique. Par comparaison, c'est la gauche qui semble techno ! Après, on pense ce qu'on veut du message, toujours est-il qu'il passe.
C'est quand le prochain conseil ? En septembre je suppose. On s'y remettra, avec autant de passion ...
Bonne fin d'après-midi.