Les apprentis sorciers.
J'ai eu connaissance hier seulement de l'article de Libération paru lundi, consacré aux élections municipales à Saint-Quentin. Précipitez-vous pour le lire, c'est un vrai florilège, un feu d'artifice, dont je vous sélectionne les plus belles fusées. La première phrase pour commencer: "La liste d'union de la gauche de Saint-Quentin, dans l'Aisne, étonne jusqu'à ses propres membres." Il y a de quoi, en effet. Que des organisations d'extrême gauche arrivent à flouer à ce point des socialistes, c'est plus qu'étonnant, c'est stupéfiant, hallucinant! Heureusement que le responsable du MRC, Laurent Elie, se sent obligé de préciser: "Nous sommes entre adultes responsables", car il y a vraiment de quoi en douter.
Mais de quelle union s'agit-il, au juste? Les propos des uns et des autres se veulent gaillards. Ecoutez plutôt, et souriez un peu:
"Nous avons dépassé nos clivages", dit Jean-Pierre Lançon. Les clivages entre socialistes? Non, avec l'extrême gauche. Ah bon? "C'est nouveau, ça vient de sortir", aurait dit Coluche.
"Ce qui nous réunit est plus fort que ce qui nous sépare." C'est bien dit, ça sonne fort, vous ne trouvez pas? Et qui a dit ça? Anne Zanditenas, de LO. Et là, brusquement, ça sonne creux, on ne sourit plus mais on se marre carrément: où est-elle allée chercher qu'entre PS et LO, "ce qui nous réunit est plus fort que ce qui nous sépare"?
Dimitri Severac, de la LCR, célèbre l'union à sa façon, en distinguant le bon grain de l'ivraie, les "vrais" socialistes et les faux. A Jean-Pierre lançon, il décerne un brevet d'honorabilité: "Il a été pour le non au référendum européen et on le retrouve souvent avec nous dans les luttes. C'est un vrai socialiste de gauche. " Sous-entendu: les autres, ce sont des socialistes de droite! Vous avez compris: un "vrai", un bon socialiste, c'est un socialiste qui est devenu compagnon de route, force d'appoint, marche-pied électoral pour l'extrême gauche.
Et croyez-vous que cette union des poperénistes avec l'extrême gauche soit sincère? Même pas! Quelques morceaux choisis:
"On continuera à distribuer notre propagande parallèlement, tout en tractant pour la liste", précise Zanditenas. Là aussi, vous avez compris, pas besoin de faire un dessin: le beurre, l'argent du beurre et le reste. Severac est encore plus clair: "Cet accord est juste local. Un accord avec la direction du PS reste impossible." Sauf que dans cet accord, je suppose qu'il n'est pas question que des lampadaires à remplacer ou des trous dans le bitume à reboucher, mais que le principal concerne des positions politiques nationales? Donc, qui est dupes de qui, qui s'alignent sur qui, puisque nationalement, l'accord est "impossible"? La réponse, vous la connaissez, elle se confirmera au fil de la campagne, les poperénistes se sont alignés sur l'extrême gauche pour y gagner quelques sièges.
Jean-Pierre Lançon a lui aussi le mérite de la clarté: "Dans la phase de reconstruction de la gauche, c'est un peu un mini-laboratoire." Oui, vous avez bien lu, je n'invente rien: Saint-Quentin est devenu un champ d'expérimentation dont les socialistes sont les cobayes, et les popérenistes alliés à l'extrême gauche les savants fous, les apprentis sorciers. Imaginez un peu: l'union PS-extrême gauche proposée comme un futur modèle! Le communiste Jean-Luc Tournay parle, lui, d'un "test". J'hésite: sommes-nous dans l'inconscience politique, l'irresponsabilité électorale, le délire idéologique, la bêtise ordinaire, l'intelligence pervertie, ...?
Et l'article se termine par un aveu, que le journaliste a bien saisi: le but de tout ça, c'est de "malmener" Pierre André, "à défaut de le battre". Le maire peut donc dormir tranquille. Avec une telle équipe, il sera "malmené", ce qui ne le préoccupe guère, pourvu qu'il gagne. Et comment ne pas souligner le lapsus qui achève ce feu d'artifice, son bouquet final en quelque sorte: "Jean-Luc Tournay reconnaît qu' "arriver au second tour" serait déjà bien." Sauf qu'il n'y a pas de second tour quand il n'y a que deux listes! Un lapsus révélateur d'un esprit de défaite, d'un moral de battu.
Bon après-midi.