Verbalement correct.
Me voilà encore obligé de dénoncer le puritanisme ambiant, la police de la pensée et du langage, qui nous imposent ce que doit être le bon ton. Je veux bien sûr parler de la dérisoire agitation autour du propos de Martine Aubry ce samedi, rapprochant Sarkozy de l'escroc financier Madoff. Je n'ai pas à juger si sa formule est opportune ou pas. La question est seulement de savoir si en République on est libre d'utiliser les mots de son choix : évidemment oui !
Je m'inquiète de voir une partie de la presse jouer ce matin les vierges outragées. Fillon s'est fendu d'un communiqué moralisateur et Raffarin exige même des excuses. Ces cris de putois (ça aussi, ai-je le droit de l'écrire ou faut-il que je me censure ?) ne doivent pas nous impressionner. Mitterrand a dit pire de De Gaulle et l'a aussi écrit (relisez "Le coup d'Etat permanent"). Qui à l'époque s'en offusquait ? Personne. Contre Giscard, les noms d'oiseaux ont volé sans déclencher des réactions pudibondes.
Notre société a changé et je m'en désole. Nous sommes entrés dans l'ère du verbalement correct, où l'on ne peut plus dire grand-chose d'un peu vert sans qu'on vous le reproche. Pourtant, aux grandes heures du parlementarisme, sous la Troisième République, insultes et bons mots fusaient. C'était riche, tonique, très sain. A côté, les piques de nos politiciens contemporains, c'est du pipi du chat, de la roupie de sansonnet. Quand comprendra-t-on que la violence verbale a un effet catharsique, qu'elle nous évite la violence physique ?
Prenez la vie politique locale. C'est plutôt gentillet. Au conseil municipal (tiens, il y en a un ce soir), malgré la présence de l'extrême gauche, les échanges ne sont pas violents. Le seul qui soit resté un politique à l'ancienne, c'est Pierre André, qui n'hésite pas à attaquer très durement ses adversaires. Vous préférez Xavier Bertrand, un mot pas plus haut que l'autre, de la guimauve plein la bouche ? Moi pas.
Attention : si la vie politique se contentait de violences verbales et métaphoriques, elle ne vaudrait rien. Mais elle n'est pas que ça. Laissons donc la forme, ne retenons que le contenu : c'est là-dessus que doit se faire le débat, pas sur les mots ou les images qu'on emploie. Aubry a eu raison de dire ce qu'elle pensait, d'autant qu'elle s'adressait à une assemblée de militants, qui a inévitablement besoin d'être surchauffée. Que l'hypocrite indignation atteigne jusqu'au sommet de l'Etat, c'est consternant.
Bonne journée.