La vérité, rien que la vérité.
Notre société a manifestement un problème avec ce qu'on appelle la vérité, un mot qui va tomber en désuétude si nous n'y prenons pas garde. L'affaire Farinet a montré la contamination rapide du faux par le moyen de l'internet. Le faux plaît, le faux amuse. La vérité est souvent moins marrante. En politique, je tiens beaucoup à cette valeur exigeante, la vérité. Faire de la politique, c'est lutter contre le mensonge, la tromperie, l'illusion. Immense travail!
Regardez ce qui vient de se passer avec le film et le livre "Survivre avec les loups". Voilà une oeuvre émouvante et édifiante, prompte à toucher la jeunesse et à mobiliser les écoles. J'avais d'ailleurs songé passer ce film au multiplexe de Saint-Quentin, dans le cadre des semaines contre le racisme, qui vont débuter dans quelques jours. Et j'apprends que tout était faux, archi-faux. Comment ne pas y avoir pensé plus tôt? Une petite fille juive qui fait 3.000 km à pied à travers l'Europe dévastée par la Seconde guerre mondiale et qui est protégée par des loups. Un joli conte, c'est certain, mais invraisemblable, complètement invraisemblable! Pourtant, tout le monde a marché, personne n'a douté. Les bons sentiments sont plus forts que tout, ils s'expriment au détriment de la vérité.
Autre relation difficile et complexe avec la vérité, le débat sur la hausse des produits alimentaires: le week-end dernier, le magazine "60 millions de consommateurs" annonce des augmentations vertigineuses sur des produits de base, + 48% en trois mois sur les pâtes! Les médias relaient abondemment ces statistiques, dans un contexte où le pouvoir d'achat tient la vedette. L'alimentation est visée, le jambon et le yaourt font les frais de la polémique, au moment où se tient le Salon de l'agriculture. Dans la même semaine, Grégoire Biseau, responsable du service économique de Libération, mène son enquête. Résultat: les hausses spectaculaires ne sont que très marginales, elles ne correspondent absolument pas à la moyenne générale. Pour Biseau, la polémique ne peut que servir les intérêts de la grande distribution, alors que la hausse des prix agricoles bénéficient aux pays pauvres.
Le journaliste de Libé ne s'arrête pas là dans sa dénonciation des contrevérités. Son article "Pouvoir d'achat: vérité et ressenti", dans l'édition de jeudi, est extrêmement intéressant. Sur les salaires, son jugement est très clair: classes moyennes et professions intermédiaires ont stagné, cadres et ouvriers ont légèrement augmenté, employés atypiques (temps partiel, CDD, intérim) sont en baisse, ce qui explique par exemple le mouvement de grève des caissières.
Sur le déséquilibre entre salaires et profits et l'envolée de ces derniers, Grégoire Biseau explique que la part des salaires dans la valeur ajoutée reste la même depuis la fin des années 80, mais que cette constance a été dissimulée par les profits records des patrons de CAC 40, qui représentent très peu par rapport aux PME.
Enfin, sur le pouvoir d'achat, la hausse est de 0,9% de 2003 à 2006, mais les dépenses de logement s'élèvent fortement. La hausse des prix, quant à elle, est de 2,8% sur la dernière année, le taux le plus fort depuis 1992. La hausse des produits alimentaires atteint 4,2%.
La vérité, vous le constatez, n'est pas chose facile. Mais quoi qu'il en soit, il n'y a que la vérité qui vaille.
Bonne soirée.