Parler aux prolos.
Je vous disais hier que notre candidate, pour l'emporter, doit parler aux bobos. Le problème, c'est qu'elle doit en même temps parler aux prolos, répondre à des préoccupations qui n'ont rien à voir avec celles des premiers. La clé et la difficulté de la campagne sont là.
Une partie de l'électorat de Le Pen a transformé son vote protestataire en vote politique, lui donnant un débouché gouvernemental en soutenant Sarkozy. Ceux qui continuent à voter FN n'attendent rien de la droite, ni de personne. Ils sont pris dans leur raideur idéologique ( un électorat d'extrême droite) ou dans leur souffrance sociale ( ils optent pour le pire plutôt que pour le reste).
Ce sont ces derniers auxquels nous devons nous adresser, travailleurs pauvres, smicards, salariés faiblement rémunérés, habitants des quartiers ou des villages abandonnés. Ils ne sont pas foncièrement d'extrême droite (le programme économique de Le Pen est ultra libéral!), ils le deviennent par dépit ou désespoir. Ces prolos sont l'envers des bobos, et nous avons pourtant besoin des uns et des autres pour vaincre la droite. Voici les thèmes sur lesquels il faudra insister si nous voulons les convaincre:
- Le pouvoir d'achat. Des millions de personnes dans notre société de confort et de consommation vivent mal parce que les salaires sont trop bas et que nulle perspective d'avancement ne leur est proposée. Dans le même temps, la richesse s'étale à la télévision et dans les magazines. Les socialistes doivent rappeler qu'ils sont pour la hausse du SMIC et la revalorisation des bas salaires.
- L'emploi. Notre société, confrontée depuis un quart de siècle à un chômage de masse, est anxiogène pour des millions d'individus. Une situation normale peut vite sombrer dans le drame, quand s'accumulent les malheurs: divorce, perte d'emploi, problème de santé. Vous vous souvenez de ce sondage stupéfiant il y a quelques mois: la moitié des français n'excluaient pas de devenir SDF! Il faut absolument que la gauche donne une consistance à la "sécurité sociale professionnelle", qu'elle protège le travail, des plus jeunes et des plus âgés.
- La sécurité. J'entends ce mot au sens large, le sentiment de sécurité dans la vie, et pas uniquement la protection policière des biens et des personnes. En trente ans, notre société a complétement changé, les moeurs ont été bouleversées, l'autorité et la morale ne sont plus ce qu'elles étaient. Les bobos, qui sont les promotteurs de cette révolution, s'en réjouissent. Les prolos vivent parfois mal des évolutions qui ne les concernent pas directement, qu'ils ne comprennent pas ou qui heurtent leur représentation de la vie. "L'ordre juste" de Ségolène est censé remettre "les choses à leur place".
- La mondialisation. Les bobos là encore s'en réjouissent, leurs enfants vont étudier et peut-être s'installer à l'étranger. Les prolos, non. La réalité d'aujourd'hui n'est pas nécessairement celle des magazines et des plateaux de télévision. Dans l'Aisne, la mobilité des personnes est très réduite. Qui peut mesurer les conséquences psychologiques de ce monde qui entre désormais dans nos vies via la télévision? Pour beaucoup, mondialisation rime avec délocalisation et donc licenciement. La dilution de la France dans l'espace européen et mondial peut être traumatisante pour qui a vécu, après de nombreuses générations, dans le cadre national. Ségolène Royal devra faire oeuvre de pédagogie pour expliquer ces progrès appréhendés comme des régressions.
Il nous reste donc beaucoup de travail militant dans les dix derniers jours.
Bonne journée.