Bonsoir à toutes et à tous.
Je réagis rarement à ce qui s'écrit sur les autres blogs, y compris quand il est question de moi. Je n'aime pas "rebondir" (je laisse cette fonction aux ballons), je laisse chacun penser ce qu'il veut, je ne me détermine pas par rapport aux autres mais
par rapport à moi. Ceci dit, l'Ane Vert, reprenant ma petite plaisanterie du 4 août, m'a tiré longuement le portrait (
http://anevert.blogspot.com/ ), il est normal et courtois que j'apporte une réponse.
En le lisant, j'ai une fois de plus la confirmation que les autres ne nous connaissent pas mais que ce qu'ils en savent est
assez juste. Ainsi la peinture qui est faite de moi est relativement exacte mais inévitablement incomplète. C'est d'ailleurs une joie pour nous tous de constater qu'autrui ne peut jamais nous cerner totalement, que quelque chose toujours lui échappe. Je ne dirais donc rien de certaines passions secrètes qui m'animent, qui expliquent en partie ce que je suis mais qui ne figurent pas au tableau, et qui surprendraient peut-être.
J'en viens au premier point (j'en vois trois principaux) qui a retenu mon attention, et que je qualifierais de
psychologique, faute de mieux. L'Ane Vert estime que "le genre facétieux (m') effleure rarement", que je suis plutôt dans l' "intranquilité" et la "crispation". Oui il a raison si l'on en reste aux apparences (et je crois que les apparences apprennent quelque chose). Mais je ne suis pas certain que ce soit ma nature profonde. De ce point de vue, le commentaire de Thierry, à la suite du même billet, a tout compris.
Le deuxième point est
associatif. "Petit travailleur infatigable de l'éducation populaire", c'est bien vu, sauf que la fatigue, par moments, se fait quand même sentir. Il y a surtout cette nuance terrible (et quelque part terriblement juste) sur l'éd. pop. : "un genre (...) tombé presque en déshérence". Si c'est vrai, ma fatigue devrait être plus grande, mon action désespérée et ma lucidité prise en défaut. Mais est-il besoin d'espérer pour entreprendre ?
Le troisième et dernier point, le plus long, concerne la
politique. Là encore, je suis à peu près d'accord. "L'ambition de fédérer une gauche élargie et renouvelée à Saint-Quentin", oui c'est ça. Mais j'apporterais une forte nuance à propos de ce jugement : "Il se verrait bien en premier magistrat de la ville". Par galéjade sans doute, mais
sérieusement non. Pour plusieurs raisons qu'il me semble intéressant de développer, parce que la politique exige, à mes yeux, d'avoir une idée très claire de ce qu'on est, de ses possibilités et de ses limites.
D'abord, je n'ai pas particulièrement le
goût du pouvoir, des honneurs et des places. J'ai d'autres passions, d'autres modes de valorisation et de reconnaissance que la politique. J'aurais pu être élu en 2 001, j'aurai pu être candidat en 2 007. Dans les deux cas, j'ai refusé parce que les conditions politiques, selon moi, ne s'y prêtaient pas. Mais n'importe qui à ma place, voulant un siège ou espérant négocier une place, aurait dit oui, se serait engagé les yeux fermés. En politique, quand on veut personnellement réussir, il est déconseillé de trop réfléchir, on fonce, on s'adapte, on voit venir. Ça n'a pas été mon cas et ça ne le sera pas plus à l'avenir.
Ensuite, il serait prétentieux, déplacé, irréaliste de me voir "premier magistrat de la ville". On peut certes toujours rêver, mais on ne fait pas de la politique avec des rêves, je l'ai souvent dit. A l'heure qu'il est, je ne vois personne à gauche qui ait la carrure pour combattre Xavier Bertrand, puisque ce sera lui, c'est décidé, le prochain maire de Saint-Quentin. Il faut mettre de côté toute vanité, narcissisme ou bouffonnerie. Nous avons face à nous une véritable
bête politique, un professionnel du genre auquel il est difficile de se mesurer tellement sa catégorie est supérieure. Ce n'est pas une raison évidemment pour baisser les bras, c'est au contraire un motif d'encouragement à l'adversité, à condition de rester lucide. Etre David contre Goliath d'accord, mais jouer à la grenouille qui veut être plus grosse que le boeuf finit par vous éclater au visage.
Enfin, j'ai toujours dit, sur ce blog, que j'aurais pu faire, selon moi, un bon
chef de file de l'opposition, dans le style qui est le mien et qu'on n'est bien sûr pas forcé d'apprécier (certains commentaires se font fort de me le rappeler !). Mais je crois que j'aurais été un "petit travailleur infatigable", pour reprendre l'expression de l'Ane Vert, de l'opposition de gauche. Le sort, le hasard, les circonstances, ma volonté et celle de mes camarades en ont décidé autrement. C'est peut-être d'ailleurs mieux comme ça. Il y a une
vérité des situations contre laquelle on ne peut rien.
Mais devenir maire de Saint-Quentin, non. Leader de l'opposition, mon intention aurait été de préparer le terrain à quelqu'un d'autre, homme ou femme, en meilleure capacité que moi. Si vous me permettez cette expression, je suis plus Bonaparte que Napoléon. Conquérir une ville, battre la droite, oui. Assumer le premier rôle dans un exécutif, c'est autre chose, qui n'est pas permis à n'importe qui. "Un chef, c'est quelqu'un qui a besoin des autres" disait Paul Valéry. Je ne suis pas assez servile pour ça, si j'ose dire ! Mais
adjoint oui, je m'y serais bien vu, parce que j'aime mettre en place des projets, faire des choses.
Tout ça n'a aucune importance puisque la politique n'est pas affaire de préférences individuelles mais de décisions collectives, approuvées ou rejetées par les électeurs ensuite. A Saint-Quentin, il nous reste encore énormément de travail à faire, de lucidité à acquérir, de réforme de soi si nous voulons qu'un jour, le plus vite possible, les électeurs cessent de nous rejeter et enfin nous approuvent. J'en serais ou je n'en serais pas, c'est égal. Depuis quinze ans, sur la scène locale, nous jouons au théâtre des
Enfants du Paradis : "apparition, disparition !" La représentation de la gauche est en perpétuel changement, chaque nouvelle génération se croyant meilleure que les précédentes.
C'est humain, mais est-ce ainsi qu'on gagne ? Je tiens bon au milieu du paysage qui fluctue, des têtes qui tombent et d'autres qui poussent. Je le fais avec ce "genre facétieux" dont l'Ane Vert pense que je suis généralement dépourvu. S'il disait vrai, aurais-je pu tenir si longtemps quand autour de moi tant partaient parce qu'ils n'avaient pas obtenu satisfaction ? Il leur manquait le sens du défi ... et de la facétie. Je ne sais plus qui a dit que
l'humour était la politesse du désespoir, mais il avait bigrement raison. Ma nature ne me porte pas à désespérer, vous l'avez compris, mais ma lucidité m'oblige à admettre qu'une situation peut être désespérante. Ce qui n'empêche nullement d'agir et d'espérer.
Bonne soirée.